Le paraclet
(Partie 3)
D’après le livre : El jawâb e-sahîh li man baddala dîn el Masîh d’ibn Taïmiya.
S’il est dit : le Messie a désigné le Paraclet comme l’Esprit de vérité, et l’Esprit Saint, il est dit en réponse : Jean a dit dans les actes des apôtres connu sous le nom de praxis : « Mes bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit, mais distinguez entre les esprits qui viennent de Dieu et les autres. Sachez que tout esprit qui croie à la venue du Messie Jésus dans la chair, provient de Dieu, et tout esprit qui ne croie pas à la venue du Messie (Christ) Jésus dans la chair ne provient pas de Dieu ; il provient plutôt de l’Antéchrist dont vous avez entendu annoncé qu’il vient, et dès maintenant il est dans le monde. »[1] S’il en est ainsi, nous pouvons comprendre que dans leur jargon, l’esprit comprend aussi bien un prophète envoyé parmi les humains, que l’Archange Gabriel l’intermédiaire qui a transmis la révélation à Mohammed (r) ; il est à la fois l’Esprit Saint et l’Esprit de vérité comme le désigne ainsi le Seigneur en ces termes : (Dis : l’Esprit Saint l’a descendu de Ton Seigneur en toute vérité).[2] (L’Esprit Loyal l’a descendu • Dans ton cœur).[3] (Quiconque se fait l’ennemi de Jibrîl… celui-ci l’a descendu dans ton cœur par la permission d’Allah).[4]
Cet Esprit en question a fait son apparition avec l’avènement de Mohammed. La parole qu’il a descendu, c’est la révélation transmise à Mohammed. C’est pourquoi, le Seigneur (I) a dit : (Allah élit des messagers parmi les anges et parmi les hommes).[5] Il a élu Jibrîl parmi les anges et Mohammed parmi les hommes. C’est pourquoi, tantôt la Parole d’Allah incarnée par le Coran est affiliée à l’un, tantôt elle est affiliée à l’autre comme le précise le Verset suivant : (Cette Parole provient d’un Noble Messager • Un être fort auprès du Maître du Trône, illustre, obéi, et loyal de surcroît).[6] Ce Messager c’est Jibrîl. Dans l’autre Verset, le Seigneur (I) a dit : (C’est la Parole d’un Noble Messager • Ce n’est pas la parole d’un poète mais vous croyez très peu • Ni la parole d’un sorcier mais vous vous rappelez très peu • C’est une révélation venant du Seigneur de l’univers).[7] Le Messager ici, c’est Mohammed. Le terme Messager a été affilié indépendamment aux deux, étant donné qu’il sous-entend que son auteur a transmis un message de la part de Son Seigneur. Le Verset ne dit pas que cette Parole provient d’un prophète ou d’un ange. Une telle assertion serait plutôt passible d’apostasie comme le Seigneur le souligne à l’encontre d’el Wahîd (el Walîd ibn Mughîra). Allah (I) a également déclaré dans le Coran : (Allah vous a descendu un Rappel • Un Messager qui vous récite les Versets clairs d’Allah afin de sortir les croyants ayant accompli les bonnes œuvres des ténèbres à la lumière).[8] Evidemment, le Messager n’est pas descendu du ciel, mais le Verset remplace le Messager par le Rappel puisqu’il est le porteur de ce Rappel.
Or, la liaison entre les émissaires d’Allah qu’ils soient de nature humaine ou angélique, et le Rappel descendu du ciel implique qu’il faille tous les reconnaître. La croyance aux uns incombe nécessairement de croire aux autres. Si le Coran est vérité, par conséquent Jibrîl et Mohammed sont vérités. De la même façon, si Mohammed est vérité, alors Jibrîl et le Coran sont vérités. Enfin, si Jibrîl est vérité, cela implique que Mohammed et le Coran sont vérités.
Ainsi, Allah réuni entre la foi aux anges, aux Livres, et aux Messagers notamment dans le Verset : (Le Messager a cru à la révélation qu’il a reçu ainsi que les croyants. Tous croient en Allah, à Ses anges, à Ses livres, et à Ses Messagers.).[9] Les enseignements de Mohammed, son rappel, et son témoignage proviennent des enseignements du Saint-Esprit, et de son émanation (esprit). Par ailleurs, de nombreux textes évoquent qu’anges et démons s’expriment à travers les paroles des hommes. Entre autre, selon ibn ‘Omar : « Nous disions que la tranquillité (Sakîna) s’exprimait à travers les paroles de ‘Omar. »[10]
Selon l’expression également, certaines personnes dans leur propos ne peuvent être qu’inspirer par les démons. L’homme toutefois s’exprime de lui-même et de son propre gré à l’inverse de la personne envoûtée. Celle-ci n’est pas consciente de ses paroles lorsque le démon parle à sa place. Ainsi, il est dit : ceci est une parole venant du Messager humain ou encore du Messager angélique.
Il est possible de dire également : le Paraclet est l’Esprit de vérité tandis que l’Esprit Saint rend témoignage en ma faveur ; il vous donne et vous rappelle les enseignements, etc. le Paraclet sous-entend à la fois Jibrîl et Mohammed. Les paroles de l’un correspondent aux paroles de l’autre. En syntaxe, on parle de substitut d’implication (Badal el Ishtimâl) comme dans le Verset suivant : (Ils t’interrogent au sujet du mois sacré, le fait d’y faire la guerre. Dis : la guerre y est…).[11] Le mois en question ne correspond pas à la guerre elle-même, néanmoins, lorsqu’il impliquait la guerre l’un était substitué à l’autre.
