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20 août 2019 2 20 /08 /août /2019 14:38

La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 2/3

 

« Ne montre pas le ciel à celui qui ne le voit pas », dit le vieil adage.

 

Maintes fois revient dans le dialogue platonicien l’idée de la sphère chère à la fois à Pythagore et à Parménide ; une sphère qui contient la trinité : « Autour du Roi de l’univers gravitent tous les êtres ; il est, Lui, la fin de toute chose et la cause de toute beauté. Autour du « Second » se trouvent les secondes choses et autour du « Troisième » les troisièmes choses ». (Lettre II, paragraphe 312.) Nous voilà en pleine tradition égypto-babylonienne que nous suivons à la trace tout au long de l’histoire des religions orientales : trilogie, triade, trinité, triangle. Platon y revient souvent. Il partage l’âme en trois « étages » : le désir viscéral, le courage moral, l’intelligence idéale. De même il voit la réalité universelle répartie en trois : « Le premier des biens c’est Dieu ; le second c’est l’intelligence  engendrée par lui ; le troisième  c’est l’âme du monde, lien entre le Père et le Fils. » Retenons ces derniers mots ; ils pèseront lourd dans l’enseignement scolastique du christianisme. Plus de cinq cents  ans après la mort de Platon, il sera fait référence à cette fameuse trinité reprise dans le Parménide sous la forme de « l’Un suprême, l’Un - multiple et l’Un et Multiple » ; Plotin en effet en tirera la conclusion (Ennéades V, i, 8. 490 a) que Platon croyait déjà, lui aussi, à la théorie chrétienne des trois natures : « La première relevant de l’ineffable, la seconde de l’Intelligence, la troisième de l’Âme. » La foi en une sainte Trinité n’était pas nouvelle  à l’époque de Platon et il n’a point eu de mal à s’en expliquer la signification ésotérique, ne serait-ce que par les  Mystères d’Eleusis. Il n’est pas non plus surprenant que le christianisme en ait hérité la clé. Et comme la Trinité est ignorée tant du Judaïsme que de l’Islam, on peut en penser que chacune de ces trois religions, tout en remontant à une source commune, est demeurée attachée à une tradition propre et distincte des courants voisins. Au lieu de suivre la voie naturelle de la pensée et d’expliquer Platon à partir des cosmogonies et des religions égypto-palestiniennes, on a généralement pris les choses à rebours et tenté de justifier par Platon le christianisme et ses origines. Il n’est pourtant que de se rappeler que tout temple égyptien est dédié à une triade de trois dieux : le premier est le principe mâle, le second est femelle, le troisième est le produit des deux premiers. Mais ces trois dieux n’en font qu’un. Le Père s’engendre en effet lui-même dans le sein de la Mère et devient à la fois le Père et le Fils. Aussi s’exprime la non-création et l’éternité de l’Etre.

 

Même le mal n’est en définitive qu’un élément du bien ; à nos yeux imparfaits il est certes détestable, mais pour Dieu qui voit tous les aspects à la fois de la réalité, le mal n’est que le nécessaire revers du bien, comme la nuit n’est rien d’autre qu’un jour qui ne se connaît pas encore. Aussi devons-nous apprendre à aimer la fatalité dans ce qu’elle peut avoir de plus sévère pour notre personne, parce que cette cruauté a sa place dans l’ordre naturel des choses. S’élever au-dessus de ses intérêts et de son confort personnels pour rendre grâce à la Providence en toutes ses décisions, tel est le devoir du stoïcien.

 

Les pères de l’astronomie

 

Nous n’avons aucune indication sûre permettant de dire que les Grecs et les Romains avaient  des jours de repos réguliers, en dehors des fêtes. Les Assyro-babyloniens paraissent bien, quand à eux, avoir connu la semaine de sept jours dont un jour consacré au repos absolu. S’ils ont transmis à leurs voisins occidentaux le cadran solaire, la clepsydre et le gnomon, ils ont conservé le monopole de l’astrolabe et peut-être de la boussole. Il est certain que les Européens du Moyen Âge, héritiers directs de la science gréco-romaine, ont  été fort surpris de découvrir chez les Arabes des instruments astronomiques et des appareils de navigation qui leur étaient totalement inconnus. Ils ont imaginé qu’ils avaient été inventés depuis peu par les Arabes sans songer que ces derniers en détenaient le secret depuis des temps fort reculés. Les Grecs en effet n’ont pu acquérir qu’une partie seulement de la science mathématique et céleste établie en Orient depuis des millénaires ; ils ne disposaient ni d’écoles ni de savants ni d’une puissance économique suffisante pour intégrer à leur société un ensemble scientifique disproportionné à leurs dimensions et à leur savoir. L’énormité du monde oriental les fascinait ; ils demeuraient en face de lui comme des écoliers devant le maître, et furent incapables de transmettre la totalité du legs oriental. Cela c’est les Arabes qui le firent. Les mathématiques dont les Grecs furent tellement  férus, mais non experts, dérivent à la fois de l’astronomie, de l’arpentage, de la nécessité d’un système de poids et de mesure. Nous ne possédons de l’antiquité égypto-babylonienne aucun traité de géométrie ou d’arithmétique à l’exception de quelques papyrus exposant des notions scolaires. Mais les réalisations gigantesques que sont  les Pyramides, les temples de Karnak ou de Ninive témoignent d’une maîtrise incomparable du calcul et de l’espace à trois dimensions ; en outre la volonté d’établir un  rapport entre la ligne droite et la courbe, la figure fermée et le ciel ouvert, le temps astronomique et le tracé du temple, la durée et le provisoire, a introduit dans les mathématiques nilotiques la notion de fonction périodique voire de fonction transcendante impliquant une dynamique à plusieurs dimensions et non plus seulement une mécanique des solides. Dans son chapitre sur le sens des nombres Spengler, malgré sa vision non conformiste de l’Orient, s’en tient encore malheureusement à  une analyse par trop esthétique et faisant aux Grecs la  place trop belle. Il distingue arbitrairement entre l’algèbre arabe (née selon lui au ive siècle de notre ère), la  trigonométrie hindoue et la mécanique antique, alors que, bien évidemment, les nombres complexes et logarithmiques qui entrent dans la conception non seulement des monuments mais encore des mythes chiffrés de l’arabisme égypto-mésopotamien, fort antérieurs au iv ' siècle de notre ère, nous conduisent à un jugement moins simpliste.

 

…nous commencerons à discerner, à travers les ténèbres de l’histoire et des poncifs d’un enseignement universitaire dévoyé, combien étendue était la lumière qui baignait le monde arabe avant même qu’Athènes ne fût née. On ne peut s’empêcher de trouver plaisant l’éloge adressé aux Arabes par nos orientalistes et les félicitant de nous avoir transmis la science et la technique des Grecs, après nous en avoir « traduit » les textes religieux ou philosophiques. Gageons qu’il faudra plus d’une génération pour venir à bout de ce doctoral contresens.

 

L’invention du droit

 

La politique aussi est une science et il est certain que par leurs codes de lois, celui d’Hammourabi et de Bocchoris, Egyptiens et Assyriens furent les instituteurs de  la cité gréco-romaine et par conséquent de la nôtre. Les jurisconsultes romains ne firent que traduire et adapter les innombrables documents, actes et textes juridiques que leur avaient transmis l’Egypte et la Chaldée. L’Arabe est un juriste né et il pousse fort loin le sens de l’argumentation et du souci institutionnel. Que ce soit en droit constitutionnel ou pénal, privé ou international, l’influence du code égyptien, révélant une civilisation parvenue à son apogée et supposant une expérience préhistorique d’une stupéfiante continuité, a été prépondérante en Méditerranée. La notion même d’Etat structuré dans sa permanence, défini par une présence omnipotente, établi dans une souveraineté toute divine, maintenu par une loi dynastique ou successorale, bref dressé telle une entité absolue, par-dessus la tête des individus, cette notion d’Etat maître et tuteur est née au bord du Nil ; nous savons combien l’empire romain doit à l’Egypte, et au voyage qu’y fit Jules César ; il ne lui doit rien de moins que ses assises et sa stabilité ; la monarchie dite  « de droit divin » lui a emprunté la rigueur de son paternalisme ; Alexandre s’inspira des modèles perse et égyptien pour transformer la démocratie grecque en une  puissance impériale de type pharaonique. Car Alexandre ne fut rien d’autre qu’un pharaon grec, parce qu’il était  imbu du juridisme étatique égyptien, autant que son maître Aristote.

 

Tel Justinien qui au vi' siècle de notre ère rassembla le corpus des coutumes et des textes juridiques de l’empire, le pharaon Bocchoris de la XXIVe dynastie remit à  jour toutes les lois civiles, et c’est à partir de cette époque que la Grèce eut à sa disposition un ensemble cohérent où elle puisa ses institutions civiques et urbaines. Il est  étonnant que nos manuels scolaires, s’obstinant à considérer la cité grecque comme une création ex nihilo jaillie miraculeusement du « génie hellène », ne fassent nulle part mention de ses origines juridiques pourtant évidentes.

 

Qu’une Hellade sans un sou vaillant, à peu près vide d’hommes, continue à être considérée, par la seule grâce de sa prétendue démocratie, comme la maîtresse de la civilisation et du destin méditerranéen, amène à se poser plus d’une question sur notre cartésianisme ou plus exactement sur la paralysie de notre bon sens.

 

Aristarque de Samos qui, bien avant Galilée démontrait que la terre tournait autour du soleil, ainsi que l’avaient déjà enseigné les astronomes  chaldéens.

 

La littérature était extraordinairement riche, variée, touffue : Théocrite, Bion, Lycophron qui mêlait des mots arabes à son grec, Callimaque, pour ne citer que les plus connus, furent les maîtres de Virgile, d’Horace, de Catulle, de Properce, d’Ovide. Mais arrêtons là l’énumération. Callimaque, arrivé à Alexandrie à l’âge de vingt ans pour finir directeur de la Bibliothèque, était un Arabe de Libye, de  Cyrène exactement ; par son père il descendait de l’ancienne famille des Batta et le nom de sa mère, Megatima ou plutôt Fatima, ne laisse aucun doute sur ses origines. Il est sans doute le représentant le plus qualifié de ce qu’on a appelé l’alexandrinisme dont l’influence sur Pétrarque ou Ronsard n’est plus à démontrer.

 

L’œuvre législative que constitue le Code Justinien, compilation immense divisée en douze livres, à l’imitation de la Loi des Douze Tables, ne faisait que sanctionner les coutumes établies en Orient depuis les temps les plus reculés.  Le Corpus juris civilis servira de guide à tous les systèmes juridiques établis depuis ; inspirés des codes égyptien, babylonien, palestinien et de leur dérivé romain, il  sera le support de la société des Califes et des grandes monarchies de l’Occident.

 

La résurrection des Lettres arabes sous le règne de Justinien est un chapitre important de l’histoire générale des civilisations. L’emploi de la langue grecque y est parallèle à celle de l’araméen qui a évolué en « syriaque » au niveau des lettrés, mais qui n’est autre que l’arabe dans sa force quotidienne et populaire. Tous les grands noms de la littérature justinienne sont palestiniens ou syriens.

 

À suivre…

                            

Par : Karim Zentici

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19 août 2019 1 19 /08 /août /2019 16:12

La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 1/3

 

Mes péchés, ô mon dieu, qui sont sept fois sept, absous-les.

Mes fautes pardonne-les, celui qui se soumet à toi, guide-le.

 

Voici quelques morceaux choisis du livre extraordinaire La cité d'Isis - Histoire vraie des Arabes du défunt Pierre Rossi qui vont littéralement changer votre vision du monde. En un mot, il démontre que l’Histoire a été racontée par les vainqueurs de la rivalité qui a opposé Rome et Constantinople. Cette mission a été dévoyée à l’Église d’Occident, qui représentait l’autorité intellectuelle de cette partie de l’Empire en déliquescence. Celle-ci s’est évertuée à effacer de façon systématique, toute trace de l’apport civilisationnel des vieux empires du Moyen-Orient, le berceau de la civilisation moderne, dont l’oligarchie romaine n’était qu’un satellite culturel. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. À vouloir absolument attribuer les mérites de son essor à la Grèce antique est aussi ridicule que d’affilier l’apport civilisationnel de l’Amérique, non à la vieille Europe, mais aux Incas. Et pourtant, bien qu’elle s’est émancipé du joug de la chrétienté, encore aujourd’hui, la norme historique revient paradoxalement aux auteurs chrétiens de la fin de l’Antiquité ayant réinventé l’Histoire. En outre, l’une des plus grandes aberrations historique est d’affilier aux Romains la paternité du droit ; et pourtant, cette allégation saugrenue est soutenue sans ambages, par le très sérieux dissident Maître Damien Viguier, avocat d'Alain Soral. Il est donc paradoxal d’être antisystème et de reprendre ses credo à son compte !

 

L’auteur démontre également que les conquêtes musulmanes doivent leur fulgurance à la réalité anthropologique que les conquérants étaient en territoires acquis, et qu’ils ne faisaient que recouvrir leur espace naturel qui s’étendait du Nil à l’Euphrate. Je vous laisse avec l’ineffable Pierre Rossi :

 

Le dieu suprême reste El ou Al (on l’adore en tous lieux et particulièrement dans les pierres dressées ou bétyles : beït/el, maisons de El).

 

L’arbre généalogique de la Grèce est donc nourri d’un réseau incalculable de racines arabes.

 

Mais suivons-le de près sur l’itinéraire légendaire dont la mémoire des peuples a gardé religieusement le souvenir. Le navire Argo est fait de bois sacré, il navigue sous une protection sacrée, celle d’Athéna, qui veillera aussi sur Ulysse ; il part pour une mission sacrée ; il parle car Athéna lui a donné le don de prophétie. Avant son périple il se rend à Samothrace, lieu béni où se trouve le sanctuaire des très mystérieux Cabires. Qui sont ces Cabires ? Leur nom « Kabir » est purement arabe et signifie grand. Ce qui est une double preuve, la première que le vocabulaire arabe était parfaitement présent dans le grec, la seconde que de l’araméen de l’époque d’Homère  à l’arabe d’aujourd’hui la différence est souvent peu sensible. Signalons en passant que « Kabir » se retrouve dans  l’hébreu liturgique Kippur (même mot pour deux prononciations distinctes), l’expression yom kippur voulant  dire le grand jour. Les littératures grecque et latine sont fort prudentes dans l’évocation de ces dieux. Ce sont des dieux babylo-palestiniens de la plus grande importance ;  ils ont pour père Sadek, le palestinien dont le nom désigne en arabe « celui qui dit la vérité » ; commandant du  haut du ciel les destinées, puissances planétaires et astrologiques, ils sont en outre les maîtres de la navigation.

 

Enée et les Etrusques ont introduit à Rome ces dieux tutélaires dont les emblèmes sont l’équerre et le cyprès. La vénération et la frayeur qu’ils répandent sont tels qu’on ne se réfère à eux qu’à demi mot, un doigt sur la bouche, sans oser les nommer ; on dit simplement « les grands dieux ». « Grand » n’étant que la traduction de l’arabe kabir. Tels sont les fils de Sadek, nom dans lequel on reconnaîtra sans peine un mot typiquement  arabe qui se retrouve de nos jours sous les formes diverses de Sadok, Sadaka, etc. de l’Atlantique à l’Indus. Thucydide, de son côté, mentionne un roi de Thrace appelé Sadokos.

