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21 mai 2020 4 21 /05 /mai /2020 16:21

ETUDE GRAMMATICALE ET LINGUISTIQUE DE LA NON-CRUCIFIXION DE JESUS (AS) DANS LE CORAN 2/4

(Article de Nordine Bennecer)

 

Aspect grammatical

L’objectif est d’expliquer l’articulation des mots dans ces versets et de démontrer qu’ils constituent conformément au cadre du polysyndète une série d’arguments niant la mort de Aïssa ‘AS) par crucifixion. On parle alors de structure polysyndetique.

Pour les férus de grammaire, ils comprendront à l’aune de cette figure de style l’impossibilité grammaticale et linguistique de considérer que le texte coranique confirmerait la crucifixion. Seule une personne ignorante des principes de base de la grammaire pourrait contredire le but d’un polysyndète.

Le verset qui nous intéresse est le fameux « wa ma qatalouhou wa ma salabouhou wa lakin shoubbiha lahoum ».

C’est une réponse claire et évidente d’Allah Taâla à cette prétention d’avoir tué le Messie. Le « wa » est un ‘atf qui renvoie au début du verset 153 : « wa qawlihim… », c’est-à-dire, qu’il sous-entend la traduction suivante :

« À la prétention des juifs d’avoir tué avec certitude Aïssa bnou Maryam rasouloullah », Allah répond « ma qatalouhou, ma salabouhou ».

Ensuite, nous avons le mot « Ma » qui est la marque de la négation en langue arabe.

Il s’agit d’une négation simple où l’on utilise le morphème « Ma » suivi du verbe à l’accompli (passé). La particule de négation précède le verbe qui lui-même précède le sujet.

C’est une phrase négative dont l’objet est de nier l’action du verbe, c’est-à-dire qu’il s’agit de nier le verbe « tuer ». Elle se construit en langue arabe comme suit :

Négation + verbe + sujet : Ma + qatala + houwa.

 C’est le contraire de la langue française qui construit sa phrase négative par le sujet + verbe + négation. Ils ne l’ont pas tué.

Cela signifie que le sens voulu et donné par Allah ne peut être que celui de la négation : ils ne l’ont pas tué ni même crucifié et tout le développement du polysyndète va consister à confirmer et s’aligner sur l’argument de départ : ma qatalouhou.

 

La suite du verset confirme et renforce pleinement ce sens de négation par l’utilisation de l’expression « wa lakin » qui ici, a 2 fonctions :

  • « Lakin » s’il est utilisé dans une phrase négative simple (Ma qatalouhou), a pour fonction d’augmenter sa caractéristique négative et de la faire passer à un niveau supérieur : on passe alors d’une phrase négative simple à une phrase négative de type restrictif.  En conséquence de quoi il faut considérer que la volonté de l’auteur du Coran (Allahou Taâla) est d’affirmer avec force que Aïssa (AS) n’a pas été tué ni crucifié.
  • « Lakin » s’utilise en grammaire arabe comme un rectificatif, comme un correctif, c’est-à-dire qu’il introduit une rectification, une correction de ce qui précède. Et ce qui précède, c’est le ‘atf « wa » qui renvoie à la prétention des juifs de l’avoir tué. Wa lakin est une correction à cette prétention de l’avoir tué.

De la même manière lorsqu’il est dit dans sourate « El Baqara » au verset 102-103 : « Wa ma kafara Souleymane wa lakin achayattine kafarou », le mot « lakin » corrige la prétention de la Bible de dire que Souleymane (AS) a fait du koufr et il induit que ce sont les démons qui l’ont fait.

L’expression « wa lakin shoubiha lahoum » rectifie la prétention de ceux qui affirment l’avoir tué tout en apportant la réponse par « shoubiha lahoum ».

 

  1. Shoubiha lahoum

Les traductions sont nombreuses et imprécises du fait de la particularité de la langue arabe et de l’obligation des maisons d’édition d’avoir un verset en arabe et un verset en français.

L’expression « shoubbiha lahoum » est composée du verbe « shoubbiha » qui signifie « ressembler » et du mot « lahoum » qui renvoit à ceux qui prétendent avoir tué Aïssa (AS) et présents lors de la crucifixion.

Il y a 2 manières de dire « ressembler » :

  • « Sha_baha »

Il vient du verbe sha_baha qui est la ressemblance de 2 éléments, 2 choses, 2 personnes ou animaux que l’on peut distinguer à la condition d’avoir des détails.

  • « Shabbaha » (avec une emphase sur la lettre b)

Il contient plusieurs occurrences telles que la confusion, prendre une chose pour une autre, la méprise, l’erreur, la tromperie, l’apparence. C’est surtout l’impossibilité de distinguer le sujet A du sujet B et c’est ce qui différencie « sha_baha » de « shabbaha ». Tout repose sur l’apparence, pour cette raison certaines versions proposent comme traductions l’expression « faux-semblant ».

Quelle réalité a ce mot ?

Il signifie « prendre une apparence pour tromper les gens », c’est une apparence trompeuse.

De plus, il est conjugué à la forme passive, c’est-à-dire, que la situation s’est imposée à ceux qui prétendent l’avoir tué et à ceux qui prétendent l’avoir crucifié ou vu crucifié. Ils n’ont eu aucun pouvoir sur la situation et ils l’ont subie. Pour cette raison d’autres traductions proposent l’expression « il leur est paru ainsi, c’est-à-dire que cela s’est imposée à eux sans qu’ils n’y puissent rien faire.

 

Que signifie alors « shoubiha lahoum » ?

On pourrait restituer le passage comme suit : « qu’en réponse à leur prétention de l’avoir tué, ils ne l’ont ni tué ni même crucifié. Les gens ont assisté à une scène de crucifixion et ont vu un personnage qui avait les traits de Aïssa (AS), trait pour trait, une photocopie conforme à l’original et ils ont cru que c’était lui, mais ce n’était pas lui, c’était un autre personnage. Les yeux des gens ont été obligés de voir cette scène de crucifixion avec un personnage ayant les traits de Aïssa, alors que ce n’était pas lui…

 

Déduction

L’organe utilisé, ce sont les yeux. Ces derniers ont été forcés de voir ce qui n’était pas et la Bible nous rappelle ce détail important toujours éludés par les exégètes chrétiens.

Luc, 24-13-35 : Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci.

Ils ne l’ont pas reconnu car la scène s’est déroulée après la crucifixion et Aïssa (AS) avait pris l’apparence d’un étranger, celle qui lui a certainement permis d’échapper au supplice et il a conservé cette apparence car la crucifixion était récente. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il échappe à la mort en changeant d’apparence comme nous allons le voir.

Aïssa (AS) avait différents pouvoirs et certains ont été montrés à tous (redonner la vie aux morts, guérir les malades…), tandis que d’autres ont été cachés. En particulier, il en est un qu’il a fait voir uniquement à certains apôtres, celui de changer d’apparence. La Bible rapporte cela à de nombreuses reprises. C’était un de ses pouvoirs, celui de prendre l’apparence d’un autre, d’un étranger pour tromper les gens et échapper à ceux qui voulaient le tuer.

Nous avons cité précédemment, Luc, 24-13-35 qui retrace la rencontre de Aïssa (AS) avec deux de ses disciples lors d’une marche vers Emmaüs, « tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.

Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci ».

Les exégètes chrétiens expliquent que dans ce passage, Aïssa (AS) avait changé d’apparence, pris les traits d’une autre personne et qu’il avait le pouvoir de faire prendre ses traits à un autre.

C’est donc ce que rapporte le Coran par l’emploi de l’expression « wa lakin shoubiha lahoum ».

C’est une situation imposée aux gens dans laquelle ils n’ont aucune prise et wa lakin vient apporter la correction.

 

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20 mai 2020 3 20 /05 /mai /2020 06:52

ETUDE GRAMMATICALE ET LINGUISTIQUE DE LA NON-CRUCIFIXION DE JESUS (AS) DANS LE CORAN 1/4

(Article de Nordine Bennecer)

 

Avant-propos :

Nous avons ces dernières années un phénomène intéressant chez les chrétiens qui tentent de convertir des musulmans en se posant comme référents pour leur expliquer l’Islam et leurs textes de référence. En consultant des sites internet chrétiens évangéliques américains, j’ai pu constater qu’ils ont pour objectif d’amener des musulmans à leur religion (voir les phrases telles que « how to lead muslims to christianity). La France apparaît alors comme un marché et leurs tentatives, souvent désespérées sont caractérisées par un amateurisme méthodologique, une ignorance de la langue arabe et surtout une ignorance de leurs propres textes sacrés.

Leur position est de faire accepter la religion chrétienne comme une religion sémite ainsi que les interdits alimentaires comme le porc et l’alcool. Vient ensuite la question de l’enfant sacrifié en la personne d’Ishaq (AS) selon eux dans le Coran. Puis celle du messie crucifié, cloué sur la croix, mort et élevé à la droite de Dieu. Enfin, une fois cela accepté, c’est la croyance en la mort expiatoire de Jésus pour le rachat des pêchés de l’humanité. De nombreux chrétiens s’y sont frottés sans succès, et le seul mérite que l’on pourrait leur attribuer est l’hilarité qu’ils suscitent parmi les musulmans par leurs manœuvres maladroites et gauches.

Nous avons le cas de Romain Sirugues, alias Karim el hanifi, jeune converti à l’Islam, d’origine juive sépharade qui a tenté de berner ses followers sur internet en usant de mensonges et en surfant sur leur méconnaissance de la langue arabe. Il a « expliqué » que les chrétiens pouvaient à juste titre manger du porc et boire de l’alcool, que l’enfant sacrifié dans le Coran est Ishaq (AS) et que jésus (AS) a été tué, crucifié et élevé à la droite de Dieu. Il manque la dernière étape qui consiste au rachat des pêchés de l’humanité et la boucle est bouclée.

Son « explication » de la crucifixion est totalement déconnectée des réalités grammaticales et syntaxiques. Il n’a aucune connaissance de la langue arabe sauf peut-être el hamdoulillah, coucous, merguez…

Son explication selon lui, d’après le texte coranique est mensongère car d’un point de vue grammatical, le Coran rejette pleinement et avec force la crucifixion.

Si elle était contenue dans les versets, alors les compagnons du prophète (SAWS) auraient posé la question comme ils ont pu le faire sur de nombreux sujets (cf. la taille de la moustache).

Mais elle ne s’est jamais posée car le texte est clair : nous avons donc deux niveaux de lecture, l’un littéral et le second grammatical.

Notre objectif est d’expliquer d’un point de vue grammatical ce que dit le Coran sur l’épisode de la crucifixion et de le relier à la Bible qui explique clairement cette théorie du faux-semblant, à propos de laquelle nous allons jeter un œil critique.

 

Contexte

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de connaître le contexte de la crucifixion. Cela permettra d’en comprendre les versets, de les lier et de démontrer la remarquable qualité linguistique du Coran.

Allons au verset 157 de la sourate 4 : « wa qawlihim inna qatalna almasih Aïssa bnou Maryam » ; il commence par la conjonction de coordination « wa » ;

  • Le « wa » rattache à ce qui précède (ici au verset précédent) et crée un lien, c’est-à-dire, à wa qawlihim. C’est par la parole qu’ils (les juifs) prétendent l’avoir tué. Cela signifie que le verset 157 est lié au verset précédent (156) et qu’il ne doit pas être pris isolément. Ce dernier commence aussi par « wa » ce qui le rattache au verset précédent (verset 155) qui commence par « fa ». Cela signifie qu’il y a un lien de cause à effet avec le verset précédent (verset 154). Celui-ci rattache donc au verset précédent (verset 153) débute par « yas alouka ahlou kitab » … ce verset constitue le point de départ du la position islamique sur la crucifixion.

Il s’agit en conséquence du rattachement de l’épisode de crucifixion au verset 153.

C’est un contexte particulier qui est une série de reproches, comme une litanie ou un comportement sans cesse mauvais des juifs concernant leur attitude envers les prophètes et les commandements divins :

  • Ils demandent au prophète Mouhammed (SAWS) de faire descendre du ciel un livre ; Réponse : ils ont demandé beaucoup plus grand que cela : voir Allah de manière manifeste. Or, ils savent que c’est impossible et ils furent frappés par la foudre.
  • Ils ont adoré le veau d’or après avoir reçu les signes manifestes, c’est-à-dire les preuves.
  • Allah rappelle qu’il les a sauvés d’un anéantissement en redressant le mont Tor qui allait les écraser. Ils se sont engagés à respecter le pacte conclu.
  • Puis, ils ont rejeté le pacte, niant les signes, tuant les prophètes.
  • Ils ont dit sur Maryam une parole monstrueuse, un mensonge énorme.
  • Ils affirment avec certitude (Inna) avoir tué Aïssa bnou Maryam, rassoulou Allah. En arabe, le verset commence par la particule « wa ».

La prétention de l’avoir tué est donc un reproche, contenu dans une série de reproches faites aux juifs de cette époque.

Le reproche en question porte sur une conjecture, une allégation mensongère, et si les faits avaient donnés raison à cette conjecture, le reproche n’aurait plus lieu d’être. Il n’y a aucune cohérence dans cette approche. Imaginons que l’injure proférée contre Maryam soit, non une calomnie, mais conforme à la réalité, auquel cas, le reproche n’aurait pas non plus lieu d’être ; est-ce audible intellectuellement ?

 

Figure de style utilisée

Dans toute étude textuelle, on remarque généralement la présence d’une ou de plusieurs figures de styles pour appuyer les propos et susciter l’adhésion tout en donnant de la consistance, de la force et de la persuasion au texte.

C’est le cas ici où nous remarquons la présence au début de chaque séquence discursive d’une conjonction de coordination. Pour les versets qui nous concernent, nous en recensons 9 :

Wa ma qatalouhou, wa ma salabouhou, wa + lakin, wa inna ladhina khtalafou, illa tibaâ addhan, wa ma qatalouhou yaqinan, bel, wa kana.

Le texte est très court et tient sur 2 versets ; nous avons 9 conjonctions de coordination qui démontrent la présence d’une figure de style appelée polysyndète.

J’attire l’attention du lecteur sur celle-ci car elle n’existe pas en langue arabe et le Coran reçu il y a 14 siècles contient une figure de style occidentale. La langue française n’existait pas à cette époque et pourtant le Coran contenait déjà des éléments de preuve qui trouveraient dans le futur une explication, une traduction ou un mode de preuves existant dans une langue qui n’existait pas à l’époque de sa révélation… n’est-ce pas un miracle ?

