Le comble de l’injustice : faire passer l’Albani pour un savant du kalâm ou sous influence du kalâm !
(Partie 1)
Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !
Allah (I) révèle : [Annonce la bonne nouvelle aux musulmans patients • À ceux qui implorent, quand le malheur les touche : nous sommes à Allah et c’est vers Lui que se fera notre retour • C’est sur ceux-là qu’Allah étendra Sa Miséricorde et Ses prières, et ceux-là sont les bien guidés].[1]
[Cherchez un soutien dans la patience et la prière qui est ressentie comme un fardeau par tout le monde en dehors des fidèles totalement dévouées à Dieu].[2]
[Patiente face au décret de Ton Seigneur, et dis-toi que tu es constamment sous Nos yeux][3] ; [Ô croyants, usez de patience et d’endurance, surveillez l’ennemi, craignez Dieu, et vous aurez le succès][4] ; [Ô croyants, trouvez votre aide dans la patience et la prière, car Allah est avec les patients][5] ; [Nous allons vous éprouver pour savoir lequel d’entre vous prendra les armes et s’armera de patience, et pour voir comment vous réagirez].[6]
Le Coran insiste sur les bienfaits de la patience : [mais, quand on en a la force, il y a un plus grand intérêt à patienter].[7] La patience associée à la piété est la recette idéale pour déjouer tous les complots ennemis : [Si vous faites preuve de patience et de piété, alors leur manœuvre ne pourra vous nuire en rien, car Allah cerne parfaitement leurs agissements].[8]
Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya : « La patience face au mauvais destin est obligatoire à l’unanimité des grandes références de la religion, mais là où il y a une divergence, c’est sur l’obligation d’en éprouver de la satisfaction. » Fin de citation.
Le Prophète (r) a dit : « … la patience est une lumière… »[9]
« Allah offre la patience à celui qui la réclame, et on ne peut espérer meilleur cadeau que la patience. »[10]
El Fudhaïl ibn ‘Iyâdh, en commentaire au Verset : [Ils leur diront : Entrez en paix dans la demeure éternelle qui est le prix de votre patience, et soyez-y bienheureux][11] : « Ils ont le double mérite d’avoir patienté face aux obligations religieuses et face aux interdits. »
‘Alî ibn ‘Abî Tâlib : « La patience est à la foi ce que la tête est au corps, quand on la coupe, tout le reste se détériore. » Puis, il s’exclama d’une voix plus forte : « Sans patience, on ne peut avoir la foi ! »
‘Omar ibn ‘Abd el ‘Azîz : « Allah peut reprendre un bienfait à l’un de ses serviteurs, mais en lui offrant, en compensation, l’arme de la patience. En définitive, il fait une bonne affaire ! »
El Hasan el Basrî – qu’Allah lui fasse miséricorde – : « Il y a deux douleurs que l’homme ingurgite et qu’Allah préfère plus que tout quand il réagit dans le bon sens : un malheur amer et douloureux qu’il accueille dans la patience et le réconfort ; une colère qu’il refreine et qu’il transforme en compassion. »
Introduction
Depuis de longues années, j’attendais que cet argument pénètre les rangs francophones, mais jamais je n’aurais pensé qu’il vienne par le biais d’un salafi, bien qu’en ces temps qui courent, il ne faut plus s’étonner de rien. Un argument qui passe de mains en mains, de thèses universitaires en thèses universitaires, de forum en forum, sans que personne ne remarque son impertinence, ni ne voit de quoi il en retourne réellement, lâ takûnû imma’a !
