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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 18:58

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Le principe sur lequel les murjites fondent leur conception de la foi

 

Pour les traditionalistes, sans prononcer l’attestation de foi sans excuse valable, la croyance (ma’rifa), qui se trouve dans le cœur, est stérile, car la parole, pour celui qui en a la capacité, est une condition de validité de la foi (shart sihha). [E-sârim el maslûl (p. 525). d’ibn Taïmiya.]

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Voir notamment : usûl el mukhâlifîn li ahl e-sunna fî el îmân du D. ‘Abd Allah ibn Mohammed el Qarnî.

 

Tous les dissidents au crédo orthodoxe (kharijites, mu’tazilites, murjites, jahmites, etc.) s’entendent à dire que la variation de la foi est impossible ; à partir de ce principe commun, chacun fondera sa propre conception de la foi qui se situe aux extrêmes opposés

 

Sheïkh el Islam explique que toutes les sectes dissidentes au traditionalisme (kharijites, mu’tazilites, murjites, jahmites, etc.) considèrent que la foi est un et indivisible ; si on enlève une partie, elle s’annule entièrement ; et, à l’inverse, si elle existe en partie, elle existe entièrement. Ils s’inscrivent à contre courant du hadîth : « Le jour de la résurrection, Allah (I) dira : Sortez de l’Enfer quiconque décèle dans son cœur la foi la plus infime (mot-à-mot : ne serait-ce que l’équivalent d’un grain de moutarde ndt.). »[1]

 

Pour les kharijites et les mu’tazilites, l’ensemble des actes d’obéissance compose la foi ; « c’est tout ou rien » justifient-ils. C’est selon ce raisonnement qu’ils sortent l’auteur des grands péchés de la religion.  À l’opposé, nous avons les murjites et les jahmites, pour qui la foi est un et indivisible également. Pour les seconds, elle se confine dans la croyance du cœur (tasdîq), et pour les premiers, elle se résume au tasdîq et à la parole. À leurs yeux, s’ils devaient faire entrer les actes dans la définition de la foi, cela voudrait dire qu’ils en font partie intégrante, et cela impliquerait, au même titre que les  kharijites, de sortir de la religion l’auteur des grands péchés. Cela ne l’empêche pas d’avoir des implications  qui, en cas d’absence, sont la preuve de l’absence de la foi.

 

Notons enfin que les deux extrêmes pensent que les traditionalistes se contredisent, car d’un côté, ces derniers incorporent les actes dans la définition de la foi, et d’un autre côté, ils acceptent pleinement qu’il puisse y en avoir qu’en partie.[2]

 

Ainsi, les deux extrêmes (kharijites, mu’tazilites d’un côté et murjites, jahmites, de l’autre) s’appuient sur le même principe. Ils louent la cohérence de l’extrême opposé même s’ils arrivent à des conclusions différentes ; tous s’accordent à dire que les traditionalistes se contredisent

 

Ibn Taïmiya nous met en lumière leur raisonnement commun. Tous pensent qu’une entité abstraite ou concrète composée de plusieurs éléments disparait en perdant certains d’entre eux. Ex. d’entité abstraite : le nombre dix se transforme en autre nombre dès qu’on lui retranche au moins un chiffre au minimum.

Ex. d’entité concrète : la boisson sakanjabîn, qui est un mélange de vinaigre et de miel, se transforme en autre chose dès qu’elle perd l’un de ses ingrédients.

 

Sur ce principe, en admettant que la foi soit composée de la parole et des actes intérieurs et extérieurs, cela voudrait dire qu’ils disparaitraient en perdant certains de ses éléments. C’est exactement ce que disent les kharijites et les mu’tazilites qui ne s’imaginent pas un homme ayant à la foi des éléments de la foi et de la mécréance, ou, en d’autres termes, pouvant à la foi être croyant et mécréant. Ils prétendent même que le consensus des musulmans est de leur côté.[3]

 

Râzî, un symbole néo-ash’arite, résume très bien la problématique. Il souligne tout d’abord qu’il existe deux tendances faisant entrer les actes dans la définition de la foi. Les traditionalistes, avec l’imâm Shâfi’î à leur tête, qui ne font pas sortir le pervers de la religion. Râzî a vraiment du mal à s’imaginer la chose. Il en conclut que les kharijites et les mu’tazilites ont une approche plus cohérente, étant donné que pour les uns, il n’est plus musulman, et que pour les autres il n’est ni musulman ni mécréant, mais à un niveau intermédiaire entre les deux (el manzila baïna el manzilataïn).[4]