Le polysyndète est caractérisé par une redondance de conjonctions de coordination qui indiquent une démonstration grammaticale de type argumentatif et dont on peut retenir les fonctions suivantes :

  1. Il alerte le lecteur que face au texte court, il doit ralentir le rythme de sa lecture pour se concentrer attentivement sur le contenu.
  2. Il indique une réponse. Elle concerne directement la prétention des juifs d’avoir tué Aïssa (AS) et l’orientation de cette figure de style, la nature de la réponse est contenue dès le début du polysyndète = Ma qatalouhou. Il s’agit ainsi de la direction donnée au polysyndète en réponse à la prétention de l’avoir tué. Ma qatalouhou est la réponse à inna qatalna Al masih.
  3. Chaque phrase après la conjonction est un argument en faveur de la thèse de départ = Ma qatalouhou.
  4. Chaque argument est mis en relief par la conjonction et il s’accumule au suivant. On a donc 9 arguments dans le cadre de ce polysyndète dont l’objectif grammatical est de démontrer que Aïssa (AS) n’a pas été tué. C’est à la lecture de cette figure de style que l’on démontre la thèse coranique, qui s’inscrit dans la mécanique « reproche fait aux juifs – réponse apportée par Allah ».

La particularité de cette figure de style est le fait qu’il s’agit d’une démonstration grammaticale orientée vers la défense d’une thèse en recourant à des arguments de type cumulatifs. En l’espèce, nous avons 9 arguments en faveur de la non-crucifixion de Aïssa (AS) contenus dans 2 versets, ce qui est très court. C’est dire l’importance que revêt chaque argument considéré comme un moyen de défense sans équivoque (dans le sens de l’affirmation d’une thèse que les gens refusent).

 

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 23:51

LE SACRIFICE DU FILS D’IBRAHIM (AS) 4/4

(Article de Nordine Bennecer)

Le pluriel duel :

En langue arabe, l’usage du pluriel duel est précis. Il est utilisé pour désigner deux réalités différentes, distinctes en un seul mot. Pour cette raison, dans le cadre d’une ellipse narrative, le pluriel duel a toute sa place car il s’inscrit dans une structure elliptique.

Le mot sur lequel je souhaite m’arrêter et qui confirme que nous avons affaire à deux enfants est contenu à la fin du verset 113 (wa min dhourirratihima = dans leurs descendances)

Ce mot est composé de deux mots :

  • L’objet du pluriel : dhouriyyah
  • Le pluriel duel : hima. Il est sous-entendu qu’il s’agit de deux descendances distinctes, différentes l’une de l’autre, et que la descendance de l’un n’est pas celle de l’autre. Or, la descendance d’Ishaq est de la descendance d’Ibrahim, tout comme ce dernier peut dire que Ishaq et sa descendance sont de lui. On parle alors d’une seule et même progéniture.

Dans la vidéo en langue arabe postée par Karim Zentici intitulée « Analyses linguistiques et exégétiques du sacrifice », à la 35 ème minute, l’intervenant évoque justement la règle du pluriel duel qui est sous-entendue.

Le Sheikh explique que « nous avons un pluriel duel, or Ibrahim et Ishaq (AS) ont une seule et même descendance. » l’assistance acquiesce car elle connaît la règle du pluriel duel.

Les traductions précisent bien cette distinction dans l’objet du pluriel à travers le « s » de « leurs descendances, c’est-à-dire que nous avons deux descendances distinctes et pas une seule confondue comme l’impliquerait la situation d’Ibrahim et d’Ishaq (AS).

D’ailleurs, s’il s’était réellement agi d’Ibrahim et d’Ishaq (AS), la règle voudrait qu’il soit écrit non pas « wa mine dhourriyatihima », mais « wa mine dhourriyatihi ». La confirmation nous est donnée par la sourate « Al Ankabout » au verset 27 à propos d’Ibrahim (AS) :

 « Nous lui donnâmes Ishaq et Yaâqoub et plaçâmes dans sa descendance la prophétie » ce qui correspond en langue arabe à « wa wahabna Ishaqa wa Yaâqouba wa ja’alna fi dhourriyatihi anoubou’ah ».

Le « hi » renvoit à une descendance commune, une et non distincte du père, du fils et du petit fils. En revanche, le « hima » renvoit à une descendance distincte, différente l’une de l’autre et dont les personnages ne peuvent s’en réclamer. Cela signifierait que la descendance d’Ishaq (AS) ne pourrait se réclamer d’Ibrahim (AS) comme étant son ascendant et ce dernier ne pourrait prétendre que la descendance d’Ishaq soit la sienne.

Si nous reprenons l’exemple cité plus haut : Ibrahim (AS) a vu ses enfants jouer. Cette phrase ne contient pas les noms des enfants ; s’agit-il d’Ismaïl et d’Ishaq (AS) ? L’ignorant de la règle dira que ce ne sont pas ces derniers qui jouent car leurs noms ne figurent pas.

La logique nous commande de lire la phrase et de noter l’emploi du pronom possessif (ses) pour les enfants, ce qui signifie qu’il s’agit des enfants d’Ibrahim (AS) et que le possessif nous renseigne sur l’identité des enfants.

Imaginons qu’une personne vienne nous dire qu’il y a la présence d’un possessif et donc ce ne sont pas les enfants d’Ibrahim (AS) ; cela serait contradictoire et nous dirions : « non, la présence du possessif indique qu’il s’agit obligatoirement des enfants d’Ibrahim (AS) » ! Nous aboutirons à la conclusion que soit la personne ne maîtrise pas la langue française ou soit elle cherche à nous manipuler.

C’est le cas de Karim el hanifi qui explique qu’il y a un pluriel duel, et donc qu’il s’agit d’Ibrahim et d’Ishaq (AS) ! manifestement, il ne connaît pas la règle du pluriel duel, celle de la distinction de l’objet du pluriel et le pluriel duel.

 

Précisons pour ceux qui débutent en langue arabe un terme qui pourrait constituer un écueil à leur compréhension.

En effet, nous trouvons au début du verset 113 de la sourate As-Saffat : « wa barakna aleyhi wa âla Ishaq… » et traduit par « et nous le bénîmes ainsi qu’Ishaq ».

Le mot « le » pourrait à première vue renvoyer à Ibrahim (AS), mais l’emploi du pluriel duel l’interdit et cela est renforcé par les versets suivants (114 et 115) qui citent en écho les frères Moussa et Haroun avec l’emploi du pluriel duel. Cela signifie que moussa (qui était messager-prophète) et Haroun (qui était prophète) sont à l’image d’Ismaïl (qui était messager-prophète) et Ishaq (qui était prophète) et nous avons le même usage du pluriel duel.

Je pourrais rajouter à loisir d’autres éléments sur l’identité de l’enfant sacrifié dans le coran mais l’approche grammaticale est pleinement satisfaisante, d’autant plus qu’une étude biblique impartiale démontre que l’enfant est bel et bien Ismaïl (AS).

 

Reconstitution du récit sans l’ellipse

Le but ici est de proposer une vérification du récit en supprimant l’ellipse narrative et conclure sur l’identité de l’enfant sacrifié.

Reprenons donc la traduction en langue française du récit de l’invocation avec la thèse de Karim el hanifi :

« Mon Dieu, fais-moi don d’une progéniture qui soit parmi les pieux.

C’est parce que Ibrahim nous a invoqué que nous lui annonçâmes la naissance d’un premier enfant, Ishaq. Quand Ishaq, premier enfant d’Ibrahim et fruit de l’invocation directe, fût en âge de l’accompagner, il lui dit : « Oh mon tendre fils, je me vois en rêve en train de t’immoler. Vois ce qu’il y a lieu de faire ! »

Puis, nous le rachetâmes par une énorme bête à sacrifier

….

Ensuite, nous lui annonçâmes la naissance d’un deuxième enfant, Ishaq, prophète parmi les pieux.

Nous lui donnâmes Ishaq et Yaâqoub en plus, de manière surérogatoire et nous en fîmes tous des gens de piété.

Nous bénîmes Ibrahim et Ishaq. Parmi leurs descendances, dont l’une ne peut se réclamer de l’autre car distincte l’une de l’autre, il y a l’Homme bon et celui qui est manifestement injuste avec lui-même.

La louange est Allah qui m’a donné dans ma vieillesse, de manière miraculeuse, Ismaïl et Ishaq, Mon Dieu est certainement celui qui entend et exauce les invocations ».

Voyons maintenant la même démonstration avec la traduction qui tient compte de la structure grammaticale et de leurs règles inhérentes :

« Mon Dieu, fais-moi don d’une progéniture qui soit parmi les pieux.

C’est parce que Ibrahim nous a invoqué que nous lui annonçâmes la naissance d’un premier enfant, Ismaïl. Quand Ismaïl, premier enfant d’Ibrahim et fruit de l’invocation directe, fût en âge de l’accompagner, il lui dit : « Oh mon tendre fils, je me vois en rêve en train de t’immoler. Vois ce qu’il y a lieu de faire ! »

Puis, nous le rachetâmes par une énorme bête à sacrifier

….

Ensuite, nous lui annonçâmes la naissance d’un deuxième enfant, Ishaq, prophète parmi les pieux.

Nous lui donnâmes Ishaq et Yaâqoub en plus, de manière surérogatoire et nous en fîmes tous des gens de piété.

Nous bénîmes Ismaïl et Ishaq. Parmi leurs descendances, dont l’une ne peut se réclamer de l’autre car distincte l’une de l’autre, il y a l’Homme bon et celui qui est manifestement injuste avec lui-même.

La louange est Allah qui m’a donné dans ma vieillesse, de manière miraculeuse, Ismail et Ishaq, Mon Dieu est certainement celui qui entend et exauce les invocations ».

 

Nous voyons que la dernière version est celle qui est correcte à tous points de vue. Cependant, la répétition du nom Ismaïl vient alourdir le texte et une critique grammaticale aurait relevé cette redondance. Pour cette raison, il y a une ellipse narrative qui vient « enlever » cette lourdeur et donner une aération au récit. C’est l’objet principal de cette figure de style.

 

Al hamdoulillahi wahdah

 

Nordine Bennecer.

 

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 00:19

LE SACRIFICE DU FILS D’IBRAHIM (AS) 3/4

(Article de Nordine Bennecer)

La question à se poser est de savoir qui est qualifié de patient, d’endurant dans le Coran ?

 

Caractéristique spécifique à chacun des enfants d’Ibrahim

Dans sourate Al anbiya (les prophètes), verset 85, Ismaïl (AS) est cité comme étant patient, en compagnie d’Idriss et de Dhoulkifl (ces derniers ont été éprouvés et ont fait preuve de patience), c’est-à-dire qu’il est cité en compagnie de grands personnages réputés pour leur patience.

Cette sourate est intitulée « Les Prophètes » et ils sont cités par leur caractéristique principale, c’est-à-dire par un adjectif qualificatif épithète et/ou antonomase. Ismaïl (AS) est caractérisé par sa patience qui est donc une qualité essentielle, inhérente à son caractère et le passage est parfaitement inséré dans cette sourate.

Ishaq (AS) est défini par son savoir, sa science et le mot utilisé est « ‘Alim ». Ce terme est spécifique à ce dernier et ne saurait s’appliquer à Ismaïl (AS), ce qui ne signifie pas qu’il n’avait pas cette vertu et vice-versa.

Dans la sourate Addhariyat (les vents disperseurs), verset 28, il est expliqué que lorsque les messagers de Dieu sont venus apporter la bonne nouvelle de la naissance d’Ishaq à Ibrahim (AS), il est dit « wa bacharouhou bi ghoulamin ‘alim » (il lui annoncèrent la naissance d’un enfant doué de savoir). Il est qualifié par l’adjectif qualificatif épithète « savant ». C’est donc une caractéristique essentielle, spécifique à Ishaq (AS).

Caractéristique commune des enfants d’Ibrahim

L’invocation de départ d’Ibrahim (AS) est la demande d’avoir une descendance pieuse (assalihine). C’est une caractéristique commune aux 2 enfants et ils sont désignés dans le Coran à plusieurs reprises comme étant des gens de piété.

Que ce soit au verset 72 de la sourate « Les Prophètes » où Ishaq (AS) est qualifié de personne pieuse (wa koullan ja’alna salihine) ou au verset 86 où Ismaïl (AS) est aussi cité comme tel (innahoum mina assalihine).

Cette piété est une demande d’Ibrahim (AS) pour sa descendance et elle est donc partagée par elle.

Episode du sacrifice

Au verset 102 de la sourate As-Saffat, nous voyons l’épisode du sacrifice.

Le verset commence par « falamma balagha maâhou asâya » (lorsqu’il atteignit l’âge de l’accompagner, ou de raison ou de discernement) et nous remarquons la particule « fa » attachée au mot « lamma ». Ce n’est pas « walamma » mais falamma, ce qui revient à dire que cela renvoit à l’enfant du « fa », celui qui est le premier enfant d’Ibrahim (AS), fils de l’invocation à Dieu contenue dans son nom (nom anthroponyme théophore) et ayant pour caractéristique spécifique la longanimité.

L’enfant du « fa » répond à la demande de son père qui le voit en rêve en train de l’immoler : « tu me trouveras si Allah le veut, parmi les gens de patience ».

La patience renvoie donc à la caractéristique principale de l’enfant du « fa » : la patience.

Ensuite Ibrahim est racheté du sacrifice car il s’est soumis, lui et son fils. C’est tout le sens du sacrifice qui est la volonté du patriarche de se soumettre au dessein de Dieu et il est le personnage de premier plan dans cet épisode. Ce n’est pas Ismaïl ou Ishaq (AS) mais leur père qui est éprouvé. Cela n’enlève rien à la grandeur de l’enfant halim qui lui aussi s’est soumis, l’a accompagné et soutenu du mieux qu’il pouvait. La sourate « El Hadj », verset 37 nous rappelle le sens de tout sacrifice : « Lan yanalou llaha louhoumouha wa la dima ouha wa lakin yanalouhou ataqwa minkoum » = « ce ne sont pas les sacrifices de viandes et de sang qui l’atteignent, mais c’est plutôt votre crainte qui l’atteint ».

Annonce du deuxième enfant : Ishaq (AS)

Cette annonce ne comporte pas d’épisode particulier lors de son évocation dans le Coran. Il est cité après l’épisode du sacrifice et il est annoncé par la particule « wa » qui est une conjonction de coordination qui relie le verset au postulat de départ : l’invocation d’Ibrahim (AS).

  1. Cela signifie qu’Ishaq, bien qu’il ne soit pas concerné directement par l’invocation de son père pour avoir une descendance pieuse (car le « fa » crée la relation directe de cause à effet et concerne le premier enfant), il est intégré dans l’invocation à la suite de la soumission de son père et il lui est donné comme « récompense », en plus et en tant que bénédiction. C’est le sens du verset 72 de la sourate Les prophètes « wa wahabna lahou Ishaqa wa yaâqouba nafilatane » = et nous lui donnâmes Ishaq et Yaâqoub en plus, nous lui rajoutâmes Ishaq et Yaâqoub à sa descendance.

Ishaq (AS) est cité avec son fils Yaâqoub, ce qui signifie qu’Ishaq n’est pas destiné à mourir et qu’il aura un enfant. Il n’est donc pas concerné par le sacrifice.

