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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 09:55

Ibn Bâbtîn

(Partie 9)

Remarque

Pour finir, j’aimerais attirer l’attention sur deux points.

1- Ce n’est pas parce que certains innovateurs tirent à leur avantage certains textes d’ibn Taïmiya et de son élève qu’il faut les rejeter. Il suffit simplement de les orienter dans le bon sens. Sheïkh Sulaïman ibn Sahmân rapporte les paroles suivantes d’ibn Jarjîs : « Il n’est pas simple de kaffar le musulman. Les savants, comme Sheïkh ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim, sont unanimes à dire que l’ignorant et celui qui commet une erreur et appartenant à cette communauté, fait un acte qui, en principe doit le rendre mushrik ou kâfir, est excusable (ya’dhur bi el jahl wa el khata), jusqu’à ce qu’il ait connaissance de la preuve prophétique de façon claire et limpide et qu’il n’ait aucune confusion sur la question. »

Puis, il explique : « Quant à taxer de kâfir un musulman, nous avons vu que les wahhabites ne kaffar pas les musulmans. Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait partie de ceux qui prennent le plus de précautions avant de se prononcer sur le takfîr, à tel point qu’il n’est pas formel sur l’ignorant qui implore un autre qu’Allah parmi les occupants des tombes ou autres, s’il ne trouve personne pour le conseiller et pour lui faire parvenir la hujja par laquelle tous ceux qui s’y opposent deviennent mécréant. »[1]

C’est exactement le discours d’ibn Taïmiya disant : « En principe, toute parole qui relève de la mécréance, selon le Livre d’Allah, la sunna et le consensus des savants, est jugée ainsi dans l’absolu (qawl yutlaq), comme le prouvent les arguments textuels ; la foi fait partie des lois qui émanent d’Allah et de son Messager. Elle n’est pas laissée à l’initiative des hommes laissant libre court aux passions et aux suspicions. De plus, toute personne disant ces paroles n’est pas nécessairement un kâfir sans remplir les conditions ni écarter toute restriction possible pour le devenir. »[2]

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân reprend ce passage avant de faire le commentaire suivant : « C’est exactement ce que nous disons. Nous n’ajoutons pas une lettre à ce discours. Il est même plus catégorique que le nôtre ; il renferme le takfîr de certains points subsidiaires qui sont bien loin de la question sur laquelle nous divergeons…

Notre Sheïkh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb établissait dans ses assemblées et ses lettres qu’il n’avait pas recours au takfîr avant l’iqâma el hujja… si telle était la tendance de notre Sheïkh – qu’Allah lui fasse miséricorde –, alors comment peut-on lui imposer… et prétendre qu’il kaffar sans faire de détail. »[3] Sulaïmân ibn Sahmân a retranscrit les paroles précédentes de son Sheïkh sans en faire le moindre commentaire, ce qui a valeur de consentement.

Plus loin, il répond à une accusation accolée à ibn ‘Abd el Wahhâb en disant : « Les paroles de Sheïkh el Islâm dans lesquelles il s’abstient de kaffar des cas particuliers font allusion à des questions bien précises, et pour lesquelles il est peut-être difficile pour certains gens de pénétrer les arguments… Leur opinion qui implique de renier les textes relève ainsi de la mécréance, mais nous ne taxons pas leur auteur de kâfir, car il est possible qu’une restriction fasse obstacle à notre jugement ; des restrictions comme l’ignorance, la méconnaissance du texte en question ou de ses arguments. Les Lois divines ne sont pas imposables aux hommes avant qu’elles ne leur soient parvenues.

