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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 16:49

Aimmat e-da’wa et le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah

(Partie 2)

Sheïkh Hamd ibn ‘Atîq

Dans l’un de ses ouvrages, Sheïkh Hamad ibn ‘Atîq traite des annulations de l’Islam.[1] La quatorzième consiste à ne pas soumettre ses affaires (tahâkum) au Coran et à la sunna. Pour appuyer ses dires, il reprend en partie le texte d’ibn Kathîr que nous avons utilisé dans le tashrî’,[2] et que voici : « … C’est un livre qui rassemble diverses lois puisées des législations juive, chrétienne et musulmane. Nombre d’entre elles sont le fruit de ses pensées et de ses penchants. Le Yâsiq fut transmis à ses héritiers qu’ils préféraient dans leurs affaires au Livre d’Allah et à la tradition de Son Messager (r). Or, celui d’entre eux qui relève de ce cas, devient un mécréant qu’il incombe de combattre jusqu’à ce qu’il se soumette au Coran et à la sunna. Il n’incombe de rien suivre d’autres dans la moindre des lois. »[3]

Ensuite, il utilise le texte de Minhâj e-sunna cité précédemment : « La mécréance correspond exactement à cela. Beaucoup de gens qui se convertissent à l’Islam ne se soumettent pourtant qu’à leurs traditions en usage. Dans la mesure où ces derniers savent pertinemment qu’il n’est pas permis de mettre de côté les Lois d’Allah, s’ils n’y adhèrent pas (iltazama), ou si au contraire ils autorisent moralement (istahallû) à appliquer des lois contraires, ils sont de vulgaires mécréants... »[4] Il s’agit bien en effet de l’istihlâl, en sachant que désormais, nous en pénétrons mieux les contours, qu’Allah soit loué ![5]

Ismâ’îl ibn Ibrahim el Is’ardî, un contemporain, reprend également quasiment mot pour mot le passage de Minhâj e-sunna pour parler de l’istihlâl.[6]

La définition du hukm et de tahâkum

Le problème reste de délimiter le sens de hukm et de tahâkum. Dans le v. 44 de la s. el mâida, la phrase est construite de telle façon (avec les ism mawsûl « » et « man »), qu’aucune distinction n’est faite entre les fautifs ni entre les formes de désobéissance. Ibn Hazm explique au sujet des trois Versets de la s. el mâida : « Si les mu’tazilites s’en tiennent à leur raisonnement, ils doivent nécessairement sortir de l’Islam tout désobéissant, tout homme injuste ou pervers, étant donné que l’auteur d’un péché lam yahkum bi mâ anzala Allah. »[7] Selon lui, toute croyance, ou auteur d’une parole ou d’un acte est relativement un hâkim (cela concerne donc les innovateurs).[8] Ibn Taïmiya explique notamment : « Toute personne qui doit trancher entre deux parties prend la place de juge ; cela concerne aussi bien le militaire que l’administrateur des comptes, ou l’employé du service de la morale publique. Les Compagnons considéraient même les enseignants des enfants comme des responsables de l’autorité (hukkâm). »[9]

Sans entrer dans les détails, de façon plus stricte, Sheïkh Mohammed ibn Ibrahim explique que soumettre ses affaires (tahâkum) à des directions non religieuses est propre au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah.[10]

Le dhâbit e-shirkî du v. 44 de la s. el mâida

Si cela claire, il faut savoir que lorsque Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb affirme que le gouverneur qui n’applique pas les Lois d’Allah est un taghût,[11] il parle de celui qui le fait avec istihlâl. On interrogea son fils ‘Abd Allah : « Est-il permis de soumettre ses affaires (tahâkum) à une autre référence que le Coran ?

