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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 21:09

Au nom d’Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux

 

 

Voir : el usûl e-latî banâ ‘alaïhâ el mubtadi’a madhhabuhum fî e-Sifât (3/103-146) du D. ‘Abd el Qâdir ibn Mohammed ‘Atâ Sûfî, qui, à l’origine, est une thèse universitaire ès Doctorat.

 

Le tarkîb des philosophes

 

Introduction :

 

Sous l’influence des anciens Grecs, les philosophes jahmites, qui ont été imités par les mu’tazilites, ont pondu le principe de la composition des corps (dalîl e-tarkîb) pour remettre en question les Attributs et les Actions d’Allah. Puis, ils l’ont maquillé du slogan fallacieux de tawhîd (unicité).[1] Ils sont parvenus ainsi, en procédant par élimination, à renier bon nombre d’articles du crédo touchant au Théo, qui puisent pourtant leur légitimité dans les textes de la Révélation. Ainsi, ils s’amusent à dire qu’Allah n’a pas de savoir, pas de puissance, pas de parole, pas de miséricorde, qu’Il n’est pas au-dessus de la création sur Son Trône établi, qu’on ne peut Le voir, ni le montrer du doigt, etc. Ils en sont arrivés à la conclusion saugrenue qu’Il n’est ni à l’intérieur ni à l’extérieur de l’univers, ni séparé ni mélangé à la création, etc. Ils reconnaissent certes Ses Noms, mais ils disent qu’Il est Vivant sans vie, Entendant sans écoute, Voyant sans vision, etc. Ils sont tellement heureux de cette découverte qu’ils se baptisent eux-mêmes les muwahhidîns ![2] L’Unique, se caractériserait, à leurs yeux, pour être indivisible, non composite, et sans éléments constitutifs. En un mot, Il n’accepterait aucune pluralité ni multiplicité.[3] On ne pouvait trouver mieux pour décrire le néant, voire l’impossible, mais ne précipitons pas les événements…

 

Les philosophes musulmans

 

Les philosophes de culture musulmane (mutafalsifa) vouent une admiration illimitée pour l’élite helléniste ayant à leur tête Platon et son élève Aristote, à tel point qu’ils font passer leurs idées avant la Révélation, bien qu’ils essayent de les couvrir et de les déguiser sous l’alibi des textes.[4] Avec des raisonnements plus que tirés par les cheveux, ils cherchent à conjuguer tant bien que mal entre la Révélation et la « Raison grecque », quitte à passer par les méandres obscurs de l’ésotérisme. Tous les moyens sont bons, et le dalîl e-tarkîb est l’une de leurs armes de prédilections !

 

Dalîl e-tarkîb

 

Alors que les mutakallimîns cherchent à prouver l’existence de Dieu avec le principe selon lequel, il n’y a pas d’effet (muhdath) sans cause (muhdith), les mutafalsifa, eux, partent du principe, qu’il n’y a pas de possible (mumkin) sans nécessaire (wâjib). Les premiers partagent l’existence en qadîm (ancien)/hâdith (contingent ou accident), alors que les seconds le partagent en possible/nécessaire.[5] Ces derniers parlent d’existence nécessaire (wâjib el wujûd ou dharûrî el wujûd) qu’ils opposent à l’existence possible, éventuelle ou potentielle (mumkin el wujûd), soit qui peut exister ou non.[6]

 

La preuve du wâjib el wujûd

 

Pour prouver l’existence de l’Être nécessaire, les philosophes « musulmans », le juxtaposent avec son contraire, le possible, pour mieux le mettre en relief. Si l’un existe, c’est que forcément l’autre existe. L’existence est composée de ce qui existe nécessairement par lui-même et de ce qui est possible d’exister. Le possible est fatalement tributaire ou dépendant d’un facteur à l’origine de son existence. Ce facteur est soit extérieur soit intrinsèque à lui. La deuxième hypothèse est inenvisageable, sinon, il perdrait sa particularité de « possible », pour devenir « nécessaire ». Il ne reste plus que l’autre hypothèse disant que ce facteur est foncièrement extérieur à lui, et c’est ce que nous voulons, disent-ils.[7]

 