C’est en tout cas, tout le mal que je leur souhaite, car, sinon, cela voudrait dire qu’ils le véhiculent en tout âme et conscience, et le plus doux des deux est déjà très amer :
Toi, si tu ne le savais pas c’est déjà un malheur
Mais tu le savais, alors c’est encore pire
Selon ce raisonnement, il est tout à fait possible d’aimer le hadîth et d’en faire sa spécialité tout en sombrant dans l’irja. En cela, Sheïkh el Albani n’échappe pas à la règle, même si nous lui accordons des circonstances atténuantes au vue de son rang, sa notoriété, de ses énormes travaux, et de ses efforts immenses dans la défense de la sunna. Pour appuyer cette idée, ils s’inspirent d’un passage d’ibn Taïmiya que nous reproduisons ici : « Beaucoup, parmi les modernes, ne font pas la distinction entre le discours des anciens et celui des murjites et des jahmites. La raison est que bon nombre de leur maitre à penser qui, en réalité, rejoignent dans le domaine de la foi, la pensée jahmites et murjites, mélangent entre eux. Au même moment, ils encensent les anciens et les traditionalistes, et ils s’imaginent qu’ils ne font que conjuguer entre le crédo soutenu par leurs semblables et le crédo orthodoxe. »[12]
Conclusion imparable : Sheïkh el Albani est un traditionniste (ils encensent les anciens et les traditionalistes), mais cela ne l’exclut pas pour autant de la pensé murjite (en réalité, rejoignent dans le domaine de la foi, la pensée jahmites et murjites), bien qu’en apparence, il s’accorde avec le discours orthodoxe.
Sauf qu’ibn Taïmiya parle de plusieurs individus : Abû el Hasan, le fondateur éponyme de la secte (notamment dans la question de l’istithnâ), le second fondateur el Baqillânî (dans la distinction entre l’islâm et l’îmân), et des néo-hanbalites tel qu’el Qâdhî Abû Ya’lâ (dans le domaine du takfir), voire ibn ‘Aqîl dans une moindre mesure. Leur dénominateur commun, comme nous allons le voir, est que tous se revendiquent de l’Imâm Ahmed, alors que, paradoxalement, tous sont sous influence du kalâm, de façon directe ou non. Je vais en faire la démonstration, dans les lignes qui suivent, sous forme de points, qui sont au nombre de neuf wa bi Allah e-tawfîq :
1- La classification ancien/moderne
Déjà, d’un point de vue purement formel, il existe beaucoup de confusion sur l’époque à qui renvoie le phonème « ancien ». Beaucoup l’utilisent pour désigner des savants qui ne sont pas contemporains, ce qui est une grossière erreur méthodologique, même s’il est toléré de le faire par condescendance, comme nous allons le voir, sauf que le débat scientifique mérite une certaine rigueur, ne serait-ce que pour éviter de prêter son flanc à ses adversaires. Toutes les disciplines scientifiques ont recours à ce vocabulaire, même chez les non musulmans. Au 13ième siècle de l’Ère chrétienne, Thomas d’Aquin l’employait dans ses débats scolastiques.
Pour les musulmans, notamment les traditionalistes, il a une connotation bien spéciale.
D’un point de vue linguistique : salaf est le pluriel de sâlif qui signifie prédécesseur. Les salaf correspondent donc à l’ensemble des prédécesseurs comme dans le Verset : (Nous en avons fait des prédécesseurs et un exemple pour les générations suivantes).[13]
El Baghawî explique au sujet de son exégèse : « ... les salaf représentent les générations précédentes ; Nous les avons fait venir en premier afin que les générations suivantes tirent des leçons et prennent exemple sur eux. » Ibn el Athîr a dit quant à lui : « Les salaf de quelqu’un sont les personnes qui l’ont précédé dans la mort parmi ses ancêtres et sa famille. C'est pourquoi les gens de la première époque parmi les successeurs des Compagnons furent appelés les salaf e-sâlih (les pieux Prédécesseurs). »
D’un point de vue terminologique :
Plusieurs définitions terminologiques ont été proposées pour cerner ce terme, dont les suivantes qui sont les plus importantes :
- Il correspondrait aux Compagnons exclusivement.
- Ou bien aux Compagnons et à leurs successeurs (tâbirûn).
