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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 19:47

magnifique montagne

 

Introduction à la défense de l’Albani

(Partie 4)

 

 ‘Abd Allah ibn el Mubârak est l’auteur des paroles : « Un homme ayant un grand passé dans l’Islam et ayant laissé une bonne trace, peut très bien être l’auteur d’un écart et d’une faute dans lesquels il ne faut pas le suivre. » [El istiqâma d’ibn Taïmiya (2/219-220).]

 

Qu’est-ce que l’innovation ?

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit : « La bid’a (l’innovation ndt.)[1] par laquelle nous pouvons considérer que son auteur est un mubtadi’ (innovateur ndt.) correspond à toute initiative connue chez les savants traditionalistes pour être contraire au Coran et à la sunna à l’exemple de la bid’a des kharijites, des râfidhites, des qadarites, et des murjites. »[2]

 

L’innovation incarne : « tout ce qui va à l’encontre du Coran, de la sunna, et du consensus des anciens dans le domaine de la croyance ou de l’adoration. »[3] Ou, en d’autres termes : « tout ce qu’Allah n’a pas légiféré dans le domaine de la religion… Quiconque prend pour religion ce qu’Allah n’a pas légiféré relève de l’innovation, quand bien même celle-ci serait motivée par une mauvaise interprétation. »[4]

 

« Quiconque va à l’encontre du Coran clair, de la sunna répandue, ou du consensus des anciens de la communauté, de sorte qu’il ne soit pas excusable, sera traité comme un innovateur. »[5]

 

« … Les désaccords entre savants traditionalistes portent uniquement sur des questions subtiles qui échappent à la plupart des gens. »[6]

 

Ainsi, l’innovateur est celui qui est connu pour être des gens des passions et de l’innovation, quand bien même son erreur serait pardonnable et qu’il ne mériterait aucune punition. Il reste, malgré tout, un égaré animé par ses passions. Il est capable de délaisser la vérité qui va à leur encontre. Il est possible au même moment qu’il ne sache pas qu’il s’oppose au Messager (r), mais il n’en décèle pas moins de l’hypocrisie et de l’innovation qui sera fonction de son degré d’affront envers Allah et Son Messager,[7] et de son éloignement du Coran et de la sunna.[8]

En outre, il se caractérise pour suivre quelqu’un d’autre que le Messager d’Allah (r), parmi ses pères et ses ancêtres, et envers qui il fonde ses sentiments d’amour et de haine ; il aime tous ceux qui sont en accord avec lui, et déteste tous ceux qui sont en désaccord avec lui.[9] Il n’est pas enclin à se cramponner au Coran, à la sunna, et au consensus.[10] Les innovateurs ne rapportent pas leurs litiges aux textes scripturaires de l’Islam ; ils sont déchirés par des conflits qui sont souvent verbaux, mais qui peuvent aussi être physiques.[11] Leur signe distinctif est de délaisser le chemin des anciens.[12] Ils ne suivent que des conjectures et leurs passions…[13]

 

Des traditionalistes peuvent aussi sombrer dans l’innovation, mais cela ne fait pas forcément d’eux des innovateurs, tant qu’ils ne fondent pas dessus leurs sentiments d’amour et de haine

 

« Si ce genre d’individus ne fondent pas à partir de leur innovation une tendance avec laquelle ils se séparent de l’union des musulmans et sur laquelle ils fondent leur alliance (l’amour et la haine en Dieu), celle-ci sera mise au compte de la simple erreur. En sachant qu’Allah (I) pardonne ce genre d’erreur aux croyants. Ce fut le cas de bon nombre de grandes références parmi les anciens, qui, suite à un effort d’interprétation, furent les auteurs d’opinion qui allaient à l’encontre du Coran et de la sunna. Ils étaient différents de ceux qui fondaient dessus leur alliance et qui divisaient les rangs des musulmans ; ces derniers taxaient de mécréants ou de pervers tous ceux qui n’allaient pas dans leur sens, et épargnaient tous ceux qui les rejoignaient dans leurs idées et leurs efforts d’interprétation. Ils autorisaient moralement le sang de leurs adversaires, et ne touchaient pas à ceux qui s’accordaient avec eux. Ces gens-là sont les adeptes de la division et de la divergence. »[14]

