Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 11:15

Desert-Oasis-Libya

L’Imam Ahmed était-il ash’arî ?

 (Partie 2)

 

Voir : el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 397-409) de Faïsal el Jâsim.

 

Troisièmement : Cette fameuse ‘aqîda, qui est imputée à l’Imam Ahmed et sur laquelle s’appuient nos deux chercheurs, renferme de nombreux points qui s’opposent à la croyance ash’arite qui représenterait, à leurs yeux, la tendance traditionnaliste (ahl e-sunna), et par voie de conséquence, celle de l’Imam Ahmed. En voici plusieurs exemples :

 

    1 - Abû el Fadl e-Tamîmî a dit en parlant du Visage d’Allah (wajh) : « Pour lui (en parlant d’Ahmed), le Visage est à prendre au sens propre (haqîqa) non au sens figuré (majâz). Le Visage d’Allah est éternel et ne se détériore pas. C’est l’un de Ses Attributs qui est impérissable. Celui qui prétend que Son Visage correspond à Son Essence aura dévié ; et celui qui en change le sens aura mécru. »[1]

 

Or, pour les ash’arites, le Visage d’Allah n’est pas à prendre au sens propre. Pour les uns, Il correspond à Son Essence et les autres préfèrent avoir recours au tafwîdh (en laissant sa signification à Allah ndt.).

Dans usûl e-dîn, ‘Abd el Qâhir el Baghdâdî affirme : « Pour nous, le vrai sens qu’il faut donner à el wajh, c’est Son Essence, et aux Yeux, Sa vision des choses. »[2] Pour sa part, Abû el Ma’âlî el Juwaïnî soutient : « Pour nous, il faut donner aux Mains le sens de puissance, aux Yeux le sens de vision, et au Visage le sens d’existence. »[3]

 

Nos deux auteurs vont même plus loin en avançant que reconnaitre cet Attribut, c’est faire preuve d’anthropomorphisme (tajsîm). Ils disent en effet : « La différence entre les termes qui parlent des ajsâm (corps) et de ce qui tourne autour, et les termes qui parlent des ma’ânî (Attributs significatifs ndt.), est énorme… les premiers laissent à penser à leur écoute qu’il s’agit de membres et de « corps »… Or, le contexte veut que l’on prenne ses termes dans leur sens métaphorique et figuré, à l’exemple de la « Main », le « Doigt », le « Visage »… »[4] Nous sommes ici bien loin de la tendance d’Ahmed !

 

2 - E-Tamîmî affirme au sujet de la croyance d’Abû ‘Abd Allah : « Allah le Très-Haut a deux mains. Elles correspondent à un Attribut de Son Essence… il est incorrect de dire qu’il s’agit de la Puissance, la Grâce, ou la Bonté divine, étant donné que le pluriel de Main au sens propre (yad) est aïdin, et son pluriel au sens figuré est ayâdin. »[5]

Pour nos deux chercheurs, la Main d’Allah sous-entend un anthropomorphisme latent et Elle ne compte par parmi les Attributs de Son Essence. Ils se tournent alors soit vers le tafwîdh en précisant tout de même qu’il ne soit pas question de Main au sens propre, soit vers le ta-wîl en interprétant la Main par la Grâce d’Allah ou Sa Puissance. Ils affirment à ce sujet : « Nous en trouvons un exemple [du tafwîdh] dans le Verset : [Ses deux Mains sont plutôt étendues].[6] La main de manière générale prend le sens de générosité et prodigalité… Quant aux Mains affiliées au Très-Haut dans ce Verset, après avoir évacué de l’esprit leur sens littéral… Celles-ci supportent plusieurs définitions au sens figuré du terme. La plupart des anciens ne se prononcent pas quand il s’agit de trancher entre elles et d’en choisir une. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre qu’ils n’en connaissaient pas le sens. »[7] Est-ce vraiment conforme aux paroles d’Abû ‘Abd Allah ?

