Introduction à la science des Attributs divins
(Partie 3)
Voir notamment : e-nafî fî bâb sifât Allah qui à l’origine est une thèse universitaire ès magistère du chercheur Azraq ibn Mohammed Su’aïdân ayant eu pour encadreur Sheïkh U. D. Mohammed ibn Khalîfa e-Tamîmî.
Les trois domaines des Noms et Attributs divins
1- Le domaine des Noms : chaque Nom renferme un Attribut et une action qui sont sur la même racine. Ex. : Allah est Entendant, Il est doté de l’ouïe, et Il entend, mais l’inverse n’est pas vrai. En cela, les domaines des Attributs et des actions sont plus vastes que celui des Noms. Il est donc permis d’attribuer à Allah le Nom et l’Attribut en question, et de l’utiliser pour parler de Lui (le domaine de l’information).
2- Le domaine des Attributs : il existe des Actions sur la racine desquels il n’est pas possible de former un Nom. Ex. : Allah veut et Il est doté du Vouloir, mais il n’existe aucun Nom à base de cette racine. Néanmoins, il est possible de qualifier Allah avec l’Attribut qui en découle. Il est donc permis de l’utiliser pour parler de Lui dans deux domaines (Attribut et information). Notons qu’en eux-mêmes, ces Attributs n’ont aucune connotation laudative. C’est le contexte qui décidera s’ils le sont ou non. En l’occurrence, affiliés à Allah, ils ne peuvent être que laudatifs. Certaines actions interviennent dans un contexte de réaction aux mauvais agissements des mécréants et de punition (ex. : la ruse). Il n’est pas possible de former un Nom divin à partir d’eux. Nous devons les évoquer dans le même contexte qu’ils sont venus dans le Coran, non dans l’absolu. Nous n’avons pas le droit de dire qu’Allah ruse, mais qu’Il ruse avec ceux qui rusent ; les mécréants et les hypocrites en l’occurrence.
3- Le domaine de l’information : certaines actions exprimées par le verbe « faire » ou autres ne relèvent ni du domaine des Noms ni du domaine des Attributs, mais uniquement dans celui de l’information. Nous nous tenons donc aux textes. En cela, le domaine des informations est le plus vaste des trois.[1]
Ainsi, en principe seuls les textes attribuent ou défendent d’attribuer à Allah des noms et attributs. Il est strictement interdit pour Le décrire d’utiliser n’importe quel nom ou attribut dont les textes ne font pas mention.[2] Concernant le domaine de l’information, nous pouvons recenser deux tendances au sein des traditionalistes. Pour les uns, notamment Na’îm ibn Hammad el Khuzâ’î, el Bukhârî, Abû Bakr ibn Khuzaïma, ibn ‘Abd el Barr il est tawqîfî dans le sens où ils interdisent de sortir des textes pour parler d’Allah.[3] Les autres ont autorisé à utiliser des termes comme shaï, mawjûd, el qâim bi nafsihi, el haraka, bi thâtihi, bâin ‘an khalqihi, etc. tout en interdisant de former des noms et attributs à partir d’eux. Ces fameux termes sont de deux types : des termes aux connotations purement laudatives et des termes, qui, en eux-mêmes, ne veulent rien dire. L’essentiel en les utilisant, c’est de connaitre les réelles intentions de leur auteur, et qu’ils conviennent en l’occurrence pour décrire Allah.[4]
Cette tendance est celle de la plupart des anciens qui ont recours à ce procédé. En sachant que la signification du terme choisi doit avoir reçu l’aval de tous dans ce qu’il est permis d’attribuer à Allah.[5]
Les termes ambigus
Il existe deux sortes de termes :
1- Ceux qui sont utilisés dans le Coran et la sunna, et que nous devons reconnaitre que ce soit pour affirmer ou infirmer quelque chose.
2- Ceux qui ne sont pas utilisés dans les textes, et qui n’ont pas reçu l’aval des anciens.[6]
Il est possible de classer cette dernière catégorie en quatre sortes :
A- Ceux que certains anciens ont utilisés d’emblée (dhât, et bâin) soient pour les approuver soit pour les rejeter. Ceux-ci ont une bonne connotation, et la plupart des anciens les ont approuvés, car conformes aux textes et au crédo authentique. Nous avons vu plus haut que certains érudits s’opposent à leur utilisation sous le prétexte que ce domaine, au même titre que les autres, est tawqîfî. Nous avons vu dans un article précédent qu’il était permis d’y avoir recours en vue de clarifier le crédo traditionaliste et de réfuter les sectateurs de tout bord.