- Ou encore aux Compagnons, à leurs successeurs, et aux successeurs des successeurs (tâbirû e-tâbi’în).
- Il correspondrait aussi aux générations avant le cinquième siècle (de l’Hégire). Les partisans de cette opinion prétendent que cette tendance (les salaf) est délimitée dans le temps à une période déterminée sans pouvoir la franchir. La pensée islamique aurait évolué ensuite sous la conduite de ses adeptes.
Or, est-il suffisant pour comprendre le terme salaf de le définir à travers des périodes déterminées dans le temps ? Si l’on conçoit que ce terme est synonyme, d’un point de vue temporel, aux trois premières générations comme le dénotent les hadîth délimitant l’âge d’or des musulmans, doit-on ainsi considérer toute personne ayant vécu dans cette période comme un modèle parmi les anciens ?
Nul doute que la réponse est non et que cette conception est erronée ! Bon nombre de sectes en effet ont vu le jour au cours de cette période. L’éloignement dans le temps n’est donc pas suffisant pour déterminer le concept de salaf. Il est néanmoins primordial de lier à l’élément temporel, un autre critère et non des moindres. Autrement dit, il est impératif de concorder avec les textes du Coran et de la sunna dans la réflexion. En ayant une pensée qui s’oppose au Coran et à la sunna, on ne compte pas dans le cercle des salafîs, bien qu’on ait pu vivre au sein des Compagnons ou de leurs successeurs.[14]
Ainsi, la présence d’un individu quelconque à cette époque ne suffit pas pour juger de son adhésion à la tendance des anciens. Il doit en plus de cela être fidèle au Coran et à la sunna dans ses paroles et ses actes, soit être conformiste non innovateur ! C’est pourquoi bon nombre de savants précisent en désignant les anciens : les salaf e-sâlih (les pieux Prédécesseurs).
L’Imam e-Saffârînî a dit : « La tendance des anciens comprend : le chemin des nobles Compagnons (y), de l’élite parmi leurs fidèles successeurs, de leurs successeurs, et des grandes références de la religion reconnues comme telles. Ils sont connus pour la place illustre qu’ils occupent au sein des musulmans ; leurs paroles se sont propagées de génération en génération. Tous les individus coupables d’avoir innové dans la religion ne comptent pas dans leurs rangs. Ceux-là mêmes qui se distinguent par de mauvaises appellations à l’exemple des kharijites, des râfidhites, des qadarites, des murjites, des jabarites, des jahmites, des mu’tazilites, des karrâmites, etc. »[15]
À suivre…
Par : Karim Zentici
[1] La vache ; 155-157
[2] La vache ; 45
[3] Le mont Tûr ; 48
[4] La famille d’Imrân ; 200
[5] La vache ; 153
[6] Mohammed ; 31
[7] Les abeilles ; 126
[8] La famille d’Imrân ; 120
[9] Rapporté par Muslim (223).
[10] Rapporté par el Bukhârî (1469).
[11] Le tonnerre ; 24
[12] Majmû’ el fatâwâ (7/364). Un frère arriviste, dont le zèle n’a d’égal que la témérité, utilise ce passage qu’il a probablement traduit par ses soins, avant de faire le commentaire : « Ibn taymia nous sort du dilemme "comment tel savant qui défend tant la sounnah peut il avoir des avis de mourjia ? » Il y a plusieurs remarques à faire sur ce passage, notamment, déjà, sur la forme, il s’agit de la page 364, non 394 (sûrement une erreur de frappe ce qui est courant). En outre, il a traduit mutaakhkhilîn par « savants actuels », ce qui est une grossière erreur, comme va le démontrer l’article qui se charge également de réfuter le reste.
[13] L’ornement ; 56
[14] Voir : Wasatiya ahl e-sunna baïna el firaq du Docteur Mohammed Bâ karîm (p. 96-101) dont nous avons légèrement modifié l’extrait. Précisons que cet ouvrage est très intéressant.
[15] Lawâmi’ el anwâr (1/20).