 Karim el hanifi, pour rejeter cette interprétation se fonde sur un verset de la bible qui énonce qu’Ismaïl (AS) sera une grande nation et donc lui aussi ne serait donc pas destiné à mourir et aura donc une descendance.

Citer la bible pour réfuter un passage coranique est digne d’un juif ou d’un chrétien mais pas d’un musulman. C’est aussi une erreur de méthodologie qui représente son seul recours consistant à s’accrocher à ce qu’il peut.

Imaginons un débat entre chrétiens à propos de la polygamie. Nous aurions ceux qui sont contre et ceux qui sont pour. Imaginons un instant que pour réfuter la position officielle des chrétiens, les partisans de la polygamie disent : « vous savez, dans le Coran, sourate « les femmes », verset 3, Dieu dit : « il est permis d’épouser 2, 3 ou 4 parmi les femmes qui vous plaisent ».

 Quelle serait la réaction de l’auditoire ? des chercheurs ou des spectateurs ? faiblesse du niveau, référence à l’Islam pour des chrétiens ? c’est exactement ce qu’a fait Karim el hanifi.

De mon côté, je reprends l’interprétation des juifs au sujet de l’épisode qui voit Dieu vouloir tuer Moussa (AS) mais qui est sauvé par sa femme bédouine (exode 4. 24-26).

Les juifs rejettent le sens littéral car ils disent que Dieu ne voulait pas réellement tuer Moussa car il est destiné à recevoir la Thora et à être le grand prophète d’Israël. Comment pourrait-il mourir ?

De la même manière, comment Ishaq qui est cité avec son fils, pourrait-être l’enfant du sacrifice, c’est-à-dire destiné à mourir ? ce n’est pas possible ; cela signifie qu’Ishaq n’est pas destiné à mourir par un sacrifice car il est annoncé avant sa naissance à ses parents avec le fils qu’il aura.

  1. Le « wa » lorsqu’il est précédé du « « fa » nous renseigne sur deux choses différentes. Celles-ci concernent l’enfant induit par la particule.

D’un côté nous avons un enfant longanime, qui n’est pas l’enfant savant. Le « wa » indique qu’il s’agit dans la chronologie d’un deuxième enfant, qui est différent de l’enfant Halim.

Pour ce motif, s’il s’était agi d’un seul et même enfant, nous aurions eu à l’annonce de celui-ci, l’emploi de la seule particule « wa » aussi bien pour l’enfant longanime que pour l’enfant savant.  C’est par ailleurs un argument utilisé par Ibn Taymiyya.

 

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 03:05

LE SACRIFICE DU FILS D’IBRAHIM (AS) 2/4

(Article de Nordine Bennecer)

  1. Le fa est un critère temporel de primauté. Il annonce un ordre dans le temps, une gradation et/ou un déroulement chronologique.

Un exemple enseigné à l’école primaire est le suivant :

Ja’a Mouhammed fa dakhala

Ja’a Mouhamed wa dakhala

Ja’a Mouhamed thoumma dakhala

Les 3 exemples signifient la même chose, à savoir que Mouhamed est venu (sous-entendu à la maison) et il s’est assis. La seule différence sont les mots fa, wa et thoumma qui indiquent une temporalité différente dans le déroulement chronologique de cet évènement ; en effet, la première phrase (avec fa) signifie que Mouhamed est venu et la première chose qu’il a faite, c’est de s’asseoir (immédiatement en rentrant à la maison). La deuxième phrase (avec wa) signifie qu’en rentrant à la maison, Mouhamed ne s’est pas assis immédiatement, il a attendu un temps bref, et il s’est assis. Enfin ; la troisième phrase signifie qu’en rentrant à la maison, Mouhamed ne s’est pas assis directement et qu’il a d’abord fait des choses, puis, il s’est assis, mais dans un temps plus long qu’avec le « wa ».

Autre exemple : « Ja a Zaydoune wa Oumar » ce qui signifie Zayd et Oumar sont venus. Il n’y a pas d’ordre dans la venue, ils sont peut-être même venus ensemble. On peut comprendre que Zayd est venu le premier et Oumar, le deuxième et le contraire est vrai.

Pour introduire un ordre d’arrivée ou de venue chronologique, il faut utiliser la particule « fa » à la place de « wa ». Il faut écrire « Ja a Zaydoune Fa Oumar » et nous comprenons alors que Zayd est venu en premier puis Oumar en deuxième. Le « fa » a aussi pour fonction d’être un marqueur temporel de primauté.

Par ailleurs, lorsque dans un récit le « fa » est utilisé avec le « wa », il signifie que nous avons affaire à deux choses différentes. C’est le cas dans le récit coranique où Ishaq (AS) est introduit par le « wa ».

Cela signifie que le « fa » de l’enfant halim est le premier enfant de l’invocation tandis que le « wa » indique qu’il s’agit d’un deuxième enfant qui vient plus tard dans le temps.

C’est pour cette raison que le Cheikh Ibn Taymiyya a dit que s’il s’était agi uniquement d’Ishaq (AS), nous aurions alors eu pour la première annonce la particule « wa » à la place de « fa » et cela tout au long du récit.

Compte tenu des 3 fonctions du « fa », la traduction approchée du récit de l’invocation est la suivante : « c’est parce que Ibrahim (AS) nous a invoqué que nous lui annonçâmes la bonne nouvelle de la naissance d’un premier enfant ».

Parallèle avec la sourate Houd, verset 71 : « Wa Imratouhou qa’imatoune, fadahakate, fabacharnaha bi Ishaq ».

Il s’agit de l’annonce faite à Sarah, la première épouse d’Ibrahim (AS).

Le « fa » nous renseigne sur ses 2 premières fonctions, le récapitulatif et le justificatif. C’est parce que sa femme Sarah (AS) qui était debout, a ri (à l’annonce des 2 envoyés de Dieu venus apporter une bonne nouvelle (récapitulatif), que nous lui annonçâmes la bonne nouvelle d’Ishaq (justificatif). Le « fa » nous indique que le prénom de l’enfant est lié au rire car Sarah (AS) a ri lorsqu’il lui a été annoncé.

Si Sarah avait eu un second enfant, il aurait été introduit par la particule « wa » et il signifierait le second et le « fa » induisant dans ce verset Ishaq (AS) aurait eu la caractéristique de la primauté temporelle. Mais, n’ayant eu qu’un seul enfant, il conserve la relation de cause à effet.

De la même manière, dans l’annonce faite à Ibrahim (AS), le « fa » nous renseigne par ses 3 fonctions sur l’identité de l’enfant.

Il est l’enfant de l’invocation exaucée, de la demande faite à Dieu pour avoir une descendance pieuse ; et tout comme la signification du nom « Ishaq » est liée à « l’activité » de sa mère (qui a ri), en conséquence le nom de l’enfant « halim » porte en lui « l’activité » d’Ibrahim (AS) qui était de demander à Dieu d’avoir une descendance pieuse.

Le mot utilisé est sama’a qui signifie entendre, écouter. Dans la théologie juive et islamique, ce verbe est utilisé pour qualifier l’audition spirituelle, la relation d’une invocation faite à Dieu pour être exaucé. On utilise comme nom d’invocation « Oh l’Audiant = ya Sami’ », c’est-à-dire celui qui écoute, celui qui entend, celui qui exauce. Les soufis utilisent dans leurs séances de dhikr le nom de sama’a pour qualifier les séances d’invocations adressées à Dieu.

Chez les juifs, rêver « d’Ismaïl (AS) fils d’Ibrahim » est le signe que la prière, la demande, la requête du rêveur est exaucée. En effet, il est le fils de l’invocation d’Ibrahim (AS) qui a été exaucée, d’où la signification de son nom.

 

QUESTION :

Qui remplit les fonctions du « fa » ?

Qui est le premier enfant d’Ibrahim d’un point de vue chronologique ?

Qui porte en son nom la demande exaucée d’Ibrahim (AS) : la demande faite à Dieu d’avoir une descendance ?

Ismaïl est le premier enfant d’Ibrahim (AS) et il porte en lui un nom divin que nul autre n’avait porté auparavant, celui de la demande faite à Dieu. Il s’agit d’un nom anthroponyme théophore, c’est-à-dire qu’il porte le nom de Dieu en lui et cela est la conséquence d’une invocation exaucée. Personne d’autre parmi la descendance d’Ibrahim (AS) ne possède cette caractéristique.

N’oublions pas que d’après les juifs, Hajer est la femme par qui se réalise la promesse d’une descendance d’Ibrahim (AS).

Le rabbin Rachi explique dans l’exégèse du verset 3 du chapitre 16 de la genèse, « au bout de 10 ans sans enfant, l’homme est tenu d’épouser une autre femme ». Sarah ne lui a pas donné d’enfant et donc il doit épouser une seconde femme pour avoir une descendance. Hajer est celle qui doit lui assurer une descendance et Ismaïl est l’enfant tant attendu d’Ibrahim (AS).

La Bouchra, attachée à la naissance miraculeuse ? mais pas que…

Certains voudraient rattacher malgré tout l’enfant de la première annonce à Ishaq (AS) en arguant du fait que le mot employé pour l’annoncer est la Bouchra, ce qui signifie la bonne nouvelle.

C’est le cas de Karim El Hanifi qui utilise cet argument à dessein. Il « explique » que l’emploi de la Bouchra dans le Coran est lié à la naissance miraculeuse et Ishaq (AS) est né d’une mère stérile et âgée. Donc Ishaq (AS) est l’enfant de l’annonce. Beau syllogisme, mais totalement inapplicable car le premier écueil est l’emploi du « fa » et du « wa » qui interdisent de voir un seul et même enfant.

Ensuite, le problème posé avec ces jeunes fraîchement arrivés dans la sphère islamique est qu’il pense embrasser de « leur savoir » toute chose. En théologie islamique, pour se dire Talib el ‘ilm (étudiant en sciences), il faut un niveau minimal, qui est la connaissance du Coran entièrement et sur le bout des doigts, ce que n’a certainement pas ce dernier.

Dans la sourate Youssouf, il est écrit au verset 19, « ya Bouchra hadha ghoulam », c’est-à-dire, « quelle bonne nouvelle, voici un enfant ». Nous avons la présence de la Bouchra et du mot « ghoulam », et il n’y a pas de naissance miraculeuse.

C’est aussi le cas dans la sourate An-nahl (les abeilles), au verset 57 à 59 où il est dit « wa idha bouchira ahadouhoum bil ountha dhalla wajhouhou… (lorsqu’on annonce à l’un d’eux la naissance d’une fille, son visage s’assombrit…).

La Bouchra n’a rien à voir avec la naissance miraculeuse, mais simplement l’annonce d’un évènement important, et ces deux exemples démontent l’argument de Karim el Hanifi.

Enfin, le verset de l’annonce du premier enfant est caractérisé par le mot « Halim » qui signifie longanime. Il signifie la propension de la personne concernée par cette qualité à faire preuve de patience, à endurer, à supporter patiemment.

La première chose à dire est que ce mot a une place bien particulière dans la phrase. « Nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant longanime ».

Longanime est un adjectif qualificatif, c’est-à-dire que la longanimité est une caractéristique de l’enfant. Il est aussi épithète ce qui signifie que cette caractéristique est une spécificité propre à l’enfant et elle est attachée à sa personne, essentielle.

On parle d’antonomase pour énoncer une qualité essentielle, celle d’être longanime et cette caractéristique s’est lexicalisée chez les grammairiens du Coran qui comprennent que l’enfant longanime est la caractéristique, sinon le synonyme d’Ismaïl (AS). Elle est donc utilisée comme nom commun (halim) pour signifier un nom propre (Ismaïl)

 

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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 02:53

LE SACRIFICE DU FILS D’IBRAHIM (AS) 1/4

(Article de Nordine Bennecer)

Ismaïl ou Ishaq (AS)

La question du sacrifice du fils d’Ibrahim (AS) a suscité des interrogations chez de nombreux auteurs musulmans. En effet, il s’agissait de connaître avec exactitude le nom de l’enfant sacrifié et des convertis à l’Islam, qu’ils soient d’origine juive ou chrétienne ont pour certains, eu tendance à tirer « la couverture de leur côté » et ont privilégié Ishaq (AS) car correspondant à ce que leur disait la bible.

La principale méthode utilisée en Islam pour démontrer qu’il s’agissait de l’un ou de l’autre enfant, consistait et consiste toujours à faire des recoupements de versets et/ou de hadiths.

Actuellement, l’étude philologique, grammaticale et linguistique permet de solutionner ce problème. Mais pourquoi parler de problème ?

Avant toute chose, chez les musulmans, ce n’en est pas un car quel que soit le nom de l’enfant, ce sont le sacrifice, la soumission et le dévouement à l’injonction divine d’Ibrahim (AS) qui priment. Il importe peu qu’il s’agisse d’Ismaïl ou d’Ishaq (AS) car les deux sont bénis et fils d’Ibrahim (AS).

En revanche, chez les juifs et les chrétiens, la donne est différente ; ils affirment qu’il s’agit d’Ishaq (AS) et non pas d’Ismaïl (AS). Cela est liée à l’idée de leur filiation à Ishaq (AS) en qui doit se réaliser la promesse divine de bénir toutes les familles de la terre dans la descendance d’Ibrahim (AS). 

Nous savons que les prophètes des fils d’Israël ne sont venus que pour leur propre peuple et non pas pour l’humanité entière. Même Jésus (AS) a affirmé qu’il n’était « envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 15 24)). La mission universelle de ce dernier est aussi affirmée dans la finale de Marc dont on sait qu’elle est un ajout tardif et qui, selon Bart Ehrman comporte en plus une faute d’orthographe.

 

En outre, l’étude des structures grammaticales des versets de la bible démontrent des ajouts d’auteurs occidentaux dans l’expression des évènements rapportés, sans compter les nombreux anachronismes du type camélidés présents au temps d’Ibrahim et des générations suivantes (AS).

En revanche, dans le Coran, l’approche grammaticale couplée au recoupement de versets permettent d’apporter la solution et de démontrer avec une entière certitude qu’Ismaïl (AS) fût l’enfant proposé au sacrifice.

 

L’absence du nom d’Ismaïl (AS)

La principale critique du texte coranique selon ses détracteurs est l’absence supposée du nom d’Ismaïl (AS). Ce constat illustre la légèreté de leurs auteurs car en littérature, nous savons que l’absence d’un élément ne signifie son absence. En l’espèce, il s’agit d’un procédé rhétorique permettant d’aborder le sujet de manière différente, de donner un éclat particulier et de l’intelligence au texte. En effet, parmi les arts de l’esprit, la maîtrise savante de la poésie, de l’expression littéraire et de l’emploi de figures de styles, dénotent indéniablement un marqueur de supériorité linguistique. Tout chercheur doit nécessairement en maîtriser les codes pour appréhender correctement les textes étudiés.

Pour illustrer le propos, prenons la phrase suivante :

« Ibrahim (AS) a vu ses enfants jouer ». Elle ne contient pas le nom des enfants ; s’agit-il d’Ismaïl et d’Ishaq (AS) ? Celui qui ne connaît pas les règles grammaticales dira que ce ne sont pas ces derniers car leurs noms ne figurent pas.