 

C’est dans la mer Egée, sous le signe de la Palestine, que s’est constitué en majeure partie le panthéon gréco-romain avec des dieux ou des héros venus de Libye, de Sicile, d’Egypte, d’Anatolie, de la péninsule arabique et de la Babylonie. Héritage dont la Grèce n’a cessé de se glorifier. Héritage qui est en fait celui de toutes les religions et de toutes les philosophies et esthétiques du monde dit occidental. Au chapitre xxvii du livre biblique dit d’Ezéchiel on peut apprécier l’hommage rendu à la Palestine dont le prestige enchante littéralement l’auteur ; nulle part ailleurs parmi les textes bibliques ne se manifeste un tel enthousiasme profane : « O Tyr, tu as dit : « je suis parfaite en beauté. Tes confins sont au cœur de la mer, ceux qui t’ont bâtie t’ont rendue parfaite en beauté. » Et de célébrer la richesse  et le bonheur d’un pays qui entretient des relations fructueuses avec les îles de la mer Egée, la Grèce, la Thrace,  la Syrie, le pays d’Israël, l’Arabie, l’Inde, la Chaldée, l'Assyrie (Haran, Heden et Assour), l’Ethiopie, etc. « Par les marchandises que tu distribues dans tes foires d’outre-mer, tu as rassasié plusieurs peuples, tu as enrichi les rois de la terre de ton commerce et de tes richesses amoncelées. » C’est dire assez ce que représentait la Palestine aux yeux de la Grèce, car l’auteur du livre d’Ezéchiel (en arabe Hizquil) est bien entendu un Grec, comme sont grecs tous les textes bibliques.

 

Un commentaire sérieux des textes, des fresques et de la statuaire des catacombes chrétiennes de Rome révélerait assurément une influence  arabe considérable. On y trouve en effet la vigne de Dionysos le Yéménite, la colombe d’Ishtar, le poisson d’Oanès,  la barque d’Isis, le soleil d’El ou d’Horus ; Marie est figurée sous les traits de Déméter dans son affliction ; Pan,  la divinité gréco-palestinienne avec sa brebis sur l’épaule est le bon pasteur. Orphée est assimilé à Jésus. Tout aussi impressionnante est la liste des grands maîtres du christianisme qui sont de famille arabe : Tertullien le Carthaginois, de même que saint Cyprien et saint Augustin le Numide ; Origène, saint Athanase sont Egyptiens ;  palestino-syriens saint Basile de Césarée, saint Ephrem, saint Jean Chrysostome ; libyen le célèbre Synésius de  Cyrène. Et ce n’est là que quelques noms recueillis hâtivement en passant.

 

Dans son histoire des Goths, Cassiodore nous montre un Attila imbu des traditions arabo- grecques. Nous savons que le chant grégorien est né d’une  rencontre du chant dorique de la tragédie grecque (déjà façonnée elle-même au goût anatolien) et des hymnes palestiniens dont le pape Grégoire le Grand avait ordonné la composition au vie siècle de notre ère dans le recueil de l’Antiphonaire, recueil destiné à inspirer la liturgie romaine. Il est exact que la forme définitive et récente du  grégorien est le résultat d’une longue mise au point étudiée par les églises de France et notamment celles de  Compiègne, Metz, Senlis ou de la vallée de la Loire. Mais les éléments qui ont été ainsi coordonnés et transposés viennent des antiques chorales arabes dont la Grèce s’était fait l’écho.

 

L’invention de la Mecque

 

Une question vient à l’esprit : les Grecs connaissaient- ils le sanctuaire de la Mekke ? La fondation de ce sanctuaire se perd dans la nuit des temps puisque, selon les  traditions, la Kaaba c’est-à-dire la Maison Carrée aurait été apportée du ciel par les anges, avant même la naissance d’Adam ; après le déluge, elle aurait été reconstruite par Abraham aidé de son fils Ismaïl et de l’ange  Gabriel qui leur offrit de la part de Dieu la fameuse pierre noire pour y être enchâssée. Il devait s’agir d’une de ces pierres d’adoration ou bétyles (beit — El, demeure de  Dieu) telle la pierre noire de Pessinonte consacrée à Cybèle ou la pierre d’Emèse que nous retrouverons dans la  Rome impériale. On y accrocha aussi les cornes du bélier immolé par Abraham à la place d’Isaac. Endommagé  maintes fois par les inondations le temple fut finalement restauré par un capitaine de bateau grec qui, se  trouvant être à la fois maçon et menuisier, utilisa le bois de son navire comme matériau de construction. C’est du  moins ce qu’on retient des traditions abondantes se rattachant à cet édifice et au site sacré qu’il occupe dans le  voisinage du mont Abou Quoubays où Adam serait enseveli. Les Grecs pouvaient d’autant moins ignorer le sanctuaire de la Mekke qu’il était la demeure des grands dieux  babyloniens et égyptiens avant de devenir, à l’image des nombreux temples de l’époque, une sorte de panthéon où se trouvèrent des statues de Marie et de Jésus.  Le mot Makai existe bien dans la langue grecque classique et paraît désigner selon Strabon une ville de la péninsule arabique. Nous n’en savons pas plus. Mais, répétons-le, l’étude archéologique de la péninsule ne fait que commencer et l’analyse des documents, orientée jusqu’à  ce jour dans un sens strictement européen, est heureusement en voie de prendre une tournure moins partiale.

 

Que la pensée grecque n’ait été qu’une leçon tirée de l’Orient, qu’un microcosme et un reflet de l’Asie, la preuve en est administrée par le fait que l’Asie n’a rien emprunté à l’hellénisme, qu’elle lui a au contraire tout donné. Athènes a fécondé Rome mais ni Alexandre ni Babylone, ni la Mekke. Platon n’a rien apporté au monde arabe pas plus qu’Aristote. Les Grecs n’ont rien apporté au judaïsme, à l’Islam, au christianisme sinon un mode d’expression et de diffusion. L’Orient œuvrait à une tout autre échelle que la petite Hellade. Platon, Périclès, Alexandre en étaient parfaitement conscients et c’est nous, pas eux, qui avons fait de la Grèce l’exportatrice du savoir universel. Platon plus humblement se présentait comme un élève docile. Dans le Timée il met dans la bouche d’un prêtre égyptien s’adressant à Solon cette parole paternelle : « Vous autres, Grecs, vous n’êtes que des enfants. » Prenons donc la vraie mesure des choses et ne soyons pas plus royalistes que le roi. La vérité est peut-être simplement celle-ci : par les Grecs, qui furent les vulgarisateurs des secrets de l’Orient, nous sommes informés de l’enseignement qui en Egypte et en Asie était dispensé aux prêtres, aux étudiants et à la foule en général, tel qu’il se pratiquait encore à l’époque de Djalal Eddin Roumi ou dans nos universités du Moyen-âge.  Avant tout Platon et ses semblables, arrangeurs et compilateurs, n’ont jamais composé que des « à la manière  de ». Ils furent des commentateurs de génie tels saint  Thomas d’Aquin ou Ghazali. Nous nous sommes malheureusement servis de leur gloire pour boucher les horizons de l’Orient dont ils n’étaient que les porte-parole respectueux. 

 

L’œuvre poétique de Virgile est le meilleur résumé  qu’on puisse donner de l’organisation divine et mythique des sociétés méditerranéennes et la preuve la plus  convaincante du transfert en Occident des cultes de l’Orient. Son Enéide est le récit précis et circonstancié de ce transfert ; ses Géorgiques sont la célébration de la Terre mère inspirée de l’encyclopédie agricole du Carthaginois Magon dont l’œuvre écrite en araméen avait été successivement traduite en grec et en latin ; dans ses Bucoliques souille la tradition gréco-arabe d’Alexandrie et de Sicile. Ce caractère ésotérique et oriental de Virgile n’avait pas échappé aux lecteurs de notre Moyen Age, pas plus qu’à Victor Hugo dont l’évocation est claire : ...

 

Dans Virgile parfois Dieu tout près d’être un ange,

Le vers porte à sa cime une lueur étrange...

C’est qu’à son insu même, il est une de ces âmes

Que l’Orient lointain teignait de vagues flammes.

C’est qu’il est un des cœurs que déjà, sous les cieux,

Dorait le jour naissant du Christ mystérieux.

 

Le poète romantique pensait sans doute à la célèbre IV' Bucolique effectivement imprégnée d’une religiosité toute palestinienne, de même que le IVe Chant des Géorgiques.

 

Dans  l’œuvre d’Eschyle, Victor Hugo a vu « une bible grecque », dans son Prométhée « des lueurs chrétiennes » ; écoutez plutôt Eschyle : « Que votre dieu ruine et secoue l’univers ; qu’il envoie ses oiseaux de neige et ses fracassants tonnerres souterrains, rien n’empêchera sa chute. Rien, non rien ne me  forcera à révéler le nom de celui qui viendra un jour  abattre sa domination. » Eschyle était originaire d’Eleusis et sans doute initié aux Mystères de Dionysos-Déméter. Il est vrai que la puissance religieuse qui se dégage du théâtre grec est, à bien des égards, plus chrétienne, plus convaincante que la plupart de nos textes profanes inspirés du christianisme européen ; il faut y voir la preuve que la foi ne s’acquiert point par un dogme et qu’il y avait certainement dans les mentalités palestinienne et grecque des hautes époques une disposition propre à accueillir le vrai christianisme puisqu’il émanait d’elles.

 

À suivre…

                            

Par : Karim Zentici

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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 11:03

 

Cadeau à la veille de la fête de l’aïd 4/4

 

 

 

 

Cet évènement n’a pas échappé au chroniqueur ibn Ishâq qui l’a répertorié en intégralité. Il nous raconte qu’un jour, le grand-père de l’Ami d’Allah (r) entra dans le Hijr de la Kaaba pour y faire un somme.[1] Il vit en songe qu’on lui demandait de déterrer Taïba, mais il ne savait pas à quoi ce nom correspondait. Le lendemain, le même rêve se renouvela, mais cette fois il s’agissait de Barra. Il vécut la même chose les deux jours suivants, et à chaque fois l’endroit qu’il fallait déterrer changeait de nom ; il s’agissait pour la troisième nuit de Madhnûna, et pour la quatrième de… Zamzam.[2]

 

Ce nom étrange demeurait pour lui une énigme que sa vision nocturne, désormais coutumière, allait résoudre. La nuit suivante, il vit le lieu où il fallait creuser. Le lendemain, il se rendit à l’endroit en question accompagné d’el Hârith, qui était alors son seul fils. Il se mit à creuser et dès qu’il découvrit le puits, il proclama la grandeur d’Allah. Les Qurayshites comprirent qu’il avait atteint son but. Ils vinrent à sa rencontre et lui rappelèrent que ce puits appartenait à leur ancêtre Ismâ’îl, et qu’ils avaient dessus autant de droits que celui qui l’avait retrouvé. Il y avait déniché notamment deux gazelles en or qui appartenaient à la tribu de Jurhum. Ils y avaient caché également leurs sabres et leurs armures…[3] Avant d’entamer les recherches, Hishâm avait fait le vœu à Dieu que s’il menait sa mission à bien et qu’il engendrait dix enfants mâles, d’en égorger un par reconnaissance envers Ses bienfaits immenses.

 

Après l’histoire du puits, ibn Hâshim avait gagné l’estime de ses concitoyens et le rang des Banû ‘Abd Manâf grandissait jour après jour. Il engendra dix enfants mâles et devait désormais remplir son vœu. Il tira au sort pour désigner lequel de ses fils devait mourir. À chaque fois, le sort désignait celui qui était le plus cher à ses yeux ; celui-là même qui, plus tard, mettra au monde le sceau des Prophètes : c’était ‘Abd Allah ! Les oncles de l’enfant et les notables de Quraysh cherchèrent à l’en dissuader. Il décida alors de tirer au sort pour choisir lesquels entre ‘Abd Allah ou cent chameaux devait-il sacrifier. Le décret d’Allah porta sur les bêtes,[4] ‘Abd Allah fut sauvé, car l’humanité attendait l’avènement prochain de son fils, ce qui en soit est un signe précurseur à sa prophétie. La prière de ses ancêtres Ibrahim et Ismâ’il devait ainsi être exaucée : [Seigneur ! Envoie-leur un Messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la Sagesse, et qu’il les purifie, Tu es certes le Dieu  Puissant et Sage].[5]

 

« A l'égard d'Ismaël, je t'ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l'infini ; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation. »[6] Et le Prophète Mohammed (r) fera valoir qu’il est le descendant des deux enfants-sacrifices, nous dit une narration controversée.

 

Abraham, qui avait réussi ses durs « travaux », devint un exemple pour tous les adeptes du monothéisme jusqu’à la fin du monde. Le Coran lui rend hommage à maints endroits : [N’avions-nous pas déjà offert à la famille d’Ibrâhîm le Livre et la sagesse, en plus d’un vaste royaume ?][7] ; [qui vous a élu sans ne vous accablez de la moindre gêne dans votre religion qui est celle de votre père Abraham, lequel vous a donné dans les Écritures antérieures le nom de musulmans que vous gardez encore dans ce Livre, afin que le Prophète soit témoin que le message vous ait été transmis, et que vous-mêmes soyez témoins que les hommes l’aient bien reçu][8] ; (Qui donc se détournerait de la confession d’Abraham à moins d’être un insensé, Nous l’avons élu ici-bas, et, dans l’autre monde, il siègera parmi les justes • Lorsque Son Seigneur lui ordonna de se soumettre, il répondit promptement, je me soumets au Seigneur de l’univers • Abraham, et Jacob par la suite, fit cette recommandation à ses fils : Mes Enfants, Dieu a choisi pour vous cette religion, alors soyez-y soumis jusqu’à la mort).[9]

 

Couvés à l’ombre du grand théâtre qui se jouait à ciel ouvert sur la carte du monde, le temps était enfin venu pour les Arabes de la Péninsule d’entrer en scène afin d’écrire leur propre page dans le grand registre de l’Histoire des hommes. Les plans du Seigneur sont impeccables.

 

El Hasan et el Husaïn

 

Voici en complément à ce sujet, une analyse subtile de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya sur les deux enfants de ‘Âli (t) : « Les ancêtres du Mahdî remontent à el Hasan non à el Husaïn, car ces derniers ressemblent sous certains aspects aux deux enfants d’Ibrahim bien qu’ils ne soient pas des prophètes. Pour les protéger, le Prophète (r) invoquait Allah en ces termes : « Je vous place sous la protection des Paroles Parfaites d’Allah contre toute insufflation des démons et tout mauvais œil. »[10] Il disait à ce sujet qu’Ibrahim protégeait Ismâ’îl et Ishâq de cette façon.[11] Ismâ’îl était le plus grand et le plus sage des deux garçons. C’est pourquoi, le Prophète a proclamé du haut de sa chair alors qu’el Hasan se tenait avec lui : « Mon fils que voici est un Saïd (maître ndt.), par le biais duquel Allah va concilier entre deux grandes armées musulmanes. »[12] La plupart des prophètes provenaient de la descendance d’Ishâq, et de la même façon la plupart des Imams sont de la descendance de Husaïn. Or, le sceau (ou le dernier) des prophètes dont la religion s’est répandue sur toute la surface de la Terre est de la descendance d’Ismâ’îl, il convenait ainsi que le Mahdî, ce Khalife bien guidé qui sera le dernier des Khalifes soit de la descendance de Hasan. »[13]

Voici la preuve imparable qui lève le voile sur l’identité de l’enfant-sacrifice

 

Selon ibn ‘Âdil, l’Imâm Ahmed a dit : « La bonne opinion identifie Ismaël comme étant l’enfant-sacrifice. Celle-ci est corroborée par la grande majorité des savants au sein des anciens et des modernes. »

 

Dans Majmû’ el fatâwa de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (4/331-336), nous trouvons ce passage révélateur : « Ismâ’îl est le fils d’Ibrahim qui fut choisi pour le sacrifice de son père comme l’établissent le Coran, la sunna, et un certain nombre de preuves qui sont notoires. D’ailleurs, la Thora qui est entre les mains des détenteurs du Livre le confirme. Les anciennes Écritures disent en effet : « égorge ton fils unique »[14] L’autre traduction parle d’un premier-né. Ismaël fut bel et bien le fils unique à cette époque et le premier-né du Patriarche à l’unanimité des savants musulmans et des hébreux, mais ces derniers ont falsifié leurs écritures en y insérant Isaac. Par la suite, cette information, dont l’origine provient des Textes hébraïques falsifiés, s’est répandue. C’est pourquoi, nombre de musulmans adoptent l’idée que l’enfant en question fut Ishâq. »

 

« ton fils premier-né », se trouve bel et bien dans la version du livre des Jubilés, et le Targum Palestine signe avec « ton fils, ton unique engendré ».

