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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 10:50

Dialogue avec Karim Hanifi II5/6 

 

Des versions originelles de la Bible encore présentes

 

(Nous sommes toujours avec ibn Taïmiya)

 

La Thora qui traversa les époques depuis la destruction du Temple sous Nabuchodonosor II, en passant par l’avènement de Jésus, jusqu’à l’ère islamique, contient la Loi divine. Les exemplaires présents à l’époque de la Révélation chez les juifs médinois n’échappent pas à la règle. Et quand bien même, elle aurait subi des transformations en réaction à l’avènement de Mohammed, n’est ne prouve qu’il n’existe plus aucune version originale de nos jours. Nous n’en avons pas la moindre connaissance et il est impossible de matériellement le vérifier.

 

Il est vrai que de nombreuses copies falsifiées ont depuis cette époque inondées la culture juive, si tant est qu’elle ne connait pratiquement rien d’autre, et qu’elle a perdu de vue ou presque ses manuscrits intacts. Or, malgré ces multiples modifications, les versions actuelles des AT et NT sont, pour beaucoup, relativement concordantes, mise à part quelques différentes à noter ici et là d’une version à une autre. Il est donc tout à fait concevable qu’une opération de falsification, ne serait-ce qu’infime, ait eu lieu, une fois que les musulmans aient partagé la prophétie avec les adeptes des religions monothéistes anciennes. Nul parmi eux n’est en mesure de constater le contraire. Il faudrait pour cela qu’ils vérifient tous les exemplaires répandus dans le monde.

 

Nous savons déjà que des variantes, certes minimes, touchent un grand nombre de manuscrits. C’est exactement ce phénomène auquel nous avons affaire lors des reproductions des différentes compilations de hadîth qui sont sujettes à des formulations différentes, voire à des modifications. Seul le Coran est épargné par ce genre d’aléas qui, au vu de sa dimension transcendante, fut conservé par transmission orale communément admise.

 

En effet, la diaspora juive dispersa des exemplaires innombrables du Tanakh dans les quatre coins de la Planète, sans compter que les chrétiens avaient reproduit le Pentateuque en grand nombre. Il est donc matériellement impossible de tous les regrouper pour y opérer des changements. Si tel avait été le cas, l’Histoire aurait enregistré un tel évènement qui sort de l’ordinaire.

 

Nous pouvons dire la même chose de l’Évangile au sujet duquel le Coran dit clairement : (Que les adeptes de l’Évangile appliquent la loi divine qui y fut révélée, car qui n’applique pas la Loi révélée par Dieu est un pervers).[1] Ce Livre contient donc la Loi qui touche aux commandements, et qui aurait donc été conservée, contrairement aux récits historiques que rien n’empêche de changer, même au niveau de la lettre. Ainsi, si falsification il y a eu dans la loi, c’est uniquement au niveau de l’esprit à travers les interprétations orientées et les exégèses adaptés aux différents courants de pensée qui divisent le Clergé.

 

Selon certains exégètes, le Verset précédent s’adresse aux chrétiens préislamiques qui n’avaient pas encore altérés leur Livre si l’on tient compte du passage en entier : (Nous mimes sur leurs traces Jésus fils de Marie venu corroborer la Thora révélée avant lui. Nous lui transmîmes l’Évangile duquel émanent droiture et lumière en accord avec la Thora révélée auparavant, et revêtant droiture et exhortation à l’adresse des pieux • Que les adeptes de l’Évangile appliquent la loi divine qui y fut révélée, car qui n’applique pas la Loi révélée par Dieu est un pervers).[2] Rien à prêterait à dire, selon cette opinion, qu’il fait allusion à l’Évangile en circulation à l’époque du Prophète. Or, cette orientation n’a pas lieu d’être étant donné que les écrits chrétiens logent à la même enseigne que ceux des juifs. Preuve en est le début du passage que nous avons cité plus haut (Le Repas céleste ; 41).

 

