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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 16:09

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L’abécédaire du jarh wa ta’dîl

(Partie 1)

 

Sa’îd ibn el Musayïb : « Tout savant, tout homme honorable ou de haut rang a des défauts. Cependant, quand on a plus de bons que de mauvais côtés, les bons côtés l’emportent ; et quand on a plus de mauvais côtés, ce sont eux qui l’emportent. » [Jâmi’ bayân el ‘ilm wa fadhlilî d’ibn ‘Abd el Barr (2/821).]

  

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Introduction 

 

Certains gens, qui sont attirés par la notoriété et les honneurs, sont malheureusement éprouvés, comme le révèle le hadîthselon lequel le Prophète (r) a dit : « Deux loups au milieu des moutons ne sont pas plus nuisibles pour la religion de l’individu que son attachement aux biens et aux honneurs. »[1] Il s’agit de l’amour de la notoriété et de la dignité.

 

Selon el Khallâl, Sufiân [vraisemblablement e-Thawrî] a dit : « L’amour du pouvoir est plus alléchant aux yeux d’un homme que l’or et l’argent, et quand on aime le pouvoir on est à l’affût des défauts des autres. »[2]

 

Ce dernier envoya à ‘Abbâd ibn ‘Abbâd un courrier dans lequel il lui fit les recommandations : « … Ne compte pas parmi les gens qui aiment que leur parole soit exécutée, qu’elle soit répandue, ou, pour le moins, écoutée de sorte que dès qu’on s’abstient de le faire, cela se voit immédiatement sur eux. Ne recherche surtout pas le pouvoir qui est plus alléchant aux yeux d’un homme que l’or et l’argent. Ce domaine est si obscur que seuls les savants simsâr (chevronnés ndt.) peuvent en détecter les contours. Remets-toi en question et œuvres avec intention. Sache que les hommes se rapprochent d’une époque où la mort sera préférable à celle-ci. Salâm ! »[3]

 

L’importance de la science du jarh wa ta’dîl

 

Allah (I) révèle : [C’est Nous qui avons révélé le Rappel, et c’est à Nous à qui revient de le garder].[4]

 

Sufiân e-Thawrî : « Les anges sont les gardiens du ciel, et les traditionnistes sont les gardiens de la terre. »[5]

 

Yazîd ibn Zarî’ : « Toute religion a des cavaliers, qui sont, pour la nôtre, les spécialistes de la narration. »[6]

 

‘Abd Allah ibn el Mubârak : « Pour moi, la narration fait partie de la religion, car, sans elle, chacun pourrait dire ce qu’il veut. »[7]

 

Mohammed ibn Sirîn : « Avant, personne ne questionnait sur la narration, mais après la fitna (troubles ndt.), les savants se sont mis à dire : citez-nous vos hommes ! Depuis, ils prennent le hadîth des traditionalistes et mettent de côté ceux des innovateurs. »[8]

 

Il disait également : « Le savoir fait partie de la religion, alors regardez de qui vous le prenez. »[9] 

 

Qu’est-ce qu’un thiqa ?

 

Allah (I) révèle : [Quand un pervers vous vient avec une nouvelle, alors vérifiez-la].[10]

 

La condition pour accepter la parole d’un narrateur, c’est qu’il soit de confiance (el ‘adl), au même titre que le témoin ; mais il doit également être intellectuellement irréprochable (e-dhabt), de sorte qu’il rapporte avec exactitude ce qu’il mémorise et que sa mémoire ne lui fasse pas défaut. Si en plus de cela, il se distingue par un savoir étendu et par une multitude de narration, il prend le statut de hâfizh.[11]

 

Ainsi, pour devenir thiqa (crédible), on ne regarde pas que l’aspect moral, mais également et surtout les aptitudes intellectuelles, selon l’opinion de la grande majorité des traditionnistes.[12] Bon nombre de spécialistes en usûl et en fiqh, à qui il faut ajouter certains traditionnistes à l’instar d’ibn Hibbân et d’ibn ‘Abd el Barr, se fient en grande partie sur la crédibilité morale pour définir un thiqa, sans n’être aussi pointilleux sur la crédibilité intellectuelle.[13]

 

Pourtant, il est possible d’être moralement crédible, mais sans remplir les conditions de narration. Abû e-Zinâd est l’auteur des paroles : « J’ai rencontré à Médine cent savants de confiance chez qui on ne prend pas le hadîth, sous prétexte qu’ils n’en ont pas la compétence. »[14] 

 

Par ailleurs, il y a deux façons de reconnaitre qu’un narrateur est moralement de confiance ; soit grâce au témoignage des spécialistes en critique du hadîth, soit grâce à sa réputation.[15] On ne peut se fier à quelqu’un sur de simples apparences.[16] Contrairement aux assertions d’ibn Hibbân, ce n’est pas parce qu’on a reçu aucune critique qu’on est forcément crédible. Au meilleur des cas, on est anonyme, ce qui n’est pas une marque de confiance.[17]

 

La critique positive et négative

 

