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21 février 2018 3 21 /02 /février /2018 09:59

Le prophète Jonas

(Partie 2)

 

« J’atteste que nul dieu n’est d’être digne d’être adoré en dehors de Toi » : par ce témoignage l’individu souscrit à l’unicité de la divinité qui embrasse toutes les formes de du’â, ces deux éléments du culte que seule la divinité légitime mérite de recevoir.

 

[je suis coupable d’injustice][1] : il avoue son péché pour introduire son repentir. On exprime une demande soit à la forme impérative soit à la forme indicative pour décrire la situation du demandeur comme ici, ou de l’interlocuteur, voire des deux. Nûh implora : [Seigneur, reprit Noé, garde-moi de Te poser des questions sur des sujets qui me dépassent, et sans Ton pardon et Ta miséricorde, je serais perdu à jamais].[2] Il se contente pour implorer Dieu d’informer que seuls Son pardon et Sa miséricorde le sauveront de la perdition. Cet état de soumission extrême suggère qu’il fut envahi par un regret profond.

 

Adam et Eve eurent recours au même procédé. Voici leur histoire : [Déjà, avant qu’il ne cède à la tentation, Nous avions donné des instructions à Adam qu’il oublia d’observer dans un moment d’inadvertance • Et quand nous ordonnâmes aux anges de se prosterner devant lui, tous s’exécutèrent à part Iblis qui se rebella • Nous prévîmes alors : Adam, cet être est pour toi et ton épouse, un ennemi déclaré, alors prenez garde à ce que vous ne soyez pas, par sa faute, chassés du Paradis pour endurer la souffrance • Car, où tu es, tu ne sentiras ni la faim ni la nudité • Tu ne subiras ni la soif ni l’ardeur du soleil • Mais, Satan le séduisit bientôt : hé Adam, voudrais-tu que je te montre l’arbre de l’immortalité d’où émanent des richesses inépuisables ? • Ils mangèrent du fruit défendu, et dès lors, ils ressentirent la nudité qu’ils couvrirent aussitôt avec des feuilles des jardins de l’Éden : ce fut ainsi qu’Adam se fourvoya à cause de cet interdit qu’il avait violé • Puis, Son Seigneur l’éleva en rang, accueillit son repentir et le guida sur le droit chemin • Le décret tomba : Soyez tous chassez d’ici pour atterrir là où l’hostilité règnera entre vous][3] ; [Après quoi, Adam récita la prière inspirée par Son Seigneur qui lui pardonna, car Il est Absoluteur et Tout-Miséricordieux][4] ; [Seigneur, pleurèrent-ils, nous nous sommes fait du tort à nous-mêmes, et sans Ton pardon et Ta miséricorde, nous serons perdus à jamais].[5]

 

Moïse leur emboita le pas : [Seigneur, je ne peux me passer de la grâce que Tu me prodigues au quotidien].[6] Il décrit sa situation de démuni pour solliciter une aide venant du ciel.

 

D’après Tirmidhî et autre, un hadîth divin  fait savoir : « À Mon serviteur qui, absorbé par la lecture du Coran, oublie de M’évoquer et de M’implorer, Je le comblerais au-delà de ce qu’on peut réclamer. »[7] Rapporté par Tirmidhî qui le succéda du commentaire : « Ce hadîth est bon. » Cette narration est imputée à Mâlik ibn el Hârith, un successeur des Compagnons, avec un énoncé légèrement différent, et dont voici les termes : « À Mon serviteur qui, absorbé par la lecture du Coran, oublie de M’implorer, Je le comblerais au-delà de ce qu’on peut réclamer. »[8] El Baïhaqî fait remonter cet énoncé au Prophète (r), si je ne m’abuse.

 

Selon un autre propos prophétique : « Voici la meilleure formule d’invocation le jour d’Arafa : nul dieu en dehors d’Allah seul n’est digne d’adoration qu’Il ne partage avec aucun associé ; Lui qui détient la Royauté, Lui qui détient la louange, et qui a le pouvoir de faire toute chose ! »[9] Quand on interrogea Sufiyân ibn ‘Uyaïna sur l’explication de ces paroles, il les illustra avec le texte de Mâlik ibn el Hârith qu’il agrémenta de vers préislamiques empruntés à Umaïya ibn e-Salt, vantant les vertus d’ibn Jud’ân, et que nous reproduisons :

 

Ta vieille pudeur me dispense de solliciter

Ta générosité, la marque des plus grands

Et par les seuls éloges de ton hôte, tu devines

Ses envies que tu prends de court en t’y pliant

 

Puis, il commenta : « Une simple créature se montre aussi généreuse avec l’un de ses semblables, alors que devrions-nous penser du Créateur Tout-Puissant ? »[10]

 

Dans ce registre, nous avons cette prière imputée à Mûsâ : « Ô Allah, à Toi revient la louange, à Toi nous nous plaignons de notre sort, nous qui sommes à l’affût de Ton soutien et de Ton secours, et qui Te livrons entièrement notre confiance ! »

 

Nous retrouvons cette façon indirecte de solliciter l’aide divine dans les plaintes de Job : [Moi, je suis touché par le malheur, et Toi, Tu es le plus clément de tous les Miséricordieux].[11] Le prophète Ayyoub évoque son piteux état à son interlocuteur à qui il tresse les louanges pour susciter Sa compassion sans l’implorer directement. Cette décence, qui est une forme de politesse, s’impose parfois dans les rapports hiérarchiques entre le demandeur et celui qui pourvoit à son besoin. Soit il lui adresse directement sa requête (donne-moi à manger, guéris-moi, etc.) pour lui faire éventuellement pression, soit il passe par des moyens détournés (j’ai faim, je suis malade, etc.) pour lui communiquer son désarroi, son dénuement, son indigence en vue de réveiller chez lui la fibre émotionnelle, et d’attirer ses faveurs.