Ainsi, le « possible » est tributaire d’une cause extérieure à lui pour sortir du néant.[8] Quand bien même il y aurait plusieurs maillons dans la chaine de création, on est obligé de remonter à la cause première, sinon, on se perdrait dans un enchainement sans fin (tasalsul) ou un circuit interminable (dawr). Cette cause première n’est autre que l’Être nécessaire.[9] Le « possible » se distingue par des caractéristiques qui sont propres à lui, comme l’existence probable que seul un agent extérieur, le wâjib el wujûd, est à même de concrétiser, en lui faisant prendre le dessus sur son inexistence.[10] Nous pouvons dire la même chose pour le néant, qui n’est pas concrétisé en raison d’un facteur extérieur rendant plus probable son inexistence.[11]

La plus grande caractéristique de Dieu pour les philosophes musulmans

 

La plus grande caractéristique de Dieu est, aux yeux des philosophes dits musulmans, l’existence nécessaire, qui s’oppose, dans son essence, à l’existence de tout ce qui existe en dehors de Lui.[12] Dieu est donc intrinsèquement nécessaire.

 

Les caractéristiques de l’existence possible

 

-              L’existence possible accepte la probabilité d’exister ou non, ou en d’autres termes, l’éventualité de sortir ou non du néant.

-              Elle accepte la composition et la constitution en plusieurs parties, la pluralité, la multiplicité, et la division qui sont propres à la corporéité.[13] Pour les mutafalsifa, la composition des corps est synonyme de dépendance, ce que refuse l’Être nécessaire par essence.[14]

 

Le wâjib el wujûd est nécessairement simple pour les philosophes musulmans

 

Nous venons de voir qu’aux yeux des mutafalsifa, la « composition » était caractéristique à l’existence possible. Ils en arrivent à la conclusion que l’Être nécessaire est forcément « simple ».[15] Il est un et unique dans le sens où il refuse toute composition et toute pluralité.[16] Les corps ne peuvent être nécessaires, étant donné qu’ils sont composés, contrairement au wâjib el wujûd.[17] La pluralité trahirait dans son cas une dépendance avec certains des éléments qui le composeraient, ce qui lui enlèverait la particularité d’être nécessaire et indépendant.[18] Cet Être nécessaire détient en lui toutes les preuves qu’il est seul et unique.[19] Sur les traces d’Aristote,[20] son maitre à penser, ibn Sînâ voit que l’unicité ou l’unité de Dieu s’explique par deux choses :

-              Il n’y a aucune pluralité dans Son Être,

-              et aucune pluralité ne procède de lui.[21]

 

Pour corroborer ce principe, il choisit l’expression : « Il est Un et une seule unité procède de lui. »[22] Shihristânî dévoile que le Raïs s’inspire également d’Aristote pour établir que celui qui est « Un » dans tous les sens du terme ne peut être sujet à la composition de quelque façon que ce soit.[23] Taftâzânî, pour sa part, résume la pensée des penseurs arabo-musulmans en une seule phrase, disant que le tawhîd revient, à leurs yeux, à l’unité de l’être dont l’existence est nécessaire.[24] C’est leur façon à eux d’exalter Dieu !

 

En résumé :

 

L’existence est composée du possible et du nécessaire ; le premier étant dépendant du second. Pour arriver à la conclusion de l’existence du second, les mutafalsifa mettent en avant le syllogisme suivant.

-              Prémisse majeure : le possible est soumis à la composition, la division, et la pluralité.

-              Prémisse mineure : tout corps composé dépend de ses parties qui ne font pas partie de lui. Or, tout corps dépendant ne peut être nécessaire.[25]

-              Conclusion :que nous pouvons résumer en un mot, soit que l’Être nécessaire n’est pas composé.

 

Avicenne nous résume le principe de la composition des corps de la façon suivante. L’existence est composée du possible et du nécessaire. Le second est dépendant d’un agent agissant sur lui, et qui remonte forcément au nécessaire, sinon on entrerait dans un enchainement sans fin. Dans les deux hypothèses, on prouve l’existence du nécessaire qui est, par essence, « riche » ou autonome dans le sens où il n’est dépendant de rien. Par conséquent, il n’est pas composé, sinon il serait dépendant de ses parties, et perdrait ainsi sa particularité de nécessaire. Ainsi, la composition s’oppose à l’existence nécessaire.[26]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici



[1]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (1/301, 307).

[2]Idem. (5/19).

[3]Idem. (6/56) ; voir également : el fatâwa el masriya d’ibn Taïmiya (6/546-550).