  • Cela n’est pas permis, répondit-il. Celui qui le fait en l’autorisant moralement devient mécréant. »[12]

Nous pouvons mieux comprendre désormais les paroles d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan qui ressemblent énormément à celles d’ibn Taïmiya de Minhâj e-sunna citées plus-haut, et disant : « … la sunna est venue pour expliquer que l’obéissance doit se faire dans les limites du convenable ; ces limites correspondent aux actes obligatoires et recommandés qu’Allah a imposés et agréés pour Ses serviteurs. Il est cependant interdit de se référer à des jugements qui puisent leur source dans une législation illégitime, et qui vont à l’encontre du Coran et de la sunna, comme les lois grecques, franques, tatares ; tous ces codes qui proviennent de leurs propres réflexions et penchants. Nous pouvons en dire autant des coutumes et des traditions bédouines en usage. Quiconque les autorise moralement (istahalla) dans les affaires de sang ou autre est un mécréant. Allah (I) révèle à ce sujet : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Certains exégètes expliquent au sujet de ce Verset qu’il s’agit ici du kufr dûn el kufr el akbar. Ils en comprennent en effet qu’il englobe également celui qui n’applique pas les lois d’Allah, sans toutefois l’autoriser moralement.

Néanmoins, ils ne contestent pas que son sens général concerne celui qui l’autorise moralement, et qu’il sort ainsi de la religion. »[13]

Dans un autre endroit, il explique : « Tu as évoqué la différence au sujet des bédouins, entre ceux qui autorisent moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah (istihlâl) et ceux qui ne le font pas. Cette tendance est celle qui est en vigueur, et elle est la référence chez les savants. »[14]

En commentaire à ce dernier passage, son élève Sulaïmân ibn Sahmân est encore plus éloquent : « C’est-à-dire : celui qui autorise moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah et qui préfèrent la loi du tâghût à celle d’Allah… celui qui a cette croyance est un mécréant. En revanche, celui qui ne l’autorise pas moralement, qui considère que la loi du tâghût est complètement fausse, et que la Loi d’Allah et de Son Messager incarne la vérité, n’est pas un mécréant et ne sort pas de l’Islam. »[15]

Plusieurs citations d’anciens vont dans ce sens

D’après ibn Wahb, selon Bukaïr, ce dernier demanda à Nâfi’ : « Quelle est l’opinion d’ibn ‘Omar sur les Harûrites ?

  • Pour lui, ils sont les pires des hommes, répondit-il, car ils utilisent contre les musulmans des Versets qui furent révélés sur les mécréants. »

Très content de cette réponse, Sa’îd ibn Jubaïr fit le commentaire suivant : « Parmi les Versets ambigus que les harûrites utilisent, nous avons : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants][16] ; un Verset auquel ils font joindre : [Après cela, les mécréants lui donnent des égaux].[17] Dès qu’ils voient que l’Imam ne gouverne pas avec justice, ils prétendent qu’il devient mécréant. Or, étant donné que la mécréance consiste à donner des égaux au Seigneur, cela revient à commettre l’association. Ainsi, à leurs yeux, les membres de cette communauté sont des païens.

C’est alors qu’ils – les harûrites – s’insurgent et répandent le meurtre, comme nous avons pu le voir, en raison de l’interprétation erronée qu’ils font de ce Verset. »[18]

El Qurtubî : « Là où nous voulons en venir dans cette analyse, c’est que ces Versets s’adressent aux mécréants et aux négateurs. Bien qu’ils aient un sens général, les musulmans n’en sont donc pas concernés. Délaisser (tark) la Loi d’Allah tout en donnant foi à son origine est moins grave que le shirk (association), en sachant qu’Allah (I) révèle : [Allah ne pardonne pas qu’on Lui associe quoi que ce soit, mais il pardonne les péchés moindres à qui Il veut].[19] Ainsi, délaisser le hukm de cette manière est un péché moindre que le shirk à l’unanimité des savants. Il est donc pardonnable, alors que le kufr est impardonnable. Délaisser l’application du hukm n’est donc pas du kufr. »[20] Il explique la page juste avant que ce sont les kharijites qui prennent ce Verset au premier degré.

