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23 avril 2020 4 23 /04 /avril /2020 16:27

Le contrat social 1/3

 

« [Les Rois atlantes] restèrent dociles à la voix de leurs lois et gardèrent de bonnes dispositions à l’égard du principe divin auquel ils étaient apparentés. Leurs façons de penser étaient pleines de vérité et de grandeur, à tous égards ; ils se comportaient avec une mansuétude accompagnée de modération aussi bien à l’égard des constantes vicissitudes de l’existence que les uns à l’égard des autres. Aussi, dédaignant toutes choses à l’exception de la vertu, faisaient-ils peu de cas de leur prospérité et supportaient-ils à la façon d’un fardeau léger la masse de leur or et de leurs autres biens. […]

Mais, quand l’élément divin vint à s’étioler en eux, parce que cet élément avait été abondamment mélangé et souvent avec l’élément mortel, et quand le caractère humain vint à prédominer, alors, désormais impuissants à supporter le poids de la prospérité qui était la leur, ils tombèrent dans l’inconvenance, et, aux yeux de celui qui fait preuve de discernement, ils apparurent moralement laids, parce qu’ils avaient laissé se corrompre les biens les plus beaux qui viennent de ce qu’il y a de plus noble, tandis qu’aux yeux qui n’arrivent pas à discerner quel genre de vie correspond véritablement au bonheur, ils parurent à ce moment-là être parfaitement beaux et heureux, alors qu’ils étaient remplis d’injuste cupidité et d’excès. »

Platon.

 

Extrait du Traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

Le maintien de l’espèce humaine est tributaire d’un pacte collectif qui gère les intérêts pérennes de chaque groupe et qui tend d’un côté à acquérir, préserver et à optimiser les richesses, et, en parallèle, à prévoir, repousser et minimiser les dangers qui le guettent. Ces ententes mutuelles sont si importantes que la loyauté aux engagements, la condition sine qua non à leur bon déroulement, est érigée au statut de vertu universelle qui agrémente et consolide les rapports entre les membres du groupe, bien qu’elle ne soit pas respectée par tout le monde.

L’autre vertu universelle garantissant la sureté des échanges est la justice qui repose sur l’honnêteté. L’entraide et la solidarité vont couronner les termes de ce contrat qui dans les sociétés primitives et même encore aujourd’hui, nécessité oblige, reste le plus souvent tacite et même instinctive. Le besoin va renforcer les liens des membres d’un même clan liée par le sang et la proximité, ou, à une échelle plus vaste, les membres d’une société organisée en quête d’optimiser son confort de remédier à son inconfort et d’évacuer les dangers.

 

Cette commode association nait tantôt de la volonté des contractants et tantôt des circonstances exogènes à l’image des liens de sang que l’individu n’a pas choisi.  

Un Verset met en lumière ces deux types d’association : (Vous les hommes, craignez Dieu qui vous a créé à partir d’un seul être duquel Il a tiré son épouse, et qui a fait naitre de leur union une multitude d’hommes et de femmes ; Alors craignez Dieu au nom duquel vous concluez vos transactions, et vous préservez vos liens de sang).[1] La sourate les femmes d’où est extrait ce texte s’attarde sur l’organisation des contrats et la constitution de la famille pour, entre autre, définir l’héritage. Ailleurs, l’accent est mis sur les deux types de parenté qui compose une famille : (C’est lui qui, à partir de l’eau, a créé l'être humain à qui Il a offert une parenté par la chair et par l’alliance)[2] ; (Ceux qui sont fidèles au pacte qu’ils ont noué avec leur Seigneur sans jamais briser cette alliance • et ceux qui entretiennent les liens par lesquels ils sont tenus devant Dieu, animés par cette crainte révérencielle qu’Il inspire et la frayeur de comparaitre devant Lui avec de lourds comptes à leur passif)[3] ; (Allah ne rechigne nullement à construire une métaphore sur l’exemple d’un être le plus insignifiant à vos yeux, même un moustique. Les croyants savent très bien qu’il s’agit là d’une vérité émanant de Leur Seigneur, pendant que les incrédules se demandent : « Quel message Allah veut-il bien nous faire passer à travers cet exemple ? » ; Par cet exemple, Dieu désire seulement égarer un très grand nombre de mortels, avec la volonté en même temps d’en guider un très grand nombre, mais en définitive, Il ne fait qu’égarer les corrompus • Ceux-là même qui trahissent le pacte qu’ils avaient scellé avec Dieu, qui rompent les liens par lesquels ils sont tenus devant Lui, qui sèment le désordre sur terre, et qui courent ainsi à leur perdition).[4]

 

L’entraide est donc une composante anthropologique essentielle à la bonne santé du groupe. Si chacune des clauses de cette entente tacite ne va pas forcément déboucher sur une alliance, il n’en demeure pas moins que l’orientation générale va tendre vers la réalisation d’une défense commune qui, à la fois, protège les biens et repousse les velléités d’invasion d’un ennemi potentiel. Cette entente, qui a pour sous-bassement, le principe d’amour et de haine, va indubitablement générer un antagonisme qui oppose le camp ami formant les alliés au camp ennemi et belliqueux. C’est à partir de ce constat que les sociétés depuis l’Antiquité vantent les vertus de la générosité et du courage érigés au rang d’emblèmes. Le premier va servir à combler les besoins matériels et philanthropiques de la communauté, tandis que le second va solliciter, au besoin par les armes, la détermination de défendre les siens.

 

La générosité et le courage seront à la base de toutes les associations et les échanges que génère le groupe en son sein ou avec l’extérieur. Ces deux vertus seront chapeautées par l’esprit de justice qui va les réguler.    