La grammaire nous commande de lire la phrase et de relever l’emploi du pronom possessif (ses) pour les enfants, ce qui signifie qu’il s’agit des enfants d’Ibrahim (AS) et que le possessif nous renseigne sur l’identité des enfants.

C’est le cas dans le Coran car la première idée qui vient à tout chercheur sincère et dévoué lorsqu’il dit qu’il manque une chose dans un récit est qu’il doit y avoir une « alarme » interne, un signal qui retentit au mot manque ; il doit penser au mot élleipsis, mot grec qui signifie « manque » et qui a donné le mot ellipse.

L’ellipse est une figure de style qui consiste en l’omission volontaire d’un ou de plusieurs éléments nécessaires à la compréhension d’un texte. Cela permet de réduire le texte, de ne pas l’alourdir avec les répétitions et de faire appel à l’intelligence du lecteur par le biais de « clés » linguistiques pour reconstituer le récit dans toute sa pertinence.

C’est ce que nous relevons dans le récit coranique :  une ellipse coranique. Sa particularité est la possibilité d’une reconstitution de l’intégralité du discours initial à partir des conjonctions de coordination « fa » et « wa », du rôle et de la fonction des mots halim et âlim et du recours au pluriel duel qui permet d’économiser le nombre de mots employés. C’est une structure elliptique qui couvre l’intégralité du récit. Le procédé elliptique consiste à réduire le temps pour raconter un récit (on parle d’ellipse temporelle), mais aussi à utiliser des mots « valises » pour réduire le texte tout en maintenant les occurrences des mots (on parle d’ellipse narrative et c’est ce dont il est question ici).  C’est là une autre preuve du génie littéraire du Coran qui propose une structure elliptique contenant différents procédés de réduction et/ou d’économie de mots qui concerne l’ensemble du récit du sacrifice. Sinon, en nommant l’enfant sacrifié, nous aurions une répétition lourde et maladroite et c’est un des buts de l’ellipse narrative.

 

De qui le « FA » est-il le nom ?

Cette question nous renvoie à l’analyse grammaticale du texte coranique, notamment la sourate « As-Saffat » qui retrace une partie de cette histoire.

Celle-ci débute par l’invocation d’Ibrahim (AS) au verset 100 dans lequel il invoque Allah pour avoir une descendance et il dit « Mon Dieu, fais-moi don d’une progéniture qui soit parmi les pieux ».

A noter que d’autres traductions et interprétations sont possibles.

Il n’a pas d’enfant et il souhaite transmettre le don de prophétie à celui qui sera son héritier. Il est âgé et sa première épouse l’est aussi et elle est stérile. Or, comme l’explique le rabbin Rachi dans l’exégèse du verset 3 du chapitre 16 de la genèse, « au bout de 10 ans sans enfant, l’homme est tenu d’épouser une autre femme ».

Cela signifie qu’Ibrahim (AS) doit obligatoirement épouser une seconde épouse. Celle-ci lui permettra de réaliser le dessein du mariage qui est d’avoir une descendance et c’est ce qu’il va faire.

À la suite de l’invocation d’Ibrahim (AS), Dieu répond dans le Coran : « Fa bacharnahou bighoulamine halim » ; cette réponse est restituée hâtivement dans les traductions par la phrase : « et nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant longanime ».

Arrêtons-nous sur le premier mot « Fa » et entrons dans les détails afin « d’extirper » les sens contenus dans ce mot puis d’en délivrer le contenu sémantique et par là même, de proposer une nouvelle traduction.  

Le « fa » est une conjonction de coordination qui a 3 fonctions.

  1. Elle est un récapitulatif : elle reprend la proposition précédente à laquelle elle est rattachée, en l’espèce, l’invocation d’Ibrahim (AS).
  2. Elle est un justificatif : elle apporte la réponse à ce qui précède et constitue une relation de cause à effet entre l’invocation d’Ibrahim (AS) et l’annonce de la bonne nouvelle. Il s’agit donc de justifier l’annonce en la liant à l’invocation précitée.

Nous pourrions ici traduire en disant que « c’est parce tu m’as invoqué pour avoir une descendance (récapitulatif) que je t’annonce la bonne nouvelle (justificatif).

Cette construction grammaticale est identique à l’invocation de Moussa (AS) lorsqu’il a fui l’Egypte et aidé des bédouines à abreuver leurs animaux. Il dit dans la sourate El Qassas, verset 24 (Les récits) : « Rabbi inni lima ounzilta ilayya min khayrin faqir ». C’est une invocation traduite généralement comme suit : « Dieu, fais descendre sur moi le bien que tu m’as prescrit ». Cette invocation, en termes de construction grammaticale est identique à celle d’Ibrahim (AS).

Puis le Coran ajoute à cette invocation « Faja’athou ihdahouma… » ; le fa a une fonction identique à celle de l’invocation d’Ibrahim (AS) car il récapitule et justifie la suite, c’est-à-dire, que c’est parce Moussa (AS) a invoqué Dieu pour recevoir du bien (récapitulatif) que la bédouine est venue (justificatif) et elle représente le bien que Dieu lui a destiné. Il crée une relation de cause à effet.

 

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2 mars 2020 1 02 /03 /mars /2020 13:55

Ibn ‘Abbâs fustige le taureau-bourrin 2/2

 

D’après el Bukhârî, on demanda à ‘Abd Allah ibn ‘Amr (une autre version parle de l’ancien rabbin ‘Abd Allah ibn Sallâm, ce témoignage est également imputée à Ka’b el Akhbâr) : « Parles-nous de la description du Messager d’Allah (r) dans la Thora :

  • Il est décrit dans la Thora, répondit-il, avec certaines qualités qui lui sont attribuées dans le Coran : « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé comme témoin, annonciateur, et avertisseur. Le protecteur des illettrés, tu es Mon serviteur et Mon Messager, Je t’ai appelé le Mutawakkil (celui qui s’en remet à Dieu). Tu n’es pas rude, tu n’as pas le cœur dur, tu ne cries pas dans les marchés, tu ne rends pas le mal par le mal, mais tu rends le mal par le bien. Tu pardonnes et fais grâce. Je ne le ferais pas mourir avant qu’il ne redresse la religion corrompue. Je vais ouvrir par lui des yeux aveugles, des oreilles sourdes, et des cœurs fermés, tous reconnaissants que Dieu seul soit digne d’être adoré. » »[1]

 

En commentaire à ce texte, ibn Taïmiya précise : « Il faut entendre par Thora soit le nom générique pour désigner les Ecritures anciennes soit la Thora particulière à Moïse. S’il en est ainsi, ce texte ne se trouve pas dans tous les exemplaires de la Thora que j’ai pu lire. Cependant, la prophétie d’Ésaïe nous apprend : « Voici mon serviteur qui me réjouit, je lui ai consacré ma révélation. Il va faire régner ma justice sur les nations et leur faire part des recommandations. Il ne rira pas aux éclats, il ne fera pas entendre sa voix dans les marchés. Il va ouvrir des yeux borgnes, des oreilles sourdes, et faire vivre des cœurs scellés. Je vais lui octroyer ce que je n’ai donné à nul autre. Il va louer Dieu par de nouvelles louanges, il viendra de l’extrémité de la terre. Le désert et ses habitants vont exulter de joie. Ils vont clamer l’unicité de Dieu en grimpant chaque colline comme ils vont l’exalter en descendant chaque colline. Lui ne s’étiolera pas, lui ne ploiera pas, il ne penchera pas vers les passions ; il sera rayonnant, il n’avilira pas les pieux qui seront comme une poignée faible. Il va plutôt renforcer les véridiques. Il sera le prince des humbles, il sera la lumière de Dieu qui ne s’éteint pas, et les marques de son règne seront sur ses épaules. »[2]

 

Ésaïe 42, 1 mentionne atmek (Voici mon serviteur que je soutiens) au lieu de Ahmed (mon bien-aimé) comme proposé par des juifs convertis à l'avènement de l'Islam tels que Ka’b el Akhbar. Les versions actuelles qui ont subi une recension de la part de Fred Miller, mais aussi des instances israéliennes ont été remaniées, peut-être involontairement en proposant atmîk ou atmûk qui n'ont aucun sens. La voyelle en trop est probablement due à une erreur de scribe. Or, il existe maints exemples dans la Bible, de l'aveu des exégèses bibliques, où des lettres sont interverties, mais comment objectivement démontrer que la version de Ka’b el Akhbar est la bonne. Hé bien, dans les dictionnaires bibliques, mahammadim signifie bien-aimé, et, grâce à Dieu, ce terme, qui renvoie bien sûr à un nom propre dans Ésaïe a été conservé chez Mathieu ayant reproduit le verset 42.1 intact et non tronquée par le temps ou par la main coupable des scribes.

« 17 afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par Esaïe, le prophète : 18 Voici mon serviteur que j'ai choisi, Mon bien-aimé en qui mon âme a pris plaisir. Je mettrai mon Esprit sur lui, Et il annoncera la justice aux nations. 19 Il ne contestera point, il ne criera point, Et personne n'entendra sa voix dans les rues.… » Matthieu 12: 17-19

 

La version grecque mentionne Agapétos, le machmad (bien aimé) de l’hébreu ancien. Avec le Patriarche Abraham, Mohammed a le privilège d’être l’Ami de Dieu (Khalîl) annoncé dans Ésaïe 42.19 : « Qui est aveugle, sinon mon serviteur, Et sourd comme mon messager que j'envoie ? Qui est aveugle, comme l'ami de Dieu, Aveugle comme le serviteur de l'Eternel ? »

 

Il est le Prince de la paix qui cache le signe de la prophétie sur son omoplate droite : « Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». Ésaïe 9.5 D’autres passages de l’AT font allusion à la Mecque où les cœurs se tourneront sous l’ère du Bien-Aimé, le digne de louanges. Notamment : « Et j'ébranlerai toutes les nations. Et celui que désirent toutes les nations viendra et je remplirai cette maison de gloire — dit l'Éternel des armées. » voir : Aggée 2:1-14

 

Les manuscrits anciens du Livre d’Enoch 90, 81.105 parle d’une « vieille maison » au sud de Jérusalem, et les manuscrits de Qumran relèvent l’inscription « mushlim » qui signifie muslim, et « cité paisible » Ésaïe 41.[3] D’ailleurs, Sion signifie « terre aride ». Enfin, un autre passage d’Ésaïe 60 fait allusion à l’inerrance du Coran : « Ce ne sera plus le soleil qui te servira de lumière pendant le jour, Ni la lune qui t'éclairera de sa lueur ; Mais l'Eternel sera ta lumière à toujours, Ton Dieu sera ta gloire. »

 

Enfin, un Verset coranique décrit le nouveau Messie et ses adeptes : [Mohammed, le Messager d’Allah, et les croyants qui l’entourent sont durs avec les infidèles, mais plein de compassion les uns pour les autres ; eux, que tu vois s’incliner et se prosterner dans l’espoir de gagner la grâce et l’assentiment du Seigneur. On les reconnait à la marque laissée sur leur front à force de prosternation, comme les décrits la Thora, mais aussi l’Évangile. Ils sont semblables à une semence qui germe, puis, qui se raffermit, s’épaissit, pour enfin tenir sur sa tige à la grande joie des semeurs afin d’irriter les infidèles].[4] Ibn Hazm souligne que cette description est absente des versions actuelles de la Bible. Il en conclut qu’elle fut sciemment enlevée.[5]

 

3- La non-crucifixion du Christ

 

L’Art de la Guerre de Sun Zi classé parmi les stratagèmes des batailles déjà gagnées, qui stipule que « le grand jour est une cachette plus sûre que la pénombre. Tout montrer c’est obscurcir tout ».

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/2019/08/le-retour-de-jesus-est-lie-a-l-histoire-du-sosie-1/2.html

http://mizab.over-blog.com/2019/07/enquete-sur-la-crucifixion-du-christ-1/6.html

http://mizab.over-blog.com/2019/09/quinze-hadiths-sur-le-retour-de-jesus-sur-terre-1/3.html

 

Allah (I) révèle : (Alors, Allah s’adressa à Jésus : Je vais te reprendre, t’élever vers Moi, te débarrasser des infidèles, et placer tes adeptes, jusqu’au Jour de la Résurrection, au-dessus de ces derniers. Puis, vous serez ramenés vers Moi, et là Je trancherais sur ce qui faisait l’objet de vos divergences)[6]

 

Ibn Abî Hâtim a dit : d’après Ahmed ibn Sinân, selon Abû Mu’âwiya, selon el A’mash, selon el Minhâl ibn ‘Amr, selon Sa’îd ibn Jubaïr, ibn ‘Abbâs a dit : « Le jour où Allah prit la décision de l’élever au ciel, ‘Issa rejoignit ses compagnons dans la maison où s’étaient réunis douze hommes qui composaient ses Apôtres. Il était arrivé de la fontaine qui se trouvait à l’intérieur, et son visage ruisselait d’eau. Sur place, il s’exclama : « Cette nuit, l’un d’entre vous va me renier douze fois après avoir cru en moi. Qui d’entre vous veut prendre mon apparence et se faire tuer à ma place afin d’avoir le même rang que le mien ? » L’un des plus jeunes de l’assemblée s’est alors levé. « Assis-toi, lui lança-t-il ! » Après avoir réitéré sa question, ce jeune se leva à nouveau. « Assis-toi, répéta-t-il ! » La troisième fois, le garçon en question se leva et s’écria : « moi !

  • Tu seras cet homme » affirma finalement Jésus.

Le jeune homme reçut l’apparence de son maître, et ‘Issa fut élevé au ciel par une petite lucarne de la maison. Lorsque les soldats juifs envahirent les lieux pour s’emparés d‘Issa, ils eurent à faire à son double qu’ils emportèrent pour le tuer et le mettre en croix. L’un des Apôtres renia alors douze fois le Messie après avoir cru en lui. »

 

Ibn Kathîr, qui rapporte cette annale, en a fait le commentaire suivant : « Sa chaîne narrative jusqu’à ibn ‘Abbâs est authentique. Cette annale est rapporté également par e-Nasâî, selon Abû Kuraïb, selon Abû Mu’âwîya, etc. Plus d’un ancien mentionne qu‘Issa a dit : « Qui d’entre vous veut prendre mon apparence et se faire tuer à ma place pour me tenir compagnie au Paradis ? » »[7]

 

Ibn Ishâq a dit : d’après un ancien chrétien converti à l’Islam, Allah a annoncé à Jésus : « Je vais t’élever vers moi ! » Dès lors, Jésus s’est exclamé : « Vous les Apôtres ! Qui d’entre vous veut me tenir compagnie au Paradis ? Il lui suffit de se faire passer pour moi auprès de mes bourreaux en prenant mon apparence, et de se faire tuer à ma place.