 

Après l’épreuve du bûcher qui déboucha sur l’exil du Patriarche, ce dernier implora : (Seigneur, supplia-t-il, accorde-moi une pieuse postérité ! Quelques années plus tard, au cours d’une marche, autre traduction possible : Et quand l’enfant atteignit l’âge mûr, au cours d’une marche, son père lui confia : Mon fils, je me suis vu en songe en train de t’immoler).[15] Plusieurs narrations d’ibn ‘Abbâs désignent l’identité de cet enfant en la personne d’Ismaël. On pourrait avancer que ces dictions ne sont pas suffisamment fortes pour atteindre le degré d’authenticité, sauf qu’en les recoupant avec d’autres éléments qui, eux, sont imparables, leur fiabilité se consolide considérablement. Nous avons notamment une narration de ce même ibn ‘Abbâs qui, rapportée par el Bukhârî (n° 3364, 3365), jette la lumière sur le passage : (Et quand l’enfant atteignit l’âge mûr, au cours d’une marche).[16] Selon ibn ‘Abbâs, après avoir raconté en détail l’épisode d’Agar et d’Ismaël, et de la rencontre d’Abraham avec les deux épouses successives de son fils, il trouva ce dernier non loin de la Kaaba en train de tailler ses flèches. Le jeune homme se leva à la rencontre de son père, lui fit l’accolade, et se mit à sa disposition. Là, Ibrahim, d’un ton solennel l’interpella : « Mon fils, j’ai reçu un ordre de la part de Dieu.

  • Soit, se résigna Ismaël, tu n’as qu’à exécuter l’ordre qui te vient de Ton Seigneur !
  • Serais-tu prêt à m’aider ?
  • Je ne demande que cela.
  • J’ai reçu l’ordre de monter les fondations du Temple sacré. »

 

Dès lors, ils se mirent à l’ouvrage. Le fils faisait passer les pierres à son père qui les installait au fur et à mesure. Quand l’édifice commença à devenir trop haut, Ismaël plaça un rocher juste en dessous afin de permettre à son père d’achever sa construction. C’est exactement l’explication du passage : (Et pendant qu’Ibrahim et Ismâ’îl élevaient les fondations de la Maison sacrée, ils imploraient : Seigneur, acceptes cet humble ouvrage, Toi le Dieu Entendant et Omniscient ! • Seigneur, soumet-nous à Ta Volonté, ainsi qu’une partie de notre postérité, fais-nous voir nos rites, et pardonne-nous, car Tu es Absoluteur et Tout-Miséricordieux • Seigneur ! Envoie-leur un Messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la Sagesse, et qu’il les purifie, Tu es certes le Dieu  Puissant et Sage).[17]

 

Ainsi, « l’enfant qui atteignit l’âge mûr » est le même qui subit l’épreuve du sacrifice. La seule échappatoire possible qui s’impose à Karim Hanifi est de déplacer Isaac à la Mecque, et là, il s’empêtrerait dans un bourbier tel que les chrétiens ne pourront plus le suivre. D’ailleurs, c’est logique puisque Abraham avait demandé à Dieu de lui offrir un enfant juste après son exil sur les terres de Canaan, comme l’exprime le contexte. Et qui fut ce premier enfant que Dieu lui fit cadeau ?

                           

Par : Karim Zentici

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[1] Le Hatîm est la partie non finie de la Ka’ba qui entre dans les fondations d’Ibrahim. Il fut appelé ainsi, car il fut détruit (ihtatama) par les inondations et le Hijr doit son nom au mur qui l’entoure. Avant l’avènement de Mohammed (r), les Quraïshites manquaient de moyens pour reconstruire cette partie, car ils n’acceptaient que l’argent honnête. Ils furent obligés de réduire la façade nord et montèrent à l’endroit des fondations un mur qui resta tel quel jusqu’aujourd’hui. Ils lui donnèrent le nom de Hijr Ismâ’îl. Cette appellation fait probablement allusion à la fable selon laquelle le fils d’Ibrahim y serait enterré avec un certain nombre de prophètes. Cette histoire n’est pas crédible, si l’on sait que le Hijr doit son nom à la partie manquante de la Ka’ba.

[2] Voir : Akhbâr Makka d’el Azraqî (2/44-46), Dalâil e-Nubuwwa d’el Baïhaqî (1/93), Sîra ibn Hishâm (1/89-90), el bidâya wa e-nihâya d’ibn Kathîr (2/227).

[3] Cette version est rapportée dans Akhbâr Makka d’el Azraqî.

[4] Idem. (2/42-43).

[5] La vache ; 129

[6] La Genèse ; 17.20

[7] Les femmes ; 54

[8] Le pèlerinage ; 78

[9] La vache ; 130-132

[10] Rapporté par el Bukhârî (3371), selon ibn ‘Abbâs.

[11] C’est un passage du Hadith précédent.

[12] Rapporté par el Bukhârî (2704, 3629, 3746, 7109), selon Abû Bakra.

[13] Voir : Jâmi’ el Masâil de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya qui propose certaines Fatwas inédites (4/99).

[14] Voici les termes de la Traduction œcuménique : « Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Morriya et là, tu l’offriras en holocauste sur celle des montagnes que je t’indiquerais. » [Genèse ; 22-3]

[15] Les rangées d’anges ; 101

[16] Les rangées d’anges ; 101

[17] La vache ; 127-129

 

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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 11:07

 

Cadeau à la veille de la fête de l’aïd 3/4

 

 

 

Le pèlerinage à La Mecque, un rite ancestral

 

Selon ibn ‘Abbâs : « La mère d’Ismâ’îl fut la première femme à utiliser une ceinture ; elle s’en était servi pour effacer ses traces aux yeux de Sara. »[1]

 

L’historiographie musulmane enregistre qu’Ismâ’îl a été élevé dans le désert de Farân, le pays de La Mecque, lieu de pèlerinage depuis l’époque d’Abraham. Les Arabes notamment, mais aussi les prophètes à l’instar de Moïse fils d’Amran et de Jonas fils d’Amitthaï, se rendaient au Sanctuaire sacré pour y accomplir les rites prescrits par le Tout-Puissant.

 

Les textes scripturaires nous apprennent que même Jésus devra s’y rendre à l’occasion de son retour sur terre : « par Celui qui détient mon âme entre Ses Mains, ibn Mariam va se sacraliser à partir du défilé de Rawha pour entreprendre le grand ou/et le petit pèlerinage. »[2]

 

Depuis l’avènement de Mohammed (r), le hadj incombe à tous les musulmans ; les pèlerins de toute la planète s’y rendent pour répondre à l’appel de l’Ami de Dieu, Abraham : [Et lorsque nous indiquâmes à Ibrahim l’endroit de la Maison, Nous lui enjoignîmes de ne partager le culte avec aucune idole, et de purifier Ma Maison à l’attention des fidèles venus pour les tours rituels et la prière qu’ils observent debout, inclinés et prosternés • Lance un appel aux hommes qui viendront à pied ou à dos de chameau, affluant des horizons les plus reculés • Afin qu’ils jouissent, sur place, de multiples bienfaits, et qu’ils évoquent, les jours fixés, le Nom d’Allah au moment d’immoler une bête prise sur les troupeaux dont Il leur a fait grâce ; profitez de sa viande et distribuez le reste aux plus démunis].[3] Cette annonce est un miracle si l’on sait que La Mecque est aujourd’hui l’un des endroits les plus visités au monde. Il n’en a pas toujours été ainsi.

 

Nous avons vu plus haut que pour échapper à la jalousie naissante de la noble Sarah, Abraham emmena sa concubine portant son nourrisson dans ses bras sur un rocher perdu où il n’y avait âme qui vive. Il les installa à l’ombre d’un arbre dans les hauteurs de l’actuelle mosquée. Il leur laissa un sac de dattes et une outre remplie d’eau, avant de prendre le chemin du retour. Hagar, qui marcha dans ses pas, l’interpella : « Ibrahim, où vas-tu ? Nous laisses-tu dans cette vallée où il n’y a rien ni personne ? » Ses cris de détresse restèrent sans réponse. Son mari ne se retourna même pas. Elle insista, en vain, à plusieurs reprises : « Est-ce Dieu qui t’a ordonné d’agir ainsi, s’exclama-t-elle dans un geste de résignation ?

  • Oui, confirma-t-il.
  • Hé bien, Il ne nous abandonnera pas. »

 

Après ces mots, elle revint sur ses pas. Ibrahim s’en alla, et s’arrêta sur le versant de la montagne en veillant à ne pas être vu. Ce dernier se retourna en direction du futur Temple pour implorer en ces termes : (Seigneur ! J’ai installé une partie de ma postérité dans une vallée aride, auprès de Ta Maison sacrée, Seigneur, afin qu’ils observent la prière. Dirige vers eux le cœur de certains hommes, et procure-leur de bons fruits en guise de subsistance ; ainsi seront-ils reconnaissants).[4]

 

Hagar allaita son bébé et épuisa l’eau de son outre. Tous deux furent pris par la soif. Comme elle le voyait se tordre de douleur, elle s’éloigna de lui pour ne pas souffrir ce triste spectacle. Elle se rendit à Safa qui était le monticule le plus proche ; elle grimpa dessus pour dominer la vallée du regard et chercher de l’aide, mais elle ne vit personne. Elle se déplaça. Une fois en bas de Safa, elle se retrouva dans l’oued. Elle leva un empan de son vêtement et se mit à courir à perdre haleine, car d’en bas, elle ne voyait plus son fils. De l’autre côté de l’oued, Marwa se dressait devant elle. Elle l’escalada pour scruter l’horizon, dans l’espoir de trouver quelqu’un, mais en vain. Sa détermination resta intacte, elle revint sur ses pas et réitéra le même parcourt à sept reprises.

 

« C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, les pèlerins font le parcours entre Safa et Marwa. », explique  un propos prophétique. Arrivée enfin sur le mont Marwa, elle entendit un bruit. « Chut ! » se dit-elle a elle-même.  Après l’avoir entendu à nouveau, elle s’écria : « Tu t’es fait entendre, si tu as quelques secours à proposer. » Elle se retrouva face à l’ange qui tâta le sol du talon – ou de l’aile –, et l’eau se mit à jaillir. Elle l’entoura de ses mains et remplit son outre à ras-bord. Elle chercha à contenir cette source qui se formait sous ses yeux : « Zam (stop) ! Zam ! », mais sans succès.

 

Selon ibn ‘Abbâs, le Prophète (r) commenta : « Qu’Allah fasse miséricorde à la mère d’Ismâ’îl, si ses mains n’avait pas touché à la source pour y puiser l’eau, Zem-zem coulerait aujourd’hui en surface. »[5] Elle en but, reprit-il, et allaita son bébé.

 

« Ne craignez rien, vous ne serez pas laissés à l’abandon, dit l’ange, à cet endroit se trouve la Maison d’Allah que cet enfant et son père vont édifier. Allah ne laissera pas ses habitants à l’abandon. » Une fois (re)construit, le haut édifice de la Kaaba dominait comme une colline. À la saison des pluies, les torrents le contournaient de part et d’autre.

 

Avec le temps, le puits de Zem-zem fut enseveli, mais ‘Abd el Muttalib le grand-père du Prophète (r) lui redonna vie. La distribution de l’eau (siqâya) revint à son fils el ‘Abbâs et à sa postérité. Il avait la charge de distribuer Zem-zem et l’eau potable ; la tradition (sunna) recommande d’en boire.

 

La vision d’Abd el Muttalib :

 

Sur le chemin du retour, une caravane de la tribu yéménite Jurhum avait fait halte non loin de l’endroit où se produisit le miracle. Un oiseau qui tournoyait dans le ciel leur indiquait, à leur grande surprise, qu’il y avait un point d’eau juste en dessous de lui. Pourtant, aucune source n’était signalée dans la région. Pour étancher leur curiosité, ils envoyèrent deux hommes en reconnaissance. Ceux-ci découvrirent un puits près duquel se tenait une femme. Ils se rapprochèrent et lui demandèrent l’autorisation de s’installer près d’elle. Elle accepta, elle qui avait besoin de compagnie, sans oublier de leur rappeler au passage que cette fontaine souterraine ne leur appartenait pas. Ils se plièrent à sa volonté et allèrent chercher le reste de la caravane.[6] Jurhum était une branche de la tribu Qahtân dont les membres sont les descendants des Arabes primitifs.[7] Ismâ’il grandit au milieu d’eux, il apprit leur langue et prit une de leurs filles pour épouse. Ses descendants, dont ‘Adnân l’ancêtre de Mohammed (r) est issu, sont les Arabes d’adoption.[8] Après la mort de sa mère, Ismâ’il aida son père Ibrahim à élever les fondations de la Kaaba.

 

La Mecque commençait à grandir, mais ses habitants respectaient de moins en moins son caractère sacré. Ils encourraient la punition divine et durent quitter les Lieux saints, car comme son nom l’indique, Mekka éteint l’ardeur des tyrans ou selon une autre hypothèse, elle chasse les pervers de son enceinte.[9] La tribu des Banû Bakr aidés des Ghabashân – tout deux issus des Khuzâ’a – décidèrent de se faire justice eux-mêmes et expulsèrent les Jurhum de l’enceinte sacrée. Après vingt et un siècle de règne des Jurhum, les Khuzâ’a prenaient le relais de l’entretien du Temple.[10] Conscient d’une défaite certaine, le roi Mudhâdh ibn ‘Amr el Jurhumî avait pris soin, avant de se sauver au Yémen (qui était la terre de ses ancêtres), de dissimiler ses richesses dans le puits de Zam-zam. Puis, il l’ensevelit pour interdire à ses ennemis l’accès à la source principale en eau de la ville.[11] Trois cents ans plus tard, naquit Qusaï ibn Kilâb qui grandit aux frontières du Shâm (l’ancienne Syrie). Armée d’une forte personnalité, il allait changer le destin de La Mecque. De la descendance de ‘Adnân puis d’Ismâ’îl, il se maria dans un premier temps à la fille du gouverneur de la Ville sainte qui, comme nous l’avons vu, revint aux mains des Khuzâ’a. Ce fut par se biais qu’il bâtit sa renommée auprès de ses concitoyens. Il devint riche, et monta très vite les échelons dans la société.

 

Un beau jour, la tribu de Khuzâ’a se retourna contre lui. Les historiens donnent plusieurs explications à cette rupture. Pour certains, Qusaï aurait voulu reprendre le règne de son ancêtre Ismâ’îl ; pour d’autres, son gendre lui aurait fait hériter de l’entretien du Temple et des Lieux saints ; d’autre enfin avancent qu’un des membres de Khuzâ’a lui aurait vendu la Ka’ba en échange d’une cruche de vin. Quoi qu’il en soit, furieux, les Khuzâ’a prirent les armes aux côtés des Banû Bakr. En face, Qusaï avait monté une armée de Qurayshites et obtint le soutien des Kinâna. De violents combats eurent lieu. Ils se soldèrent par la victoire de Qusaï. Après arbitrage, les antagonistes renoncèrent au prix du sang ; l’entretient du Temple revint aux descendants d’Ismâ’îl, les Qurayshites et l’administration de la ville aux Khuzâ’a. La renommée des Qurayshites, qui s’étaient emparés de la capitale économique et spirituelle des Arabes, prenait de l’ampleur à travers toute la Péninsule.[12]

 

Or, à cette époque Zam-zam était toujours introuvable. Après la mort de Qusaï, ses enfants se partagèrent, non sans tension, l’administration des Lieux saints. Aux Banû ‘Abd Manâf revenait l’approvisionnement des pèlerins en eau (siqâya). Shaïba el Hamd ibn Hâshim ibn ‘Abd Manâf ibn Qusaï fut élevé dans le giron de son oncle el Muttalib, à qui il doit le surnom d’Abd el Muttalib (le serviteur d’el Muttalib). Quand Abd el Muttalib, qui deviendra le grand-père de l’Envoyé (r), hérita de son oncle la fonction de siqâya, il ne savait pas qu’un grand destin l’attendait.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Voir : Fath el Bârî (6/400-401).

[2] Rapporté par Muslim (n° 1252).