B- Des termes utilisés par certains anciens parfois en vue de les approuver et d’autres fois en vue de les réfuter. Ex. : el hadd et el mumâssa.
C- Des termes utilisés par certains anciens, mais aussi par leurs adversaires. Ex. : el jiha.
D- Des termes utilisés uniquement par les adversaires des anciens. Ex. : el jism, el Haïz, wâjib el wujûd, el jawhar, el ‘ardh.
Les pieux prédécesseurs taxent d’innovateurs les partisans de ces termes ambigus (D), et s’attachent fidèlement à ceux qui sont légitimés par les textes. Cependant, ils ne rejettent pas pour autant ces termes ambigus d’un seul bloc. Sur la forme, ils sont certes intraitables, car on ne rend pas un mal par un mal, dans le sens où on ne combat pas les réfractaires à la révélation avec des moyens qui sont contraires à la religion.[7] Cependant, sur le fond, leur approche est d’interroger leurs partisans sur le sens qu’ils leur donnent.[8] Ils les acceptent sur le fond à condition qu’ils soient conformes aux textes, sinon, ils les refusent catégoriquement.[9] Ainsi, une enquête minutieuse s’impose, car, comme nous l’avons vu, ces termes ont un double sens, et il ne serait pas pertinent d’en bannir un (le vrai) sous prétexte de bannir l’autre (le faux), pour ensuite sombrer dans l’extrême opposé et devenir soi-même un innovateur.[10]
En fait, les négateurs ne peuvent renier ouvertement les textes, alors ils ont recours à une technique. Ils utilisent des termes ambigus afin de cacher leurs intentions à ceux qui n’ont aucune expérience de leur vocabulaire. Puis, ils mettent en avant que leur ambition est d’exempter le Seigneur de tout défaut.[11]
Paradoxalement, ces innovateurs donnent des sens à ces termes ambigus qui ne puisent leur origine ni dans les textes du Coran et de la sunna, ni dans la langue arabe. Puis, ils s’en servent pour s’insurger contre le vrai sens de ces termes.[12]
Si cela est clair, alors sachons que les négateurs ont malheureusement sombré dans cet extrême en bannissant sans forme de procès les concepts ayant un double sens. Des concepts comme la jiha (la direction), le makân (l’endroit), le haïyiz (la localité), et le hadd (la limite). C’est ce qui les a poussés à contester des notions élémentaires que la prophétie a transmises aux hommes, mais qui, avant tout, sont conformes à la nature humaine. Ils se sont ainsi érigés contre les preuves textuelles et rationnelles établissant l’un des points les plus essentiels du dogme, soit que, doté d’Attributs parfaits, Allah est au-dessus de la création. Puis, pour donner plus de crédit à leur discours, ils créent un amalgame en imputant des grossièretés aux traditionalistes. À l’opposée, un autre extrême s’est constitué en acceptant à outrance le terme jiha ; soit en lui ajoutant des contours qui vont à l’encontre du dogme traditionaliste puisant sa légitimité dans les textes scripturaires de l’Islam, mais aussi de la langue arabe.[13]
En parlant de ce qui appartient et de ce qui n’appartient pas à Allah, les Attributs se divisent en deux catégories :
Les Attributs affirmatifs : ce sont les Attributs que les textes scripturaires de l’Islam (Coran/sunna) reconnaissent et qui expriment la perfection absolue du Très-Haut. Chacun d’entre eux renferme un antonyme (défaut, imperfection) dont Il se différencie. Ex. : la Vie, le Savoir, la Puissance, l’Ouïe, la Vue, l’Élévation, la Seigneurie, la Divinité, etc.
Les Attributs négatifs : ce sont les Attributs que les textes scripturaires de l’Islam (Coran/sunna) infirment, car exprimant une imperfection à laquelle le Très-Haut se différencie. Chacun d’entre eux renferme un antonyme (la perfection absolue) dont Il se distingue ; la négation pure, en effet, ne contient aucun sens laudatif en elle-même.