  • Moi, Esprit de Dieu, s’écria Serge !
  • Assis-toi à ma place, lui somma-t-il. »

 

Serge a pris la place d‘Issa (u) qui a été élevé au ciel. Les soldats sont alors entrés et se sont emparés de son double pour le crucifier. Ils l’ont ainsi confondu avec l’Apôtre de Dieu.

D’après ibn Jarîr, selon Mujâhid, un homme qui reçut l’apparence du Christ fut crucifié à sa place tandis qu’il fut élevé vers le Très-Haut.

 

Or, le retour de Jésus démontre à lui seul qu’il fut élevé vivant au ciel. Seule une pirouette linguistique extrêmement tirée par les cheveux serait à même de sauver Karim de cet imbroglio.

 

Le Seigneur (I) révèle : (Tous les adeptes du Livre donneront foi à son ministère avant sa mort, et, le Jour du grand jugement, il présentera son témoignage qui sera ou non en leur faveur).[8]

 

Ce Verset démontre qu‘Issa (u) fera son retour sur terre à la fin des temps. Avant la mort effective de Jésus, les adeptes des anciennes Écritures qui assisteront à son nouvel avènement vont donner foi à sa prophétie. L’Islam sera la seule religion reconnue. C’est cette explication qu’ibn ‘Abbâs a retenu, constate ibn Jarîr, à l’aune d’une chaîne narrative jugée authentique, via Sa’îd ibn Jubaïr, le dernier maillon en aval.

 

Selon ibn Bashshâr, selon ‘Abd e-Rahmân, selon Sufiân, selon Abû Husaïn, selon Sa’îd ibn Jubaïr, selon ibn ‘Abbâs : (Tous les adeptes du Livre donneront foi à son ministère avant sa mort) avant la mort d‘Issa (u). El ‘Awfî a rapporté la même chose de la part d’ibn ‘Abbâs. Quant à Abû Mâlik, il affirme au sujet du Verset : (Tous les adeptes du Livre donneront foi à son ministère avant sa mort), que cela aura lieu au moment où ‘Issa ibn Mariam (u) redescendra avant sa mort, période à laquelle tous les gens du Livre sans exception vont croire en lui.

Selon e-Dhahhâq, selon ibn ‘Abbâs : (Tous les adeptes du Livre donneront foi à son ministère avant sa mort) fait référence aux Juifs uniquement, mais pour el Hasan el Basrî il s’agirait du Négus et de son entourage. Ces deux narrations ont été rapportées par ibn Abî Hâtim.

 

Allah (I) révèle : (Et [son retour], n’en doutez point, est le signe de l’Heure de la fin du monde, alors vous n’avez qu’à me suivre sur la voie droite que je vous ai tracée).[9]

 

Dans son livre Iqâmat el burhân ‘alâ nuzûl ‘Issa  fî âkhir e-zamân, ‘Abd Allah el Ghumârî souligne au sujet de ce Verset que le retour du fils de Marie sur terre est le signe qui ne doit prêter aucun doute, de la fin du monde.

 

L’Ami d’Allah (r) l’a interprété ainsi, nous apprend ibn Hibbân dans son recueil e-sahîh, sous le chapitre ayant pour titre dhikr el bayân bi anna nuzûl ‘Issa ibn Mariam min a’lâm e-Sâ’a : selon Mohammed ibn el Hasan ibn el Khalîl, selon Hishâm ibn ‘Ammar, selon el Walîd ibn Muslim, selon Shaïbân ibn ‘Abd e-Rahmân, selon ‘Âsim, selon Abû Ruzaïn, selon Abû Yahyâ le captif d’ibn ‘Afrâ, selon ibn ‘Abbâs, le Prophète (r) a affirmé au sujet du Verset : (Et [son retour], n’en doutez point, est le signe de l’Heure de la fin du monde) : « Ce Verset annonce le retour sur terre d’Issa fils de Mariam avant la fin du monde. » Cette chaîne narrative dont les rapporteurs sont crédibles, est authentique ; ‘Âsim est une grande référence connue en matière de Lecture du Coran.

 

Des références telles qu’ibn ‘Abbâs, Abû Mâlik, el Hasan, Mujâhid, Qatâda, e-Suddî, e-Dhahhaq, ibn Zaïd et tant d’autres corroborent cette tradition. Le tafsîr d’ibn Jarîr répertorie leurs narrations avec diverses chaînes narratives qui indiquent toutes explicitement que le Verset fait allusion au retour du Messie avant la fin du monde.

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 

 

[1] Rapporté par el Bukhârî (n° 2125).

[2] Voici le passage en question dans la version actuelle : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j’ai moi-même en faveur. J’ai mis mon Esprit sur lui. Pour les nations il fera paraître le jugement, il ne criera pas, il n’élèvera pas le ton, il ne fera pas entendre dans la rue sa clameur, etc. » Esaïe ; 42.1-12 voir également : Esaïe ; 35.1-10 et 9.5,6.

[3] Bien sûr, les traductions modernes omettent volontairement ou non et avec plus ou moins de succès ces détails embarrassants.

[4] La grande conquête ; 29

[5] Voir : el fisal wa e-nihal (1/160).

[6] La famille d‘Imrân ; 55

[7] L’authenticité de cette narration est controversée, mais celle-ci est recoupée par un ensemble d’indices qui valident l’idée du « substitut », n’en déplaise à notre boulimique Karim Hanifi.

[8] Les femmes ; 159

[9] Les ornements ; 61

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23 août 2019 5 23 /08 /août /2019 09:34

Le retour de Jésus est lié à l’histoire du sosie 2/2

 

Étude de cas : Déroche et les « sept lettres »

 

Or, le degré d’authentification d’une chaîne narrative dite communément transmise ou communément admise est un phénomène anthropologique qui n’est pas une construction apologétique musulmane. Des chercheurs de renom orientalistes le reconnaissent à demi-mots, notamment le grand spécialiste Harald Motzki emboîtant le pas à François Déroche qui tentera de noyer tant bien que mal le poisson après avoir reconnu que le communément transmis, à défaut d’être infaillible selon leur méthode, est tout au moins extrêmement solide. On pourra constater alors la conclusion malhonnête à laquelle adhère Déroche, qui est pourtant réputé pour son intégrité intellectuelle :

 

Les données transmises par la tradition musulmane ne doivent toutefois pas être rejetées en bloc. La réflexion méthodologique sur l’utilisation du ḥadīth a été renouvelée en premier lieu par Gautier Juynboll qui, prenant en considération aussi bien l’isnād que le matn, a développé des analyses qui permettent d’apprécier plus précisément la valeur de ce matériel. Afin de mieux comprendre ce système de transmission, nous pouvons suivre la façon dont Harald Motzki, qui se rattache à ce mouvement de « réhabilitation » critique du ḥadīth, s’est appliqué à étudier les traditions dominantes sur la mise par écrit du Coran. Sa présentation permet de voir comment, en utilisant isnād et matn, il est possible de faire apparaître le lien commun des récits. Dans un premier temps, il prend en considération isnād et matn afin de reconstituer la chaîne de transmission pour chacune des versions de l’histoire de la recension d’Abū Bakr ; cela lui permet d’identifier le personnage qui constitue le lien commun qui se trouve à leur point de départ, Ibn Shihāb al-Zuhrī (mort en 742). De lui dérivent cinq lignes de transmission, l’une d’entre elles correspondant à une œuvre dont l’auteur, Mūsā b. ‘Uqba (mort en 758), a recueilli la tradition relative à cette mise par écrit. Les autres œuvres sont plus tardives, la plus récente étant l’œuvre classique d’al-Bukhārī (mort en 870). Une présentation similaire peut être proposée pour le récit concernant la recension établie sous le règne de ‘Uthmān, entre 644 et 656. Dans le texte du Saḥīḥ d’al-Bukhārī, l’information est précédée de l’isnād suivant : « Mūsā nous a rapporté d’après Ibrāhim qui disait : Ibn Shihāb nous a rapporté qu’Anas b. Malik qui avait rapporté ceci » ; suit le récit lui-même ou matn. Dans ce cas encore, on retrouve comme lien commun de la chaîne de transmission le même Ibn Shihāb al-Zuhrī.

 

Comment expliquer cette situation ? Motzki envisage deux possibilités : l’une est que le résultat de son analyse reflète effectivement le processus de transmission et fait apparaître la source réelle des différentes versions. L’autre possibilité est de considérer qu’il s’agit d’une fabrication postérieure à al-Zuhrī. Pour écarter cette possibilité, Motzki fait valoir qu’il serait difficile qu’un nombre important de transmetteurs et collecteurs de traditions aient employé la même façon de procéder alors que d’autres étaient possibles, et plus encore qu’il existe un lien étroit et simultané entre les isnād et les vingt matn qui ont circulé. En d’autres termes, il existe des groupes de matn associés aux transmetteurs initiaux, une situation qui rend plus improbable une manipulation. Ce type d’étude permet de répondre aux critiques sur la genèse du ḥadīth en montrant que les récits, dans leur forme initiale, remontent à une période beaucoup plus haute que celle des compilateurs classiques qui ont vécu au ixe siècle.

 

De plus, la découverte au cours des dernières décennies de textes dont la rédaction remonte au viiie siècle et qui contiennent déjà ces informations contribue à renforcer la valeur de ces données. Il n’en reste pas moins que la question se pose de savoir quel a été dans l’espèce le rôle d’al-Zuhrī. Motzki reconnaît d’ailleurs qu’il est possible de considérer qu’il a inventé les deux traditions, relatives l’une à Abū Bakr et l’autre à ‘Uthmān, et qu’il les a ensuite enseignées aux différents personnages qui apparaissent comme ses transmetteurs directs. On peut aussi penser qu’il a effectivement transmis des informations recueillies auprès d’informateurs d’une génération antérieure. Motzki favorise la deuxième possibilité et pense pouvoir en conclure que les deux récits circulaient déjà à la fin du viie siècle, mais comme nous le verrons, il n’est pas totalement certain que le récit d’al-Zuhrī ne soit pas le résultat sinon d’une falsification totale, du moins d’une réécriture de l’histoire.[1]

 

Bravo pour ce sophiste tour de passe-passe, prends-en de la graine, Karim !

 

Les réformistes et le communément transmis/admis

 

Sur les traces des thèses chiites et orientalistes, les néo-rationalistes réformistes s’insurgent contre les sources islamiques au nom de la défense de l’Islam, alors qu’ils offrent un pont en or au coranisme montant. La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ! En l’occurrence, les réformistes ne vous diront jamais qu’Abou Huraïra ou ibn ‘Abbâs sont des menteurs, c’est évident. Ils ont entre leurs mains bien d’autres artifices, et ruses d’Iblis, auxquels éventuellement ils adhèrent volontiers, pour jeter le discrédit sur les textes scripturaires. Ils vont s’attaquer à l’analyse technique des chaines narratives, aux narrations israélites rapportés notamment par Ka’b el Akhbar, qui rappelons-le, était musulman, aux hadiths qui auraient été forgés par les membres de la dynastie omeyade aux commandes de l’Empire pour légitimer leur pouvoir, et éventuellement… à la canonisation du Coran, etc.

 

Tous les subterfuges sont bons pour faire passer leurs idées funestes en contournant l’obstacle des preuves scripturaires. On l’a vu récemment avec Karim Hanifi qui passe l’obstacle d’ibn ‘Abbâs pour faire avaler l’idée qu’il n’existe aucun texte authentique en faveur d’Ismaël. Et comme il faut suivre le voleur jusqu’à la porte, nous lui avons démontré le contraire en lui mettant sous le nez la preuve qu’ibn Kathir ne va absolument pas dans son sens. Finalement, justice immanente oblige, c’est ibn ‘Abbâs, avec qui Karim ne fait pas bon ménage, qui l’empêche de dormir la nuit et qui lui donne des sueurs froides, alors qu’il s’était promis de faire transpirer les savants musulmans !

 

Alors, suivons le voleur également pour la crucifixion. Karim s’extasie devant son constat qu’il faut aller jusqu’à une époque tardive, chez ibn ‘Asâkir, pour trouver un hadith évoquant le « sosie ». force est de constater que l’hôpital se moque de la charité, et que charité bien ordonné commence par soi-même. En voici la démonstration : la narration d’ibn ‘Asâkir est certes tardive, mais elle a le mérite de concéder une chaine narrative, contrairement aux évangiles qui retracent l’histoire de la crucifixion, et, encore plus éloignée, de la Thora qui désigne Isaac pour l’enfant-sacrifice. Mieux, ces fameux évangiles sont pour certains, plus tardifs que les apocryphes rejeté parfois arbitrairement par l’Église, et soutenant la thèse du « faux semblant », étonnant, non, dirait Pierre Desproges ?

 

Pire, comme l’histoire est un éternel recommencement entre ibn ‘Abbâs et ibn Kathîr chez Karim, et bien ce duo fustige catégoriquement la pensée Hanifite. En supposant qu’il n’existe aucun texte remontant au Prophète qui validerait le sosie, mais que fait-il des paroles des Compagnons ? On ne change pas une équipe qui perd, à même projet même procédé, il suffit de jeter à la poubelle les narrations dérangeantes, sauf qu’ici ibn Kathîr ne reproche pas à ibn ‘Abbâs de s’inspirer de narrations israélites, ce qui est pourtant le cas, tiens, tiens…

 

Ibn Abî Hâtim a dit : d’après Ahmed ibn Sinân, selon Abû Mu’âwiya, selon el A’mash, selon el Minhâl ibn ‘Amr, selon Sa’îd ibn Jubaïr, ibn ‘Abbâs a dit : « Le jour où Allah prit la décision de l’élever au ciel, ‘Issa rejoignit ses compagnons dans la maison où s’étaient réunis douze hommes qui composaient ses Apôtres. Il était arrivé de la fontaine qui se trouvait à l’intérieur, et son visage ruisselait d’eau. Sur place, il s’exclama : « Cette nuit, l’un d’entre vous va me renier douze fois après avoir cru en moi. Qui d’entre vous veut prendre mon apparence et se faire tuer à ma place afin d’avoir le même rang que le mien ? » L’un des plus jeunes de l’assemblée se leva alors. « Assis-toi lui, lança-t-il ! » Après avoir réitéré sa question, ce jeune se leva à nouveau. « Assis-toi, répéta-t-il ! » La troisième fois, le garçon en question se leva et s’écria : « moi !

  • Tu seras cet homme » affirma finalement Jésus.

