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26 janvier 2017 4 26 /01 /janvier /2017 14:34

 

 

Dialogue entre un quiétiste et un chrétien flic

(Partie 3/2)

 

L’hypostase de la « Fraternité »

 

« L'histoire est écrite par les vainqueurs. »

Robert Brasillach

 

La Révolution qui emboite le pas aux philosophes des Lumières,[1] s’inscrit en réaction aux abus de l’Église et de la royauté.

 

La nouvelle Trinité qui s’érigera en emblème de la France (Liberté, égalité, fraternité) a recours aux mêmes méthodes que son ancien oppresseur. Les philosophes sont en train de faire à l’Académie, le plus tranquillement du monde, tout ce qui les indignait de la part de leurs adversaires.[2] Pour s’émanciper de la religion, l’Humanisme s’attaque aux deux pendants du catholicisme : le clergé et la monarchie qui mirent un genou à terre pour un long moment. Dans Comprendre l’Empire, Soral donne les clefs à même de déchiffrer les mécanismes en cours de l’échiquier mondial au bord de l’effondrement. Napoléon disait à juste titre que, je cite : « Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole »[3]

 

Officiellement, l’affirmation révolutionnaire de la fraternité ne renvoie nullement, dans un premier temps en tout cas, à l’énoncé pur et simple d’une vertu, d’un devoir, d’un sentiment ou encore d’un principe. Elle renvoie bien plutôt à l’énoncé d’un état ou d’une situation : nous sommes frères parce qu’en ayant conquis la liberté et l’égalité, nous avons acquis, par là même, une Patrie. De surcroît, la fraternité dont il s’agit se révèle fort différente, dans ses fondements, de celle qui était jusqu’alors invoquée par les uns et les autres. Dans son étude sur La devise « Liberté, Égalité, Fraternité »(1997), Michel Borgetto, expliquant la particularité de la fraternité révolutionnaire, s’attache à définir les liens entre ces trois termes : La distinguant à la fois de la « fraternité religieuse » fondée sur la filiation entre Dieu et les hommes et de la « fraternité philosophique » reposant sur l’identité de nature entre tous les êtres humains, il y voit « d’abord et avant tout une fraternité politique fondée sur l’appartenance à une même collectivité ».

 

« En promulguant l’égalité de droits, la Révolution française permet l’instauration de ce principe de fraternité dans la société réelle à travers la notion
de patrie. On comprend aisément que l’on s’éloigne à la fois de la fraternité chrétienne et maçonnique ; selon la formule du serment prêté lors de la fête du 14 juillet 1790, tous les membres de la nation sont unis entre eux « par les liens indissolubles de la fraternité ».

 

Michel Borgetto établit entre le discours utopique et le discours patriotique une distinction intéressante qui repose essentiellement sur la nature du fondement de la fraternité : « Contrairement au discours utopiste qui ne concevait le plus souvent la liberté et l’égalité que comme la condition d’un retour à une fraternité originelle, extérieure au groupe et préexistant à l’établissement de la Cité idéale, le discours patriotique pose la liberté et l’égalité comme la condition nécessaire non pas tant à la reconquête d’une fraternité originelle censée être antérieure à la société qu’à l’avènement d’une fraternité nouvelle, secrétée par la Patrie et n’ayant d’autre origine que cette même patrie. »

 

En réalité, l’origine du symbole de la « fraternité » est plus obscure que ne le dépeint le tableau apologétique de notre spécialiste français.

 

L’origine obscure de la « fraternité » républicaine

 

Robespierre a subi l'influence idéologique de la franc-maçonnerie qui, par des principes laïques, prônait une haine viscérale des rois et du clergé séditieux. Dès son arrivée à Versailles, il a intégré un cercle maçonnique versaillais, Les amis de la Constitution, où il s'est converti aux principes de la maçonnerie et où il a trouvé un appui nécessaire pour son engagement révolutionnaire.[4]

 

Le 5 décembre 1790 Robespierre prononce un discours sur l’organisation des gardes nationales. Ce texte publié et distribué massivement parmi les sociétés populaires présente une importance immense puisque la devise Liberté Egalité Fraternité y est employée pour la première fois, dans le passage suivant : « Elles porteront sur leur poitrine ces mots gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, & au-dessous : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation. »[5]