 

Ailleurs, Râzî se range avec les ash’arites qui critiquent la position de l’imâm Shâfi’î, bien qu’il essaie en même temps d’arrondir les angles et de conjuguer entre les deux tendances. Selon lui, il est élémentaire qu’une chose composée perde son identité en perdant l’un de ses éléments. Si les actes faisaient réellement partie intégrante de la foi, en déduit-il, en manquant en partie, ils la feraient purement et simplement disparaitre. Puis, il revient à la charge sur ce qu’il croit être une contradiction chez Shâfi’î à qui il oppose les mu’tazilites bien plus cohérents à ses yeux. Ensuite, il cherche à orienter les paroles de l’imâm en supposant qu’il devrait considérer les actes comme les fruits et les effets de la foi. De cette façon, il serait possible de les intégrer à son entité, mais uniquement de façon imagée. Pour illustrer son propos, il compare la foi à un arbre, qui, même après perdu ses branches – les actes – garde toujours son nom d’arbre.[5]

 

Ainsi, les murjites ont du mal à se représenter la tendance des traditionalistes sur la conception de la foi faisant entrer les actes dans sa définition, mais tout en acceptant qu’elle soit encore présente en en perdant quelques-uns ; le problème, c’est qu’ils ne se mettent pas en tête que les actes n’ont pas tous le même statut : nécessaires (pilier), obligatoires, recommandés. Il incombe donc de distinguer entre les éléments qui, de par leur absence, font disparaitre la foi et ceux qui la font simplement diminuer

 

Ibn Taïmiya part dans un long développement qui nous apprend en substance qu’une entité quelconque, qu’elle soit abstraite ou concrète, ne perd pas forcément sa réalité en perdant certains de ses éléments ; de la même manière qu’en perdant certains de ses éléments assemblés, cela n’implique pas forcément de perdre tous les autres. Prenons l’exemple des rituels (prière, pèlerinage, etc.), il ne viendrait à l’esprit d’aucun homme sensé de dire qu’en négligeant certaines de leurs pratiques, ils gardent la même valeur. C’est la même chose pour un arbre, une maison, un homme, un animal qui, avec des éléments en moins, ne seront pas identiques à avant…

 

Néanmoins, il est légitime de se demander si, avec des éléments en moins, ces entités gardent leur nom ou non. En fait, il existe deux sortes d’entités composées ; celles qui doivent leur nom à la composition de tous leurs éléments réunis, et qui sont donc une condition (shart) pour pouvoir l’appeler ainsi ; et celles qui n’imposent pas cette condition. Le nombre dix et la boisson sakanjabîn relèvent de la première sorte, et dans l’autre nous avons les entités composées d’éléments semblables ou de même nature, mais pas seulement. Beaucoup d’entités aux éléments dissemblables jouissent également de cette caractéristique (garder leur nom après avoir enlevé certains de leurs éléments). C’est le cas des poids et mesures comme le blé, le sable, l’eau, etc. peu importe qu’ils soient en grande ou en petite quantité, ils gardent toujours leur nom.

 

C’est le cas également pour les entités abstraites comme les rituels, la charité, le savoir, la bienfaisance, les prières (invocations, évocation d’Allah), etc. Une montagne reste une montagne, même après avoir été diminuée en grande partie. Même chose pour une mer, un fleuve, une ville, un village, une maison, une mosquée, et… un arbre. En perdant certaines de ses branches, il reste toujours un arbre. Un homme, même amputé d’un membre, reste un homme. S’il s’appelle Zaïd, il gardera son nom après l’amputation.

 

Ainsi, il est faux de dire dans l’absolu qu’une entité disparait complètement, en perdant certains de ses éléments. Surtout si l’on sait qu’il existe plus d’entités de la seconde sorte que de la première.

 

Il va sans dire que la foi relève de cette seconde sorte, conformément au hadîth : « La foi est composée de plus de soixante-dix branches – ou selon une version : plus de soixante branches –. La plus haute est l’attestation qu’il n’y a d’autre dieu [digne d’être adorée] en dehors d’Allah, et la plus basse est d’enlever une entrave de la route ; la pudeur étant une branche de la foi »[6] Sans enlever les entraves de la route, on reste croyant !