Le jeune homme reçut l’apparence de son maître, et ‘Issa fut élevé au ciel par une petite lucarne de la maison. Lorsque les soldats juifs envahirent les lieux pour s’emparés d‘Issa, ils eurent à faire à son double qu’ils emportèrent pour le tuer et le mettre en croix. L’un des Apôtres renia alors douze fois le Messie après avoir cru en lui. »

 

Ibn Kathîr, qui rapporte cette annale, en a fait le commentaire suivant : « Sa chaîne narrative jusqu’à ibn ‘Abbâs est authentique. Cette annale est rapporté également par e-Nasâî, selon Abû Kuraïb, selon Abû Mu’âwîya, etc. Plus d’un ancien mentionne qu‘Issa a dit : « Qui d’entre vous veut prendre mon apparence et se faire tuer à ma place pour me tenir compagnie au Paradis ? » »[2]

 

Et, rapprochons-nous plus encore de la porte. En admettant que cette histoire de « sosie » n’est qu’une élucubration de ces fervents musulmans impayables, hé bien, parfois ce sont les plus gros indices qui passent inaperçus, allez savoir pourquoi. Pour l’enfant-sacrifice, ce fut cette narration d’ibn ‘Abbâs qui était pourtant aussi grosse qu’une maison, et que personne, ou presque n’a vu. En tout cas, celle-ci a échappé à la vigilance de Karim, qui, pour le coup, a mis en avant, comme un taureau, son arme favorite de bourrin, et hop à la poubelle !

Hé bien, là c’est kif kif, sauf que notre « bourreau » (compression de bourrin-taureau) qui d’habitude voit rouge à la vue d’une narration qui l’importune, est tombé sur un hic. Hé oui, car le « sosie » est étroitement lié au retour de Jésus, qui est même construit sur celui-ci puisque Jésus ne devait pas mourir. Le problème, c’est que le retour de Jésus est communément transmis et communément admis. Aïe, ça coince ! Et comment sortir de cette galère ? Il n’y a aucun moyen, tout comme la narration d’ibn ‘Abbâs qui envoie l’enfant-sacrifice à la Mecque (car rapporté par el Bukhârî, n’en déplaise à notre téméraire intrépide) sauf en faisant des distorsions, ce que Karim aimerait accoler aux musulmans en manque d’objectivité !

 

La roue tourne. Non, Karim se moque de la charité du départ comme un miroir inversé qui projette ses propres tares sur son adversaire idéologique.

Ibn Taïmiya avait bien senti cette corrélation indéniable entre le « sosie » et le retour. Il a même construit une fatwa sur cette relation de cause à effet entre les deux évènements. Fatwa que nous reproduisons ici (voir majmû’ el fatâwâ 4/322-323) :

 

On lui posa sur la question sur la « mort » de Jésus et son élévation au ciel, et voici quelle fut sa réponse :

 

Louange à Dieu, Jésus – à lui le salut – est vivant, nous indique une narration rapporté par les deux recueils authentiques, et selon laquelle le Messager d’Allah (r) déclare : « Par Celui qui détient mon âme entre Ses Mains, ibn Mariam va bientôt redescendre au milieu des vôtre pour faire régner la justice, par l’autorité de la Loi céleste, et il sera, pour vous, un chef équitable. Il va briser la croix, tuer le porc, lever le tribut, … »[3] L’Authentique de Muslim précise qu’il atterrira au Minaret blanc à l’est de Damas pour tuer l’Antéchrist.[4]

 Contrairement à certaines allégations, son âme ne s’est pas séparée de son corps au moment de monter au ciel, sinon, il ne pourrait pas revenir physiquement sur terre. Puis, il connaitra une vraie mort, et sa résurrection consistera à sortir de sa tombe pour le grand Jugement. Le Verset dit bien : (Alors, Allah s’adressa à Jésus : Je vais te reprendre, t’élever vers Moi).[5] Il n’est donc pas mort au moment de son élévation, sinon, il ne serait pas différent des autres croyants dont l’âme monte au ciel, après avoir goûté à la mort. Cette interprétation ne lui conférerait aucune particularité, si l’on sait également que les autres prophètes ont été mis en tombe. La suite du Verset n’aurait plus aucun sens : (te débarrasser des infidèles, et placer tes adeptes, jusqu’au Jour de la Résurrection, au-dessus de ces derniers. Puis, vous serez ramenés vers Moi, et là Je trancherais sur ce qui faisait l’objet de vos divergences).[6]

 

Allah (I) révèle ailleurs : (Et pour avoir soutenu qu’ils avaient mis à mort Jésus fils de Marie, et messager de Dieu, alors qu’ils ne le tuèrent point, ni même ne le crucifièrent, mais ils furent victimes d’une illusion. D’ailleurs, ceux-là même qui se divisèrent sur la chose, n’en avaient aucune certitude. Ils se livraient à de vulgaires conjectures, envahis qu’ils furent par le doute sur sa mort probable • Allah, Tout-Puissant et Sage, l’éleva plutôt vers Lui).[7] L’élévation en question concerne indistinctement l’âme et le corps, de la même façon, nous l’avons vu, que son retour sera physique, sinon le Verset aurait précisé qu’ils ne l’ont ni tué ni crucifié puisqu’il est mort.

 

C’est pourquoi, plus d’un spécialiste interprète el wafâ ici en disant : « Je vais te reprendre ». Autrement dit, « Je vais te reprendre corps et âme ». D’un point de vu purement linguistique, le wafâ a un sens général, et ne précise pas qui de l’âme ou du corps est concerné. Seul le contexte, ou un élément extérieur va déterminer s’il s’agit de l’âme uniquement ou bien des deux. Enfin, el wafâ signifie éventuellement « faire dormir », et porte donc sur le sommeil. En voici deux exemples dans le saint Coran : (Il est Celui qui vous reprend l’âme au cours de la nuit)[8] ; (Allah reprend les âmes au moment de leur trépas, mais aussi celles qui ne meurent pas au cours de leur sommeil ; Il retient les unes dont Il a décrété la mort, et libère les autres pour un délai déterminé).[9] Fin de citation.[10]

 

Et, cerise sur le gâteau, l’incontournable ibn ‘Abbâs vient sauver les musulmans des griffes de notre « bourreau », décidemment, il va en faire des cauchemars d’ibn ‘Abbâs, qui, sous l’autorité de Tabârî lève le voile sur l’exégèse du Verset désormais clair : (Tous les adeptes du Livre donneront foi à son ministère avant sa mort, et, le Jour du grand jugement, il présentera son témoignage qui sera ou non en leur faveur).[11]

 

D’après ibn Jarîr, selon ibn Bashshâr, selon Sufiân, selon Abû Husaïn, selon Sa’îd ibn Jubaïr, ibn ‘Abbâs a dit en exégèse à ce Verset : « Ils donneront foi à son ministère avant sa mort. » et Qui a authentifié cette narration ? L’autre élément incontournable du duo qui donne des sueurs froides à notre Hanifi, j’ai nommé ibn Kathîr.[12] Que Karim ne s’aventure pas à nous ramener l’autre interprétation d’ibn ‘Abbâs de ce noble Verset, au risque d’être confronté à des surprises venant du généreux ibn Kathîr, décidemment !

 

Enfin, il est impossible pour Karim de s’attaquer à l’authenticité du retour de Jésus, l’épreuve est trop haute, et il le sait. La seule façon de s’en sortir, et il en a l’habitude, c’est de s’initier à des contorsions à la manière des anguilles, en s’adonnant à cet art dont il est passé maitre. D’ailleurs, le simple fait de renier le « sosie » est une manière indirecte, voire sournoise de démentir le « retour », selon la vision musulmane, car Karim pourrait très bien imaginer la venue de Jésus, voire du Messie selon l’eschatologie judéo-chrétienne, mais trêve de spéculation.

 

Jamais, il ne s’aventurera à se moquer du retour du Jésus sur terre, sauf peut-être en jetant la suspicion sur certains éléments de cet évènement de la fin des temps. Il nous en a déjà donné des prémices. Sacré Karim ! Il faut dire qu’avec Karim, la déconstruction de l’Islam est tout un programme. Selon ses propres aveux qu’il pensait en sa faveur, il suit un planning précis. L’une de ses fameuses étapes fut de jeter la suspicion sur la sacralité de Bukhârî. C’était ingénieux, il se débarrasse ainsi de certains épisode eschatologiques (la bête sur l’île, l’éradication de la croix et du porc, etc.). Il s’attaque aux bords du plat, fin tacticien, pour ne pas paraitre trop gourmand, et, en dévoilant sa machination, s’exposer à de trop lourdes représailles intellectuelles. En éliminant Bukhârî, il peut aisément remettre en question les narrations d’ibn ‘Abbâs sur la localisation de l’enfant-sacrifice, tiens, tiens que le monde est petit. Et si, avide, l’envie lui prend de s’aventurer sur ce terrain, les garde-fous de la religion lui prépare un accueil enthousiaste. Il échouera au même titre que ces prédécesseurs sur les rives du ridicule où l’Histoire lui soumettra ses condoléances.

 

Le retour du Christ est inattaquable d’un point de vue purement technique, puisque, même en jetant le discrédit sur Bukhârî, et à fortiori, sur Muslim, les textes dans ce chapitre ont atteint le degré de communément transmis/admis, aux dires de, s’il vous plait, Tabarî, ibn Kathîr, Mohammed Siddîq Khân, el Ghumârî, comme nous l’avons vu dans un article précédent,[13] et, récemment Mohammed Anwar Shâ el Kashmîrî. Le retour de Jésus fut rapporté par plus de 25 Compagnons, qui l’ont transmis à pas moins de 30 successeurs direct, qui l’ont véhiculé à un nombre au moins équivalent de la génération suivante, etc. Tous les recueils de l’Islam en parlent, à commencer par les 6 principaux recueils de hadîth, les ouvrages d’historiographie, d’exégèse, biographiques (sîra, eschatologie, prophétie, etc.), des hiérarchies des rapporteurs, etc.

Celui-ci fut même introduit dans le credo orthodoxe par des grandes références, à l’image d’Ahmed, Abû el Hassan el Ash’arî, Tahâwî, Qâdhî ‘Iyâdh, et bien sûr… ibn Taïmiya et son élève ibn Kathîr.

 

L’intrépide Hanifi a du boulot, mais, nous l’avons vu, il n’a pas froid aux yeux, et rien ne résiste à notre bourreau pour mener à bien sa vaste entreprise !

                           

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 

[2] L’authenticité de cette narration est controversée, mais celle-ci est recoupée par un ensemble d’indices qui valident l’idée du « substitut », n’en déplaise à notre boulimique Karim Hanifi. En outre, les musulmans n’attribuent pas le meurtre de Jésus aux Juifs puisqu’il n’est pas mort, réfléchis Karim ; et ce sont les autorités romaines qui se sont chargées de crucifier le « faux semblant », selon la plus vraisemblable des opinions. Donc, il n’y a pas besoin de réformer l’exégèse pour admettre ce point qui s’impose comme une évidence.

[3] Rapporté par el Bukhârî (n° 2222, 2472, 3448) et Muslim (n° 155).

[4] Rapporté par Muslim (n° 2937).

[5] La famille d‘Imrân ; 55

[6] La famille d‘Imrân ; 55

[7] Les femmes ; 157-158

[8] Le bétail ; 60

[9] Les groupe ; 42

[10] Pour Ibn Hazm, le Christ a connu la mort avant d’être élevé au ciel, en se fiant au sens strict du texte : (Je vais te reprendre, t’élever vers Moi). S’il a vu juste pour l’élévation, il n’est pas allé plus loin que le sens littéral du texte concernant la première partie du Verset, comme il est de coutume chez les littéralistes. Or, ce même ibn Hazm ne remet nullement en question la thèse du sosie, et de la cruci-fiction du Christ. Il ira jusqu’à dire que les Juifs savaient pertinemment qu’il y avait erreur sur la personne, sauf qu’ils préférèrent entretenir le mensonge pour tromper tout le monde. Néanmoins, cette hypothèse marginale rallia très peu de voix à sa cause, rassure ibn Taïmiya. En outre, le maitre littéraliste adhère, de façon tout à fait paradoxale, au retour de Jésus. Karim, pourra-t-il s’inspirer de ce dernier pour justifier l’incompatible crucifixion avec l’épisode du retour ? Affaire à suivre…

[11] Les femmes ; 159

[12] Voir : e-nihâya (1/131). Ibn Hajar a également authentifié cette narration dans son fameux fath (6/492).

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22 août 2019 4 22 /08 /août /2019 11:30

Le retour de Jésus est lié à l’histoire du sosie 1/2

 

L’Enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Qui veut la gloire se distingue des autres…

 

Selon ses propres aveux, Karim Hanifi, alias Jean le parisien, n’est pas un pieux. En général, les polémistes ne font pas bon ménage avec la piété. S’il est possible de l’expliquer d’un point de vue purement physiologique (ou psychologique), les textes scripturaires de l’Islam, mais aussi les illustres prédécesseurs décrivent ce phénomène anthropologique, notamment : [Et Ibn Mariam fut donné en exemple, et là ton peuple se mit à le railler • Ils protestèrent : nos divinités ne valent-elles pas mieux que lui ? Cette vile comparaison, venant de querelleurs opiniâtres, avaient pour seule ambition de déclencher une polémique • Jésus n’est qu’un simple serviteur qui fut comblé par Notre grâce, et dont Nous fîmes un exemple dans les rangs des tribus d’Israël].[1]

 

Abû Umâma (t) est l’auteur d’une narration qu’il impute au Prophète (r) : « Chaque peuple qui s’égare de la vérité est enclin à la polémique. » Puis, il récita le Verset : [Cette vile comparaison, venant de querelleurs opiniâtres, avaient pour seule ambition de déclencher une polémique].[2]

 

Un jour, el Hasan, qui avait entendu un groupe polémiquer, s’exclama : « Quand ces gens-là se sont lassés de l’adoration, ils sont devenus plus enclins à la parole et de moins en moins enclins au scrupule religieux. C’est ce qui les a poussés à parler. »[3]

 

Selon ‘Âisha – qu’Allah l’agrée –, le Messager d’Allah (r) a dit : « Le querelleur acharné est  le pire des hommes auprès d’Allah. »[4]

 

Alors, attention à ne passer de Abou Jidâl à Abou Dajjâl !