[3] Le pèlerinage ; 26-28

[4] Ibrahim ; 37

[5] Voir : Fath el Bârî (6/402).

[6] Rapporté par el Bukhârî (n° 3364).

[7] Qahtân est mentionné dans l’Ancien Testament sous le nom de Yoqtân (voir : la Genèse ; 10.26).

[8] Voir : Fadhâil mâ zam-zam (p. 24).

[9] Voir : Fadhâil Makka du D. Mohammed Ghabbân (1/23-28).

[10] Voir : Fadhâil mâ zam-zam (p. 28).

[11] Voir : Târîkh el Ka’ba du D. Husnî el Kharbûtlî.

[12] Voir : Sîra ibn Hishâm (1/247-249).

 

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11 août 2019 7 11 /08 /août /2019 06:04

 

Cadeau à la veille de la fête de l’aïd 2/4

 

 

 

Ismâ’îl, le père d’une grande nation

 

Dans la Thora, Élohim insiste sur la promesse qu’Il a nouée avec le Patriarche d’offrir à son fils Ishmael une descendance abondante : « A l'égard d'Ismaël, je t'ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l'infini ; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation. »[1] Le frère d’Isaac fut honoré au même titre que son père et Noé avant lui qui transmirent à leur postérité la foi et la prophétie : (Nous avons envoyé Nûh et Ibrâhîm et avons mis dans leur postérité la prophétie et le Livre),[2] relate le Livre saint des musulmans. Ailleurs, il entérine ce privilège accordé à Ibrahim : (Nous avons mis dans sa postérité la prophétie et le Livre).[3]

 

Sa progéniture sera aussi grande que le nombre des étoiles, note la Genèse : « Abram répondit : Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je m'en vais sans enfants ; et l'héritier de ma maison, c'est Eliézer de Damas. 3 Et Abram dit : Voici, tu ne m'as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier. 4 Alors la parole de l'Éternel lui fut adressée ainsi : Ce n'est pas lui qui sera ton héritier, mais c'est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier. 5 Et après l'avoir conduit dehors, il dit : Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit : Telle sera ta postérité. 6 Abram eut confiance en l'Éternel, qui le lui imputa à justice. »[4] Alors, revenons à la source.

 

L’enfant-sacrifice

 

« et Dieu dit à Abraham : et toi, tu garderas mon alliance, toi et la semence après toi, en leurs générations. Que tout mâle d’entre vous soit circoncis. Et vous circoncirez la chair de votre prépuce, et ce sera signe d’alliance perpétuelle. Et le mâle qui n’aura point été circoncis en la chair de son prépuce, cette âme sera retranchée de ses peuples : il aura violé mon alliance. Puis Abraham prit Ismaël, son fils. Il circoncit la chair de leur prépuce en ce même jour comme Dieu le lui avait dit. Abraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans lorsqu’il fut circoncis en la chair de son prépuce et Ismaël, son fils, était âgé de treize ans ». Genèse 17.9-14 

 

Sara était stérile, mais ce fut sa servante, Agar l’Égyptienne qui donna son premier enfant à son mari dont les prières avaient été exaucées : (Nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant enclin à la sagesse).[5] Tel père tel fils : (car Ibrahim était enclin à la sagesse et à la dévotion)[6] ; (car Ibrahim était enclin à la sagesse, à la dévotion, et au repentir).[7] Cette grande qualité fut mise à contribution chez ces deux hommes le jour de la grande épreuve : (Nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant enclin à la sagesse • Quelques années plus tard, au cours d’une marche, le père confia à la prunelle de ses yeux : Mon fils, je me suis vu en songe en train de t’immoler, alors vois ce qu’il y a lieu de faire. Père, dit l’enfant, fais ce qui t’est ordonné, je saurais dans l’épreuve, s’il plait à Dieu, m’armer de patience • Résignés les deux serviteurs s’exécutèrent, l’un le front posé sur le sol et l’autre la main armée d’une lame • Juste au moment où Nous appelâmes : Ibrahim, tu as concrétisé ta vision, et Nous savons rétribuer les bienfaiteurs • Il venait de passer une bien rude épreuve • Nous échangeâmes l’enfant contre une énorme offrande • Et nous laissâmes leur souvenir dans les générations futures • Paix à Ibrâhîm ! • Nous savons rétribuer les bienfaiteurs • Lui qui comptait parmi nos pieux serviteurs • Nous lui annonçâmes ensuite la naissance d’Ishâq, un vertueux qui compta au nombre des prophètes • Nous bénîmes le père et le fils qui connurent dans leur descendance, des bienfaiteurs et d’autres qui se firent manifestement du tort à eux-mêmes).[8]

 

La naissance miraculeuse

 

« Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. 5 Abraham était âgé de cent ans, à la naissance d'Isaac, son fils. 6 Et Sara dit : Dieu m'a fait un sujet de rire ; quiconque l'apprendra rira de moi. » Genèse ; 21.4-6

 

Le Coran met en exergue la naissance miraculeuse d’Isaac, le père d’une nation savante, alors que son frère ainé suscitera une nation sage : (Sa femme, qui se tenait à côté, se mit à rire à l’annonce que Nous lui fîmes de la naissance d’Ishâq et de Ya’qûb après lui • Comment est-ce possible, s’exclama-t-elle, d’avoir un enfant à un âge si avancé ? Mon mari lui-même est déjà très vieux !)[9] ; (Leur attitude éveilla en lui quelque frayeur qu’ils dissipèrent aussitôt : « N’ais pas peur ! » Ils lui annoncèrent la naissance d’un enfant enclin au savoir. Là-dessus, sa femme surgit avec les mains se frappant le visage : « Quoi, s’écria-t-il, je ne suis qu’une vieille femme stérile! »)[10] ; (Ne sois pas effrayé, le rassurèrent-ils ! Nous sommes venus pour t’annoncer la naissance d’un enfant enclin au savoir • Votre annonce est vraiment déconcertante, car je suis tellement vieux ! – Nous te disons la vérité, répliquèrent-il, alors ne t’enferme pas dans le désespoir »)[11] ; (À la suite de ses prières, Nous lui fîmes don d’Ishâq auquel Nous ajoutâmes Ya’qûb qui compléta, par Nos soins, une chaine d’éléments pieux)[12] ; (Nous lui fîmes don d’Ishâq et de Ya’qûb après lui, et Nous mîmes dans sa postérité la prophétie et le Livre. Nous le rétribuâmes sur terre, et dans l’au-delà il comptera parmi les pieux).[13]

 

Bref, les annales islamiques racontent que Sâra fut très contrariée par l’accouchement d’Ismaël. Pour atténuer sa jalousie, Ibrahim prit l’enfant et sa concubine pour les emmener à la Mecque actuelle. Sur place, il reçut l’ordre, des années plus tard, de tuer son fils.

 

Béer-Shéva, le miracle de Zem-Zem

 

[Et quand Ibrahim s’écria : Seigneur, montre-moi comment Tu fais revivre les morts ! N’aurais-tu pas la foi, demanda Dieu ? Si, assura-t-il, mais je souhaite simplement apaiser mon cœur. Soit, répondit le Très-Haut alors prends quatre oiseaux que tu découperas en morceaux pour les disperser sur chacune des collines avoisinantes ; puis appelle-les, et ils te viendront aussitôt, afin que tu saches qu’Allah est Puissant et Sage].[14]

 

« 21:14 Abraham se leva de bon matin ; il prit du pain et une outre d'eau, qu'il donna à Agar et plaça sur son épaule ; il lui remit aussi l'enfant, et la renvoya. Elle s'en alla, et s'égara dans le désert de Beer Schéba. 21:15 Quand l'eau de l'outre fut épuisée, elle laissa l'enfant sous un des arbrisseaux, 21:16 et alla s'asseoir vis-à-vis, à une portée d'arc ; car elle disait : Que je ne voie pas mourir mon enfant ! Elle s'assit donc vis-à-vis de lui, éleva la voix et pleura.  21:17 Dieu entendit la voix de l'enfant ; et l'ange de Dieu appela du ciel Agar, et lui dit : Qu'as-tu, Agar ? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l'enfant dans le lieu où il est. 21:18 Lève-toi, prends l'enfant, saisis-le de ta main ; car je ferai de lui une grande nation. 21:19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d'eau ; elle alla remplir d'eau l'outre, et donna à boire à l'enfant. 21:20 Dieu fut avec l'enfant, qui grandit, habita dans le désert, et devint tireur d'arc. 21:21 Il habita dans le désert de Paran, et sa mère lui prit une femme du pays d'Égypte. »[15]

Paran, une terre aride et paisible

 

Le saint Coran dépeint ce coin perdu du désert de Paran avec une précision chirurgicale : (Et quand Nous fîmes de la Maison Sacrée un asile pour les hommes et une terre paisible. Prenez la station d’Ibrahim pour lieu de prière. Nous prîmes sur Ibrahim et Ismâ’îl le serment de purifier Ma Maison à l’attention des fidèles venus pour les tours rituels, le recueillement, la retraite, et la prière • Et quand Ibrahim dit : Seigneur ! Rends cette terre paisible et procure de bons fruits à ses habitants, ceux parmi eux qui auront cru en Allah et au Jour dernier. Le Seigneur répondit : Je laisserais à ses habitants impies profiter des jouissances éphémères avant de les jeter dans les tourments de l’Enfer où ils connaitront un sort funeste !)[16]

 

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Le Patriarche avait reçu l’injonction d’abandonner son fils et sa servante dans une contrée isolée en marge de l’Humanité. Puis, le grand-père de Jacob retourna sur les terres de Canaan pour y écrire l’Histoire. Il avait pour mission d’y déposer sa seconde graine. Il venait de mettre la première sur un rocher brûlant qui deviendra, à l’avenir, un carrefour spirituel accueillant les pèlerins de tous les horizons. Le décor se mettait en place : (Et pendant qu’Ibrahim et Ismâ’îl élevaient les fondations de la Maison sacrée, ils imploraient : Seigneur, acceptes cet humble ouvrage, Toi le Dieu Entendant et Omniscient ! • Seigneur, soumet-nous à Ta Volonté, ainsi qu’une partie de notre postérité, fais-nous voir nos rites, et pardonne-nous, car Tu es Absoluteur et Tout-Miséricordieux • Seigneur ! Envoie-leur un Messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la Sagesse, et qu’il les purifie, Tu es certes le Dieu  Puissant et Sage)[17] ; (Le premier Temple fondé au service des hommes se trouve à Bekka qui constitue une bénédiction et une direction pour l’Humanité • Tout indique l’identité de son fondateur, à l’exemple de la Station d’Ibrahim. Quiconque y entre est en paix. Le pèlerinage à la Maison sacrée est un devoir envers Dieu pour tous les hommes qui en ont les moyens ; ils ont beau le renier, ils n’enlèveront rien au royaume de Dieu qui se passe aisément de l’Humanité)[18] ;

 

(Voyez ce pacte des Quraychites • Qui leur assure le cheminement de leur caravane hiver comme été • Qu’ils adorent donc le Dieu de cette Maison • Qui a apaisé leur faim et les mis à l’abri de la peur)[19] ; (Si nous devions suivre la bonne voie à tes côtés, prétextent les idolâtres, nous serions arrachés à nos terres, mais ne les avons-Nous pas établis sur une terre sacrée et paisible où s’amoncèlent les fruits de toute part, par un effet de Notre grâce ? Sauf que la plupart d’entre eux ne savent pas)[20] ; (Ne voient-ils pas que Nous avons rendu ce pays sacré et paisible pendant que tout autour les hommes se déchirent entre eux. Vont-ils persister, dans la voie du mensonge, à renier les bienfaits du Seigneur ?).[21]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] La Genèse ; 17.20

Voici les termes de la version de la Bible d’André Chouraqui qui s’avère plus littérale et plus typique : « Quant à Ishma’él, je l’ai entendu : voici, je l’ai béni, je le fais fructifier, je le multiplie beaucoup, beaucoup. » (N. du T.)

[2] Le fer ; 26

[3] L’araignée ; 27

[4] La Genèse ; 15.2-6

[5] Les rangées d’anges ; 101

Ismâ’îl fut qualifié de halîm que nous traduisons par « sage », mais qui prend en fait des sens multiples comme magnanime (qui est enclin au pardon comme le souligne e-Sa’dî), longanime (qui supporte ce qu’il pourrait réprimer, nous apprend el Baghawî), ou qui se résigne, fait preuve de patience et d’une maitrise de soi. Ismâ’îl est, en effet, patient : [évoque également la mémoire d’Ismâ’îl, d’Élisée, et de Dhû el Kifl, l’élite de Mes serviteurs][Sâd ; 48] Le Coran a donc reconnu à Ismâ’îl la qualité de patient comme Il lui a accordé ailleurs de respecter ses engagements : [Rappelle également, telle qu’elle est cité dans le Livre, l’histoire d’Ismâ’îl qui était sincère dans ses engagements] [Mariam ; 54]. Il avait promis à son père d’endurer patiemment son épreuve.

[6] Le repentir ; 114

D. Masson explique en ces termes le sens de awwah – que nous avons traduit par « dévoué », mais qui a aussi le sens d’humilité : « celui qui gémit, qui soupire, et qui implore la miséricorde de Dieu. » Elle corrobore ainsi l’exégèse des grands spécialistes à l’exemple d’el Baghawî et du linguiste exégète e-Râghib el Asfahânî dans Mufradât alfâdh el Qurân.

[7] Hûd ; 75 

« repentant » est l’un des sens de munîb, mais de façon plus général il signifie « revenir à Dieu ».

[8] Les rangées d’anges ; 101-113

Certains exégètes avancent que l’événement s’est produit quand Ismaël a atteint l’âge de treize ans. Toutefois, le début du premier Verset peut avoir d’autres significations. Il peut vouloir dire : quand le père l’a emmené jusqu’au pied de la montagne, ou quand il devint vieux.

Le jour de la Conquête de la ville Sainte, le Prophète (r) a trouvé les cornes du fameux bélier d’Abraham à l’intérieur de la Kaaba. Il s’est alors adressé au gardien du Temple en ces termes : « Je t’ordonne de recouvrir les cornes du bélier, car rien ne doit distraire le fidèle dans la direction de la Qibla. » L’endroit où s’est produit l’événement sert de rite depuis l’époque d’Ismaël, qui, avec son père, a construit le Temple, nous dit explicitement le Coran.

Le Targum qui a peut-être été retouché depuis l’avènement de l’Islam, semble imiter le Coran : « Les yeux d'Abraham étaient fixés sur les yeux d'Isaac, et les yeux d'Isaac étaient tournés vers les anges d'en-haut. Abraham ne les voyait pas. A ce moment, descendit des deux une voix qui disait : « Venez, voyez deux (personnes) uniques en mon univers. L'une sacrifie et l'autre est sacrifiée : celui qui sacrifie n'hésite pas et celui qui est sacrifié tend la gorge » »

[9] Hûd ; 71-72

Il s’agit dans cet épisode de Sarah fille de Hârân fils de Ahwar, qui fut mariée à son cousin Ibrahim (Voir Tafsîr el Baghawî qui précisent notamment que Saraï se tenait derrière un rideau).

[10] Les vents éparpillés ; 28

Selon certains exégètes, elle ne fit que crier d’où elle était, sans se montrer à ses visiteurs, mais par un effet de rhétorique, ce fut sa voix qui se serait déplacée.