 

3 - E-Tamîmî poursuit, en parlant de l’Imam : « Il disait : Le Coran, de quelle façon qu’on puisse l’utiliser, est incréé. Allah (I) parle avec des sons et des lettres. »[8]

 

Aux yeux de nos deux auteurs et des ash’arites en général, Allah n’a pas la faculté de parler selon Sa Volonté et Sa Parole ne correspond pas à des sons et des lettres. Reconnaitre ces deux dernières choses, c’est, selon eux, sombrer dans l’égarement et l’innovation, en faisant ressembler le Seigneur à Ses créatures. Ils assurent en effet : « Il suffit de parcourir e-nazhzhâmiya pour y découvrir la croyance des traditionalistes, les ash’arites. Par exemple, l’Imam el Juwaïnî défend qu’on puisse attribuer au Très-Haut, une direction, un endroit, un haïz, des lettres, des sons, et le sens littéral des textes ambigus… Il en est de même pour l’Imam el Ghazâlî – qu’Allah lui fasse miséricorde – dans son livre iljâm el ‘awâm…, En réalité, c’est le principe que suivent les grandes références ash’arites qui consiste à épargner Allah (tanzîh) des particularités propres aux accidents (hawâdîth), comme la direction, l’endroit, les lettres, les sons, et le sens littéral que dénotent les textes ambigus… »[9]

 

Remarque du traducteur : Nos deux auteurs parlent en fait du néo-ash’arisme. Ils ne disent pas en effet que leur père fondateur, ainsi que ses premiers adeptes comme Abû el Hasan e-Tabarî, Abû ‘Abd Allah ibn Mujâhid el Bâhilî, el Qâdhî Abû Bakr el Baqallânî s’accordent à reconnaitre les Attributs textuels cités dans le Coran, comme l’istiwâ, le Visage, et la Main. Ils dénonçaient toute interprétation de ces Attributs (ta-wîl).[10] Ils n’avaient pas deux opinions sur la question contrairement à leurs héritiers. Abû el Ma’âlî el Juwaïnî est le premier parmi les savants les plus connus à s’insurger contre les textes avec l’arme du ta-wîl, comme le souligne ibn Taïmiya.[11] D’autres savants des nouvelles générations adhèrent formellement au ta-wîl. Juste avant el Juwaïnî, Il y a eu ‘Abd el Qâhir el Baghdâdî, et plus tardivement Abû Hâmid el Ghazâlî, el Fakhr e-Râzî, el Âmudî, etc.[12]

 

Selon ces derniers, reconnaitre le sens littéral des Attributs textuels, c’est sombrer dans l’anthropomorphisme haïssable.[13]

 

À suivre…

 

Traduit par :

Karim Zentici 

   

 

      

  

 

 

    

 

 



[1] Dhikr mihna el Imâm Ahmed (p. 57).

[2] Usûl e-dîn (p. 110).

[3] El Irshâd (p. 155).

[4] Ahl e-sunna el ashâ’ira (p. 193).

[5] Tabaqât el hanâbila (2/294).

[6] Le repas céleste ; 64

[7] Ahl e-sunna el ashâ’ira (p. 153).

[8] Tabaqât el hanâbila (2/294).

[9] Ahl e-sunna el ashâ’ira (p. 76). 

[10] Voir notamment : el ibâna (p. 53-58), risâlat ilâ ahl e-thaghr (p. 225, 232-234), maqâlât el islâmiyîn (p. 290-297) tous d’Abû el Hasan el Ash’arî ; e-tamhîd de Baqallânî (p. 295-299).

[11] Dur ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/17-18). El Baïhaqî suit également ce principe dans el Asmâ wa e-sifât (2/25-53).

[12] Voir pour el Juwaïnî, el irshâd (p. 155-163), e-shâmil (p. 543-570) ; pour ‘Abd el Qâhir el Baghdâdî, usûl e-dîn (p. 109-112) et el ghuniya fî usûl e-dîn (p. 113-116) ; pour el Ghasâlî, qawâ’id el ‘aqâid (p. 167) et iljâm el ‘awâm (p. 75-76) ; pour e-Râzî, asâs e-taqdîs (p. 99 et les pages suivantes) ; et enfin pour el Âmudî, ghâyat el marâm (p. 139-143).

[13] Voir : asâs e-taqdîs (p. 182) et ghâyat el marâm (p. 138).

Partager cet article
Repost0

commentaires