Ex. : la négation d’avoir un enfant, un père, une compagne, un associé, un rival, un semblable, un égal, un soutien ; la négation de mourir, de dormir, de s’assoupir, d’impuissance, etc.
Tous les Attributs affiliés à Allah sont parfaits
Il est possible de classer en trois catégories les Attributs affiliés à Allah dans les textes.
1- Des Attributs parfaits qui ne dénotent aucune connotation péjorative, et avec lesquels nous Le qualifions sans restriction. Ex. : la Vie, le Savoir, le Pouvoir, la Parole, la Miséricorde, l’Élévation au dessus de la création et au dessus du trône, la Main, la Face, la descente au premier ciel, le Rire, etc.
2- Des Attributs qui, dans son cas, sont des défauts, qui n’ont aucune connotation laudative, et qu’il est interdit de Lui attribuer. Ex. : la mort, l’ignorance, l’oubli, la fatigue, être aveugle, sourd, muet, etc.
3- Des attributs qui ne sont ni laudatifs dans l’absolu ni péjoratifs dans l’absolu ; il est donc interdit de Lui attribuer dans l’absolu, mais aussi de ne pas Lui attribuer dans l’absolu.[14]
Nous allons nous intéresser à cette dernière catégorie, étant donné que celle-ci peut porter à confusion. Nous disons donc :
Celle-ci se divise également en deux sous-ensembles :
A- Des Attributs qui affiliés à Allah ont un sens laudatif : la Volonté, la Parole, « faire » une chose, etc. bien qu’en eux-mêmes, ils ne veulent rien dire. C’est le contexte qui délimitera leur sens. En l’occurrence, affiliés à Allah, ils ont un sens parfait. Il n’est pas permis de former des noms à partir d’eux, étant donné qu’ils ne sont pas laudatifs en eux-mêmes, alors qu’Allah mérite les éloges absolus. Nous devons donc les utiliser dans le même contexte (soit avec les mêmes restrictions) que les textes.[15] Il n’est pas permis d’affilier à Allah des participes présents formés à partir de ses Attributs (le parleur pour la Parole, le faiseur, pour faire une chose, etc.). S’ils n’entrent ni dans le domaine des Noms ni dans celui des Attributs, il est possible toutefois de les utiliser dans celui des informations. On peut dire par exemple qu’Allah est faiseur de bien.[16] La condition pour le faire, c’est que le contexte soit élogieux.
B- Des Attributs qui interviennent dans un contexte de réaction aux mauvais agissements des mécréants et de punition (ex. : la ruse). En eux-mêmes, ils peuvent avoir un sens soit laudatif soit péjoratif, en fonction du contexte. C'est pourquoi il n’est pas permis de les affilier au Tout-Puissant dans l’absolu. Il n’est pas permis non plus de former des noms à partir de ses Attributs. On ne peut pas dire par exemple qu’Allah est ruseur.[17] Il n’est pas permis non plus de Lui affilier des participes présents à partir d’eux ; ni dans le domaine des Noms ni dans celui des Attributs, ni même dans celui des informations. Il est possible de les utiliser, tout en respectant le contexte des textes, soit en opposition à la ruse des mécréants, mais uniquement dans le domaine des informations ; ces participes présents ne sont ni des Noms ni des Attributs.[18]
À suivre…
Par : Karim Zentici
http://mizab.over-blog.com/
[1] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/297-298).
[2] Jâmi’ e-rasâil (2/239).
[3] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).
[4] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).
[5] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).
[6] Majmû’ el fatâwâ (12/113-114).
[7] Or, il est possible d’utiliser ces termes hérétiques par condescendance, et si l’intérêt le réclame. C’est le cas par exemple quand on s’adresse à des personnes qui ne connaissent que ce vocabulaire ; voir : Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/554-555).
[8] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/254).
[9] Idem. (2/104).
[10] Idem.
[11] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/275), et majmû’ el fatâwâ (13/304-305).
[12] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (10/302-303).
[13] Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/322).
[14] E-safdiya (1/102).
[15] Sharh el ‘aqîda el asfahâniya (p. 22).
[16] Badâi’ el fawâid d’ibn el Qaïyim (1/142).
[17] Badâi’ el fawâid d’ibn el Qaïyim (1/146).
[18] Majmû’ el fatâwâ (8/96).