Allah a dit dans ce registre : (Allah vous a descendu un Rappel • Un Messager).[12] Dans cet ordre, le Messager a été substitué par le Rappel qui l’impliquait. Le deuxième élément est donc substitué au premier. Le Messager de nature angélique avait une relation cachée avec le Messager de nature humaine. La révélation lui était ainsi très pénible au moment de la recevoir. D’après el Bukhârî et Muslim, selon ‘Âicha – qu’Allah l‘agrée – : « El Hârith ibn Hishâm a demandé : Cher Messager d’Allah ! Comment te vient la Révélation ?
- Parfois, elle me vient comme le son lourd d’une cloche ou bien m’est-elle encore plus pénible. Lorsqu’elle cesse, j’ai déjà assimilée ses paroles. D’autres fois, l’ange me vient sous la forme d’un homme qui me parle. J’assimile dès lors ses paroles. ‘Âicha a commenté : je l’ai vu recevoir la Révélation certains jours glacials. Lorsqu’elle cessait, on pouvait voir son front dégouliner de sueurs. »[13] La Révélation cesse dans le sens où elle rompt (Fasm) avec la personne intéressée et se sépare lorsqu’elle est une matière souple, à l’exemple du Verset : (Quiconque renie le Tyran (Taghût) et croit en Allah, il s’est alors accroché à un lien solide qui ne rompt pas ; Allah est certes Entendant et Savant).[14] Tandis que Qasm avec un Qaf, concerne plutôt des éléments durs dont la rupture se fait par une cassure (non par une séparation).
Ce texte nous informe qu’au moment où l’ange transmet la Révélation, il se met en contact avec le Prophète et l’imprègne. Après quelques instants, il se sépare et se détache de lui. Cette inclusion (implication) et cette séparation se présentent ainsi sous leur forme la plus marquée. Il devient alors pertinent que l’un représente la meilleure forme de substitut qui soit par rapport à l’autre. On peut dire ainsi que le Coran transmis par le Messager Prophète, lui est transmis par Jibrîl qui le transmet d’Allah. Les Evangiles disent que le Père – correspondant à Dieu dans leur langue – a envoyé le Paraclet. Certains passages précisent même : « Moi, je prierai le père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours.» Ailleurs, il est dit : « Le Paraclet, l’esprit de vérité que mon père enverra, vous enseignera toute chose. » il est clair qu’Allah va l’envoyer et que Jésus en a fait la demande.
Quant aux paroles du Messie : « si, au contraire je pars, je vous l’enverrai. » il faut les prendre dans le sens où il va l’envoyé grâce aux invocations consacrées au Père. Cette demande est comparable à la requête transmise aux autorités d’envoyer un émissaire, de nommer le gouverneur d’une province, ou d’octroyer telle chose à untel. L’auteur de cette requête pourra dire : j’ai envoyé untel, j’ai nommé untel, ou j’ai octroyé à un untel, dans le sens où il en fut la cause. Il faut savoir que si Allah décide de concevoir quelque chose, il met en œuvre les causes matérielles à l’origine de cette chose. Il a prévu entre autre parmi ces causes, les invocations provenant de certains de Ses serviteurs. En exauçant les demandes d’un tel et un tel, Il couvre Ses créatures de Ses bienfaits. Ainsi, Mohammed est le résultat des invocations de l’Ami d’Allah Ibrahim (u), quand il a imploré : (Seigneur ! Envoi-leur un messager issu d’eux qui leur récite Tes Versets, leur apprenne le Livre et la Sagesse, et les élèvent. Tu es certes le Puissant et le Sage).[15] Or, Allah avait déjà décrété de l’envoyer et avait déjà annoncé son nom auparavant. On posa en effet la question suivante au Prophète (r) : « Cher Messager d’Allah ? Quand es-tu devenu prophète ?
- Quand Adam était entre le corps et l’esprit répondit-il. »[16]
Il a dit également : « Il était écrit auprès d’Allah que je fus le sceau des prophètes alors qu’Adam était encore enveloppé de son argile. »[17]
Dans cet ordre, le Seigneur a décrété la victoire de Badr avant son déroulement. Pourtant, Mohammed (r) est en partie à l’origine de ce triomphe grâce à son appel au secours à Allah. Les invocations des adorateurs peuvent aussi être la cause de la pluie, etc. il n’est pas impossible que le Messie ait invoqué le Très-Haut d’envoyer Mohammed, après son élévation au ciel ; ses invocations seraient donc à l’origine de l’avènement du dernier des prophètes. Toutefois, Ibrahim a fait cette demande sur terre, c’est pourquoi Allah l’a évoqué, contrairement à ‘Issa qui l’a demandé après être monté au ciel.
Traduit par :
Karim ZENTICI
[1] Première épître de Jean ; 4.1-3
[2] Les abeilles ; 102
[3] Les poètes ; 193-194
[4] La vache ; 97
[5] Le pèlerinage ; 75
[6] L’extinction du soleil ; 20-21
[7] La vérité dévoilée ; 40-43
[8] La répudiation ; 10-11
[9] La vache ; 285
[10] Rapporté par Ahmed 1/106.
[11] La vache ; 217
[12] La répudiation ; 10-11
[13] Rapporté par el Bukhârî 18/1 et Muslim (2333).
[14] La vache ; 257
[15] La vache ; 129
[16] Rapporté par Ahmed 66/4 et e-Tirmîdhî (3688).
[17] Rapporté par Ahmed 127-128/4