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10 novembre 2014 1 10 /11 /novembre /2014 18:31

Ibn Taïmiya et le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah

(Partie 3)

Voici un autre passage tronqué et utilisé par les pros takfir des émirs, indépendamment de savoir s’ils l’ont fait consciemment ou non

Les parties tronquées ou non citées sont entre crochets, et les trois petits points marquent la démarcation entre deux passages utilisés séparément, alors qu’ils se suivent (le second étant à la page suivante), ce qui en soi n’est pas synonyme de truquage :

« Nul doute que quiconque n’est pas convaincu qu’il incombe d’appliquer les Lois qu’Allah a révélées à Son Messager est un mécréant. Quiconque autorise moralement (istahalla) à régner sur les hommes selon ce qu’il croit être juste, sans se conformer aux Lois d’Allah est un mécréant.

Toute nation en effet aspire à faire régner la justice qui peut être appréciée, dans certaines éthiques, par l’élite. Bon nombre de communautés affiliées à l’Islam se permettent elles-mêmes de se référer à leurs coutumes qui n’ont aucun lien avec la Révélation, comme les coutumes bédouines ou celles qui sont sous l’autorité d’un chef ; celles-ci pensent qu’il convient de suivre ces conventions aux dépens du Coran et de la sunna. La mécréance correspond exactement à cela. Beaucoup de gens qui se convertissent à l’Islam ne se soumettent pourtant qu’à leurs traditions en usage.

Dans la mesure où ces derniers savent pertinemment qu’il n’est pas permis de mettre de côté les Lois d’Allah, s’ils n’y adhèrent pas (iltazama), ou si au contraire ils autorisent moralement (istahallû) à appliquer des lois contraires, ils sont de vulgaires mécréants, [ou sinon, de simples ignorants].

Allah a ordonné aux musulmans de soulever leurs litiges éventuels à Allah et au Messager à travers le Verset : [Si vous avez le moindre litige, alors ramenez-le à Allah et au Messager, si vraiment vous croyez en Allah et au Jour du jugement dernier ; cela vaut mieux pour vous et aura de meilleures conséquences],[1] [Non, par Allah ! Ils ne peuvent prétendre à la foi tant qu’ils ne te soumettent pas leurs litiges, et qu’ensuite, ils ne soient pas infligés par ton jugement en s’y soumettant totalement].[2]

Allah jure par Lui-même que celui qui n’adhère pas (iltazama) au jugement d’Allah et de Son Messager pour les litiges qui opposent les musulmans n’a pas la foi. Quant à celui qui adhère intérieurement et extérieurement au jugement d’Allah, mais qui, dans un élan de désobéissance, obéit à ses passions, est considéré comme les autres désobéissants musulmans. [C’est ce genre de Versets que les kharijites utilisent pour kaffar les gouverneurs qui n’appliquent pas les Lois d’Allah. Puis, ils prétendent que leur croyance est conforme à la Loi d’Allah…] »[3]

Définition de l’istihlâl

« l’istihlâl, c’est de croire que [cette chose] est autorisée. »[4]

L’istihlâl fait sortir de la religion à l’unanimité des savants

« Il est connu de façon élémentaire à l’unanimité des musulmans que celui qui permet (sawwa’a) de suivre une autre religion que l’Islam est un mécréant, au même titre que celui qui ne croit au Livre qu’en partie. »[5]

« À partir du moment où quelqu’un autorise une loi qui est licite à l’unanimité des savants, ou bien une autre qui est illicite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi (tabdîl e-shar’) qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[6] Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) à ne pas appliquer les lois d’Allah. »[7]

Dans un autre passage, il souligne : « En explication à cela, nous disons que celui qui commet des péchés tout en les autorisant moralement (mustahill) est un mécréant à l’unanimité. Celui qui autorise moralement les interdictions venues dans le Coran ne peut prétendre à la foi. »[8]

Il dit également : « Nul doute que quiconque n’est pas convaincu qu’il incombe d’appliquer les Lois qu’Allah a révélées à Son Messager est un mécréant. Quiconque autorise moralement (istahalla) à régner sur les hommes selon ce qu’il croit être juste, sans se conformer aux Lois d’Allah est un mécréant. »[9]

L’innovation est une forme de tashrî’ et de tabdîl

Bon nombre de savants, à l’instar d’ibn Taïmiya lui-même,[10] utilisent le Verset suivant pour interdire l’innovation, considérée comme une forme de tashrî’ : [ont-ils des associés pour leur légiférer dans la religion d’Allah des lois sans recevoir Son aval ?][11]

En explication au Verset : [Ils ont pris leurs prêtres et leurs moines pour des maitres en dehors d’Allah],[12] ibn Taïmiya explique qu’il existe deux sortes d’obéissance aveugle. Pour la première, il s’agit de les suivre dans le tabdîl. Autrement dit, les suivre dans la croyance que telle interdiction est autorisée ou que telle autorisation est interdite, ce qui est une forme… d’istihlâl. Pour l’autre, il s’agit de les suivre par désobéissance envers Allah, tout en étant convaincu qu’ils enfreignent Ses Lois.[13]