[11] El Hijr ; 53

[12] Les Prophètes ; 72

[13] L’araignée ; 27

[14] La vache ; 260

[15] La Genèse ; 21.14-21

[16] La vache ; 125-126

[17] La vache ; 127-129

[18] La famille d‘Imrân ; 96-97

[19] Les Quraychites

[20] Les récits ; 57

[21] L’araignée ; 67

 

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10 août 2019 6 10 /08 /août /2019 10:39

Cadeau à la veille de la fête de l’aïd 1/4

 

Bribes biographiques du Patriarche Ibrahim

 

L’Arabie heureuse, le (second) berceau de l’Humanité

 

…à la place d'un désert, les nouveaux arrivants ont trouvé un paradis terrestre constitué de grandes prairies. L'occupation de ce nouvel Éden aurait duré plusieurs millénaires avant que l'homme ne poursuive sa conquête du monde.[1] 

 

Le Prophète prédit que l’Heure de la fin du monde ne sonnera pas avant que la Péninsule arabique ne retrouve ses fleuves et sa végétation abondante.[2]

 

On a peine à se représenter l'Arabie autrement que comme une masse désertique de pierres et de sables, comme un brasier qui se consume lentement sous un soleil dévorant. Contrairement à beaucoup d'autres contrées du monde, c'est un pays où le rôle primordial de la terre a été confisqué au profit de la lumière et du ciel. Il semble avoir été façonné dans une substance immatérielle et ses horizons ressemblent moins à des paysages qu'à ces images incandescentes qui naissent au cœur du feu.

Pourtant, il n'en fut pas toujours ainsi. Car les historiens nous assurent qu'en des temps immémoriaux, quand l'Europe gisait ensevelie sous le linceul blanc de l'époque glacière, l'Arabie était une contrée verdoyante et fertile, irriguée par plusieurs fleuves, un pays souriant où les pâturages alternaient avec les forêts.

Quelle fut la vie de cette Arabie fraîche et boisée, où les sources bruissaient au fond des clairières ? Nous n'en savons rien, car aucun témoignage n'en est parvenu jusqu'à nous. Sans doute sa faune était-elle semblable à celle de l'Afrique et des Indes, entre lesquelles elle servait de trait d'union. On devait y rencontrer des mammouths et des aurochs, des buffles et des gazelles, des aigles et des léopards. Mais tout cela n'est plus.[3]

 

Paran

 

J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.

Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.

Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.

Victor Hugo

 

La Bible parlait déjà de cette plaque incandescente, qui, telle une chaudière flanquée dans le couloir du salon, fut maintenue à l’écart des grandes civilisations parsemées le long du Croissant fertile, et du pourtour méditerranéen : « L'Éternel est venu du Sinaï, Il s'est levé sur eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran. »[4]

 

Ces versets désignent les trois grands mouvements monothéistes qui ont jalonné l’Histoire de l’Humanité récente. Il compare leur impact sur le devenir des hommes à la rotation journalière du soleil, qui, à l’aube, apparait timidement. Puis, à mesure qu’il envahit le ciel, ses rayons dévorent l’ombre jusqu’à atteindre le zénith. Le Sinaï fait allusion à Moïse, Séir à Jésus qui vit le jour dans les environs de cette terre où poussent le figuier et l’olivier, et Paran à Mohammed, le dernier des prophètes. Le Coran rendra également hommage à ses trois localités que Dieu prend en serment : (Par le figuier et l’olivier • Par le mont Sinaï • Par ce pays paisible).[5] Ici, l’ordre chronologique est abandonné au profit d’une hiérarchie partant de la moins prestigieuse à la plus prestigieuse des manifestations du culte du Dieu unique : le christianisme, le judaïsme, et l’islam.

 

D’autres passages de l’Ancien Testament évoquent la montagne de Paran qui joua un rôle crucial dans l’échiquier de la prophétie que le Très-Haut mettait en place.[6] Entre autres, il y eut cette rencontre qui féconda, à l’abri des regards, le destin du dernier acte de la folle aventure des terriens. Passé inaperçu, le Pentateuque se chargea d’immortaliser ce dialogue qui opposa l’Ange Gabriel à Agar servante de Sara : « L'ange de l'Éternel la trouva près d'une source d'eau dans le désert, près de la source qui est sur le chemin de Schur. 8 Il dit : Agar, servante de Saraï, d'où viens-tu, et où vas-tu ? Elle répondit : Je fuis loin de Saraï, ma maîtresse. 9 L'ange de l'Éternel lui dit : Retourne vers ta maîtresse, et humilie-toi sous sa main. 10 L'ange de l'Éternel lui dit : Je multiplierai ta postérité, et elle sera si nombreuse qu'on ne pourra la compter. 11 L'ange de l'Éternel lui dit : Voici, tu es enceinte, et tu enfanteras un fils, à qui tu donneras le nom d'Ismaël ; car l'Éternel t'a entendue dans ton affliction. 12 Il sera comme un âne sauvage ; sa main sera contre tous, et la main de tous sera contre lui ; et il habitera en face de tous ses frères. 13 Elle appela Atta-El-roï le nom de l'Éternel qui lui avait parlé ; car elle dit : Ai-je rien vu ici, après qu'il m'a vue ? 14 C'est pourquoi l'on a appelé ce puits le puits de Lachaï-roï ; il est entre Kadès et Bared. 15 Agar enfanta un fils à Abram ; et Abram donna le nom d'Ismaël au fils qu'Agar lui enfanta. 16 Abram était âgé de quatre-vingt-six ans lorsqu'Agar enfanta Ismaël à Abram. »[7] Bien sûr, la version coranique est sensiblement différente de celle-ci qui concède, malgré tout, le mérite de poser les grandes lignes de ce qui conviendra d’appeler l’évènement fondateur de la civilisation islamique.

 

Paran, la destination d’Abraham

 

[Ne vois-tu pas qu’Allah compare une bonne parole, à un bel arbre aux racines profondes et dont les branches tendent au ciel • Pour donner des fruits en toute saison, avec la permission de Son Seigneur ; C’est ainsi qu’Allah se sert de paraboles pour pousser les hommes à la méditation • La mauvaise parole est, elle, comme un arbre malingre n’arrivant pas à se détacher du sol, la cause à des racines trop instables].[8]

 

Il y a des siècles, Abraham prit cette direction pour obéir à la Providence qui réservait un grand dessein à sa progéniture. Il avait traversé un long périple le menant, tout d’abord, à Harran (Carrhes) la cité sabéenne qui se trouve au sud-est de la Turquie actuelle. Ses habitants s’adonnaient au culte des astres du monde supérieur et à la pratique de la magie, l’astrologie qui représente la plus haute forme de sorcellerie.

 

Il chercha à les ramener à la raison : [je n’aime pas les astres qui se cachent][9], fustigea-t-il. Son peuple ne remettait pas en doute l’existence du grand Architecte, mais ils pensaient tirer quelques avantages de la déification du soleil, de la lune et des étoiles. Le père du monothéisme leur fit la démonstration qu’à chaque crépuscule, ils perdaient contact avec leurs dieux qui, des heures durant, étaient incapables d’entendre leurs plaintes et de connaitre leur situation, et, à fortiori, de les surveiller, de les protéger, et, d’une façon ou d’une autre, de leur dispenser un bien ou de les accabler d’un malheur. Dans de pareilles conditions, ces astres couchants ne sont pas dignes de vénération, si tant est qu’ils eussent un pouvoir quelconque !

 

Ses concitoyens ne voulaient rien entendre. Âzar, son propre père, resta attaché à ses dieux éphémères. Le Patriarche passa à la manière forte. Le jour de la grande fête qui se tenait à l’extérieur de la ville, il s’était éclipsé pour s’introduire, loin des regards, dans le temple païen : [Il se glissa là où leurs divinités étaient plantées].[10] Il les détruisit une par une avant de disparaitre. Les soupçons tombèrent bientôt sur ce jeune effronté. On mit la main sur lui, et il fut décidé de le faire périr par les flammes. Un grand feu fut allumé devant une foule en effervescence : [Jetez-le au feu, s’écrièrent les idolâtres, et vengez vos idoles si vous êtes résolus à agir].[11] Il était impossible d’approcher ce bûcher qui dévorait le ciel. On eut donc recours à une catapulte qui fut actionnée par un bourreau. Le garçon invoqua alors : « Allah me suffit, Lui le meilleur des soutiens ! » Une fois dans les airs, il fut interpellé par Gabriel venu à son secours : « Que voudrais-tu à cet instant ?

  • Venant de Toi, rien, répliqua-t-il ! »[12]

  

 L’Archange lui-même ne parvint pas à entamer sa détermination inébranlable de se cramponner au plus fort de l’épreuve à Son Sauveur Bien-aimé sans se tourner vers aucune créature. Le Tout-Puissant décréta aussitôt : [Nous ordonnâmes alors : ô feu, sois d’une fraicheur inoffensive pour Ibrahim !].[13] Le stratagème des païens avait échouée : [Ils voulaient lui jouer un mauvais tour, mais Nous leur fîmes goûter une défaite humiliante][14] ; [Qu’on lui dresse un bûcher et qu’on le jette aux flammes, s’écria la foule • Décidée à lui jouer un mauvais tour, mais nous leur infligeâmes une défaite humiliante].[15] Abraham incarne le symbole de la fidélité, de la loyauté, et de la sincérité dans son combat au service du Créateur Tout-Puissant ; il ne peut que triompher et son triomphe résonne dans la nuit des temps pour éclairer la voie aux générations futures dans la quête et la défense de la vérité qui les amène à briser les idoles et à faire face aux tyrans.

 

[Et lorsqu’Ibrahim avertit son père et son peuple : je désavoue complètement ces dieux qui sont les vôtres • Moi, je m’oriente uniquement vers Celui qui m’a créé, car Lui seul me guide sur le droit chemin • Il en fit une parole qui devait se perpétuer dans les rangs de ses héritiers ; ainsi reviendront-ils vers Leur Seigneur][16] ; [Sachez, fustigea Ibrahim, que les dieux qui font l’objet de votre adoration • depuis vos lointains ancêtres • sont mes ennemis déclarés, car, moi, je n’en reconnais qu’un, le Maitre de l’Univers][17] ; [Telle est la preuve éclatante avec laquelle Nous avons armé Abraham contre son peuple ; Nous élevons en degré qui Nous voulons, car Ton Seigneur est Sage et Omniscient • Nous lui donnâmes pour enfant Isaac et Jacob que Nous guidâmes sur la bonne voie, comme Nous l’avions fait pour Noé auparavant ; et Nous mîmes dans sa descendance David, Salomon, Job, Joseph, Moïse, et Aaron ; c’est ainsi que Nous récompensons les hommes de bien • Ainsi que Zacharie, Jean-Baptiste, Jésus et Élie qui étaient tous des vertueux • Et Ismaël, Élisée, Jonas et Loth que Nous avons tous préférés au reste de l’Humanité].[18]

 

Le miraculé prit le chemin de l’exil en compagnie de son femme, Sâra, et Loth, son neveu qui étaient les seuls à avoir rallié sa religion. Ce noyau de la foi s’installa sur les terres de Canaan, la Palestine antique, ce pays ruisselant de lait et de miel. Plus tard, Loth se rendra à Sodome pour y prêcher le culte du Dieu unique. La famine conduisit son oncle en Égypte où régnait le roi Abimélec, l’ancêtre des Pharaons, qui, subjugué par la beauté de Sarah, voulait l’ajouter à son « Harem », déjà bien garni. Pour la sauver de ses griffes, le Patriarche employa un artifice ayant fait renoncer le despote à son projet macabre. « Elle est ma sœur, s’écria-t-il » Il n’avait pas menti. Elle était sa sœur en religion. Abram avait déjà eu affaire à un tyran en la personne de Nemrod qui avait mis la Mésopotamie sous son joug implacable. Cet impétueux lui avait clamé au visage qu’il avait le pouvoir de vie et de mort sur ces sujets, au même titre que le Créateur des cieux et de la terre. La réplique qui confondit cet incrédule ne se fit pas attendre : [Dieu fait venir le soleil de l’orient, alors fais-le venir de l’autre côté].[19] 

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[2] Depuis les travaux pionniers de McClure en 1976 sur le climat de la Péninsule arabique, nous connaissons l’existence de deux périodes humides au cours des 30 derniers millénaires. Les lacs, de forme allongée, avaient parfois plusieurs kilomètres de longueur. D'après l'épaisseur des différentes couches, McClure estime que ces lacs ont pu avoir de l'eau en permanence durant un certain temps : de plusieurs années à plusieurs centaines d'années. On n'a retrouvé ni restes de poissons ni restes d'oiseaux, mais les os de Vertébrés sont assez abondants, avec une faune comprenant non seulement des oryx et des gazelles, mais aussi des bovidés et, même, le genre Hippopotamus, qui exige une eau permanente. McClure estime qu'à cette époque, en raison de pluies de mousson estivales assez marquées, les dunes, stabilisées, étaient couvertes d'une végétation arbustive ou herbacée du type actuel, mais beaucoup plus dense et luxuriante qu'aujourd'hui.  

Voir : http://www.persee.fr/docAsPDF/paleo_0153-9345_1992_num_18_1_4560.pdf

Voir également : http://books.openedition.org/cefas/1585?lang=fr#bodyftn4

[3] Jacques Benoist-Méchin, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume.

Les chasseurs du Rub Al-Khali chassaient l'oryx, la gazelle, le guépard, le chacal, l'hyène, le renard et l'autruche. Les lacs, nombreux, couvraient chacun plusieurs km2 et certains, comme celui de Jubba, étaient très vastes. Les données sont indicatrices d'eaux stagnantes, mais au-dessus elles témoignent de la présence d'eaux douces telles qu'on en trouve aux latitudes moyennes, avec des profondeurs de l'ordre de la dizaine de mètres.

Le chercheur Whitney remarque qu’en Arabie occidentale, une phase humide aurait permis l'établissement d'une couverture végétale assez dense, et aurait été ensuite remanié par le ruissellement.

Voir : http://www.persee.fr/docAsPDF/paleo_0153-9345_1992_num_18_1_4560.pdf

[4] Deutéronome ; 33.1-3 

[5] Les Figuiers ; 1-3

En exégèse à ce Verset, ibn Jarîr e-Tabarî souligne : « Ce pays paisible est épargné de se faire attaquer ou envahir par ses ennemis. Une autre hypothèse avance que paisible (amîn) à le sens ici d’abri, d’asile, de refuge. » Jâmi’ el bayân (30/341-342).

[6] Notamment : « Dieu vient de Témân, le Saint du mont Parân. Sa majesté comble le ciel. Sa louange emplit la terre. La lumière devient éclatante. Deux rayons sortent de sa propre main : c’est là le secret de sa force.» Habaquq ; 3.3-4

[7] La Genèse ; 16.7-16

« sa main sera contre tous, et la main de tous sera contre lui » semble être une malversation de : « sa main sera au-dessus de tous, et la main de tous sera sous la sienne. » Le sens est ainsi radicalement différent ! Par ailleurs, l’expression « âne sauvage » qu’André Chouraqui traduit par « onagre humain » est une transformation du terme hébreu para désignant la multitude, et qui colle mieux au contexte.

[8] Ibrâhîm ; 24

[9] Le bétail ; 76

[10] Les rangées d’anges ; 91

[11] Les prophètes ; 68

[12] El Baïhaqî cite l’anecdote d’Ibrahim dans shu’ab el îmân (2/104).

[13] Les prophètes ; 69 Le hadîth sur le sujet est rapporté par el Bukhârî (4563).

[14] Les prophètes ; 70

[15] Les rangs ; 97-98

[16] Les ornements ; 26-27

[17] Les poètes ; 75-77

[18] Le bétail ; 83-86

[19] La vache ; 258

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7 août 2019 3 07 /08 /août /2019 11:29

Est-il vrai que les musulmans ont fabriqué une fausse version de l’AT ? 4/4

 

L’invention du manuscrit

 

L’histoire du texte peut être éclairante. Aucune édition ancienne n’a jamais été retrouvée. La copie datant du XVIII e siècle conservée à la Bibliothèque nationale de Vienne est rédigée en italien avec quelques annotations en arabe ; 506 feuillets de petit format sous une reliure en cuir qui la font ressembler à un gros livre d’heures. À la suite de la découverte du vol dans un musée d’Ankara d’un papyrus prétendument vieux de mille cinq cents ans qui aurait contenu celui de l’Évangile de Barnabé, certains musulmans veulent absolument croire que l’original perdu date des premiers temps du christianisme. Pour l’un des meilleurs spécialistes, un argument interne conduit à une datation nécessairement beaucoup plus récente. Dans l’Évangile de Barnabé, Jésus évoque les temps messianiques de l’avenir et ajoute : « et l’année du jubilé qui maintenant revient tous les cent ans reviendra chaque année et en tout lieu à cause du Messie » (EB LXXXII, 209). « Le jubilé était une institution juive périodique tombant tous les cinquante ans. Le jubilé tous les cent ans fut une exception dans l’Église romaine lorsque fut décrétée en 1300 une année jubilaire qui aurait dû se renouveler cent ans plus tard. Mais, dès 1350, la périodicité augmenta. Il y eut un jubilé en 1350 et ensuite tous les vingt-cinq ans. Que les années jubilaires au lieu de tomber tous les cent ans se soient multipliées est un phénomène qui nous reporte après 1350. »

 

Jacques Jomier, « L’Évangile de Barnabé, à propos d’un apocryphe », Esprit et Vie, n o 22, novembre 1999.

