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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 16:25

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La Main d’Allah

(Partie 2)

 

Les anciens

 

‘Abd Allah ibn ‘Omar (m. 64 h.) : « Allah a créé quatre choses de Ses propres Mains : Adam, le Trône, la Plume, le Paradis éternel. Le reste de la création, Il la crée en disant « sois », puis elle devient. »[1]

 

À propos du Verset : [Il saisira la terre entière dans une Main, et Il pliera les cieux de Sa Main droite].[2] L’Imam Rabî’a ibn ‘Amr el Jirshî (m. 64 h.) a fait le commentaire suivant : « Son autre Main sera vide ; il n’y aura rien du tout. »[3]

 

Hakîm ibn Jâbir ibn Târiq el Ahmasî (m. 82 h.) : « Allah (I) n’a touché directement de Sa Main que trois de Ses créations : Il a créé le Paradis de Ses Mains, puis il a fait sa terre en wars et en safran, et le ciel en musk. Il a créé Adam de Sa Main, et a écrit la Thora pour Moussa. »[4]

 

Zaïn el ‘Âbidîn (m. 93 h.) : « … L’aumône parvient dans la Main d’Allah avant qu’elle ne parvienne à celle du mendiant. » Puis, il fit un signe en direction de sa paume.[5]

 

Khâlid ibn Mi’dân el Kulâ’î el Himsî (m. 103 h.) : « Allah (U) n’a touché directement de Sa Main que : Adam (u) qu’il a créé de Sa Main, le Paradis, et la Thora qu’Il a écrit de Sa Main. »[6]

 

‘Ikrima mawlâ ibn ‘Abbâs (m. 104 h.) : « Allah (U) n’a touché directement de Sa Main que trois de Ses créations : Il a créé Adam de Sa Main, Il a orné les jardins du Paradis de Sa Main, et Il a écrit la Thora de Sa Main. »[7]

 

Au sujet du Verset : [Ses deux Mains sont plutôt étendues].[8] Il a fait le commentaire suivant : « Il parle des deux Mains. »[9]

 

‘Abd Allah ibn Abî Mulaïka (m. 117 h.) ; Nâfi’ ibn ‘Omar rapporte : « J’ai interrogé ibn Abî Mulaïka au sujet de la Main d’Allah ; je voulais savoir s’il y en avait qu’une seule ou bien deux. Voici ce qu’il me répondit : « Il y en a deux ! » » [10]

 

L’exégèse d’ibn ‘Abbâs

 

Ibn ‘Abbâs aurait interprété le Verset : [et le ciel, Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin].[11] Selon el Qurtubî, il aurait dit : « avec Notre Force et Notre Puissance. »

 

En réponse, nous disons :

 

Le terme Aïdin n’est pas le pluriel de Yad (Main).[12] Il s’agit du même terme que dans le Verset : [Et évoque Notre serviteur Dâwûd qui était doué de force].[13] El aïd signifie ici la force, du verbe âda yaîdu.

 

Pour celui qui n’en serait pas convaincu, penchons-nous vers l’explication d’Abû el Hasan el Ash’arî dans el ibâna. En réfutation aux jahmites et aux mu’tazilites qui interprètent la Main d’Allah, ce dernier souligne en effet : « Question : certains faibles d’esprit avancent au sujet du Verset : [et le ciel, Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin].[14] Comme Aïd a le sens de Puissance, il incombe d’interpréter de cette façon l’autre Verset : [de Mes deux Mains].[15]

 

Nous répondons que c’est une mauvaise interprétation pour les raisons suivantes :

Premièrement : le Aïdin en question n’est pas le pluriel de Yad. Le pluriel de yad est yaïdî, et le pluriel de yad dans le sens de bienfait est ayâdîn, alors qu’il s’agit ici : [que J’ai créé de Mes deux Mains].[16] Ainsi, pour Yadayya, il est faut de dire qu’il s’agit du même terme que dans le Verset : [Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin]. »[17]