Ailleurs, il explique que le terme législation (sharî’a, shar’) revêt trois sens dans l’usage :

  1. La Loi révélée (shar’ munazzal) : qui correspond aux enseignements du Prophète (r) auxquels il incombe de se conformer et de punir celui qui les transgresse.
  2. La loi interprétée (shar’ muawwal) : qui correspond aux opinions des savants mujtahidîn, comme les fondateurs des quatre écoles ou autre. Il est toléré de suivre ces opinions sans que cela ne prenne un caractère obligatoire ni interdit. il n’est permis à personne d’imposer ou d’interdire aux gens de suivre l’une de ces tendances.
  3. La loi changée (shar’ mobaddal) : c’est le fameux tabdîl qui consiste à mentir sur Allah, sur Son Messager, et sur les hommes à travers les faux témoignages, l’injustice éclatante, etc. Quiconque attribue ces choses à la Législation divine devient mécréant, sans contestation possible. C’est le cas de celui qui prétend que le sang et la viande morte sont licites.[14]

Concernant le mauvais ta-wîl, ibn Taïmiya met sur le même pied d’égalité le taqlîd aveugle à une école de figh ou à une voie soufie, les hadîth forgés, les innovations et le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah.[15] Il parle même des qânûn (codes) forgés par les adeptes du kalâm, et qui ne se basent sur aucune révélation. En cela, ils sont pires que les Juifs et les chrétiens, ou en d’autres termes les gens du Livre ont un plus grand respect de leurs références qu’eux sur ce point.[16]

Exemple de tabdîl dans la bid’a

Quant à l’appellation « les sept mosquées », elle n’a aucune origine historique. Il est vrai qu’ibn Zabâla nomma masjid el fath, mais il est connu pour être un menteur, comme en témoigne les grandes références traditionnistes. Il est mort à la fin du deuxième siècle. Plus tard, l’historien ibn Shabba la cita également. Il est notoire que les historiens ne portent pas leur attention sur les chaines narratives et l’authenticité des hadîth. Ils se contentent de rapporter ce qu’ils entendent. Ils se reposent sur l’information du rapporteur, comme l’explique l’érudit Imam ibn Jarîr dans son ouvrage e-târîkh. Ainsi, en regard purement des textes, les noms de ces mosquées ou ne serait-ce qu’un seul d’entre eux, n’ont aucune origine qui reposerait sur une chaine narrative authentique. Les Compagnons veillaient à transmettre tous les faits et gestes du Prophète (r). Rien ne leur échappait, pas même la façon dont il faisait ses besoins.

Ils nous ont rapporté notamment que le Prophète (r) se rendait toutes les semaines à la mosquée de Qubâ, et qu’il visita les martyrs d’Uhûd peu avant de mourir, comme pour leur faire ses adieux. Les recueils de sunna regorgent d’annales de ce genre. Les grands érudits et historiens ont enquêté sur l’origine des noms qu’on attribue à certaines mosquées de Médine. Le grand savant e-Samhûdî témoigne : « Je n’ai trouvé aucune origine à toutes ces appellations. » Ailleurs, il confirme : « … en sachant que je n’ai rien trouvé sur l’origine de ces appellations ni à qui sont affiliées les deux mosquées précédemment citées dans les paroles d’el Matarî. »

Quant à Sheïkh el Islam ibn Taïmiya, il est l’auteur des paroles : « En résumé, les Compagnons et leurs fidèles successeurs n’ont érigé aucune bâtisse sur les traces historiques des prophètes comme les endroits où ils étaient passés, où ils firent la prière ou quelque chose de précis. Ils n’ont jamais construit une mosquée spécialement en l’honneur des vestiges des prophètes et des pieux. Leurs imams à l’instar d‘Omar ibn el Khattâb interdisaient de choisir comme lieu de prière l’un des endroits où le Messager d’Allah (r) fit la prière sans intention particulière. » Ensuite, il mentionne qu‘Omar, mais aussi les autres Compagnons (les quatre Khalifes, les dix promus au Paradis, ibn Mas’ûd, Mu’âdh ibn Jabal, Ubaï ibn Ka’b, etc.) ne venaient pas intentionnellement faire la prière dans ces endroits.

Puis, Sheïkh el Islam souligne que de nombreuses mosquées parsèment la ville de Médine. En dehors de Qubâ, il n’y a aucun mérite particulier à faire la prière dans l’une d’entre elles. « Les mosquées et les mausolées construits au-dessus des tombes et des vestiges sont des innovations introduites dans la religion musulmane. Elles sont à mettre au compte de ceux qui ne pénètrent pas la Législation divine révélée à Mohammed (r). Celle-ci se particularise pour, d’une part, inviter à parfaire l’unicité et à rendre le culte exclusif au Seigneur de l’Univers. D’autre part, elle ferme toutes les portes menant à l’association, et qui furent ouvertes par Satan. »[17] Fin de citation.