Le saint Coran affirme explicitement que les Juifs contemporains à l’Élu qui lui soulevaient leurs litiges, possédaient des exemplaires de la Loi canonique à laquelle ils se référaient. Il est enjoint au Prophète (r) un certain comportement en réaction à leurs subterfuges. Nous avons là la preuve que leurs coreligionnaires des générations précédentes n’étaient pas concernés par cette réprimande coranique. Il est donc tout autant demandé aux chrétiens vivant à cette époque de se conformer à leurs écrits qui leur somment de se soumettre à la loi mohammadienne. Les chrétiens, au même titre que les juifs, sont interpellés par ce devoir de se référer aux Lois de leur Livre qui ne furent pas frappées d’abrogation depuis l’avènement de Mohammed (r). De la même façon qu’avec l’avènement de Jésus, les israélites n’étaient plus tenus de se conformer aux dispositions de la Thora qu’il avait abrogées, mais de suivre la nouvelle Loi. Il en est de même désormais pour les deux communautés qui ont l’obligation de se soumettre aux enseignements du sceau des prophètes. Par cette démarche, ils ne trahissent nullement leurs Écritures respectives qui leur annonçaient la venue d’un messie par la loi duquel ils seront tenus : [À ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré, dont ils connaissent la description à travers leurs écrits, la Thora et l’Évangile. Celui-là même qui leur ordonne le bien et qui leur interdit le mal ; lui qui leur déclare licite tout ce qui est pur et illicite tout ce qui est impure ; lui qui les délivre des fardeaux et des lourds carcans qui pesaient sur eux. Qui croit en lui, le soutient, et le défend, et qui a pour guide la lumière qui accompagne sa mission, gagnera le succès][3] ; (Nous te révélâmes, en toute vérité, le Livre venu corroborer les anciennes Écritures et faisant force d’autorité. Alors, appuie-toi dessus pour arbitrer les litiges que te soulèvent les fis d’Israël, et ne cède pas à leurs passions au dépend de la vérité qui y prévaut ; certes, à chacun d’entre vous, Nous avons assigné une Loi et une voix à suivre. Allah aurait très bien pu vous réunir sous l’égide d’une même nation, mais Il préféra vous éprouver pour voir l’usage de ce que chacun d’entre vous détient entre ses mains. Alors, faite montre d’émulation dans les œuvres pies, car c’est vers Allah que vous serez tous ramenés, et là, Il vous instruira sur l’objet de vos divergences).[4]

 

Le Coran fait force d’autorité sur les anciennes Écritures dont il est venu corroborer certaines lois, abroger d’autres, et corriger celles (dans le domaine du récit) qui furent l’objet d’altération. Il est Muhaïman sur les AT et NT dans le sens où il en est le Juge, le Témoin, et le Dépositaire loyal. [Il en est le Juge pour les avoir abrogés, le Témoin car ils ont été falsifiés alors qu’il est sauvegardé. Il en est le Dépositaire étant donné que tous les enseignements de ces derniers en accord avec lui correspondent à la vérité ; et tout ceux qui le contredisent sont automatiquement jugés faux, voire éventuellement abrogés.]

 

Le v. 50 de la s. le Repas céleste insiste sur l’obligation de s’aligner sur la nouvelle Loi, et les prescriptions bibliques non abrogées par celle-ci, sous peine de pencher vers les traditions païennes et préislamiques. Cette réprimande s’adresse en premier lieu aux Juifs et aux chrétiens : (Dis-leur aux adeptes du Livre : jamais vous ne serez dignes tant que vous daignez observer la Thora, l’Évangile, et la Parole révélée à votre égard de la part du Seigneur, et remarque que les enseignements célestes exacerbent chez nombre d’entre eux leur esprit rebelle et tyrannique, alors ne sois pas affligé par les écarts de conduite de ce peuple infidèle).[5] 

 

L’abrogation du Livre est effective au niveau de certaines dispositions, non dans sa totalité. Ces dispositions abrogées restent minimes par rapport à l’ensemble de la Loi biblique qui véhicule un certain nombre de constantes universelles. Il y a donc un socle commun aux trois grandes religions, bien que des désaccords puissent survenir notamment sur le Messie annoncé par la Thora. Aux yeux des chrétiens, il s’agit bel et bien de Jésus, alors que le choix des Juifs s’arrête sur un sauveur qui viendra à la fin des temps.[6] Dans ce débat, les musulmans tranchent en faveur des chrétiens, sans leur concéder l’encensement à outrance qu’ils vouent au Christ.

 

Par ailleurs, quand nous disons que les récits bibliques sont plus sujets à la falsification que les commandements, cela ne signifie nullement que dans l’ensemble ils ne furent pas conservés. Souvent d’ailleurs, la Bible corrige elle-même ces passages modifiés. Il n’y a donc pas lieu d’avancer que toute falsification survenue avant l’avènement de l’Islam exonérerait les adeptes de Livre de se plier à la nouvelle religion. Dans ces conditions, ils seraient incapables d’y distinguer le vrai du faux. Cet argument est soutenu par les tenants de la Bible falsifiée dans l’esprit uniquement (comme notre ami Karim ndt.).

 

Ce à quoi nous répondons que les modifications sont minimes par rapport à la majeure partie du texte conservé qui pointe du doigt leurs incohérences. Ces intrusions sonnent faux par rapport à l’esprit général, et lorsqu’on les recoupe avec d’autres passages. Nous connaissons exactement le même phénomène avec les recueils de hadîth sunan qui ont, entre autre, pour auteur Abou Dâwûd et Tirmidhî. Ceux-ci contiennent une partie négligeable de narrations apocryphes qu’il est possible de détecter en les comparant avec le reste du corpus.