Son texte [en parlant d’ibn Taïmiya] fait allusion aux innovateurs. D’ailleurs, il le dit explicitement lui-même. Après avoir exposé, en effet cette question où il cite certains leaders du kalâm, il conclut : « Il est possible, pour les questions subtiles, de ne pas kaffar le fautif, contrairement aux questions claires et évidentes, ou qui touchent aux notions élémentaires de la religion. Auquel cas, il devient un mécréant sans la moindre hésitation. » »[4]

Or, nous avons vu à maintes reprises qu’aux yeux d’ibn Taïmiya la notion de subtilité est relative ; celle-ci varie en fonction des époques, des endroits et des personnes. De nombreux passages de ses ouvrages vont dans ce sens. Il va jusqu’à donner des circonstances atténuantes à des ignorants influencés par le jahmisme et le monisme-panthéisme,[5] alors que, comme nous l’avons vu plus haut, il kaffar leurs leaders. Mieux, il va jusqu’à trouver des excuses à des ignorants imprégnés du dogme ésotérique, l’une des croyances les plus éloignées de l’Islam comme nous l’avons vu plus haut. Au sujet d’un autre passage d’ibn Taïmiya, ibn Sahmân dit explicitement : « Les paroles d’ibn Taïmiya sont vraies et incontestables. Un homme sensé, et à fortiori un savant, ne peut nullement les contester. Nous y donnons foi et c’est exactement notre croyance. »[6]

2- Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn tient également compte du ta-wîl dans les questions du takfir, lui l’auteur des paroles : « … un certain nombre de savants affirment explicitement qu’en le faisant (sortir les savants de l’Islam ndt.) par une erreur d’interprétation (ta-wîl), on ne devient pas mécréant. »[7] Ainsi, la plupart des légistes accordent l’excuse de l’ignorance aux kharijites, étant donné qu’ils ne les sortent pas de l’Islam !

Ailleurs, il établit que ces règles sont valables également pour les péchés qui ne font pas sortir de l’Islam : « Les textes de la menace divine sont vrais. Cependant, nous ne disons pas qu’un individu en particulier est concerné par cette menace. Nous ne vouons pas à l’Enfer un cas particulier affilié à l’Islam. Il est possible en effet que les conditions ne soient pas réunies dans son cas ou qu’une restriction vienne s’interposer. Il se peut notamment qu’il n’ait pas entendu parler de l’interdiction en question, etc. »[8]

Il explique également que la menace qui plane sur celui qui accuse injustement son frère de mécréant n’est pas forcément à prendre au sens propre. En s’appuyant sur une analyse d’e-Nawawî, il recense les différentes opinions avancées par les savants en explication à ces hadîth qui à première vue posent problème. Du domaine des grands péchés, le takfîr illégitime d’un musulman n’entre pas dans les annulations de l’Islam. Au nombre de cinq, ces interprétations résolvent ce problème. Interprétations que nous présentons comme suit :

  1. En autorisant moralement (istihlâl) à sortir un musulman de la religion, on devient un mécréant.
  2. Le péché de sortir quelqu’un de la religion revient sur l’auteur de l’accusation.
  3. Ces hadîth parlent des kharijites connus pour jeter la vindicte sur leurs coreligionnaires. Cette tendance est la plus faible, étant donné qu’aux yeux des grands spécialistes et de la plupart des savants, les kharijites ne sont pas des apostats. Ils ont le même statut que la plupart des innovateurs.
  4. Sortir quelqu’un de la religion ouvre la porte à la mécréance. En abusant des péchés en général, on risque de sombrer dans l’apostasie.
  5. L’accusation se retourne contre lui dans le sens où elle s’adresse à un musulman comme lui, et qui, de surcroit, n’a pas porté ce jugement contre lui.[9]

Wa Allah a’lam !

Par : Karim Zentici

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[1] Dhiyâ e-Shâriq (p. 371-372).

[2] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[3] Kashf e-shubhataïn (p. 75-76).

[4] Idem. (p. 83).Voir également : Kashf el awhâm wa el iltibâs d’ibn Sahmân (p. 48).

[5] Voir : E-rad ‘alâ el bakrî (2/494) et Majmû’ el fatâwa (1/113).

[6] Kashf e-shubhataïn (p. 68).

[7] E-durar e-saniya (10/360).

[8] E-durar e-saniya (12/89).

[9] E-durar e-saniya (10/360-364).

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