Dans son livre el i’tisâm, e-Shâtibî affirme pour sa part : « Quand ‘Omar se rendit compte que les gens allaient prier exprès à l’endroit où le Messager fit la prière (r), il s’exclama : « C’est de cette façon que les peuples avant vous coururent à leur perte ; ils cherchaient les vestiges de leurs prophètes pour construire dessus leurs églises et synagogues. » Dans ce registre, il dit également : « ibn Wadhdhâh affirme que l’Imam Mâlik arborait toute innovation, même pour les bonnes choses, car il craignait qu’on en fasse une tradition, et qu’on légifère une pratique qui n’était pas connue auparavant. » Fin de citation.

Ailleurs, e-Shâtibî donne de plus amples détails : « Ibn Kinâna fut interrogé au sujet des sites historiques de Médine. Ce dernier répondit : « Qubâ est le seul reconnu d’entre tous… Selon une annale certifiée, ‘Omar fit couper l’arbre auprès duquel certains gens se rendaient pour faire la prière. Il craignit qu’il devienne une tentation (fitna). Dans akhbâr el Madîna, d’Omar ibn Shabba, et après lui, el ‘Aïnî dans sharh el Bukhârî, de nombreuses mosquées sont recensées, mais aucune d’entre elles n’était désignée sous le nom des sept mosquées. Même masjid el fath ne figure pas dans la liste, en sachant qu’elle doit son nom à Abû el Haïja, le wazir de la dynastie ‘Ubaidite dont la tendance n’est un secret pour personne. Ces mosquées devinrent un lieu d’attraction pour beaucoup de visiteurs qui y allait pour la prière et la baraka, lors de leur séjour à Médine.

Malheureusement, nombre d’entre eux sont induits en erreur. Cette pratique est pourtant une innovation manifeste. La présence de ces mosquées va en contradiction avec l’un des principes et des enseignements de la religion qui commande de vouer le culte exclusif à Allah. La sunna nous enjoint de les enlever, conformément au hadîth : « Toute action non conforme à notre ordre sera refusée. »[18] Nous avons le devoir de les enlever pour éviter toute mauvaise tentation, pour prévenir contre le shirk, et pour garder pure la croyance des musulmans. En outre, c’est un moyen de préserver l’unicité et d’imiter le Khalife bien guidé, le Prince des croyants ‘Omar ibn el Khattâb. Ce dernier en effet fit couper l’arbre sous lequel les Compagnons firent allégeance au Prophète (r) à el Hudaïbiya, lorsqu’il se rendit compte qu’il était devenu un lieu d’attraction. Il craignait pour eux, la fitna. Il expliqua que les peuples anciens coururent à leur perte en se mettant à l’affut des traces des prophètes, sans que cela ne leur fût demandé. Ils forgeaient ainsi des lois sans le consentement d’Allah. » Fin de citation.[19]

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

[1] Les femmes ; 59

[2] Les femmes ; 65

[3] Manhâj e-sunna (5/130-131).

[4] E-sârim el maslûl (3/971). Ibn el Qaïyim a des paroles de ce genre [voir : ighâthat e-lahfân (1/372)].

[5] Idem.

[6] Le repas céleste ; 44

[7] Majmû’ el fatâwâ (3/267).

[8] E-sârim el maslûl (2/971).

[9] Manhaj e-sunna e-nabawiya (5/130).

[10] Voir : el istiqâma (1/5) et iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (2/582).

[11] La concertation ; 21

[12] Le repentir ; 31 En s’inspirant de ce Verset, ibn Taïmiya souligne : « Beaucoup d’adeptes mystiques se plient à la volonté de personnes encensées à leurs yeux dans tout ce qu’elles ordonnent, même si elles rendent licite un interdit ou illicite les bonnes choses. » Iqtidâ e-sirât el mustaqîm (1/90). Dans bughya el murtâd (p. 496-497), il renchérit : « Dans ce registre, l’égarement a gagné certaines tendances à la manière des chrétiens. » Allah (I) dit : (Ils ont pris leurs moines et leurs prêtres pour des seigneurs en dehors d’Allah ainsi que Jésus, fils de Marie. Pourtant, il ne leur avait été ordonné de n’adorer qu’un seul dieu. Nulle divinité en dehors de Lui. Qu’Il soit glorifié au-dessus de leur association). Il a été rapporté à ce sujet les paroles suivantes du Prophète : « …ils leur ont autorisé l’illicite et leur ont interdit le licite ; telles étaient leur forme d’adoration. » Les lendemains furent tragiques. Qu’Allah nous en préserve ! »

[13] Voir : majmû’ el fatâwâ (7/70).

[14] Majmû’ el fatâwâ (3/268).

[15] Voir : majmû’ el fatâwâ (11/431 et 507).

[16] Dar ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/5-7).

[17] Dans cet article, ibn Taïmiya nous offre son analyse sur l’origine des mausolées : http://mizab.over-blog.com/le-shirk-partie-1

[18] Rapporté par Muslim (1718) et Ahmed (6/256).

[19] Voir : fatwâ du Conseil permanent sur les règles de la ziyâra ; Fatwa n° 19729 en date du 27/6/1417 h.

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