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15 juin 2020 1 15 /06 /juin /2020 17:57

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 3/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.  

 

Par rapport à cela, les événements paranormaux connus populairement sous le nom de « miracles », ne sont pas toujours, aux yeux des grands spécialistes, des « dons de Dieu ». La karâma, dans le vrai sens du terme, consiste à suivre le bon chemin avec attachement et fidélité à l’Être suprême. Les miracles qui résultent éventuellement de la stricte observance du culte sont, encore une fois, à mettre sur le compte des épreuves. Utilisés à bon escient, ils hissent l’heureux élus dans les hauteurs de la piété. Cependant, dès qu’il s’en sert à des fins malsaines, il sera déchu de son rang d’élu, alors qu’au départ, les prodiges qui parsèment son cheminement ne sont que la conséquence de ses bonnes actions : (Et s'ils se rangent sur le bon chemin, nous les abreuverons de la pluie en abondance • Afin d’éprouver leur reconnaissance, et de voir s’ils tournent le dos au rappel du Seigneur ; auquel cas, les supplices éternels qu’ils subiront seront de plus en plus sévères).[1]

 

Nous voyons bien que les bienfaits et les miracles sont à double tranchant. Il en est de même pour la Révélation qui, en vertu de la Volonté prescriptive de Dieu requiert fidélité et reconnaissance de la part de tous les hommes. Le revers de la médaille, c’est qu’en vertu de la Volonté décrétive, les méchants n’y ont pas droit, étant donné qu’ils ont échoué dans leur épreuve en tournant le dos à la prophétie ou en l’exploitant à des fins malsaines.

 

Or, avant ce dénouement funeste, l’individu a l’opportunité de s’épanouir et de gagner le bonheur éternel, à condition de faire le bon choix. C’est la raison pour laquelle les examens que nous passons sur terre sont à double tranchant en fonction des résultats et des réactions : (Toute âme est destinée à mourir, et sur terre, Nous vous confrontons au bien et au mal en guise d’épreuve, et, à la fin, vous retournerez vers Nous)[2] ; (Nous avons dispersés les enfants d’Israël à travers tous les endroits de la terre où ils ont formé des communautés hétéroclites allant du plus pieux au moins pieux, et Nous les avons confrontés à de heureux et à de malheureux évènements afin qu’ils se résignent à revenir sur le droit chemin).[3]

 

Ainsi, un malheureux évènement n’est pas synonyme d’avilissement ni d’abandon. Au contraire, on peut en tirer d’énormes avantages et en sortir vainqueur à condition de prendre son mal en patience, et de s’accrocher à sa religion. Il en va du salut des nations sous l’égide des prophètes et des croyants. Cette endurance est aussi le moyen d’éviter le sort réservé aux dépravés et aux mécréants. Le Seigneur révèle : (La vertu ne se résume pas à tourner vos visages en direction de l’Est ou de l’Ouest, mais celle-ci réclame avant tout de croire en Allah et au Jour Dernier, ainsi qu’aux anges, aux Écritures, et aux Prophètes ; la piété, c’est de consacrer une part de sa richesse, malgré l’attachement qu’on lui porte, aux proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs, et pour le rachat des captifs ; la vertu, c’est d’observer la prière, de verser l’Aumône légale, de respecter ses engagements, de s’armer de patience dans l'adversité et le malheur et en plein cœur du combat. Telles sont les vertus qui caractérisent les croyants pieux et sincères)[4] ; (Ou bien pensiez-vous réellement gagner le Paradis sans jamais n’avoir connu d’épreuves à l’instar de vos prédécesseurs qui furent tellement secoués par le malheur et l’adversité que les plus valeureux d’entre eux avec leur messager en tête en vinrent à se poser des questions : qu’en est-ce que Dieu va se manifester pour nous accorder la victoire ? Rassurez-vous, la victoire de Dieu vient toujours assez tôt)[5] ; (Il y a dans les alentours de Médine, des bédouins entachés d’hypocrisie, et même au sein de la ville, nombre d’habitants cachent leur duplicité ; tu ne connais pas leur identité, mais ils n’échappent pas à Notre connaissance ; ils seront doublement châtiés avant d’être trainés vers un terrible supplice)[6] ; (Avant de les précipiter dans les tourments éternels, nous allons leur faire goûter aux châtiments terrestres pour leur donner le temps de revenir à la raison)[7] ; (Nous les avons déjà par le passé, frappé d’un châtiment, mais ils ne se sont pas, pour autant, abaissés ni humiliés devant Leur Seigneur).[8]