 

Avec ces derniers, il est indispensable d’établir contre eux la preuve céleste

 

Là où nous voulons en venir, c’est que l’innovation, et, en général, tout ce qui s’oppose au Coran et à la sunna peut provenir d’un individu qui est excusable, soit pour avoir fait un effort d’interprétation soit pour avoir suivi quelqu’un d’autre (taqlîd) dans les limites excusables. Il est possible également qu’il n’ait pas les moyens de parvenir à la vérité.[15]

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit que les Textes divins concernant le mauvais devenir de l’homme (wa’îd) et les paroles provenant des grandes références de la religion sur les questions du takfîr (taxer quelqu’un d’apostat), du tafsîq (taxer quelqu’un de pervers), et autres, n’impliquent pas qu’il faille les appliquer à une personne en particulier sauf si celle-ci répond aux conditions pour le faire et si toute restriction en est exclue.[16]

 « Il n’y a pas de différence en cela entre les questions fondamentales et les questions subsidiaires de la religion, pour ce qui est du châtiment divin dans l’au-delà. Tout individu passible de la menace divine (châtiment, malédiction, courroux) qu’elle soit perpétuelle ou non, ou portant des noms (ism) qui s’y rattachent comme mécréant (pour le takfîr) et pervers (pour le tafsîq). Nous pouvons faire entrer dans cette règle indistinctement les innovations (qu’elles soient dogmatiques ou rituelles) qui touchent à la religion, ou les actes de débauche qui touchent à la vie profane, et auxquels on donne le nom de perversité corporelle.

 

Quant aux différents statuts terrestres (hukm), nous pouvons dire la même chose. Autrement dit, le djihadlancé contre les mécréants doit être précédé de la prédication. Le châtiment s’applique uniquement, en effet, à celui qui a reçu la preuve céleste. Nous pouvons dire la même chose pour les punitions des pervers, soit qu’elle n’a pas lieu avant d’avoir établi contre eux la preuve céleste. »[17] 

 

« Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[18]

 

Il explique ailleurs : « Quant à moi, – ceux  qui s’assoient avec moi le savent très bien –, je compte parmi les gens qui défendent avec le plus d’acharnement de condamner une personne en particulier d’apostat, de pervers, ou de désobéissant sauf s’il devient certain que la preuve prophétique a été fournie contre elle (qâmat el hujja e-risâliya) de sorte que toute personne qui les contredit soit condamnable d’être soit apostat, soit pervers ou soit désobéissant. J’ai par ailleurs établi qu’Allah pardonne les erreurs commises par les membres de cette communauté : Cela concerne aussi bien les erreurs qui relèvent des masâil el khabariya el qawliya (el usûl pour certains ndt.) que les masâil el ‘ilmiya(el furû’ pour certains ndt.). Les anciens se divisent encore sur ces questions. Personne n’a condamné l’un d’entre eux au kufr, au fisq ou à la ma’siya (…) J’expliquais que les paroles des anciens et des grandes références qui parlent du takfir el mutlaq en disant : celui qui fait telle et telle choses est un kafir ; j’expliquais qu’elles étaient justes, mais qu’il incombait également de faire la différence entre le mutlaq (le cas général) et le mu’ayin (le cas particulier). »[19]

 

« Quiconque s’oppose aux enseignements établis par le Coran et la sunna devient soit un mécréant, soit un pervers, soit, un désobéissant, sauf si c’est un croyant s’étant trompé suite à un effort d’interprétation. Il a droit à une récompense pour son effort, et son erreur lui est pardonnée. Il a droit à la même excuse s’il n’a pas reçu le savoir nécessaire ayant fonction d’établir la preuve céleste contre lui. Allah révèle en effet : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[20] Cependant, si la preuve céleste émanant des textes du Coran et de la sunna est établie contre lui, et qu’il s’y oppose ensuite, il devra recevoir la punition correspondante à son cas, et pouvant aller jusqu’à la mise à mort. »[21]