 

Quoique d’autres experts plus indulgents acceptent de faire remonter la datation du texte au Moyen Âge voire à la Renaissance, plusieurs éléments devraient maintenir en alerte l’esprit critique. Ni l’analyse de l’encre ni l’étude du papier ne permettent de beaucoup progresser dans la datation non seulement de la copie en italien, mais du texte lui-même, c’est-à-dire de remonter avant le XV e siècle. En effet, au cent soixante dix-huitième chapitre, l’auteur de l’Évangile de Barnabé fait référence à « neuf cieux », lesquels apparaissent en 1472 dans la première édition, en italien, de La Divine Comédie de Dante. Or, la cosmologie du Coran ne connaît encore que sept cieux : « C’est lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre. Il s’est ensuite tourné vers le ciel qu’il a organisé en sept cieux » (II, 29). Peut-être faut-il se tourner vers les circonstances de la découverte du manuscrit pour en savoir plus. Dans son ouvrage Nazarenus publié à Londres en 1718, Le Nazaréen ou le christianisme des juifs, des gentils et des mahométans, un auteur presbytérien d’origine catholique mais qualifié de libre-penseur, John Toland (1668-1722), raconte avoir découvert le manuscrit de l’Évangile de Barnabé quelques années plus tôt, en 1709, un « évangile mahométan », écrit-il. À l’en croire, ce manuscrit aurait appartenu à Johann Friedrich Cramer, consul de Frédéric I er, résident du roi de Prusse à Amsterdam, lequel le détenait d’un haut personnage qui y tenait beaucoup.

 

Toland qui l’aurait lu alors à Amsterdam aurait révélé aussitôt son importance à Cramer, mort en 1715, sans pouvoir ni le confirmer ni le contredire. Puis Toland se serait entremis pour que le prince Eugène de Savoie en fasse l’acquisition. De l’Évangile de Barnabé, il existe également une copie en espagnol. Le premier à l’avoir vu est George Sale, qui a traduit le Coran en anglais pour la première fois en 1734 et qui l’évoque dans son introduction. Pourtant, la traduction espagnole aurait été faite d’après la traduction italienne, selon le prologue ajouté à l’Évangile (qui ne craint pas le roman-feuilleton : caché au Vatican, un religieux aurait subtilisé le manuscrit espagnol dans la bibliothèque personnelle du pape Sixte Quint [1585-1590] et après sa lecture se serait converti à l’islam). Une copie du manuscrit espagnol appartient aujourd’hui à la Fisher Library de l’université de Sydney, mais sous une forme incomplète : les chapitres 120 à 200 inclus manquent sur un total de deux cent vingt-deux.

 

L’auteur inconnu

 

Mais peut-être faut-il se concentrer sur deux faits des plus simples pour éviter de se perdre en conjectures : la langue du texte et son « inventeur ». D’une part, la plus ancienne copie complète du texte n’existe pas en arabe mais en italien. Or il s’agit d’un mauvais italien, reproduit par un copiste dont manifestement ce n’est pas le métier ni même la langue maternelle. D’autre part, cet unique exemplaire a été découvert par un auteur, John Toland, qui le cherchait depuis longtemps et qui voit dans sa découverte l’instrument de la Providence : « Enfin, même après avoir longtemps désespéré de me trouver jamais mieux instruit sur cet évangile, j’ai eu le bonheur de le trouver lui-même, traduit en italien par un renégat apparemment, ou pour l’usage des renégats ; car la transcription en a été très certainement faite par un mahométan. » Beaucoup d’hypothèses ont été avancées pour cerner l’origine de l’Évangile. On a envisagé une source judéo-chrétienne remaniée et incorporée ultérieurement dans une apologie musulmane. Plus solidement, on a pu supposer que l’auteur aurait été un « morisque », un de ces musulmans espagnols convertis en apparence au christianisme après la Reconquista, mais conservant leur religion musulmane, comme les marranes du Portugal étaient demeurés juifs tout en semblant catholiques. L’orientaliste Henry Corbin était-il sur la voie quand il imagina que l’auteur de l’Évangile de Barnabé avait écrit bien plus qu’une « Harmonie évangélique » une « Harmonia Abrahamica » et qu’il fallait supposer « un élève de Pic de La Mirandole, un familier de l’Académie platonicienne de Florence que ses études orientales auraient conduit à compiler cet évangile pour son usage personnel ».

 

Pour l’auteur du Nazarenus, ce manuscrit prouve que les musulmans – ceux qu’on appelle alors les « mahométans » – ont bien un évangile dont le résumé serait contenu dans le Coran « comme si quelqu’un [d’obédience mahométane] eût entrepris d’introduire un nouvel Évangile à la place des quatre reçus chez tous les chrétiens. Mais je suis certain, écrit précautionneusement Toland, que toute crainte à cet égard se dissipera entièrement, et que Matthieu, Marc, Luc et Jean défendront leur terrain contre Barnabas, auteur prétendu de l’Évangile des mahométans ». Même si John Toland l’affirme avec plus de ruse que de prudence (nous sommes au début du XVIII e siècle, et la critique du Nouveau Testament n’est pas chose aisée, même en Angleterre), la découverte de cet Évangile va bien au-delà de l’enrichissement de la bibliographie coranique. John Toland annonce Voltaire dans sa critique du christianisme. Son livre Amyntor (du nom mythologique de la mère de Phénix), publié en 1699, a été une remise en question du canon du Nouveau Testament, ainsi que l’un des premiers recensements critiques des textes dits apocryphes. Toland veut montrer que l’hérésie n’est pas une évidence qui s’impose naturellement, mais une construction dont la légitimité repose souvent sur le droit du plus fort. Surtout, le déisme de John Toland ressort très nettement conforté par la découverte de ce nouvel Évangile – « quoiqu’il n’ait peut-être plus toute la pureté qu’il a eue dans son origine ». Voici en somme un texte réputé archaïque qui permet de faire apparaître les points communs entre les trois monothéismes, de défendre une conception « moderne » du monothéisme que la doctrine mahométane, rompant avec la superstition comme avec l’apport néfaste de Paul, parvient, selon lui, à épurer. Esprit très éclairé pour son temps, John Toland est-il pour autant au-dessus de tout soupçon ? L’homme, apprend-on, était grand amateur de pseudonymes – dont celui de « Janus » ! S’il a lu dans le texte l’Évangile de Barnabé, c’est donc que Toland comprenait l’italien. L’inventeur du manuscrit, pour aller plus loin dans le soupçon, aurait-il pu l’écrire lui-même ? Ou à tout le moins inspirer la plume du lettré, et excellent connaisseur de la littérature chrétienne primitive, qu’a été indéniablement l’auteur de cet « apocryphe incontesté », selon les termes de Louis Massignon dans la Revue du Monde musulman ou de cette « fumisterie » (Gaukelei), selon le mot d’Ignaz Goldziher dans ses études sur le Coran (Die Richtungen der islamischen Koranauslegung, 1920, p. 342 11 ).

 

Quant au père Lagrange, le directeur de l’École biblique et archéologique de Jérusalem, il eut cette appréciation dans une recension : « c’est un curieux monument d’un étrange état d’âme ; il n’est pas aussi ennuyeux que d’autres apocryphes ». Le désir de découvrir un texte inconnu produirait-il des miracles ? On peut se le demander en se souvenant de la découverte de l’Évangile secret de Marc dont l’histoire ressemble curieusement à celle de la découverte de l’Évangile de Barnabé. C’est à l’intérieur d’une lettre de Clément d’Alexandrie, conservée parmi les ouvrages de la bibliothèque du monastère de Saint-Sabas, dans le désert de Juda, à vingt kilomètres de Jérusalem, que le savant anglais Morton Smith avait découvert en 1958, copiée au XVIII e siècle sur un folio resté vierge et au revers de la reliure, une version longue, quoique incomplète, du chapitre 10 de l’évangile de Marc, comprenant deux passages inconnus, le tout intitulé « Évangile secret ». Le document fut aussitôt objet de controverses, notamment à cause de la thèse défendue par Morton Smith assurant que le Jésus historique baptisait ses disciples lors d’un rite secret et nocturne. « L’étude du manuscrit de la lettre de Clément reste pour l’instant grevée d’une troublante incertitude. En dehors de Morton Smith, aucun autre savant n’a eu accès au document original et ne l’a examiné dans sa matérialité », écrit Jean-Daniel Kaestli dans sa présentation du texte. Des savants comme Pierre Geoltrain ou Martin Hengel étaient convaincus qu’il s’agissait d’une mystification savante imitant l’écriture du XVIII e siècle et le style de Clément d’Alexandrie, d’autant que, depuis son transfert au patriarcat orthodoxe de Jérusalem, l’original est demeuré introuvable. L’Évangile de Barnabé ne serait-il pas comme l’Évangile secret de Marc une forgerie savante, même s’il continue d’être largement mis à contribution par beaucoup de commentateurs musulmans ?

 

Conclusion

 

Je la formulerais sous forme de conseil à notre ami Karim sous la forme d’une recommandation que Sufiân [probablement e-Thawrî] envoya à ‘Abbâd ibn ‘Abbâd par courrier : « … Ne compte pas parmi ceux qui aiment que leur parole soit exécutée, qu’elle soit répandue, ou, pour le moins, écoutée de sorte que dès qu’on s’abstient de le faire, cela se voit immédiatement sur eux. Ne recherche surtout pas le pouvoir qui est plus alléchant aux yeux d’un homme que l’or et l’argent. Ce domaine est si obscur que seuls les savants simsâr (chevronnés ndt.) peuvent en détecter les contours. Remets-toi en question et œuvres avec intention. Sache que les hommes se rapprochent d’une époque où la mort sera préférable à celle-ci. Salâm ! »[1]

 

La seule chose que nous demandons à Karim est de redescendre sur terre. Si cela est clair, alors revenons à la crucifixion…

                           

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

[1] Dham el hirs wa el mâl d’ibn Rajab.

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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 11:17

Est-il vrai que les musulmans ont fabriqué une fausse version de l’AT ? 3/4

 

Le loup qui se mord la queue

 

Selon Abû Huraïra, le Messager d’Allah (r) a prédit : « À la fin des temps, il y a aura des hommes qui vont mêler la religion avec les choses de ce bas monde. Ils feront passer aux yeux des gens la peau de chèvre pour du poil doux. Leur langue sera plus mielleuse que le sucre, mais ils auront des cœurs de loups.

Allah (U) révèle : « Osez-vous mentir sur Moi ? Osez-vous vous ériger contre Moi ? Par Moi ! Je jure que Je vais envoyer une épreuve à ces gens-là ébahissant le plus posé d’entre eux. » » [Rapporté par e-Tirmidhî (n° 2404) et el Baghawi dans Sharh e-sunna (14/394).]

 

« Deux loups au milieu des moutons ne sont pas plus nuisibles pour la religion de l’individu que son attachement aux biens et aux honneurs. »[1]

 

Si le ridicule tuait, Karim Hanifi aurait épuisé ses sept vies ! Lui qui passe son temps à tirer un portrait ridicule des musulmans et à s’en délecter du haut de sa tour d’Ivoire, vient de tomber, par ses élucubrations, de son piédestal. Il est tellement obnubilé par la Bible qu’il en oublie ses fondamentaux. Un peu de retenue, voyons, un minimum ! Je veux bien qu’il ait pris les musulmans à contre-pied avec cette histoire de Barnabé, mais on ne lui a pas demandé d’en faire une fixation et de le remettre sur la table à chaque fois qu’il veut dénigrer les musulmans. Il remue le couteau dans la plaie, mais, force est de constater qu’il se l’enfonce dans le cou. Je veux bien que les musulmans aient falsifié un évangile, mais de là à imaginer qu’ils aient récidivé avec l’AT, d’où sont issus la plupart des annonces prophétiques, c’est une aberration sans nom. Matériellement, il serait beaucoup plus difficile de reproduire le texte vétérotestamentaire qu’un exemplaire du nouveau canon biblique.

 

Or, sur ce fameux pseudépigraphe imputé à Barnabé, il règne encore des zones d’ombre énorme. Karim le situe au 13ième ou 14ième de notre ère, mais il a pu tout aussi bien avoir vu le jour beaucoup plus tard. On ne connait pas l’identité de son auteur, il est impossible en l’état actuel des recherches de le dater, mais une chose est sûre c’est que les érudits médiévaux ne l’ont jamais utilisé pour fustiger la chrétienté, on l’aurait su, et les références chrétiennes s’en seraient indignées ; a-t-il subi plusieurs couches de rédactions dont la première par des non-musulmans ou des nouveaux convertis ? Où fut-il répandu si tant est que son original ait existé ? Existe-t-il réellement une version arabe ? Y existait-il des versions en Syrie à l’époque d’ibn Taïmiya ? Qui parmi les hérésiographes y fait mention ne serait-ce que pour le cautionner ? Pourquoi, l’affabulateur ibn Kathir n’en parle pas dans son encyclopédie ? Cherchait-il à cacher l’arme du crime ? À partir de quel moment les musulmans l’ont-ils utilisé en masse comme argument contre les chrétiens ? N’est-il pas finalement qu’un conflit moderne ? Qu’en est-il de cette fameuse épître de Barnabé ? Toutes ses questions et tant d’autres méritent de prendre la chose avec un peu plus de sérieux, au lieu de se lancer dans des conjectures dignes d’une discussion de comptoir. Une recherche qui se respecte réclame de la pondération dans le seul but de parvenir à la vérité, sans faire dans le sensationnel et jouer sur la corde de l’émotion puérile en vue de faire adhérer à ses idées. La recherche est neutre, et n’a pas pour vocation d’enfler son égo surdimensionné ni de rabaisser ses adversaires idéologiques… 

Quoi qu’il en soit, l’affaire Barnabé est beaucoup plus complexe qu’elle n’y parait. Les auteurs Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, qui par le passé, nous l’avons vu, réfute indirectement Romain sur la question de la conservation de la Bible et de la crucifixion, apporte des éléments de réponse dans Jésus selon Mahomet. Leur style décomplexé dépassionne les débats, et élève le niveau de réflexion, loin des enfantillages auxquels Karim veut nous mêler. Alors, lisons-les :

 

L’Évangile de Barnabé serait dû à l’un des disciples de Jésus, celui qui introduisit Paul de Tarse auprès des apôtres à Jérusalem : « Alors Barnabé le prit avec lui et l’amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le chemin, Saul [Paul] avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé et avec quelle assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus » (Ac 9,27). Barnabé fut plus tard le premier compagnon de voyage de Paul. « Il l’amena à Antioche. Toute une année durant ils vécurent ensemble dans l’Église et y instruisirent une foule considérable » (Ac 11,26). Le choix de Barnabé comme figure tutélaire d’un évangile (Barnabas – étymologiquement « fils de prophète » ou « fils de la consolation ») semble présenter toutes les garanties d’authenticité. De fait, il est devenu une référence majeure de l’islamologie populaire, mais pas uniquement comme en témoigne notamment le récent ouvrage Jésus. Prophète de l’Islam (1977) de Muhammad Ata Ur-Rahim qui s’y réfère constamment.