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/2019/07/karim-hanifi-crucifie-sur-l-autel-du-reformisme-neo-rationaliste-1/4.html

 

Ibn Taïmiya à la rescousse de Karim qui le fait passer pourtant pour un affabulateur

 

Un article précédent démontre qu’ibn Taïmiya ne jette pas l’anathème sur les musulmans qui donnent foi, bien que cela soit moins évident pour le second point, à la conservation de la Bible, et à la crucifixion du Christ.[5] Il y a une corrélation étroite entre ces deux articles du crédo si l’on sait que la crucifixion repose sur le postulat que la Bible fut conservée. C’est d’ailleurs ce que cherche à démontrer éperdument et impunément Karim Hanfi avec l’histoire de la crucifixion, mais aussi celle qui a une dimension symbolique très proche chez les chrétiens, de l’enfant-sacrifice. Finalement, il suffit de démontrer que la Bible est falsifiée pour faire tomber le château de cartes que notre « pôle parisien » a monté depuis des lustres. Or, de grands spécialistes indistinctement du NT et de l’AT écroulent ce fragile édifice à l’image de Bruce Metzger, et de son co-auteur le Professeur émérite Bart Erhman pour ne citer que le plus renommé, mais surtout le spécialiste mondial de la critique du NT Eldon Jay Epp. Pour l’AT, nous avons les deux grandes sommités en la matière Emmanuel Tov, et Richard Friedman. Même des chercheurs chrétiens à l’esprit très sectaire tels que Daniel Wallace fait l’aveu, peut-être et même sûrement par dépit, que la Bible est irrécupérable au niveau de sa supposée conservation, alors que notre ami Sirugue veut nous refourguer ce que les occidentaux n’osent même plus avancer de peur du ridicule ! Il faut croire que Romain n’a pas froid aux yeux. Même des activistes chrétiens connus pour leur islamophobie exacerbée, à l’image de Jay Smith et de David Wood s’en remettent à l’évidence. Désormais, la question, bien trop risquée, n’est plus de se demander si les écritures néotestamentaires sont intactes, mais bel et bien s’il est possible de reconstituer la vulgate originale. Bien sûr, la réponse est non, mais cela ne coûte rien d’essayer pour alimenter les espoirs à la source de la vie. L’autre problématique à laquelle sont confrontés les chercheurs, élément aggravant, est de savoir si cette falsification, dont le postulat est acquis, a une quelconque incidence sur le dogme trinitaire. Bien sûr, la réponse est oui, bien que ce dernier point soit plus difficile à démontrer, et c’est d’ailleurs sur ce point qu’excelle notre ami dont la démonstration tend vers un syncrétisme.

 

Malheureusement, aux dires du D. Sami Ameri, la littérature francophone est beaucoup moins fournie sur ce thème. Il y a bien ce trop maigre Manuel de critique textuelle du Nouveau Testament s’inspirant des travaux de Léon Vaganay, qui reste insuffisant pour modifier les idées opiniâtres d’un Hanifi incrédule.[6] D’ailleurs, il est tentant pour un parvenu de plagier les thèses anglo-saxonnes afin de berner ses ouailles en détresse. D’autres domaines illustrent cette domination culturelle, en témoignent les grossiers plagiats de l’humoriste judéo-marocain Gad Elmaleh.

 

Je concède aisément que Karim soit l’auteur de ses propres conclusions, et c’est même là tout le problème venant d’un autodidacte ambitieux, nous avons pointé du doigt l’étrange similitude entre les siennes et celle du chercheur chrétien Gabriel Said Reynolds sur la position coranique vis-à-vis de la crucifixion. Bien sûr, Karim dément, tout comme Gad Elmaleh qui a pourtant été pris la main dans le sac. Et, fait troublant, la ressemblance ne s’arrête pas là, puisque ce fameux Reynolds rejoint l’idée que le Coran n’est pas explicite sur la manipulation matérielle de la Bible. Pour Reynolds, « dans aucun de ces exemples, le Coran n’insiste pour dire que des passages de la Bible ont été réécrits ou que des livres de la Bible ont été détruits et remplacés par de fausses écritures »[7]

 

Aux yeux de ce dernier, il n’existe pas de raison impérieuse d'associer le tahrîf coranique à une modification des lettres. Au lieu de cela, la phrase yuharrifuna l-kalima 'an mawädi'ihi semble impliquer de détourner ou de déplacer des mots de leur lieux ou contextes. En d'autres termes, le Coran prévoit une falsification des Écritures impliquant une lecture ou une explication des Écritures en dehors de leur contexte, la non suppression des mots  (sic) et leur réécriture. Ainsi, conclut Reynolds, nous pourrions être d’accord avec le point soulevé par Ignazio di Matteo en réponse à Ignaz Goldziher il y a plusieurs années, disant qu’il n'y a aucune raison impérieuse de penser que l'idée coranique de tahrîf implique l’altération textuelle.

 

On ne peut être plus clair. Ainsi, sans remettre en question l’honnêteté intellectuelle de notre bête de travail, il y a chez nos deux propagandistes syncrétistes la même thématique :

  • La conservation de la Bible = Jésus crucifiée selon le Coran.
  •  La conservation de la Bible = Isaac, l’enfant sacrifice selon le Coran.[8]

 

On voit bien la volonté de séparer les musulmans de leur patrimoine. Là encore, décidemment, c’est notre héros ibn ‘Abbâs qui vient trucider les allégations de notre cheval de Troie sur la supposée conservation de la Bible, alors voici comment le grand Exégète du Coran les fustige à travers une narration fiable, citée par l’inébranlable Bukhârî qui relate le discours d’ibn ‘Abbâs : « Écoutez braves gens, s’écria-t-il à son public ! Comment pouvez-vous encore vous renseigner auprès des adeptes des Écritures, alors que le Livre qui fut révélé à votre Prophète vous rapporte des nouvelles fraiches du ciel que vous lisez au quotidien, et qui, vous le concevez aisément, n’a jamais été déformé ! En revanche, Allah vous a informé que les Juifs et les chrétiens ont changé la Parole de Dieu, en Lui imputant les Écritures qu’ils ont mensongèrement manipulées afin de les troquer contre un vil prix. »[9]

 

Quoi qu’il en soit, Karim met en avant l’argument qu’historiquement, il y a un quasi consensus sur la crucifixion,[10] mais, Karim, personne ne remet en question l’évènement, puisque la thèse musulman soutient le sosie, réfléchis ! En outre, une fois établie l’idée que la Bible n’est pas fiable pour reconstituer les faits, il reste que les éléments présents ne sont pas forcément en faveur des pro crucifixion, un article l’a démontré par le passé. Celui-ci se base sur les travaux des deux chercheurs, à travers leur essai Jésus selon Mahomet, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur qu’on ne peut soupçonner de complaisance vis-à-vis des adeptes de la dernière religion révélée.[11]

 

Si cela est clair, ibn Taïmiya ne remet pas en question les témoignages sur la résurrection du Christ, mais il les explique par la présence d’un démon ayant pris forme humaine.[12] Cette hypothèse n’est pas aussi farfelue qu’elle n’y parait au premier abord, puisque certains témoignages font transpirer l’idée qu’on n’avait pas à faire à un fantôme pour exprimer que la suspicion était de taille, bien qu’elle soit tout aussi valable pour exprimer l’étonnement des témoins face au spectacle du ressuscité. En outre, les Écritures elles-mêmes n’excluent pas la possibilité que Satan se transforme pour revêtir l’habit des vertueux. Un passage de la Bible va dans ce sens : « Et cela n’est pas étonnant, puisque Satan lui-même se déguise en ange de lumière. » (2 Corinthiens, 11 : 14).

 

L’orientalisme reconnait la réalité anthropologique de la narration communément transmise

 

Les réformistes déguisés, à l’image d’Islam ibn Ahmed, et de son pieux élève Karim Hanifi cachent mal leur malaise envers l’eschatologie islamique, notamment envers l’Antéchrist dont l’avènement est étroitement lié avec le retour de Christ puisque, lui-même, se chargera de le terrasser. Ces tartuffes imposteurs, mal inspirés, sont confrontés à l’obstacle infranchissable de la valeur irréfutable de ces prophéties communément transmises. Les orientalistes eux-mêmes, furent confrontés à cette difficulté qu’ils pallient tant bien que mal à coup de contorsions, de distorsions et de tergiversations digne d’un Scapin des grands soirs.[13] Je vais en donner l’exemple ici avec la narration des « sept lettres » qui posent tant problème à un chercheur très sérieux, en la personne de François Déroche. Il faut dire qu’il est tombé sur un os !

 

 « Le Coran fut révélé de sept manières. » Le chercheur ‘Abd el ‘Azî Qârî a mené une étude exhaustive de ce hadîth tant au niveau de sa chaîne narrative que de sa signification dans les milieux spécialistes. Hadîth el ahruf e-sab’, qui est le titre de cette étude, nous apprend en substance qu’il règne encore aujourd’hui une énorme énigme sur l’interprétation des « sept lectures ». Mohammed Amîn Shanqîtî, l’un des plus grands exégèses des temps modernes fera l’aveu qu’il n’est jamais parvenu à la déchiffrer. C’est d’ailleurs paradoxalement la clef qui met à mal la thèse orientaliste, car pour jeter le discrédit sur ces « sept lettres », il faut déjà savoir à quoi celles-ci correspondent. Ce qui en soi est un miracle. Pourtant, les islamologues nous ont habitués à inverser les rôles, là où le Coran montre sa splendeur, ils y voient des failles. Une chose est sûre est qu’ils sont passés maitres dans l’art de la suspicion et des insufflations fallacieuses en vue de déstabiliser les musulmans les plus crédules qu’ils savent incultes en la matière. L’autre volet de cette recherche porte sur l’analyse technique du texte en question. Il en ressort, mais est-ce étonnant, qu’il soit communément transmis et admis par les spécialistes. Celui-ci est répertorié par pratiquement tous les recueils de hadîth. Il fut rapporté, en effet, par Bukhârî, Muslim, Tirmidhî, Nasâî dans son sunan, mais aussi dans ‘amal el yawm wa el laïla, Abû Dâwûd, Mâlik, ibn Hibbân, el Qâsim ibn Sallâm, Abû Dâwûd e-Tiyâlisî, Ahmed, Abû Ya’lâ, Abd e-Razzâq, ibn Abî Shaïba, Tabarânî, Tahâwî avec de nombreuses versions dans mushkirat el âthâr, Tabarî, el Baïhaqî, et el Hâkim.

En outre, dans fadhâil el Qur-ân, ibn Kathîr a enregistré ses différentes voies narratives, et ibn Hajar s’est chargé d’en faire l’explication, tout comme ibn Qutaïba, et Daïnûrî.

Il fut également l’objet d’une analyse approfondie de la par de ‘Ijlî, Abû Shâma, et ibn el Jazarî.

Dans sa chaîne narrative, nous trouvons en amont des Compagnons illustres tels que trois des Califes ‘Omar, ‘Uthmân, ‘Alî, Ubaï ibn Ka’b, ‘Abd Allah ibn Mas’ûd, Abû Huraïra, Mu’adh ibn Jabal, Hishâm ibn Hakîm ibn Hizâm, ibn ‘Abbâs, el ‘Amr ibn el ‘Âs, Hudhaïfa ibn el Yamân, ‘Ubâda ibn Sâmit, Sulaïmân ibn Sard el Khuzâ’î, Abû Bakra el Ansârî, Abû Talha el Ansârî, Anas ibn Mâlik comme le rapporte Ubaï, Samura ibn Jundub, Abû Juhaïb el Ansârî, ‘Abd e-Rahmân ibn ‘Awf, et même une femme Ayyûb.

Il fut rapporté également par l’intermédiaire d’Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî, el Muswar ibn Makhrama (si on s’en tient à l’hypothèse qu’il compte parmi les Compagnons).

Nombreux sont les successeurs de la première génération et les grandes références de la religion qui ont narré ce hadîth grâce à une multitude de voies et de chaines narratives.

La seule histoire qui opposa Omar à Hishâm nous est parvenue grâce à trois voies narratives (ce point à lui tout seul démonte la thèse du spécialiste numéro un mondial de la canonisation du Coran) ; l’une venant de l’Imâm Mohammed ibn Shihâb Zuhrî sur lequel François Déroche a jeté son dévolu, qui l’a entendu de ‘Urwa ibn Zubaïr, qui l’a lui-même entendu d’Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî. Il est rapporté également d’après ibn Shihâb, selon l’Imâm Mâlik, selon ‘Uqaïr ibn Khâlid, selon Ma’mar ibn Râshid el Azdî, selon Yûnas ibn Yazîd, le captif de Mu’âwiya, ‘Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el ‘Azîz el Ansârî, Fulaïh ibn Sulaïmân el Khuzâ’î, et Shu’ab ibn Abî Hamza.

La seconde voie passe par Ishâq ibn ‘Abd Allah ibn Abî Talha, selon son père, selon son grand-père, selon ‘Omar ibn el Khattâb.

La dernière voie, qui elle est faible, part de ‘Ubaïd Allah ibn ‘Omar, selon Nâfi’, selon ibn ‘Omar, selon son père ‘Omar.

El Bukhârî le fait remonter à Abd e-Rahmân ibn ‘Abd el Qârî et el Muswar ibn Makhrama, pour lequel nous l’avons vu son affiliation aux Compagnons est controversée, qui le rapportent directement d’Omar.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Les ornements ; 58-59

[2] Rapporté par Ahmed (n° 22164), e-Tirmidhî (n° 3253), et ibn Mâja (n° 48).

[3] Rapporté par Abû Nu’aïm dans hiliyat el awliyâ (2/157).

[4] Rapporté par el Bukhârî (n° 2457), et Muslim (n° 2668).

[6] Est-ce pour me réfuter, mais récemment, Karim a cherché à nuancer grossièrement les déclarations de Jérôme sur les errements des scribes, et on voit bien ici ce qu’il en est réellement.

[7] Gabriel Said Reynolds, « On the Qurʾanic Accusation of Scriptural Falsification (taḥrīf) and Christian Anti-Jewish Polemic », Journal of the American Oriental Society, vol. 130, no 2, 2010, p. 189–202

[8] Il serait intéressant de comparer les thèses de Karim Hanifi avec celle du spécialiste chrétien du NT Philip Comfort.

[9] Narration rapportée par Bukhârî (n° 2539).

[10] Karim avance aussi l’argument, non moins absurde, qu’il existe un consensus judéo-chrétien sur la désignation d’Isaac pour l’enfant-sacrifice.

[12] Karim connait très bien cette thèse puisque je lui ai transmis, non pas en mains propres, mais personnellement, l’article qui le suggère, ce qui a certainement dû lui donner des ailes puisque désormais ibn Taïmiya couvre ses arrières au cas où des zélés téméraires s’aviseraient à le vouer aux gémonies.

[13] Karim Hanifi parle de distorsion linguistique pour el wafa, alors que, le comble, il n'est même pas arabophone. Il fait penser à, toute proportion gardée, Guillaume Dye qui se fend de thèses farfelues sur le Coran, alors qu'il sait à peine lire l'arabe.

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21 août 2019 3 21 /08 /août /2019 17:30

La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 3/3

 

Le Prophète illettré

 

On a voulu faire de Mohammed le disciple des Juifs ou des Nestoriens. C’est ignorer combien Juifs et Nestoriens eux-mêmes, enveloppés dans les  courants infiniment complexes de la religiosité orientale, n’étaient que des éléments parmi d’autres.

 

Dans l’attitude du Prophète il y avait certainement la volonté de mettre un terme aux débats byzantins où s’étaient épuisés Arius et Athanase, Nestorius et Cyrille, Théodora et saint Sabas. Homme de son temps, homme de sa société, Mohammed traita des problèmes de sa société et de son temps. Homme d’action et de décision, il voulut apporter à la crise religieuse une solution radicale par un enseignement qui s’adressait à tous les habitants de l’Empire troublés par les incertitudes théologiques. S’adressant à tout le monde, Mohammed fut  écouté de tout le monde et surtout des évêques et ecclésiastiques qui avaient pris part aux différents conciles. Beaucoup virent en lui une sorte de Chrétien. S’inspirant d’une conception exotique de l’univers arabe doublée d’une impardonnable ignorance de l’histoire, les commentateurs traditionnels se sont malheureusement employés à faire de Mohammed un songeur et de sa prédication une théosophie pour campagnards. Interprétation fantaisiste que dénoncent les faits.