 

Les innovateurs ont la particularité d’utiliser un vocabulaire ambigu

 

Sheïkh el islamibn Taïmiya explique que les  grandes références interdisaient d’utiliser les expressions nouvelles dont le sens est vague et ambigu ; des expressions qui mélangent le vrai et le faux (qui induisent en erreur ndt.). Celles-ci sont, en effet, susceptibles de porter à confusion et de créer des polémiques et des dissensions ; contrairement à celles qui ont une origine dans les textes ou celles dont les anciens ont éclairé le sens ; celles-ci engendrent l’union et le savoir.[22]

 

En fait, les négateurs ne peuvent renier ouvertement les textes, alors ils ont recours à une technique. Ils utilisent des termes ambigus afin de cacher leurs intentions à ceux qui n’ont aucune expérience de leur vocabulaire. Puis, ils mettent en avant que leur ambition est d’exempter le Seigneur de tout défaut.[23]

 

Paradoxalement, ces innovateurs donnent des sens à ces termes ambigus qui ne puisent leur origine ni dans les textes du Coran et de la sunna, ni dans la langue arabe. Puis, ils s’en servent pour contrer le vrai sens de ces termes.[24]

 

Quant aux anciens, ils taxent d’innovateurs les partisans de ces termes ambigus, et s’attachent fidèlement à ceux qui sont légitimés par les textes. Cependant, ils ne rejettent pas pour autant ces termes ambigus d’un seul bloc. Sur la forme, ils sont certes intraitables, car on ne rend pas un mal par un mal, dans le sens où on ne combat pas les réfractaires à la révélation avec des moyens qui sont contraires à la religion. Cependant, sur le fond, leur approche est d’interroger leurs partisans sur le sens qu’ils leur donnent.[25] Ils les acceptent sur le fond à condition qu’ils soient conformes aux textes, sinon, ils les refusent catégoriquement.[26]

Ainsi, une enquête minutieuse s’impose, car, comme nous l’avons vu, ces termes ont un double sens, et il ne serait pas pertinent d’en bannir un (le vrai) sous prétexte de bannir l’autre (le faux), pour ensuite sombrer dans l’extrême opposé et devenir soi-même un innovateur.[27]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 



[1] Sheïkh Ibrahim  e-Ruhaîlî a retenu la définition suivante de l’innovation : c’est toute voie inventée dans la religion qui vient s’opposer à la Législation avec l’intention pour celui qui l’emprunte d'amplifier l’adoration d’Allah.

[2] Majmû’ el fatâwâ (35/414).

[3] Majmû’ el fatâwâ (414/35).

[4] El istiqâma (1/42).

[5] Majmû’ el fatâwâ (24/172).

[6] El îmân (p. 281).

[7] Majmû’ el fatâwâ (13/63).

[8] Majmû’ el fatâwâ (12/464).

[9] Majmû’ el fatâwâ (3/346-347).

[10] Majmû’ el fatâwâ (12/465).

[11] Majmû’ el fatâwâ (17/311-313).

[12] Majmû’ el fatâwâ (4/155).

[13] Majmû’ el fatâwâ (10/370-371).

[14] Majmû’ el fatâwâ (3/349).

[15] Majmû’ el fatâwâ (10/371).

[16] Majmû’ el fatâwâ (10/372).

[17] Majmû’ el fatâwâ (10/372).

[18] Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[19] Majmû’ el fatâwâ (3/229).

[20] Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

[21] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[22] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (1/271).

[23] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/275), et majmû’ el fatâwâ (13/304-305).

[24] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (10/302-303).

[25] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/254).

[26] Idem. (2/104).

[27] Idem.

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