 

Les bons évènements, qui sont éventuellement le fruit des bonnes actions, procurent la joie et le bien-être, de la même manière que les mauvais évènements, qui sont éventuellement le fruit des mauvaises actions, provoquent la peine et la détresse : (Le bien qui t’arrive procède d’Allah, mais le mal qui te frappe procède de toi) [9] ; (Et le jour où vous essuyâtes une cuisante défaite, après avoir triomphé à deux reprises, vous vous demandâtes alors : Comment en sommes-nous arrivés là ? Réponds-leur : ne vous en prenez qu’à vous-mêmes)[10] ; (Tout malheur qui vous frappe n’est que le fruit de vos actes bien que, pour beaucoup d’entre eux, Il n’en tienne pas rigueur)[11] ; (Qu’adviendra-t-il le jour où le malheur les frappera en punition de leurs actes, et qu’aussitôt ils viennent te trouver pour t’assurer, en prenant Dieu en sermon, que leur seule motivation à travers leur refus était de bien faire et d’apporter une solution conciliante)[12] ; (mais aussitôt qu’un malheur les touche en punition de leurs fautes, ils font preuve d’une grande ingratitude).[13]

 

Le bien-être qui est subséquent aux bonnes actions peut vite se transformer en malheur si on baisse sa vigilance et qu’on se laisse aller à la faute. En revanche, la souffrance résultant des péchés peut tout autant devenir un stimulant pour rectifier le tir et prendre les bonnes résolutions qui seront source de bonheur.

 

Tout bien réfléchi, seul le résultat compte, et le dernier acte qui achève un long parcours est décisif. Finalement, le dénouement résume toute une vie.

 

Les apparences sont bien souvent trompeuses ; une fin tragique se cache éventuellement derrière les allures de bonheur, comme une fin heureuse peut parachever ce qui est perçu de l’extérieur comme un véritable calvaire. Ne nous trompons pas, la vie sur terre est éphémère et la véritable destinée commence après la mort. En outre, la piété apparente ne garantit pas l’entrée au Paradis, car on ne sait jamais comment cela finit ; on peut aussi bien abandonner en cours de route ou échouer face aux épreuves de la vie. Il ne faut pas non plus juger trop hâtivement du sort d’un débauché qui a l’opportunité de se remettre en question et d’assumer avec courage les mauvaises conséquences de ses erreurs passées.

 

Nous envisageons donc cette problématique sous deux angles ; 1°) les devoirs et les obligations qui incombent à chacun et s’exprimant dans le renoncement au péché, l’obéissance à Dieu, et la reconnaissance de Sa Bonté infinie.

 

2°) La connaissance des quatre étapes de la prédestination : le Savoir préalable de Dieu, Son Décret préalable consigné dans les Écritures célestes, Sa Volonté qui précède la création, et Sa création proprement dite. Nous avons vu que, sous cet angle, seul le résultat compte, car il va décider du sort éternel de tous les hommes, et le véritable défi est de garder la foi jusqu’à son dernier souffle.

 

­[Zoom sur le Destin]

Alors, procédons à une synthèse des tendances doctrinales qui opposent les sectes musulmanes dans le domaine du Destin et ayant une influence sur la problématique qui nous intéresse ici.

D’un côté, nous avons les pro-prédestination au sein notamment des adeptes de la théologie spéculative qui reconnaissent le Destin et ses quatre étapes (le Savoir préalable de Dieu, Sa Volonté, Son Pouvoir de création et Sa création effective), mais qui n’accorde pas dans leur grille d’analyse le soin suffisant à la Loi textuelle, à la Promesse eschatologique (Enfer/Paradis), et aux « causes » touchant au plan général de la création et au plan particulier à chaque être humain.

 

Dans l’autre camp, on trouve les pro-libre-arbitre et leurs émules dans cette question, qui polarisent leur attention sur la Loi textuelles en relation avec la Volonté préceptive (en opposition aux Lois universelles en relation avec la Volonté décrétive), les devoirs et obligations, et en matière d’eschatologie, la menace du châtiment aux dépens de la promesse du Paradis. Cette obstination les amène à renier d’un bloc les étapes du Destin, et spécialement l’attention particulière accordée aux croyants, comme il a été écrit dans la Table gardée, et le destin funeste réservé aux infidèles jugés en vertu de la Justice d’Allah, non de Sa Grâce.