La critique positive (ta’dîl) est acceptée, sans que le critiqueur ait besoin de se justifier, selon l’avis le plus probable et le plus répandu. Il lui serait trop difficile, en effet, de devoir dresser une liste de tout ce qu’il ne reproche pas à un tel.[18] Néanmoins, seul le critiqueur expérimenté est à même de juger qu’un tel est crédible, pour éviter d’ouvrir la porte à n’importe qui.[19] Surtout que, selon l’opinion la plus probable, un seul témoignage suffit pour valider la crédibilité d’un rapporteur. C’est l’un des points de différence entre la narration et le témoignage qui réclame de recouper l’information devant un juge (deux témoignages au minimum).[20] Le critiqueur joue, en effet, le rôle de juge, non de témoin.[21] 

 

Il incombe au critiqueur d’être modéré (contrairement à celui qui critique pour tout et pour rien) et éveillé (contrairement à celui qui se fait une bonne opinion des autres sur leur simple apparence).[22]

 

Exemple de critique négative inacceptable

 

Jarîr refusa d’écrire les narrations de Sammâk ibn Harb, car l’ayant vu uriner debout. Sharh ibn Hawshab fut critiqué, car il portait des vêtements militaires. Shu’ba ibn el Hajjâj délaissa Abû e-Zubaïr Mohammed ibn Muslim, car l’ayant vu triché dans la balance. Pourtant, il le faisait à ses dépens, ce qui ne justifie aucun jarh à son encontre.[23] D’après el Marwazî (ou el Marrûzî), selon l’Imam Ahmed, Yahyâ ibn Ma’în était mécontent d’Ibrahim ibn Sa’d, car il était au Caisse de l’Empire.[24]

 

Ibn Daqîq el ‘Îd fait remarquer que les divergences de croyance sont à l’origine de certains débordements. Ce phénomène engendra un certain sectarisme qui déboucha sur des accusations à tout va d’innovateur (tabdî’), voire de mécréant (takfîr).[25] Ces éléments sont donc à tenir compte dans la balance avant de juger un quelconque rapporteur.

 

Ex. :

 

El Jawzujânî était dur envers ‘Alî ibn Harb,[26] la raison, c’est que, ayant un penchant nâsibite, il avait une dent contre les shiites primitifs, comme le signale el Khatîb el Baghdâdî. Il prenait également à partie Abân ibn Taghlab pour les mêmes raisons. Les anciens ne faisaient pas attention à ce genre de débordements. Notons que le shiisme primitif prit son élan à Koufa. Il se basait sur la préférence d‘Alî à ‘Uthmân. Les grandes sommités qui l’adoptèrent étaient mues par un effort d’interprétation, loin de tout chauvinisme et sectarisme. Le cas échéant, il n’y a aucune raison de mettre de côté leurs connaissances étendues en matière d’annales prophétiques, à fortiori quand ils ne faisaient pas la propagande de leurs idées.[27]

 

Le grand biographe Mohammed ibn Ishâq était considéré par l’Imâm Mâlik comme un charlatan et un vulgaire menteur. E-Dhahabî nous en explique la raison. Le premier prétendait à tort que la famille du second était sous la protection et la captivité des Banû Taïm.[28] Il va sans dire que les savants n’ont pas tenu compte des considérations personnelles de l’Imâm. ‘Alî el Madînî s’étonnait d’ailleurs qu’il parlât sur un homme qu’il n’avait jamais rencontré, et qui n’avait rapporté aucune narration de Médine ![29]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 



[1] Rapporté par e-Tirmidhî (2376) et Ahmed (3/456), selon Ka’b ibn Mâlik (t).

[2] Tabaqât el Hanâbila (2/14).

[3] Dham el hirs wa el mâl d’ibn Rajab.

[4] El hijr ; 9

[5] Sharaf ashâb el hadîth d’el Khatîb el Baghdâdî (p. 80).

[6] Sharaf ashâb el hadîth d’el Khatîb el Baghdâdî (p. 81).

[7] El ‘ilal e-saghîr d’e-Tirmîdhî (5/340) ; voir également : Sahîh Muslim (1/15).

[8] Sahîh Muslim (1/15).

[9] Sahîh Muslim (1/14).

[10] Les appartements ; 6

[11] El mawqizha d’e-Dhahabî (p. 67-68).

[12] ‘ulûm el hadîth d’ibn Salâh ; voir : e-taqyîd wa el idhâh d’el ‘Irâqî (p. 136).

[13] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 11).

[14] Sahîh Muslim (1/15).

[15] ‘ulûm el hadîth d’ibn Salâh ; voir : e-taqyîd wa el idhâh d’el ‘Irâqî (p. 137).

[16] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142).

[17] El mawqizha d’e-Dhahabî (p. 78).

[18] ‘ulûm el hadîth d’ibn Salâh ; voir : e-taqyîd wa el idhâh d’el ‘Irâqî (p. 138).

[19] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142).

[20] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142).

[21] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 21).

[22] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142).

[23] Voir : el kifâya d’el Khatîb el Baghdâdî (p. 142).

[24] El ‘ilal d’el Marwazî (p. 215).

[25] El iqtirâh d’ibn Daqîq el ‘Îd (p. 291).

[26] Ahwâl e-rijâl (p. 59).

[27] Tahdhîb e-tahdhîb d’ibn Hajar (1/81).

[28] Siar a’lâm e-nubalâ (8/71).

[29] ‘ulûm el hadîth d’ibn Salâh ; voir : e-taqyîd wa el idhâh d’el ‘Irâqî (p. 138).

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