 

Ibn Khuzaïma explique pour sa part : « Certains jahmites prétendent au sujet du hadîth : « Allah créa Adam de Ses Mains » ; qu’il s’agit de Sa Force, dans le sens où la Main serait la Force. Nous sommes là aussi dans le domaine de la falsification. C’est faire preuve d’une mauvaise connaissance de la langue Arabe, qui donne le nom de force au terme aïd non yad. Celui qui ne sait pas faire la distinction entre ces deux termes a plus besoin de revenir ou d’être ramené à l’école que de s’ériger le titre de savant et le droit de lancer des polémiques. »[18]

 

La classification des Attributs divins

 

Les traditionalistes recensent six catégories d’Attributs que nous pouvons résumer de la façon suivante :

 

1-               Attributs essentiels, texto-rationnels : ex. : la Vie, le Savoir, la Puissance, l’Élévation, la Seigneurie, la Divinité, etc.

2-               Attributs essentiels textuels : ex. :le Visage, les deux Mains, les deux Yeux, etc.

3-              Attributs volontaires textuels : ex. :l’istiwâ sur le Trône, la descente au premier ciel, la venue le Jour de la résurrection, etc.[19]

4-              Attributs volontaires texto-rationnels : ex. :la Création, le Pouvoir de donner la vie et la mort, la Parole, etc.

5-              Attributs négatifs texto-rationnels : ex. : la négation de la mort, de l’impuissance, de l’injustice, de la distraction, de l’ignorance, etc.

6-              Attributs négatifs textuels : l’impossibilité d’être vue avec les yeux sur terre.[20] 

 

Ainsi, la Main entre dans deux ensembles :

 

-          Les Attributs purement essentiels : qui, sans dépendre de Sa Volonté ou de Ses Actions, sont inhérent à Lui. Ex. : la Vie, le Savoir, la Puissance, l’Élévation au-dessus de Sa création, la Sagesse, la Grandeur, le Visage, les deux Mains, etc.

-          Les Attributs uniquement textuels : que l’on appelle indistinctement Sifât sam’iya, naqliya, ou shar’iya. Seuls les textes sont à même de nous les indiquer, en sachant que la raison saine ne s’y oppose pas, je dirais même qu’elle les confirme. Ex. : le Visage, les deux Mains, les deux Yeux, la Jambe inférieure (Sâq), le Pied (rijl, Qadam), les Doigts, fermer la Main (Qabdha), l’istiwâ sur le Trône, la descente au premier ciel, la venue le Jour de la résurrection, etc.

 

Le crédo traditionaliste dans le domaine des Attributs textuels

 

D’après el Baïhaqî, el Awzâ’î affirme : « Nous et les tabi’îns (les successeurs des Compagnons) sommes nombreux à dire qu’Allah est au-dessus de Son Trône et nous donnons foi aux Attributs rapportés par les textes de la sunna. »[21]

 

El Walîd ibn Muslim nous fait le témoignage suivant : « j’ai interrogé el Awzâ’î, Sufiân e-Thawrî, Mâlik ibn Anas, et e-Laïth ibn Sa’d au sujet des hadîth qui parlent de la vision d’Allah, le Jour de la Résurrection. Ils m’ont tous répondu qu’il fallait les laisser comme ils sont au sens littéral, sans chercher à faire de description. »[22]

 

Hanbal rapporte la tendance d’Ahmed : « Rien ne Lui ressemble au niveau de Son Essence, comme Il s’est décrit Lui-même. Allah donna un sens général à Ses Attributs. Il définit (hadda) l’un de Ses Attributs qui ne ressemblent à rien d’autre. Ses Attributs ne peuvent se limiter à nos définitions ou ils ne sont pas délimités (ghaïr mahdûda) et Ils nous sont inconnus sauf ce qu’Il nous en décrit.

