ETUDE GRAMMATICALE ET LINGUISTIQUE DE LA NON-CRUCIFIXION DE JESUS (AS) DANS LE CORAN 2/4

(Article de Nordine Bennecer)
Aspect grammatical
L’objectif est d’expliquer l’articulation des mots dans ces versets et de démontrer qu’ils constituent conformément au cadre du polysyndète une série d’arguments niant la mort de Aïssa ‘AS) par crucifixion. On parle alors de structure polysyndetique.
Pour les férus de grammaire, ils comprendront à l’aune de cette figure de style l’impossibilité grammaticale et linguistique de considérer que le texte coranique confirmerait la crucifixion. Seule une personne ignorante des principes de base de la grammaire pourrait contredire le but d’un polysyndète.
Le verset qui nous intéresse est le fameux « wa ma qatalouhou wa ma salabouhou wa lakin shoubbiha lahoum ».
C’est une réponse claire et évidente d’Allah Taâla à cette prétention d’avoir tué le Messie. Le « wa » est un ‘atf qui renvoie au début du verset 153 : « wa qawlihim… », c’est-à-dire, qu’il sous-entend la traduction suivante :
« À la prétention des juifs d’avoir tué avec certitude Aïssa bnou Maryam rasouloullah », Allah répond « ma qatalouhou, ma salabouhou ».
Ensuite, nous avons le mot « Ma » qui est la marque de la négation en langue arabe.
Il s’agit d’une négation simple où l’on utilise le morphème « Ma » suivi du verbe à l’accompli (passé). La particule de négation précède le verbe qui lui-même précède le sujet.
C’est une phrase négative dont l’objet est de nier l’action du verbe, c’est-à-dire qu’il s’agit de nier le verbe « tuer ». Elle se construit en langue arabe comme suit :
Négation + verbe + sujet : Ma + qatala + houwa.
C’est le contraire de la langue française qui construit sa phrase négative par le sujet + verbe + négation. Ils ne l’ont pas tué.
Cela signifie que le sens voulu et donné par Allah ne peut être que celui de la négation : ils ne l’ont pas tué ni même crucifié et tout le développement du polysyndète va consister à confirmer et s’aligner sur l’argument de départ : ma qatalouhou.
La suite du verset confirme et renforce pleinement ce sens de négation par l’utilisation de l’expression « wa lakin » qui ici, a 2 fonctions :
- « Lakin » s’il est utilisé dans une phrase négative simple (Ma qatalouhou), a pour fonction d’augmenter sa caractéristique négative et de la faire passer à un niveau supérieur : on passe alors d’une phrase négative simple à une phrase négative de type restrictif. En conséquence de quoi il faut considérer que la volonté de l’auteur du Coran (Allahou Taâla) est d’affirmer avec force que Aïssa (AS) n’a pas été tué ni crucifié.
- « Lakin » s’utilise en grammaire arabe comme un rectificatif, comme un correctif, c’est-à-dire qu’il introduit une rectification, une correction de ce qui précède. Et ce qui précède, c’est le ‘atf « wa » qui renvoie à la prétention des juifs de l’avoir tué. Wa lakin est une correction à cette prétention de l’avoir tué.
De la même manière lorsqu’il est dit dans sourate « El Baqara » au verset 102-103 : « Wa ma kafara Souleymane wa lakin achayattine kafarou », le mot « lakin » corrige la prétention de la Bible de dire que Souleymane (AS) a fait du koufr et il induit que ce sont les démons qui l’ont fait.
L’expression « wa lakin shoubiha lahoum » rectifie la prétention de ceux qui affirment l’avoir tué tout en apportant la réponse par « shoubiha lahoum ».
- Shoubiha lahoum
Les traductions sont nombreuses et imprécises du fait de la particularité de la langue arabe et de l’obligation des maisons d’édition d’avoir un verset en arabe et un verset en français.
L’expression « shoubbiha lahoum » est composée du verbe « shoubbiha » qui signifie « ressembler » et du mot « lahoum » qui renvoit à ceux qui prétendent avoir tué Aïssa (AS) et présents lors de la crucifixion.
Il y a 2 manières de dire « ressembler » :
- « Sha_baha »
Il vient du verbe sha_baha qui est la ressemblance de 2 éléments, 2 choses, 2 personnes ou animaux que l’on peut distinguer à la condition d’avoir des détails.
- « Shabbaha » (avec une emphase sur la lettre b)
Il contient plusieurs occurrences telles que la confusion, prendre une chose pour une autre, la méprise, l’erreur, la tromperie, l’apparence. C’est surtout l’impossibilité de distinguer le sujet A du sujet B et c’est ce qui différencie « sha_baha » de « shabbaha ». Tout repose sur l’apparence, pour cette raison certaines versions proposent comme traductions l’expression « faux-semblant ».
Quelle réalité a ce mot ?
Il signifie « prendre une apparence pour tromper les gens », c’est une apparence trompeuse.
De plus, il est conjugué à la forme passive, c’est-à-dire, que la situation s’est imposée à ceux qui prétendent l’avoir tué et à ceux qui prétendent l’avoir crucifié ou vu crucifié. Ils n’ont eu aucun pouvoir sur la situation et ils l’ont subie. Pour cette raison d’autres traductions proposent l’expression « il leur est paru ainsi, c’est-à-dire que cela s’est imposée à eux sans qu’ils n’y puissent rien faire.
Que signifie alors « shoubiha lahoum » ?
On pourrait restituer le passage comme suit : « qu’en réponse à leur prétention de l’avoir tué, ils ne l’ont ni tué ni même crucifié. Les gens ont assisté à une scène de crucifixion et ont vu un personnage qui avait les traits de Aïssa (AS), trait pour trait, une photocopie conforme à l’original et ils ont cru que c’était lui, mais ce n’était pas lui, c’était un autre personnage. Les yeux des gens ont été obligés de voir cette scène de crucifixion avec un personnage ayant les traits de Aïssa, alors que ce n’était pas lui…
Déduction
L’organe utilisé, ce sont les yeux. Ces derniers ont été forcés de voir ce qui n’était pas et la Bible nous rappelle ce détail important toujours éludés par les exégètes chrétiens.
Ils ne l’ont pas reconnu car la scène s’est déroulée après la crucifixion et Aïssa (AS) avait pris l’apparence d’un étranger, celle qui lui a certainement permis d’échapper au supplice et il a conservé cette apparence car la crucifixion était récente. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il échappe à la mort en changeant d’apparence comme nous allons le voir.
Aïssa (AS) avait différents pouvoirs et certains ont été montrés à tous (redonner la vie aux morts, guérir les malades…), tandis que d’autres ont été cachés. En particulier, il en est un qu’il a fait voir uniquement à certains apôtres, celui de changer d’apparence. La Bible rapporte cela à de nombreuses reprises. C’était un de ses pouvoirs, celui de prendre l’apparence d’un autre, d’un étranger pour tromper les gens et échapper à ceux qui voulaient le tuer.
Nous avons cité précédemment, Luc, 24-13-35 qui retrace la rencontre de Aïssa (AS) avec deux de ses disciples lors d’une marche vers Emmaüs, « tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci ».
Les exégètes chrétiens expliquent que dans ce passage, Aïssa (AS) avait changé d’apparence, pris les traits d’une autre personne et qu’il avait le pouvoir de faire prendre ses traits à un autre.
C’est donc ce que rapporte le Coran par l’emploi de l’expression « wa lakin shoubiha lahoum ».
C’est une situation imposée aux gens dans laquelle ils n’ont aucune prise et wa lakin vient apporter la correction.