 

Montesquieu, un ténor des Lumières est un penseur politique franc-maçon ; un point d’interrogation règne sur l’adhésion de Rousseau à une loge, mais une chose est sûre est qu’il devient une référence incontournable des grands acteurs de la confrérie dans les méandres de la Révolution, à l’instar du tristement célèbre Robespierre, mais aussi, le non moins cynique Isaac Le Chapelier. Pour Diderot, qui s’entoure de francs-maçons tels qu’Helvétius, l’Abbé Rénal, d’Holbach, Heinrich Jacobi, Voltaire, Otto Hermann von Vietinghoff, Carlo Goldoni, etc., la chose est moins sûre.

 

Le groupe Voltaire – d’Alembert, rejoint par un jeune homme plein de promesse, que d’Alembert ira présenter officiellement à Voltaire, pour l’introniser comme membre du parti : le marquis de Condorcet. Ces trois hommes forment une entité très soudée dont l’influence, le plus souvent souterraine, a des ramifications très lointaines. Les frères, comme ils se nomment eux-mêmes, contrôleront peu à peu les plus importantes institutions culturelles de l’Ancien régime : l’Académie française, dont d’Alembert est secrétaire perpétuel, et l’Académie des sciences, dont le secrétariat va bientôt échoir à Condorcet.[6]

 

Les Illuminés de Bavière

 

« Dans un monde de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. »
George Orwell.

 

Le but avoué était le perfectionnement et progrès de l'humanité dans la liberté, l'égalité et la fraternité.[7]

 

 En 1780, le baron Adolf von Knigge rejoint le mouvement. Franc-maçon depuis 1773, il réorganise l'ordre des illumaten en trois classes.

 

Knigge donne à l'ordre une direction philosophique moins anticléricale et plus rousseauiste, fondée sur un idéal d'ascétisme et de retour de l'homme à l'état de nature.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] L’Histoire des deux Indes de Raynal est un exemple de ces ouvrages qui mettent à mal l’ordre établi : il s’agit en amalgamant comme on pourra Montesquieu, Voltaire et Rousseau, Helvétius et même d’Holbach, de signaler en tout temps, en tout lieu, les ravages causés par le despotisme ou profane ou sacré, qui, soit au nom de l’ordre social, soit au nom de Dieu, porte atteinte au premier des droits naturels de l’homme : la liberté. C’est particulièrement la France que l’on a en vue. Or, puisqu’en France le despotisme héréditaire s’appuie sur un pacte conclu avec l’Église catholique, qui consacre la royauté absolue en la proclamant de droit divin, il faut, pour reconquérir la liberté, commencer par détruire le catholicisme et laïciser l’État. Ce mouvement du commerce est sinon l’unique, le tout-puissant fondement de la liberté, comme on peut le voir quand Raynal aborde la question de l’esclavage : Ce fut une saine politique que le commerce amène toujours, et non l’esprit de la religion chrétienne, qui engagea les rois à déclarer libres les esclaves de leurs vassaux, parce que ces esclaves, en cessant de l’être, devenaient des sujets…

[3] C’est exactement ce phénomène dont parle ibn Taïmiya, quand il explique que la religion repose sur le socle du pouvoir (temporel) et du savoir (religieux). À ses yeux, les kharijites représentent un danger intérieur, car, au fil des siècles, mus par une profonde utopie nostalgique, ils s’évertuent naïvement à faire tomber ces deux piliers pour y instaurer à la place, l’anarchie et le chaos. Voir : http://mizab.over-blog.com/2015/01/les-savants-et-les-emirs-partie-1.html

[6] Jacques De Cock, Politique des Lumières p 103.

[7] (« Que celui qui veut instaurer la liberté universelle diffuse les Lumières universelles. Or les Lumières ne désignent pas un savoir conceptuel, mais un savoir pratique, ce n'est pas un savoir fait de connaissances abstraites, spéculatives ou théoriques qui gonflent l'esprit d'orgueil, sans améliorer le cœur. »)

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