C’est dans les salons, dans les églises, dans les milieux intellectuels et avertis, dans les ministères et les services impériaux tout autant que dans les campagnes que la voix de Mohammed eut d’emblée un vaste retentissement. La fine fleur des grands esprits s’y rallia avec enthousiasme, car elle portait un appel d’une haute valeur métaphysique. La preuve en est qu’en un clin d’œil toutes les cités de l’Orient s’y convertirent comme à une doctrine familière qui embrassait en une synthèse simple les dogmes fondamentaux de la culture orientale. Comment admettre que l’Islam ait pu militairement conquérir avec une poignée de cavaliers un espace s’étendant de l’Indus à la Garonne ? Est-il sérieux, est-il sensé d’admettre que des capitales puissantes qui avaient fait trembler les Goths et les Huns, les Perses et  les Scythes, se soient agenouillées aux premiers hennissements d’un cheval du Hedjaz ? On ne fera croire cela à  personne. La vérité demande réparation.

 

Forçant leur imagination jusqu’au comble du fantastique, nos professeurs d'histoire nous montrent d’énormes escadrons de cavaliers d’Allah sillonnant les terres, de l’Indus à la Garonne, passant des chaînes de montagnes, des déserts ou des amoncellements de forteresses en un prodigieux tour de passe-passe. Or, si Carthage se rend en 698, si en l’espace de 7 ans toute l’Espagne puissante et riche des Wisigoths,  tombe dans l’allégeance califale, si en 720 la Gaule narbonnaise devient « arabe », si en 711 le Sind et le Pendjab sollicitent la protection omeyyade c’est bien parce que  tous ces gens accourent vers la nouvelle source de manne et de confort qu’est redevenu l’empire nilo-mésopotamien reconstitué sous la bannière du Dieu unique, c’est-à- dire de l’Islam et du Christianisme « hérétique ».

 

Si au VIIe et au VIIIe siècles l’Empire des Califes s’étend des Pyrénées aux Indes, absorbant plus ou moins l’Aquitaine, l’Espagne, la Sicile, l’Italie méridionale et les Balkans, ce n’est point parce que les « Arabes », ont à ce  qu’on dit conquis ces régions manu militari. C’est parce que ces terres étaient traditionnellement dans la zone économique et culturelle des anciens empires araméens. Les Araméens, que nous avons par la suite appelés Arabes, s’y sentaient chez eux, que ces territoires fussent gouvernés par les Pharaons, les Ptolémées, Darius, Byzance ou les Califes. Les populations qui y vivaient n’ont  vu au cours des siècles se modifier ni leur langue ni leur  civilisation. Arabes elles étaient, arabes elles sont restées. Sans faille ni divorce.

 

Les diverses occupations étrangères n’ont guère mordu sur l’essentiel. Par saint Augustin nous savons que la langue araméenne était à son époque de pratique courante en Afrique du nord ; elle l’était  aussi en Espagne et si la langue de la péninsule ibérique est encore si riche de termes arabes, elle ne le doit pas à  quelques cavaliers fantômes de Tariq ben Ziyad ; ces cavaliers, quand ils mirent pied à terre, trouvèrent de l’autre côté des colonnes d’Hercule des gens qui parlaient à peu près comme eux, tout comme les Maures, les  Numides, les Carthaginois, les Libyens. Saint Augustin, qui s’exprimait lui-même en araméen, sa langue natale, nous apprend qu’interrogés sur eux-mêmes les paysans de son diocèse d’Hippone (aujourd’hui Bône ou Annaba) se déclaraient originaires de  Palestine, de race cananéenne : « interrogati rustici nostri quid sint punice respondent chanani ». Il n’y a donc jamais eu ni conquête ni domination arabe ; la vérité est que sous le nom d’Arabes, les peuples de la Méditerranée orientale et méridionale ont recouvré au grand jour une souveraineté politique exercée à partir d’Alexandre et jusqu’au v ii° siècle par des dynasties étrangères à leur sol. Les manuscrits du haut Moyen-âge ne désignent-ils pas sous le nom d’Arabes ou de Sarrazins les populations méditerranéennes non germaniques et de religion autre que celle de Rome ? La chanson de Roland nous décrit à Roncevaux un combat contre les Sarrazins. Or ces Sarrazins étaient des Basques... Très curieusement les Chrétiens d’Afrique et d’Espagne, pour se différencier des Catholiques romains s’appelaient entre  eux « Punici christiani », c’est-à-dire « Chrétiens de Palestine ». Il y avait donc à l’époque de Charlemagne, et  même après lui, des « Chrétiens arabes » et des « Chrétiens romains ». Voilà qui éclaire vivement des obscurités de l’histoire et remet en cause jusqu’aux fondements  de notre enseignement scolaire.

 

La civilisation par les Langues

 

Le prophète Mohammed et les Califes ont donc rendu l'Orient à lui-même, rendu l’Orient à la Divinité Unique d’une façon si probante que toutes les religions et les métaphysiques orientales s’y reconnaissent et s’y confondent. Ils ont également restauré la langue araméenne puisque le Coran a porté à la perfection sonore, sémantique et syntaxique l’antique parler du peuple nilo-mésopotamien. La langue arabe est en effet la première langue organisée de l’humanité méditerranéenne, précédant celle d’Homère et lui donnant ses lois. Depuis l’appel du Prophète  qui l’a réveillée à une vie moderne, elle est remontée du fond des âges dont elle a ramené les résonances monumentales pour s’imposer à des centaines de millions d’hommes. C’est par elle que nous autres Européens nous pourrons procéder à une nouvelle lecture de nos Ecritures et de notre histoire. Nous y verrons singulièrement plus clair. La connaissance de la langue arabe nous aidera non seulement à dépasser le petit horizon d’Athènes et de Rome pour retrouver les grands espaces de l’Orient toujours vivant, mais encore à participer pleinement à l’avenir de la nouvelle société qui se dégage de nos nébuleuses. Nous en avons la certitude. De même qu’il parait  nécessaire que le monde arabe, pour retrouver le fil d’Ariane qui le relie à l’Occident, s’adresse à la culture grecque, car elle est l’intermédiaire unique entre le Levant et le Couchant. Le jour où les universités arabes remettront en honneur l’étude du Grec et où l’Europe découvrira le trésor de la culture arabe, les deux arcs de la  voûte se rejoindront en une réconciliation méditerranéenne qui ne sera pas seulement d’ordre architectural.

 

Cette réconciliation rétablirait la continuité de la civilisation rompue au milieu du VIIIe siècle par le divorce  survenu entre Rome et l’Orient. S’estimant les seuls héritiers des Césars mais sans égards pour le vrai caractère de ces derniers qui s’étaient montrés plus orientaux qu’européens, les évêques de Rome, au nom de l’apôtre Pierre, avaient voulu soumettre l’Orient à leur obédience. Ils venaient d’essuyer un grave échec puisqu’ils étaient parvenus, par leur intransigeance, à rassembler en une seule force nationale le Christianisme oriental, l’Islam et le Judaïsme, trois religions arabes par la langue et par la tradition. Ils ne se tinrent pas pour battus et entreprirent un long combat de reconquête par toutes les voies de la doctrine, de la politique, de la guerre. Ayant besoin pour cela de s’appuyer sur une puissance temporelle, ils choisirent la famille germanique des Carolingiens. Date capitale dans l’histoire de l’Europe et signe de mauvais augure, en 754 Pépin le Bref et le pape Etienne II s’entendent pour fonder un Etat pontifical sous la protection de  la dynastie carolingienne ; les cités byzantines d’Italie passent sous une souveraineté romano-germanique ; celles qui demeurent dans la mouvance de Constantinople sont désormais considérées comme ennemies. Par cet acte de séparation l’église latine, bien qu’il lui fût impossible de renier ses origines araméennes, n’en remettait pas moins son sort entre les mains des peuples germaniques.

 

Désormais les langues arabe et grecque furent  écartées au profit du latin. Les clercs catholiques se donnèrent pour mission de magnifier le rôle de l’empire romain, reléguant en marge de l’histoire la Palestine, Babylone, l’Egypte, l’Asie entière, rétrécissant notre vision  au seul territoire européen. C’est ainsi que s’esquisse le Saint Empire romain germanique, bizarre assemblage de termes contradictoires qui à eux seuls constituaient déjà une provocation. L’alliance doctrinale entre les princes  d’Europe et le pontificat de Rome devait s’assortir rapidement d’une alliance économique, politique et militaire dont les conséquences sont présentes à notre esprit : mise à l’index de tout ce qui est arabe (Juifs, hérétiques divers,  Cathares, Espagnols, Provençaux, Siciliens appelés Sarrazins pour les besoins de la cause), Croisades, sac de Byzance, expéditions coloniales, envoi de missionnaires catéchistes, tentatives d’opposer les Chrétiens d’Orient entre eux ou de les unir contre l’Islam, efforts pour amener certaines communautés juives à pactiser avec une  Rome germanisée contre l’Orient araméen, sans voir ce  qu’il y a de paradoxal dans une telle manœuvre. Cette énumération suffirait à expliquer le genre de relations qui  depuis 1 200 ans dresse le monde oriental contre une Europe qui a voulu délibérément se détacher de lui en l’an 754.  Vue sous cet angle, la nature exacte de l’expédition sioniste en Orient se décèle aisément ; elle n’est rien d’autre qu’une Croisade de plus ; elle répond aux mêmes impératifs stratégiques et dominateurs que les desseins de Godefroy de Bouillon ou des inspirateurs de la IV' Croisade  qui vit le pillage de l’Etat chrétien de Byzance par d’autres chrétiens...

 

La réforme constantine

 

Le iv' siècle sous le principat de Constantin, puis de Constance, Julien et Théodose le Grand fut employé à tenter de maintenir un semblant d’unité à l’empire partagé géographiquement  en quatre préfectures, à garantir les frontières et surtout peut-être à fonder enfin une religion d’Etat à opposer à l’église sassanide. Il était fort malaisé en des  pays où les dogmes et les églises étaient infiniment nombreux, variés, mariés les uns aux autres, nuancés à l’infini, d’imposer un culte unique. Constantin s’y employa ;  sa mère l’impératrice Hélène était chrétienne et avait  entrepris une enquête à travers la Palestine, pour retrouver les traces matérielles de la vie du Christ. Constantin n’était point un disciple ardent du Christ ; catéchumène toute sa vie il reçut le baptême in articulo mortis ; tout  compte fait la « suprema divinitas » du paganisme philosophique ne lui paraissait guère éloignée de la doctrine  chrétienne. Mais estimant que le christianisme pouvait être la religion de synthèse propice à ses desseins, il commença par proclamer, dans l’Edit de Milan en 313, la  liberté du culte chrétien, sans pour autant mettre les autres à l’index ; il n’en fit pas moins discrètement fermer  des temples « païens ». Restait à savoir quel christianisme serait pratiqué. Le prêtre alexandrin Arius insistait sur le caractère humain du Christ, affirmant qu'il était  non pas dieu, mais une créature de Dieu et que par conséquent appeler Marie « theotokos » (mère de Dieu) relevait de l’imposture. Un autre alexandrin, Athanase,  enseignait au contraire l’absolue divinité du Christ, point de vue tout mystique et hors des catégories rationnelles. Or, il se trouvait que, par bien des arguments, la doctrine d’Arius rejoignait les théories de Manès et de l’église sassanide, église ennemie. Il importait donc qu’Arius fût condamné. A cet effet Constantin présida en personne, en 325, le Concile de Nicée en Bithynie et y prononça le discours inaugural. Arius fut sommé de se rétracter, tandis que les pères conciliaires adoptaient l’acte de foi rédigé par Athanase, sanctifié depuis, et qui est celui-ci : « Nous croyons en un seul seigneur, Jésus-Christ, fils de Dieu, fils unique du Père. Dieu né de Dieu, Lumière issue de Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père. »

 

Outre l’acte de foi, le Concile édicte vingt canons ou règles de discipline : le 6e canon reconnaît à l’évêque d’Alexandrie, en territoire égyptien, les mêmes pouvoirs et privilèges qu’à l’évêque de Rome sur l’Italie ; fait notable, le 7e canon refuse d’accorder à l’évêque d’Aelia (nom officiel de Jérusalem ) une préséance autre qu’honorifique, alors les évêques d’Antioche et de quelques autres provinces jouissent « d’anciens droits » dont la nature n’est pas précisée. Enorme événement que ce Concile. Pour la première fois à l’ouest de l’Euphrate l’Etat tentait d’imposer au peuple une religion, contrevenant ainsi gravement à la  tradition méditerranéenne dont l'œcuménisme et le cosmopolitisme avaient été les caractéristiques plusieurs fois  millénaires.

 

Il est vrai que Constantin ne faisait que riposter à l’attitude des autorités sassanides, premières coupables en cette affaire. Mais la notion même de concile  était révolutionnaire et insolite ; l’idée que des prêtres, des hommes de Dieu, puissent se rassembler pour condamner d’autres prêtres ou un autre dieu, parut intolérable à la plupart des habitants de l’Orient arabe qui n’y virent qu’un artifice des gouvernements. Nous qui sommes habitués aux conflits idéologiques et religieux, nous avons du mal à imaginer la consternation dont fut  frappé l’Orient à l’annonce des décisions de Nicée interprétées comme une double déclaration de guerre, aux  Sassanides d’abord, à la tradition arabe ensuite.

 

De cette année 325 date une histoire nouvelle faite de troubles  religieux profonds qui ne sont que les réactions nationales et populaires aux initiatives d’un pouvoir impérial tenu désormais pour étranger. Pendant que de nombreux disciples d’Arius prennent le chemin de Ctésiphon, où on leur fait le meilleur accueil, la cité d ’Antioche ne se plie qu’avec réticence aux injonctions du Concile de Nicée. Le danger est grand que l’Asie mineure devienne un satellite des Sassanides. Pour obvier au mouvement sécessionniste, l’empereur Théodose le Grand réunit, en 381, le Concile de Constantinople et tint à rendre à l’Egypte un hommage remarqué ; non seulement il fit condamner une seconde fois l’arianisme mais encore, se rendant à l’argumentation des théologiens alexandrins, le concile proclama que l’Esprit procédait du Père et du  Fils. La doctrine trinitaire était née. Le prestige d’Alexandrie s’accrut au point que son patriarche fut regardé  comme l’héritier des pharaons et digne d’un siège pontifical qui eût bénéficié en Orient d’une autorité égale à  celle du pape, évêque de Rome.

 

https://drive.google.com/file/d/0ByKzK-4F0VPWZHBOZGJpdmRaSEE/view

 

                            

Par : Karim Zentici

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