 

Le hadîth suivant, comme nous l’avons expliqué plus haut, dit exactement la même chose : « Le jour de la résurrection, Allah (I) dira : Sortez de l’Enfer quiconque décèle dans son cœur la foi la plus infime (mot-à-mot : ne serait-ce que l’équivalent d’un grain de moutarde ndt.). »[7] Il nous apprend, contrairement au crédo des sectateurs, que la foi est divisible et partageable, et qu’en en ayant perdu une grande partie, on reste croyant.

 

La foi est du même ordre que la prière, le pèlerinage, le Coran.

 

La négligence de certains parties du pèlerinage ou de la prière diminue sa réalisation parfaite imposée (kamâl el wâjib), et pour d’autres, elle diminue sa réalisation parfaite recommandée (kamâl el mustahab) tout en restant valable (ma’a e-sihha).[8]

 

Certaines de ces parties sont une condition (shart) par rapport à d’autres parties (ex. : croire à tout le Coran non en partie est une condition de la foi), mais ce n’est pas le cas pour toutes. Certaines ne font que diminuer le pèlerinage, comme nous l’avons vu avec le kamâl el wâjib (le jet de pierre et la nuit à Mina) ou le kamâl el mustahab (trottiner et se découvrir l’épaule pendant le tawâf), sans l’annuler entièrement.[9]

 

Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « La foi est composée d’une essence nécessaire à sa présence, d’éléments obligatoires qui entrainent la punition en cas de diminution et d’absence, et d’éléments recommandés qui font parvenir aux hauts degrés. Par rapport à ces niveaux, trois catégories d’individus vont se dégager : les pervers injustes envers eux-mêmes, les modérés, et les vertueux devanciers. Celle-ci est comparable aux entités concrètes et abstraites (le pèlerinage, un corps, une mosquée, etc.). Certaines de ses parties manquantes font diminuées sa plénitude on son excellence, d’autres diminuent sa perfection (négliger les obligations et enfreindre les interdictions), et d’autres enfin entament son pilier (la croyance et la parole). »[10]

 

Les kharijites et les mu’tazilites ont raison d’intégrer les actes dans la définition de la foi, mais ils se démarquent des traditionalistes en faisant sortir de la religion l’auteur des grands péchés. En parallèle, les murjites et les jahmites ont raison de ne pas le faire sortir de la religion, mais ils se démarquent des traditionalistes en lui concédant une foi parfaite et en faisant sortir les actes de la définition de la foi. Tous se basent sur le même principe, bien que leur conclusion soit différente, et qui est que la foi est une et indivisible. Les traditionalistes intègrent les actes dans la définition de la foi. S’ils ne font pas sortir l’auteur des grands péchés de la religion, ils ne lui accordent pas non plus une foi parfaite, mais faible.

 

Wa Allah a’lam !

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/ 

 

 

 

 

 



[1] Rapporté par el Bukhârî (6560), et Muslim (184), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

[2] Majmû’ el fatâwâ (7/510-511).

[3] Majmû’ el fatâwâ (7/511).

[4] Usûl e-dîn de Râzî (p. 128-129).

[5] Manâqib el Imâm e-Shâfi’î de Râzî (p. 146-147).

[6] Rapporté par el Bukhârî (9), et Muslim (35), selon Abû Huraïra (t).

[7] Rapporté par el Bukhârî (6560), et Muslim (184), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

[8] Majmû’ el fatâwâ (7/514-518).

[9] Majmû’ el fatâwâ (7/517-518, 520).

[10] Majmû’ el fatâwâ (7/637).

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commentaires

A
<br /> Salam aleykoum<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> je voulais simplement te signaler une petite faute d'orthographe en fin d'article.<br /> <br /> <br /> "mais ils se démarquent des traditionalistes en lui concédant une fois parfaite" il fallait ecrire "une foi parfaite" Qu'Allah<br /> t'assite<br />
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M
<br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> wa 'aleikom salem wa rahmat Allah !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Jazaka Allah kheir !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je vais corriger in sha Allah !<br /> <br /> <br /> <br />