Il dit : Il est Voyant et Entendant sans parler de hadd ni faire d’approximation (taqdîr). Personne ne peut le décrire comme il convient, nous n’allons pas au-delà du Coran et du hadîth.Nous répétons scrupuleusement les Paroles d’Allah et nous le décrivons comme Il se décrit Lui-même sans aller au-delà. Personne ne peut le décrire comme il convient.

 

Nous croyons au Coran en entier ; ses Versets formels et Ses Versets ambigus. Nous ne lui enlevons pas un Attribut sous prétexte qu’il déclenche la colère de certains (traduction approximative ndt.). Les Attributs par lesquels Allah se qualifie, comme Sa Parole, Son Nuzûl(descente au premier ciel), Son entretien en privé avec chacune de Ses créatures le Jour de la Résurrection. Il se reprochera de Son Serviteur et posera sur lui Son Kanaf.[23] Tout cela démontre qu’il sera vu dans l’au-delà.»[24]

 

E-Tamîmî affirme au sujet de la croyance d’Abû ‘Abd Allah : « Allah le Très-Haut a deux mains. Elles correspondent à un Attribut de Son Essence… il est incorrect de dire qu’il s’agit de la Puissance, de la Grâce, ou de la Bonté divine, étant donné que le pluriel de Main au sens propre (yad) est aïdin, et son pluriel au sens figuré est ayâdin. »[25]

 

Pour e-Sâbûnî, ce sont les mu’atazilites et les jahmites qui interprètent les deux Mains, par les deux bienfaits ou les deux forces.[26] Ibn ‘Abd el Barr a des paroles qui vont dans ce sens. Il souligne qu’il existe un consensus sur l’obligation de reconnaitre les Attributs divins conformément aux textes scripturaires de l’Islam.[27]

 

L’Imâm ibn Madda établit qu’Allah créa Adam avec de véritables Mains.[28]

 

Ibn Kathîr a dit : « Quant au Verset : [Puis, Il s’est établi sur Son Trône],[29] il existe de nombreuses opinions sur le sujet que nous n’allons pas étaler ici. Cependant, il est important de savoir qu’il faut suivre ici la tendance des Pieux Prédécesseurs comme Mâlik, el Awzâ’î, e-Thawrî, e-Laïth ibn Sa’d, e-Shâfi’î, Ahmed ibn Hanbal, ishâq ibn Râhawaïh, et tant d’autres parmi les grandes références musulmanes de l’ancienne et de la nouvelle époque. Elle consiste à lire les textes comme ils sont venus sans faire de description, d’assimilation, ni de négation.

 

Or, ce qui vient à l’esprit des anthropomorphistes ne peut être attribué à Allah, car aucune de Ses créations ne Lui ressemble : [Rien ne Lui ressemble, et Il est l’Entendant et le Voyant].[30] La réalité est plutôt comme l’établissent les grands imams comme Nu’aïm ibn Hammad el Khuzâ’î, le Sheïkh d’el Bukhârî : « quiconque faire ressembler Allah à Sa création devient mécréant, et quiconque renie ce qu’Allah s’est attribué devient mécréant. Or, rien dans ce qu’Allah s’est attribué ou que Son Messager lui a attribué ne prête au tashbî (connu sous le terme d’anthropomorphisme ndt.) » Ainsi, attribuer à Allah la même chose que les Versets clairs, et les annales authentiques, de la façon qui sied à Sa Majesté ; et en parallèle, de Lui refuser tout défaut, c’est suivre la bonne voie. »[31]

 

Dans l’introduction de son précieux livre el ‘ulû li el ‘Alî el Ghaffâr, l’Imam e-Dhahabî explique  : « Si tu aimes l’équité – cher ‘Abd Allah –, alors penche-toi sur les textes du Coran et des sunan ; et regarde ce que les Compagnons, leurs Successeurs, et les grandes références en exégèse ont dit au sujet de ces Versets ; tu t’apercevras des tendances des anciens qu’elles ont relatées ; soit ils parlent avec science soit ils se taisent avec sagesse. »[32]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 



[1] Rapporté par el Ajûrrî dans e-sharî’a (3/1182), e-Dârimî dans e-radd ‘alâ el Mirrîsî (p. 98), et -Lalakâî dans Sharh usûl el i’tiqâd (3/477).