[4]Ce constat est tangible dans les ouvrages el jam’ baïna raï el hakîmaïn de Fârâbî (p. 29-30), el muqâyasât d’Abû Haïyân e-Tawhîdî (p. 29), et tas’ rasâil d’ibn Sînâ (p. 30).

[5]E-najât (p. 382), e-risâla el ‘arshiya (p. 2), el ishârât wa e-tanbihât (3/447) d’ibn Sînâ ; e-ta’lîqât (p. 37), et fusûs el hikam (p. 139) d’e-Fârâbî.

[6]E-najât d’ibn Sînâ (p. 366).

[7]E-Shihristânî reproduit cette démonstration philosophique dans ces détails dans sa fameuse encyclopédie hérésiographique el milal wa e-nihal (p. 439-440) ; voir également : nihâyat el aqdâm fî ‘ilm el kalâm (p. 99) du même auteur. 

[8]E-Taftâzânî retranscrit cet argument dans sharh el maqâsid (4/16).

[9]El mawâqif fî ‘ilm el kalâm d’el Îjî (p. 266).

[10]E-risâla el ‘arshiya d’ibn Sînâ (p. 2). 

[11]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (3/267, 330, 9/252).

[12]Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (6/344).

[13]Tahâfut el falâsifa d’el Ghazâlî (p. 153, 190).

[14]Majmû’ el fatâwâ (6/344).

[15]Tahâfut el falâsifa (p. 190), et e-najât d’ibn Sînâ (p. 227-228).

[16]El fatâwa el masriya (6/546-550).

[17]Majmû’ el fatâwâ (1/50).

[18]E-safdiya d’ibn Taïmiya (2/28).

[19]El madîna el fâdhila (p. 6) et ‘uyûn el masâil (p. 4-5) d’e-Fârâbî.

[20]C’est Shihristânî qui nous l’apprend dans el milal wa e-nihal (p. 376).

[21]E-najât (p. 369, 383 396) d’ibn Sînâ. 

[22]El ishârât (3/147) d’ibn Sînâ.

[23]El milal wa e-nihal (p. 379).

[24]Sharh el maqâsid d’e-Taftâzânî (4/16).

[25]Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/120).

[26]El ishârât (3/447-450) d’ibn Sînâ.

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commentaires

Y
<br /> Bonjour Mizab,<br /> J'espère que vous allez bien.<br /> Je suis d'accord avec vous sur la définition française du mot "hérésiographique".<br /> Pour l'arabe, "al maqaalaat al islaamia" signifie "les traités musulmans".<br /> Pour "al milal wa al nihal", cela veut dire ""confessions et sectes".<br /> Les deux termes ne sont donc pas la traduction du mot "hérésiographique".<br />  Pour traduire, en arabe, "hérésiographique", je préférerais "daaris al hartaqaat".<br /> Merci mille fois pour votre aide.<br /> Yacine <br /> <br /> <br />  <br />
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M
<br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je vais bien, merci !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> En fait, il existe deux écoles de traduction : traduction littérale et interprétative (qui se contente de traduire le sens et non de faire du mot à mot)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Personnellement, je me revendique de la seconde école, et ceui compte à mes yeux, ce sont le sens des mots et non leur structure !<br /> <br /> <br /> <br />
Y
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Pouvez-vous me donner un sysnonyme d'"hérésiographique" ou une explication de ce terme ?<br /> <br /> <br /> Comment puis-je traduire "hérésiographique" en arabe ?<br /> <br /> <br /> Merci de votre aide.<br /> <br /> <br /> Yacine<br />
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M
<br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Désolé d'avioir utilisé un mot compliqué,<br /> <br /> <br /> "hérésiographique vient "hérésiographie qui est l'étude des hérésie ou de l'histoire de l'hérésie, en arabe nous avons el maqalat el islamiya ou el milal wa e-nihal bien que ce dernier terme est<br /> plus vaste, car englobant les crédos non musulmans, mais cela ne pose pas de problème, car on les site pour pointer leur influence sur les croyances musulmanes !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> voici pour la définition d'hérésie :<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> u <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Doctrine contraire à l’enseignement d’une religion. Être accusé d’hérésie.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> u <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Idée qui va à l’encontre de l’opinion admise. Hérésie scientifique.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> p, li { white-space: pre-wrap; }<br /> <br /> <br />