 

Les pro-libre-arbitre assimilent mal l’idée que le Tout-Puissant ne lèse personne. Pour se convaincre de Sa Justice infaillible, il suffit de se pencher sur un extrait de cette invocation prophétique : « Ton Ordre prononcé à mon sujet est irrévocable, Ta Sentence à mon encontre est juste ! »[14]

 

Ensuite, les évènements heureux et malheureux qui parsèment la vie d’un homme ont vocation à le mettre à l’épreuve. C’est à lui de décider de les exploiter à son avantage et de bien réagir pour éviter les lourds préjudices issus d’un mauvais choix. Face au destin, quatre types d’individus se dégagent :

  • Il y a ceux qui s’épanouissent dans le bonheur ;
  • Ceux qui à l’inverse tirent mieux profit de leur malheur ;
  • Ceux qui supportent les deux ;
  • Et ceux qui sont incapables d’endurer ni l’un ni l’autre.

 

Un même individu est susceptible de passer par ces quatre états à différentes étapes de sa vie, voire au cours d’une seule période si on les considère comme des variétés d'épreuves auxquelles il est probablement confronté en même temps. Un hadîth divin décrit à merveille ce phénomène : « Il ne convient rien d’autre à certaines de Mes créatures que la richesse, si J’avais décrété la pauvreté pour celles-ci, ils ne l’auraient pas supportée. D’autres sont faites pour la misère, car la richesse ne ferait que les rendre mauvaises. D'autres s’épanouissent dans la maladie si bien que la bonne santé ne leur rendrait pas service. J’assure la gestion de Mes créatures en vertu de Ma Clairvoyance et de Ma grande Connaissance. »[15]

 

Or, les plaisirs immédiats ne sont pas tout le temps la manifestation d’un bienfait. Ils sont potentiellement de mauvais augure s’ils conduisent à la débauche. Rien n’est acquis, pas même les bonnes œuvres sur lesquelles plane constamment la menace d’être réduites à néant, de mener à l'apostasie et aux mauvaises épreuves.

 

Il ne faut pas non plus tirer de conclusions hâtives sur la souffrance qui se nourrit de la Grâce divine, ni sur les péchés qui sont le socle du repentir et qui forge la patience quand on en assume les conséquences. Du reste, la piété à ses hauts et ses bas, et, à partir de cette faiblesse, le fidèle sollicite en permanence l’assistance de Son Seigneur qui assure la stabilité et la sérénité à l’intérieur de son cœur.

 

Cependant, il s'avère que les bonnes et mauvaises actions s'alternent. Cela implique de la part de l'individu de se faire assister de son Seigneur à tout instant dans Son obéissance, afin qu'Il maintienne son cœur stable et sain. Certes, nul changement ni aucune force n’a lieu sans l’aide d’Allah ! L’homme change facilement d’humeur : (Il suffit qu’on le prive d’une seule jouissance que Nous lui avons fait goûté pour que l’homme, ingrat, sois consterné et désemparé • Mais dès que, à la suite d’un malheur, Nous l’alimentons à nouveaux des jouissances, il se vante, infatué et plein de suffisance : mon malheur est derrière moi).[16] Le remède est proposé dès le Verset suivant : (C’est seulement au prix de la patience et des bonnes œuvres qu’il gagnera le pardon et une grande récompense).[17]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] Les djinns ; 16-17

[2] Les prophètes ; 35    

[3] Les remparts ; 168

[4] La vache ; 177

[5] La vache ; 214

[6] Le repentir ; 101

[7] La prosternation ; 21

[8] Les croyants ; 76

[9] Les femmes ; 79

[10] La famille d'Imrân ; 165

[11] La concertation ; 30

[12] Les femmes ; 62  

[13] La concertation ; 48

[14] Extrait d'un long hadîth rapporté par Ahmed, ibn Abî Shaïba, Abû Ya'lâ, el Bazzâr, ibn e-Sunnî, avec une chaîne narrative qui, en définitive, est potable en la recoupant avec d’autres textes.

[15] Extrait d'un hadîth rapporté par ibn Abî e-Duniyâ, Abû Nu'aïm, el Asbahânî avec chaîne narrative jugée faible par les spécialistes.

[16] Hûd ; 9-10

[17] Hûd ; 11

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commentaires

S
tres bon article; merci beaucoup
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