‘Abd el ‘Azîz ibn Yahyâ el Kinânî fut questionné au sujet des trois Versets qui font tant polémiques. Voici quelle fut sa réponse : « Ceux-ci concernent tout ce qu’Allah a révélé, non une partie. Ainsi, celui qui n’applique pas les Lois d’Allah est un kâfir, un zhâlim, et un fâsiq. Quant à celui qui applique les Lois d’Allah dans le domaine du tawhîd et qui délaisse (tark) l’association, puis qui n’applique pas toutes les Lois d’Allah dans le domaine de la Législation, il n’est pas concerné par le statut de ces fameux Versets. »[21]

À suivre…

Par : Karim Zentici

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[1] Remarque concernant les égarés qui pêchent en eau trouble : Sheïkh ‘Abd Allah ibn ‘Abd el ‘Azîz el ‘Anqarî présume que ces gens-là avaient dû s’inspirer du livre e-dalâil de Sheïkh Sulaïmân ibn ‘Abd Allah âl e-Sheïkh et de sabîl e-najât de Hamad ibn ‘Atîq… il explique notamment qu’il faut replacer les choses dans leur contexte et que Sheïkh Sulaïmân composa son ouvrage à l’occasion de l’invasion turque du territoire du Najd. Ces armées étaient venues avec de très mauvaises intentions contre la da’wa salafiya, et avaient même une cinquième colonne auprès des Bédouins, mais aussi des citadins du coin. Nous pouvons en dire autant pour le deuxième auteur. Il incombe donc pour comprendre les intentions d’un auteur de replacer ses paroles dans leur contexte historique.

Ce même Sheïkh ‘Abd Allah leur reproche ainsi de se fier à leur propre compréhension sans revenir aux savants. E-durar e-saniya (7/309) pour la 2ème édition et (9/157) pour la 5ème édition.

[2] Voir : http://mizab.over-blog.com/article-le-tashri-partie-1-109409520.html

[3] Voir : tafsîr ibn Kathîr (2/88) en commentaire au v. 50 de la s. el mâida.

[4] Manhaj e-sunna e-nabawiya (5/130). L’ancien Mufti d’Arabie Saoudite, Mohammed ibn Ibrahim utilise également ce passage d’ibn Kathîr dans e-durar e-saniya (16/211-212).

[5] Voir : http://mizab.over-blog.com/2014/12/ibn-taimiya-et-l-istihlal-partie-1.html

[6] Tahdhîr ahl el îmân ‘an el hukm bi ghaïr mâ anzala e-Rahmân (p. 141).

[7] El fisal (3/234).

[8] Idem. (3/302).

[9] Majmû’ el fatâwa (18/170).

[10] Fatâwa Mohammed ibn Ibrahim (12/261).

[11] E-durar e-saniya (1/137).

[12] E-durar e-saniya (1/252).

[13] Manhâj e-ta-sîs wa e-taqdîs (p. 70-71).

[14] Voir : ‘uyûn e-rasâil (2/605).

[15] Voir : ‘uyûn e-rasâil (2/603).

[16] Le repas céleste ; 44

[17] Le bétail ; 1

[18] Voir : el i’tisâm de Shâtibî (2/692), e-sharî’a d’el Âjûrrî (1/341-342), et e-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (23/334-335). Il va sans dire que cette accusation ne vise pas les savants traditionalistes qui prennent ces Versets à leur compte pour kaffar celui qui forge des lois.

[19] Les femmes ; 116

[20] El mufhim (5/118) ; el Jassâs fait également remarquer que les kharijites ont interprété le v. 44 de la s. el mâida en faisant le takfir de ceux qui délaissent (taraka) les Lois d’Allah, sans les renier (sans juhûd). Même chose pour ibn Taïmiya, el Qâdhî Abu Ya’lâ, et Abu Hayyân.

[21] Voir : tafsîr el baghâwî (3/61) ; ibn el Qaïyim nuance les paroles d’el Kinânî comme nous l’avons vu ici : http://mizab.over-blog.com/2014/12/ibn-le-qaiyim-et-le-hukm-bi-ghair-ma-anzala-allah-partie-1.html

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