 

Il devient clair que la solidarité s’inscrit au cœur de toute entreprise humaine que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. La solidarité engendre automatiquement des alliances qui seront respectées par la force de l’autorité, et qui sont le fruit d’une volonté commune : (Alors craignez Dieu au nom duquel vous concluez vos transactions, et vous préservez vos liens de sang),[5] c-à-d que vous formulez des pactes et des alliances.

 

Il est élémentaire que la somme de la volonté et de la capacité soit à l’origine de tout mouvement. Il s’agit donc pour les diverses communautés d’harmoniser leur volonté avec leur capacité. La volonté et le volontariat impulsent cet élan de solidarité qui veille à la préservation du groupe. En même temps, des actions seront menées pour s’accaparer les richesses des groupes étrangers représentant une éventuelle menace. La force armée, garantissant la préservation du groupe, doit, au-delà de défendre ses terres, se donner les moyens de vaincre un ennemi sur ces propres terres.

 

Par ailleurs, l'acte de mariage, qui accorde le droit aux relations sexuelles, est le résultat d’une volonté réciproque, quand les deux contractants sont de condition libre (ou de même condition), ou unilatérale lorsque l’une de deux parties est soumise à l’état d'esclavage. Nous voyons bien que les alliances mutuelles qui visent à jouir ou à défendre des intérêts communs sont impulsées soit à l’initiative de toutes les parties concernées soit sous l'autorité d'un homme au pouvoir qui impose sa volonté.

 

Par conséquent, cette union est possible :

  • Primo, par l'intermédiaire d’un pacte de solidarité ;
  • Secundo, par l’intermédiaire d’un pacte d’obéissance qu'il soit légitime ou non.

 

L’obéissance légitime est dévolue aux Prophètes, par le pouvoir de la Révélation, aux responsables de l'autorité musulmane, et aux parents, etc. Et, les alliances mutuelles qui gèrent des intérêts communs, sous l’égide du principe de justice, ont pour vocation de contenter toutes les parties concernées.

L’obéissance illégitime, fait, elle, intervenir l’autorité d’un despote, voire d’une personnalité, à l’image d’un wali charlatan, faisant l’objet d’un encensement à outrance. Les pactes d’intérêts communs compensent obligatoirement l’absence d’une autorité coercitive et centralisée.

 

Ainsi, le « contrat social » qui administre un système théocratique reçoit ses prescriptions au niveau collectif et individuel directement de la Révélation, ou, dans une moindre mesure, des accords tacites qui engagent ses membres.

Exemples d’engagement personnel ou collectif : les vœux, les actes de négociations et d'échanges, les associations commerciales. Les sociétés où la souveraineté est confiée au divin fonctionnent exclusivement sur la Loi sacrée et les ententes inter-citoyens.

 

Les sociétés non théocratiques reposent sur deux systèmes de gouvernance. Celles-ci obéissent soit à des lois positives soit à une poignée d’oligarques au sein d’une élite intellectuelle, marchande, etc. Ces conventions sont nées de la nécessité de palier à l’absence de Loi céleste. En vue de maintenir une stabilité politique, elles vont élire, par voie de consentement collectif, des chefs qui prennent la direction de leurs affaires dans la situation où le pouvoir n’est pas arraché par un homme qui règne avec une main de fer. Ces conventions sont indispensables dans la gestion des sociétés païennes ou celles qui se sont émancipées de la Loi divine, mais aussi pour tous les domaines non prévus par le Législateur et qui sont laissés à l’initiative des dirigeants et des citoyens.

 

L’importance de ces conventions est plus prononcée lors des périodes où la lumière de la prophétie s’est estompée. Dès lors, l’autorité est confiée à un roi ou à un chef charismatique se référant aux conventions préétablies. Ce fonctionnement était en vogue chez les Arabes de la Péninsule de l'Ère préislamique. Les alliances tribales et le ralliement d’une tribu vassale à une tribu mère ou à une ligue de tribus adoptaient ce schéma.  

 

Le Seigneur révèle à ce titre : (Nous avons désigné pour chacun d’entre eux des ayant-droits qui bénéficieront de l’héritage légué par les parents géniteurs et les proches, et remettez leur part à ceux avec lesquels vous êtes liés par des pactes d’allégeance, et sachez que Dieu est le Témoin de toute chose)[6] ; (Allah ordonne la justice, la vertu, et la charité envers les proches, au moment où Il  interdit la turpitude, le vice, et l’injustice, alors prêtez l’oreille à Ses exhortations, ainsi serez-vous amenés à méditer • Soyez fidèles aux pactes que vous avez noués avec Dieu, et ne violez pas les serments pour lesquels vous l’avez pris en témoin en vertu d’un engagement solennel, car Il connait parfaitement tous vos faits et gestes • et ne soyez pas aussi frivoles qu’une couturière qui défait tout son travail minutieusement préparé, en changeant d’alliance sans vous donner la peine de respecter vos engagements sous prétexte d’avoir mis la main sur un allié plus puissant ; alors que la disparité de vos forces n’est qu’une épreuve que Dieu a placé sur votre chemin afin de vous confronter le jour de la Résurrection face à ce qui, sur terre, faisait l’objet de vos divergences).[7]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Les femmes ; 1

[2] Le discernement ; 54

[3] Le tonnerre ; 20-21

[4] La vache ; 26-27

[5] Les femmes ; 1

[6] Les femmes ; 33

[7] Les abeilles ; 91-92

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commentaires

R
I thoroughly enjoyed this. It was so clear and succinct. Big thanks!
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S
Ceci est un article génial.Merci! Vraiment cool.
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