 

Pour le premier cas, la forme impérative prend tout son sens dans la situation où il existe un rapport de force entre l’auteur de la requête et son supérieur hiérarchique. Cette rivalité prend de l’ampleur à mesure que le dominant est lié par un intérêt commun avec le dominé qui exerce sur lui une espèce de chantage. En revanche, quand le rapport de force est inexistant dans la mesure où le demandeur est pauvre et démuni sous tous les points de vue et que le Roi qu’il sollicite est le Riche par excellence, la forme impérative n’a aucune connotation impétueuse. Au contraire, celle-ci exprime une véritable demande de charité empreinte d’humiliation et d’extrême détresse.

 

Il est plus éloquent d’afficher son indigence que, bien que plus expressif, de mendier. La demande verbale, qui est le reflet de la pensée, est plus expressive, car la parole est en adéquation avec les intentions. C’est pourquoi, cette forme d’invocation prend le pas sur l’autre. Cependant, l’impact des deux procédés conjugués est plus grand. La demande par les faits conjuguée à la demande verbale est plus efficace, car tous les ingrédients sont réunis : les faits qui impliquent la demande, et l’intention qui l’exprime ; soit la demande proprement dite et la raison qui justifie de l’assouvir.

 

La meilleure illustration est l’échange qui se déroula entre Abû Bakr (t) et son gendre à qui il fit la requête : « Apprends-moi une invocation que je formulerais dans mes prières.

  • Tu n’as qu’à dire : Ô Allah ! Je me suis tellement fais du tort à moi-même, et personne en dehors de Toi ne pardonne les péchés, alors, accorde-moi Ton pardon, et fais-moi miséricorde, Toi l’Absoluteur et le Tout-Miséricordieux ! »[12] Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

 

Cette formule rend compte de la situation et du demandeur en quête de rédemption, et du Seigneur que Lui seul peut satisfaire. Elle inclut une demande explicite qu’elle fait suivre de la raison justifiant de l’assouvir (Allah est Absoluteur et Tout-Miséricordieux). Tous les ingrédients de la demande parfaite sont réunis.

 

Nombre de formules coraniques remplissent plus ou moins ces conditions, à l’image de cette incantation dont Mûsâ se fait l’écho : [Toi, Notre Protecteur, alors pardonne-nous et accueille-nous au sein de Ta Miséricorde, car Tu es le meilleur des absoluteurs].[13] Celle-ci fait état de la demande et de la qualité de Protecteur (attribuée à Dieu) qui justifie de l’exaucer.

 

Mais également : [Seigneur, je me suis fait du tort à moi-même, aussi pardonne-moi].[14] Ici, c’est la situation du demandeur qui est mise en avant, en plus de la demande.

 

Ou enfin : [Seigneur, je ne peux me passer de la grâce que Tu me prodigues au quotidien].[15] Moïse émet une demande dans les faits, non directement.

 

[1] Les prophètes ; 87

[2] Hûd ; 47

[3] Tâ-hâ ; 115-123

[4] La vache ; 37

[5] Les remparts ; 23

[6] Les récits ; 24

[7] Rapporté par Tirmidhî (n° 2926), et Dârimî à qui revient l’énoncé à un terme près (n° 3356), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t), et rendu faible par el Albânî dans silsilat el ahâdîth e-dha’îfa (n° 1335).

[8] El Baïhaqî le fait effectivement remonté au Prophète dans shu’ab el îmân (1/414), mais venant directement de Mâlik ibn el Hârith sans passer par un Compagnon, il est donc mursal.

[9] Rapporté par e-Tirmidhî (3585) sous l’énoncé, avec un chainon manquant au niveau des Compagnons (mursal) : « La meilleure invocation est celle d’Arafa, et la meilleure formule que nous ayons prononcée les prophètes et moi ce jour-là est : lâ ilâh illâ Allah wahdahu lâ sharîka lahu, lahu el mulk wa lahu el hamd, wa huwa ‘alâ kulli shaïîn qadîr ! » Dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (n° 1503), Sheïkh Albânî l’a jugé bon grâce à l’ensemble des hadîth-témoins qui viennent le renforcer.

[10] Rapporté par el Baïhaqî dans shu’ab el îmân (1/414).

[11] Les prophètes ; 87

[12] Rapporté par Bukhârî (n° 834), et Muslim (n° 2707).

[13] Les remparts ; 155

[14] Les récits ; 16

[15] Les récits ; 24

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