 

L’histoire de l’Évangile de Barnabé commence véritablement au début du XX e siècle quand le texte fut imprimé pour la première fois. À peine la première édition critique venait-elle d’être publiée avec la traduction anglaise que le texte fut traduit en arabe au Caire, sous le patronage de la revue réformiste Le Manar (1908). Célébré comme « l’évangile authentique » par opposition à ceux de la littérature chrétienne canonique ou apocryphe, cet évangile est présenté alors ni plus ni moins comme le seul et véritable évangile à l’exclusion de tous les autres. Les prophéties du Coran y seraient clairement validées, preuve s’il en fallait de la falsification des évangiles chrétiens qui ignoreraient ou feindraient d’ignorer les annonces de la venue de Mahomet. Barnabé confirmerait – entre autres – la sourate IV du Coran et les interprétations qu’en ont données les premiers savants musulmans. Il établirait noir sur blanc que Jésus n’aurait pas été crucifié mais que Judas l’a été à sa place. Ainsi, depuis plus de cent ans, cet évangile s’est-il transformé en arme dans la polémique engagée par l’islam contre le christianisme. Aujourd’hui, pour une part importante de l’islam, l’Évangile de Barnabé a même valeur de preuve, comme le suaire de Turin, linge peint au XIV e siècle, a toujours valeur de relique authentique pour un grand nombre de catholiques.

 

La fausse relique

 

L’argument fondamental des tenants de l’Antiquité (et par conséquent de l’authenticité de l’Évangile de Barnabé) serait d’ordre historique. Selon eux, cet évangile était connu dès l’Antiquité, mais il fut rejeté par la grande Église au motif qu’il soutenait une profession de foi hérétique. Ce qui expliquerait pourquoi, la tradition manuscrite étant quasi inexistante, le texte aurait disparu si par chance n’avait été découverte une copie au début du XVIII e siècle en Europe.

 

La preuve, c’est qu’une mention officielle de l’existence de cet évangile figure vers la fin du V e siècle dans un document du pape Gélase, reprenant des éléments de la fin du IV e siècle, le Décret de Gélase. Ce décret énumère une liste de textes agréés par l’Église tandis qu’elle en proscrit d’autres. C’est parmi ces derniers, qui doivent « être évités par les catholiques », que figure l’écrit intitulé Évangile de Barnabé, au milieu d’autres textes considérés comme apocryphes étant les Actes d’André, les Actes de Philippe ou l’Évangile de Jacques le Mineur, l’Évangile de Mathias, l’Évangile de Pierre, l’Évangile de Thomas. Certains de ces textes sont demeurés inconnus jusqu’à nos jours, d’autres n’ont été découverts qu’assez récemment comme les manuscrits copiés sur papyrus de l’Évangile de Pierre, retrouvé à Akhmîm en 1886-1887, ou de l’Évangile de Thomas, retrouvé également en haute Égypte, à Nag Hammadi, en 1945. Pourtant, sans même entrer dans la discussion sur la datation exacte et sur la fiabilité même du décret dit « gélasien » – amalgame, semble-t-il, de plusieurs textes d’origines diverses –, on ne voit aucun commencement d’argument strictement épigraphique ou textuel pour garantir que le récit actuellement connu sous le nom d’Évangile de Barnabé corresponde à ce titre.

 

Le texte connu se présente sous la forme de deux cent vingt-deux chapitres, soit un évangile nettement plus long que les quatre évangiles canoniques qui, de Marc à Jean, en comptent environ une vingtaine. Sa lecture complète montre qu’il s’agit d’un évangile qui connaît dans le détail Marc, Matthieu, Luc et Jean. En ce point il est comparable au Diatessaron de Tatien, cette forme populaire d’anthologie des évangiles élaborant un seul récit à partir des quatre évangiles, leur donnant cohérence en écartant leurs divergences et leurs contradictions. Bien que le Diatessaron ait constitué un évangile unique très répandu dans le christianisme primitif et spécialement dans l’Orient chrétien, au moins jusqu’à la fin du V e siècle, aucun exemplaire n’a jamais été retrouvé. Le contenu de cette harmonie évangélique ne nous est connu qu’indirectement par les citations d’un commentaire d’Éphrem le Syrien, né à Nisibe vers 306 et mort à Édesse en 373.

 

Ne serait-ce qu’à ce titre, l’Évangile de Barnabé semblerait un témoin précieux d’une autre forme de Diatessaron puisqu’on y lit une version autre de la vie de Jésus. Avec une aisance d’écriture et une liberté de narration qui n’ont d’égal que leur grande familiarité avec les récits chrétiens, le récit attribué à l’apôtre Barnabé n’hésite pas à combiner et à augmenter les évangiles plutôt qu’à simplifier et à retrancher. Il utilise beaucoup d’épisodes propres à Luc et à Jean, outre un récit de la création et une évocation d’Abraham reformulant à sa manière son interprétation de la Bible, et affiche des positions résolument antipauliniennes, hostiles à la théologie antijuive de l’apôtre Paul.

 

Ce qui est pour le moins curieux de la part de celui qui aurait été l’un de ses plus proches compagnons, mais Luc, l’auteur putatif des Actes des Apôtres, est lui aussi très peu paulinien en dépit des apparences. L’Évangile de Barnabé laisse surtout penser qu’il est « musulman » ou protomusulman. Selon l’Évangile de Barnabé, les ismaélites – dénomination essentiellement chrétienne des premiers musulmans – étaient déjà présents à l’époque de Jésus, la promesse faite à Abraham l’avait été au sujet d’Ismaël et non d’Isaac (EB XLIII-XLIV). L’ange Gabriel avait fait descendre le livre de Dieu sur Jésus « comme un brillant miroir » (EB X, 56). C’est déjà un Coran. Adam lui-même voyait dans le ciel des lettres étincelantes qui clamaient sa profession de foi : « Il n’y a qu’un seul dieu, et Muhammad est le messager de Dieu » (EB XXXIX, 117), inscription dont le Créateur livre dans le texte l’exégèse en réponse aux questions du premier homme. Jésus n’est ainsi que le précurseur de Mahomet, il le dit et le répète : « Je ne suis pas digne de dénouer les courroies des chaussures ni les lacets des sandales du Messager de Dieu que vous appelez le Messie. Celui-là est fait avant moi et viendra après moi » (EB XLII, 125), écho manifeste de Jean le Baptiste dans l’évangile selon Jean : « je ne suis même pas digne de dénouer la lanière de sa sandale » (Jn 1,27). Jésus a bien prévenu ses disciples qu’il leur faudra attendre sans doute quelques siècles celui qui doit venir : « Je suis venu dans le monde pour préparer la voie au messager de Dieu qui portera le salut du monde. Mais prenez garde d’être trompés, car beaucoup de faux prophètes viendront qui pilleront mes paroles et contamineront mon évangile […]. Il ne viendra pas de votre temps, mais bien des années après vous » (EB LXXII, 185).

 

Par ailleurs, conformément au Coran, Jésus sait qu’il ne sera crucifié qu’en apparence mais, plus précis que le Coran, il sait aussi que ce sera sous les traits de Judas. « Même si je suis assuré que celui qui me vendra sera tué sous mon nom car Dieu m’enlèvera du monde et transformera tellement le traître que chacun croira que c’est moi, comme il mourra mal, je resterai néanmoins longtemps avec ce déshonneur dans le monde. Mais quand viendra Muhammad, messager sacré de Dieu, cette infamie sera enlevée. Dieu le fera parce que j’ai proclamé la vérité du Messie. C’est celui-ci qui me donnera la récompense : on saura que je suis vivant et étranger à cette mort infâme ! » (EB CXII, 277).

 

Ce tour de passe-passe revêt une telle importance pour l’Évangile de Barnabé que le vrai récit de la crucifixion y est rappelé à nouveau à la toute fin du texte comme son point d’orgue. « Je fus innocent dans le monde, mais comme les hommes m’ont appelé Dieu et fils de Dieu, Dieu a voulu, pour que je ne sois pas raillé par les démons au jour du jugement, que les hommes me bafouent dans le monde par la mort de Judas en faisant croire à chacun que c’était moi qui étais mort sur la croix. Aussi cette dérision durera-t-elle jusqu’à la venue de Muhammad, le messager de Dieu » (EB CCXX, 497). En guise d’épilogue, Jésus charge Barnabé d’écrire son évangile pour décrire tout ce qui lui est arrivé durant son séjour sur terre. Cela va de pair avec la part cachée que Barnabé est chargé de révéler. « Écris de même, lui dit Jésus, tout ce qui est arrivé à Jésus, pour que les fidèles soient détrompés et que chacun croie à la vérité ! » Trois jours plus tard, Jésus réunit ses disciples, du moins ceux qui n’avaient pas fui, juste avant l’Ascension. Ils prennent peur de le voir parmi les anges. « Il en réprimanda beaucoup qui croyaient qu’il était mort et ressuscité. Nous prenez-vous, moi et Dieu, pour des menteurs ? Dieu m’a donné de vivre jusqu’aux approches de la fin du monde comme je vous l’ai dit. Je vous le dis, je ne suis pas mort, c’est le traître Judas qui est mort. Prenez garde, Satan fera tout pour vous tromper ! » (EB CCXI, 499).

 

Malgré son extraordinaire prescience du contenu futur de la révélation coranique, l’auteur ne craint ni les invraisemblances ni les erreurs géographiques : Nazareth se retrouve au bord du lac de Tibériade à la place de Capharnaüm, et Capharnaüm sur une montagne… Sur le plan chronologique, l’évangéliste ne s’embarrasse pas davantage de rendre contemporains Hérode le Grand et Pilate, en dépit de la trentaine d’années qui sépare leur pouvoir sur la Judée. Mais laissons faire ces petits détails…

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Rapporté par e-Tirmidhî (2376) et Ahmed (3/456), selon Ka’b ibn Mâlik (t).

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4 août 2019 7 04 /08 /août /2019 11:34

 

Est-il vrai que les musulmans ont fabriqué une fausse version de l’AT ? 2/4

 

Bilan

                                                                                   

Alfred Morabia décrit avec beaucoup de sérénité les travaux d’ibn Taïmiya qui, pourtant, prend à partie les membres de sa communauté. On sent qu’il lui voue presque de l’admiration, ou, en tout cas, il lui reconnait son érudition, son équité, son exactitude scientifique au niveau des faits relatés et au niveau… des sources. Il ne prend pas une posture hautaine et méprisante, il ne laisse pas entendre que le doyen damascène est nul en hébreux, que sa réfutation est faible dans le domaine des annonces prophétiques ni qu’il est un affabulateur collectionneur de faux écrits. Il n’est pas infatué de lui-même tel un loup dans une bergerie,[1] il ne se donne pas en spectacle devant des admirateurs en extase…

 

Il se contente de ramener des faits d’une valeur historique inestimable. On apprend dans un premier temps qu’ibn Taïmiya reprend à son compte les écrits des polémistes et hérésiographes musulmans. Je l’avais déjà remarqué avec Le cadi Ja’farî et son fameux Takhjîl man harrafa at-Tawrât wal  Injîl dont j’ai traduit les 84 annonces de Mohammed dans la Bible. Cet auteur est mort en l’an 668 de l’Hégire, soit exactement 70 ans avant ibn Taïmiya, ce qui réduit considérablement le champ d’investigation de notre énergumène. Il va bien falloir que tu nous dises à quelle date exacte fut fabriqué Barnabé afin que nous fassions les mêmes recoupements hasardeux dignes de l’inspecteur Gadget ! Parmi les sources d’inspiration du polémiste hanbalite, il y a ibn Hazm, mais est-ce vraiment une révélation ? Sauf que ce dernier est mort en 1064. Donc, là nous sommes sortis, sans le moindre doute possible, du champ d’investigation de notre grand enquêteur, à moins qu’il nous démontre que Barnabé existait déjà à cette époque.

 

L’une des sources bibliques fondamentales que le Sheïkh d’ibn el Qaïyim a probablement utilisé n’est autre que Samaw'al al-Magribi, un mathématicien-médecin juif converti à l’Islam et qui a rendu l’âme aux environs de 1175. Ce dernier a consacré une réfutation à l’adresse de ses anciens coreligionnaires, et jusqu’à preuve du contraire, on ne peut le soupçonner d’ignorer la culture biblique ni d’avoir injectés des extraits d’une fausse Thora dan ses écrits. On l’aurait su. Une autre référence judéo-chrétienne qu’ibn Taïmiya reprend à son compte est Paul d’Antioche qui fait l’objet de sa fameuse réfutation aux chrétiens. L’activité littéraire de l’évêque de Sidon semble se situer entre 1140 et 1180, et toujours pas de trace d’une fausse Bible.

 

Alors, certes Alfred Morabia constate que les passages de la Bible empruntés par ibn Taïmiya pour démontrer que tous les prophètes d'Israël qui ont annonce la venue du Messie n'ont jamais soutenu que celui-ci serait le fils de Dieu, sont souvent tronqués. Or, Morabia le dit lui-même, il semble les avoir empruntées a l'ouvrage chrétien qu'il réfute ou a ses prédécesseurs hérésiographes et polémistes musulmans. J’avais constaté moi-même que les passages de la Bible qu’ibn Taïmiya utilise dans son jawâb e-sahîh sont parfois inexistants dans les versions actuelles. Et c’est d’ailleurs cette traduction, car bien sûr, nous savons tous désormais que notre spécimen n’est pas arabophone, qui a mis la puce à l’oreille à notre génie qui s’accroche à n’import quelle branche morte !

 

Il n’y a rien d’étonnant à ce que des différences soient notées d’une Bible à l’autre. J’avais moi-même utilisé pour cette traduction la version œcuménique et celle D’André Chouraqui qui dénotent parfois des divergences sensibles. Récemment, dans le cadre d’un article consacré à démontrer l’identité de l’enfant-sacrifice par la Bible (et même un peu avant en réalité), je suis tombé sur ce Verset Exode 5.1  « Moïse et Aaron se rendirent ensuite auprès de Pharaon, et lui dirent : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël : Laisse aller mon peuple, pour qu’il célèbre au désert une fête en mon honneur. »[2] Au milieu de toutes ces traductions qui tournent autour de la célébration d’une fête en l’honneur de Yahvé en plein désert, on dégote : « Ensuite, Moïse et Aaron vinrent dire au Pharaon : « Ainsi parle le SEIGNEUR, Dieu d’Israël : Laisse partir mon peuple et qu’il fasse au désert un pèlerinage en mon honneur. » Là, nous parlons de versions contemporaines entre elles, alors que dire de celles qui datent de 1000 ans. Il n’est pas sorcier d’y trouver des passages antagonistes avec celles d’aujourd’hui. Le problème, c’est que notre ami cherche désespérément à nous prouver que la Bible fut conservée, quitte à passer par ce genre de subterfuge, et quitte à passer pour un imbécile – quand on aime on ne compte pas –  ou bien est-ce lui qui prend ses ouailles pour des imbéciles !

 

Or, si nous nous penchons sur les travaux d’un autre chercheur, nous verrons que Paul d’Antioche n’est qu’un maillon de la chaine, tout comme la Lettre de Chypre qu’ibn Taïmiya s’évertue à fustiger. Laurent Basanese apporte de nouveaux éléments dans notre enquête dans Réponse raisonnable aux chrétiens ?  Il souligne que le Damasquin hanbalite répond à Élie de Nisibe, important évêque syro-oriental du Ve/XIe siècle, lequel eut des discussions théologiques de haute volée avec le vizir Abu al-Qasim al-Magribi, homme de grande culture et écrivain. Le théologien arabophone et grand historien chrétien a disparu en 1046, et toujours aucune trace d’un faux écrit biblique. Laurent Basanese procède à un tableau de comparaison entre le contenu de ses sept Entretien et les passages qu’ibn Taïmiya reproduit de cet ouvrage, et il s’est rendu compte de la similitude entre ces deux écrits, mais est-ce étonnant ? Notons qu’ibn Taïmiya consacre un long passage dans sa réfutation aux chrétiens où il fustige d’un point de vue purement rationnelle l’idée soutenue par Élie de Nisibe, et que Karim Hanifi reprend sans ambages mot pour mot, et selon laquelle la Bible ne fut  pas sujet à des pieux mensonges de la part des scribes, et qu’elle fut donc restée intacte et homogène à son époque.