[2] Les groupes ; 67

[3] Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (2/501), et ibn Jarîr (24/25).

[4] Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (1/295), et el Ajûrrî dans e-sharî’a (p. 340).

[5] Rapporté par ibn Sa’d dans e-tabaqât (5/166).

[6] Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (1/297).

[7] Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (1/296).

[8] Le repas céleste ; 64

[9] Rapporté par e-Dârimî dans e-radd ‘alâ el Mirrîsî (1/286).

[10] Rapporté par e-Dârimî dans e-radda ‘alâ el Mirrîsî (2/286).

[11] E-Dhâriyât ; 47

[12] Voir : lisân el ‘arab d’ibn Mazhnûr et mukhtar e-sihâh ; l’auteur du dernier ouvrage explique que seul el Azharî parmi les exégètes et les linguistes lui donnent le sens de main.

[13] Sâd : 17

[14] E-dhâriyât ; 47

[15] Sâd : 75 ; el Bukhârî donne à l’un de ses chapitres le titre suivant : Chapitre : concernant le Verset : [que J’ai créé de Mes deux Mains], en sachant que le texte arabe utilise yad au duel.

[16] Sâd : 75

[17] El ibâna (p. 108).

[18] E-Tawhîd (p. 87).

[19] Voir notamment : majmû’ el fatâwa (3/35-36, 83-84).

[20] L’auteur s’est fait sa propre déduction de ce dernier point, dans le sens où aucun ouvrage ne l’exprime explicitement. C’est e-Sifârrinî qui l’a mis sur la voie [voir : lawâmi’ el anwâr el bahîya (2/284).] 

[21] Rapporté par el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (2/303), et e-Dhahabî dans el ‘ulû (2/940) ; Sheïkh el Islâm ibn TAïmiya a authentifié sa chaîne narrative dans Bayân talbîs el jahmiya (2/37) et ibn Hajar el ‘Asqalânî juge qu’elle est jaïd (potable) dans Fath el Bârî (13/406).  

[22] Rapporté par el Âjurrî (p. 337), ibn Battâ (3/241), el Baïhaqî dans el asmâ wa e-sifât (p. 569), ibn ‘Abd el Barr dans el istidhkâr (2/513), etc.

[23] Au sens figuré, kanaf ou kunf signifie être sous l’égide ou sous l’aile de… Au sens propre, il signifie, côté, flanc, voire main. Dans ce contexte, selon l’Imam Ahmed, il est à prendre au sens propre, contrairement à ibn el Athîr dans gharîb el hadîth, wa Allah a’lam ! (N. du T.)

[24] Ibn Qudâma impute cette annale à e-sunna d’el Khallâl dans dham e-ta’wîl (p. 21) ;  ibn Taïmiya la rapporte également dans darr e-ta’ârudh (1/254) et bayân talbîs el jahmiya (1/431), ainsi qu’ibn el Qaïyim dans ijtimâ’ el juyûsh el islâmiya (p. 211).

[25] Tabaqât el hanâbila (2/294).

[26] ‘aqîda e-salaf wa ashâb el hadîth de e-Sâbûnî (p. 26).

[27] E-tamhîd (7/135).

[28] E-radda ‘alâ el jahmiya d’ibn Madda (p. 68).

[29] El a’râf ; 54

[30] La concertation ; 11

[31] Tafsîr ibn Kathîr (2/221).

[32] (p. 16). Voir : pour la question que nous venons de traiter : Wasatiya ahl e-sunna baïna el firaq (p.102-105).

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