 

Le recueil authentique de Muslim n’est pas épargné par des méprises, certes rares, sur certains vocables qu’il est facile de corriger à la lumière du reste de l’ouvrage, voire du Coran. Bukhârî également rectifie certains termes en procédant à une étude exhaustive de tous les récits en rapport avec le même sujet.

 

Or, nous avons expliqué qu’il est faux d’imputer aux musulmans l’allégation selon laquelle toutes les copies de la Bible en vogue sur toute la planète depuis l’avènement de l’Islam sont frappées de manipulation volontaire. En tout cas, à ma connaissance, cette opinion n’est pas à mettre sur  le compte des anciens. Il est vrai que certains modernes se distinguent éventuellement d’eux sur ce point, et tant d’autre ; notamment, aux yeux de certains savants des nouvelles générations, il est autorisé de se nettoyer après les selles avec n’importe laquelle des copies existantes sur toute la terre, pour exprimer qu’il y a rupture de versions originales. Jamais un ancien ou une grande référence de la religion n’a tenu tel propos.

 

Un jour, le Khalife ‘Omar vit un exemplaire de la Thora dans les mains de l’ancien rabbin Ka’b el Akhbâr : « Ka’b, s’exclama-t-il, si tu es sûr que cet exemplaire est la Thora révélé par Dieu à Moussa ibn ‘Imrân, alors tu n’as qu’à la lire. »[7] Le successeur d’Abou Bakr a laissé la chose en suspens, sans prétendre de façon formelle que cette version soit falsifiée, faute de preuve en main allant dans ce sens.

 

Les textes scripturaires de l’Islam que sont le Coran et la sunna communément transmise font ressortir que l’AN et le NT qui circulaient à l’époque du Prophète (r) renfermaient la Parole de Dieu. Par rapport à cela, il est vain d’avancer que, depuis, toutes les copies en circulation furent l’objet de falsification. Nous n’avons aucun intérêt à retenir cet argument, puisqu’il est impossible de le démontrer matériellement. D’ailleurs, aucun adepte du Livre n’est en mesure de démontrer que toutes les traductions actuelles sont identiques. Aucun humain n’est capable de vérifier toutes les copies dans toutes les langues. Il est inconcevable de toutes les comparer. Seule la Révélation peut nous en informer.

 

Nous-mêmes avons eu sous les yeux les vingt-quatre livres qui constituent le Tanakh dans lesquels nous avons constatés des variantes non négligeables. La Thora, qui est le plus notoire d’entre eux chez les Juifs et les chrétiens, s’érige en tête au niveau de la fiabilité. Pourtant, la Thora samaritaine est différente de la version courante. Le Décalogue lui-même n’est pas en reste. La Bible samaritaine, qui présente de multiples versions, se distingue par ce commandement de s’orienter en direction du Mont Tor. Nous avons là la preuve que des changements conséquents ont été opérés à l’intérieur de ces livres.

 

Nous avons également eu entre les mains plusieurs versions des Psaumes qui sont différentes les unes des autres. Nous l’avons constaté dans maints passages dont la divergence orthographique a une réelle incidence au niveau du sens. La conclusion est sans appel : ces modifications témoignent d’une volonté, en tout cas pour de nombreux passages, d’imputer mensongèrement des paroles au Prophète David.

 

Nous ne parlons même pas de l’Évangile dont les incohérences sont beaucoup plus prononcées que dans la Thora.[8]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Le Repas céleste ; 47

[2] Le Repas céleste ; 46-47

[3] Les murailles ; 157

[4] Le Repas céleste ; 48

[5] Le Repas Céleste ; 68

[6] Ce dernier, en réalité, sera incarné par l’Antéchrist qui se présentera à la tête d’une armée de soixante-dix milles Juifs d’Ispahan aux portes de Jérusalem.

[7] Cette narration est inexistante dans les recueils actuels d’historiographie. En revanche, Dhahabi rapporte un récit qui lui ressemble : « Voici un exemplaire de la fameuse Thora, s’enthousiasma Ka’b ayant brandi un exemplaire du Tanakh, qui n’a pas changé depuis qu’elle fut révélée à Moussa ni n’a subi la moindre altération. » Voir Siar A’lam e-nubala (3/493-494). Puis, à Dhahabi de commenter : « Ce récit démontre que l’exemplaire qui était entre les mains de Ka’b n’a subi aucun changement ni altération, contrairement aux autres versions en circulation. Il est impossible aujourd’hui d’affirmer formellement que les copies actuelles répandues sur l’ensemble de la planète soit des originales. Par Allah, elles ne peuvent dans ces conditions constituer des arguments pour soutenir telle ou telle opinion. »

[8] Voir: El jawâb e-sahîh li man baddala din el Masîh (2/395-352).

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commentaires

R
Super article, j’ai jeté un coup d’œil sur chacun des blogs, des belles découvertes! C’est intéressant.
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R
Merci beaucoup pour cet article très complet.
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