 

Cela veut dire que cette démonstration d’ibn Taïmiya est valable pour démonter l’allégation incongrue de Sirugue qu’ibn Taïmiya aurait utilisé une fausse version de la Bible, pour défendre l’idée justement que la Bible fut conservée, ouf, on va y arriver !

 

Voici un extrait dans lequel Karim Hanifi en prend pour son grade et passe pour un menteur : « Les chrétiens pourraient avancer que le fils de Marie a validé cette Thora falsifiée. Ce à quoi nous répondons qu’il n’était déjà même pas en mesure de leur imposer de croire en lui et de lui obéir, alors comment aurait-il pu s’attacher à la réécriture du Pentateuque avec tous les exemplaires qui étaient entre les mains de ses contemporains ? Ces contemporains qui étaient près à faire couler son sang et à le mettre en croix, tellement il était impuissant face à leur rébellion. Il n’avait donc aucun moyen de réformer leurs écrits. Ce dernier se contenta d’entériner l’ensemble de la loi mosaïque, avec quelques abrogations et modifications qui restent, malgré tout, limitées. Cette loi mosaïque fut en partie travestie au niveau de l’esprit, à l’image de la lapidation que les juifs ont rejetée malgré qu’elle soit mentionnée noir sur blanc dans la Bible hébraïque.

 

Il existe une autre hypothèse selon laquelle la falsification partielle de la Bible eut lieu après l’avènement de l’Islam. Le nom de Mohammed notamment fut sciemment effacé des copies que les Juifs et les chrétiens avaient à disposition. Cela ne veut pas dire que tous les exemplaires sur la surface de la terre furent soumis à cette opération. Les nouvelles versions en partie travesties gagnèrent bientôt les rangs des deux communautés, et supplantèrent les copies originales pour devenir la norme. Nombreux sont les témoignages de musulmans qui eurent accès à ces originaux qui se faisaient de plus en plus rares. Ils remarquèrent très vite des variantes d’une version à une autre. Il est possible de le constater à notre époque en comparant les Thora juive, chrétienne et samaritaine qui décèlent des différences significatives entre elles.

 

L’Évangile loge à la même enseigne, tout comme les Psaumes qui dénotent des divergences encore plus substantielles d’une version à une autre. Nous ne parlons même pas des Livres historiques ou des prophètes. Cet état de fait ébranle le mythe de la version uniforme de la Bible. Les mêmes arguments que les pro-uniformités de la Bible utilisent pour éloigner l’hypothèse d’une quelconque altération se retournent contre eux. Car, ils démontrent en fait qu’il est impossible de le démontrer. Ils disent, en effet, qu’il est matériellement inconcevable que le Clergé et les rois s’entendent à falsifier toutes les copies existantes. Pour les placer face à leurs contradictions, il suffit de leur prouver que leur vision est encore plus invraisemblable. Eux qui prétendent que le Clergé et les rois auraient vérifié les traductions écrites dans soixante-douze langues en procédant à une comparaison entre toutes les copies existantes, pour arriver à la conclusion qu’elles sont uniformes. Il est donc plus invraisemblable de prétendre qu’elles sont uniformes que de prétendre qu’elles sont toutes falsifiées. Dans les deux cas, il est impossible de toutes les comparer. Dans l’hypothèse où il serait possible de les réunir de façon exhaustive, le cas échéant, il serait plus facile de les falsifier que de toutes les comparer. Il est plus facile de falsifier dix copies que de les vérifier une par une.

 

J’ai moi-même constaté des modifications énormes d’une Bible à une autre. J’ai eu sous la main plusieurs versions des Psaumes qui sont toute aussi différentes les unes que les autres. J’ai également pu lire plusieurs passages de la Thora utilisée par l’Église nestorienne et qui diffère de celles des autres confessions chrétiennes. Pourtant, [aux yeux d’Élie de Nisibe,] elle serait intacte et authentique, car communément transmise. Nous pouvons dire la même chose pour l’Évangile. Il est donc absurde de prétendre qu’il est désormais impossible de la modifier.

 

Il n’est déjà même pas possible de vérifier toutes les versions traduites juste en arabe, alors que dire du reste de la Septante ? Contrairement au Coran, il existe peu de candidats juifs pour mémoriser l’AT, et aucun chrétien ne peut se vanter de connaitre par cœur la Bible dans sa propre langue, alors que dire dans soixante-douze langues ! Et, en admettant qu’une poignée de chrétiens la contiennent effectivement dans le cœur, ce serait des cas rares, et donc, insuffisant pour la préserver des aléas.

 

Ainsi, la falsification a été possible avant qu’une même version se multiple, non après. Ensuite, cette même version est susceptible d’être manipulée à certains endroits, tout en gardant une ossature homogène. Ce cas de figure est tout à fait envisageable, et c’est même ce que nous constatons pour la Bible actuelle.

 

Je suis tombé sur une version des Psaumes dans laquelle le nom de Mohammed est explicitement cité, alors qu’après vérification, il est absent des autres versions. Il est donc tout à fait concevable que la description du Prophète (r) apparaissent uniquement dans certaines d’entre elles. Notre postulat de départ, selon lequel Mohammed est nommé dans la Bible est indéfectible, car c’est le Coran qui le dit. Nous avons déjà le v. 157 de la s. Les murailles, mais aussi : [Et lorsque Jésus fils de Marie fit savoir à son peuple : enfant d’Israël, Allah m’envoya vers vous en tant que Messager pour corroborer la Thora qui fut révélée avant moi, et pour annoncer la venue prochaine d’un Messager du nom d’Ahmed, mais dès lors qu’il leur présenta des preuves éclatantes, ils crièrent à la magie manifeste !].[3]

 

À l’époque du Messager, il y avait de nombreuses versions de la Bible répandues un peu partout dans le monde. De deux choses l’une, soit des modifications ont été opérées sur seulement certains exemplaires, soit son nom est toujours présent dans toutes les versions existantes. Cette dernière hypothèse fut retenue par, notamment, de nombreux rabbins et prêtres convertis [à l’image de Samaw'al al-Magribi ? ndt.]. Ces derniers se sont évertués à recenser tous les passages des annonces de Mohammed dans la Bible.

 

Dans tous les cas, personne n’est en mesure d’affirmer formellement le contraire après avoir vérifié toutes les versions en circulation. Une telle allégation est un pur mensonge, et son auteur est un vulgaire menteur, car il parle sans connaissance, affirme sans preuve, et prétend l’impossible ! »[4]

 

Ainsi, Alfred Morabia constate avec nous qu’ibn Taïmiya a eu entre les mains plusieurs versions fort différentes des Psaumes. Le Sheïkh témoigne également qu’il a eu sous les yeux des versions de la Bible venant de ses contemporains convertis, et donc, aucune trace d’une fausse Bible, qu’on en juge : « Après comparaison, les termes hébreux sont très proches des termes arabes dans la formation des racines des mots. J’ai entendu certains vocables de la Thora en hébreu, de la part de certains convertis, et je me suis rendu compte que la similitude entre les deux langues est telle que j’arrive à déchiffrer bon nombre de leur vocabulaire en m’appuyant uniquement sur la langue arabe. »[5]

 

Maintenant qui entre ibn Taïmiya et Karim Hanifi est un vulgaire menteur et un imposteur ?

 

Et ce n’est pas fini. Car, parmi les références bibliques d’ibn Taïmiya, il y a le grand théologien perse Ibn Qutaïba (m. 889 apr. J.-C.) qui réfutent les Scripturaires d’une belle manière, et toujours aucune trace d’une fausse Bible à cette époque. D’ailleurs, il est intéressant de constater qu’en 889 à Cordoue, le chrétien mozarabe Ḥafṣ b. Albar traduit les psaumes du latin en arabe. Le médecin de Bagdad, Hunayn ibn Ishâq, chrétien nestorien aurait donné la première traduction de la Bible en arabe au milieu du IX e siècle seulement, mais elle n'a pas été préservée. Elle avait été réalisée, en ce qui concerne la Bible hébraïque, à partir de la Septante, tandis que le moine Jean II d’Antioche n’avait, avant lui, réalisé que la première traduction des seuls évangiles au VII e siècle. Le rabbin Saadia Gaon réalisa une traduction de la Bible hébraïque à partir de l'hébreu au x e siècle, et toujours aucune trace d’une fausse Bible arabe, bien sûr jusqu’à preuve du contraire (cela veut dire que d’emblée nous n’excluons pas cette hypothèse, mais il faut juste le prouver), alors nous sommes tout ouïe…

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Selon el Khallâl, Sufiân [probablement e-Thawrî] a dit : « L’amour du pouvoir est plus alléchant aux yeux d’un homme que l’or et l’argent, et quand on aime le pouvoir on est à l’affût des défauts des autres. »

Tabaqât el hanâbila (2/14).

[3] Les rangs ; 6 « Aux yeux de certains spécialistes, souligne ibn Taïmiya, Ahmed est à la forme superlative pour exprimer sa propension à louer Dieu au-delà de n’importe qui. Autrement dit, il serait le louangeur qui loue Dieu sans cesse. Cette définition serait synonyme du Paraclet évoqué dans l’Évangile de Jean, qui, selon une hypothèse signifie « le grand loueur ». La plupart des chrétiens optent toutefois pour « le sauveur ». » Voir : El jawâb e-sahîh li man baddala din el Masîh (5/298).

[4] Voir : El jawâb e-sahîh li man baddala din el Masîh (3/5-52).

[5] Majmû’ el Fatâwâ (4/110).

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3 août 2019 6 03 /08 /août /2019 17:22

 

Est-il vrai que les musulmans ont fabriqué une fausse version de l’AT ? 1/4

 

 

 

C'est une très méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre.

Chateaubriand

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/2019/07/karim-hanifi-crucifie-sur-l-autel-du-reformisme-neo-rationaliste-1/4.html

 

Aujourd’hui, la vérité triomphe sur le faux qui était voué à disparaitre !

 

Le réformiste néo-rationaliste Romain Sirugue, alias Karim Hanifi, me menace de me faire disparaitre. Après, je veux bien, chacun ses fantasmes, mais avec quelle magie ? Aurait-il hérité de la Kabale issue du judaïsme qui, soit dit en passant, ne fait jamais l’objet de critiques de la part de notre super-héros, trop occupé qu’il est à fustiger les musulmans, devenus, contre toute attente, sa cible numéro un devant les chrétiens à qui ils ont ravi cet honneur. Il n’a rien trouvé d’autres à faire ! Il aurait mieux fait de se spécialiser dans la restauration rapide orientale qui est beaucoup moins périlleuse, ou beaucoup plus rentable, c’est selon, pour son au-delà. S’il veut me faire disparaitre avec sa théorie de la Bible fabriquée par les musulmans contemporains à ibn Taïmiya et ibn Kathîr, je lui souhaite « bon » chance. Or, notre illuminé aurait tout intérêt à relever le défi de me faire disparaitre à la manière d’une étoile filante vu l’avantage considérable qu’il concède sur moi. Il part avec l’avance de dix ans d’expérience dans l’interreligieux, alors que je suis un pauvre novice dans ce vaste domaine, et, qui plus est, je l’affronte sur son propre terrain, car il serait trop déséquilibré de l’inviter sur le mien. Je suis grand seigneur aujourd’hui !

 

Déjà, il incombe de remettre les choses à leur place. À l’époque de l’Âge d’or, l’Islam, qui constituait le phare de la civilisation, attirait les grands cerveaux de tous les horizons et de tout bord, avec en premier lieu les convertis judéo-chrétiens dont les précieux ouvrages alimentaient la Bibliothèque universelle. Ils étaient à la pointe du progrès en matière de débat interreligieux. Nous sommes loin de cette image que nous offre notre Super Karim dépeignant les musulmans tels une poignée de fanatiques illuminés qui défendent becs et ongles, avec une hargne inculte, en désespoir de cause à la manière, blessés, d’une bête apeurée, leur maigre patrimoine en déliquescence. Deux symptômes intrinsèques poussent Karim a renié le patrimoine des nôtres. Son paradigme matérialiste quand il s’agit d’attaquer les musulmans et, paradoxalement, son biblo-apologétisme qu’il brandit en toile de fond pour défendre le monothéisme abrahamique judéo-chrétien, d’où il tire son pseudonyme.

Or, selon les critères du premier, son penchant pour le second jette le discrédit sur ses conclusions, tel le loup qui se mord la queue ou l’arroseur qui finit en queue de poisson !

 

Alors, passons au vif du sujet. Dans Majmû’ el fatâwa de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (4/331-336), nous trouvons ce douloureux passage : « Ismâ’îl est le fils d’Ibrahim qui fut choisi pour le sacrifice de son père comme l’établissent le Coran, la sunna, et un certain nombre de preuves qui sont notoires. D’ailleurs, la Thora qui est entre les mains des détenteurs du Livre le confirme. Les anciennes Écritures disent en effet : « égorge ton fils unique »[1] L’autre traduction parle d’un premier-né. Ismaël fut bel et bien le fils unique à cette époque et le premier-né du Patriarche à l’unanimité des savants musulmans et des hébreux, mais ces derniers ont falsifié leurs écritures en y insérant Isaac. Par la suite, cette information, dont l’origine provient des Textes hébraïques falsifiés, s’est répandue. C’est pourquoi, nombre de musulmans adoptent l’idée que l’enfant en question fut Ishâq. »

 

Notre biblo-apologiste en déduit qu’ibn Taïmiya, au même titre que son élève ibn Kathîr, a certainement utilisé une version de l’AT fabriquée par des musulmans, étant donné que l’expression « premier-né » est absente des écrits bibliques en circulation actuellement. Ces musulmans, impayables, n’en seraient pas à leur premier forfait, preuve en est ce pseudépigraphe de qualité médiocre, le fameux Évangile de Barnabé qui remonterait au 13ième ou 14ième de notre ère, soit exactement à l’époque de nos deux affabulateurs !

 

C’est beau, c’est cohérent, c’est du Karim Hanifi, sauf que, aussi alléchante soit-elle, cette tirade n’y a rien de scientifique. C’est un amas de spéculations qui n’ont aucune valeur sur la balance de l’analyse, de la véritable poudre aux yeux, un fiel enfumage pour une ouaille en quête de son breuvage, une authentique fumisterie digne des précieuses ridicules des Fourberies de Scapin, et d’un Tartuffe des grands soirs. Hé bien, Karim nous a habitués à prendre des vessies pour des lanternes, mais là, il touche le Graal ! Je comprends qu’il s’accroche à corps perdu à n’importe quelle branche morte pour sauver la Bible, mais n’y a-t-il pas des limites à l’engouement ? L’amour rend aveugle, certes, et force est de constater que notre autodidacte n’arrive même plus à se cacher, ni à faire semblant. Il projetait de me faire disparaitre, mais là, il va bientôt repartir la queue entre les jambes.

 

La règle de base en matière d’investigation selon laquelle l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence n’est pas respectée par notre larron. Hé pourtant, « ton fils premier-né », se trouve bel et bien dans la version du livre des Jubilés, et le Targum Palestine signe avec « ton fils, ton unique engendré ». La seule échappatoire tendue à notre gai luron, et Dieu sait qu’il a du souffle, ouf j’en frémis, c’est de démontrer que ces deux passages soient postislamiques. Et s’il ose brandir le joker de l’apocryphe, je ne donnerais pas cher de la peau de ce vieux Roger Rabbit – je parle de l’argument. J’anticipe, mais il pourrait tout autant avancer que plus d’un passage du Targum sont postislamiques, et là, il se mettrait une balle dans le pied.

 

Je me contenterais ici d’avancer des travaux de chercheurs occidentaux un peu plus sérieux, qui, bien qu’entachés par le dogme matérialiste, font preuve de retenue, contrairement à notre parvenu. Ils n’affichent pas en tout cas cette fascination quasi boulimique pour les références judéo-chrétiennes, quand ils n’en sont pas eux-mêmes, des détracteurs, sauf que leur discours est pondéré, et leur prise de distance leur accorde une certaine neutralité, une certaine crédibilité, et une objectivité toute relative.

 

Ibn Taymiyya, les Juifs et la Tora

 

Alfred Morabia, un chercheur d’origine juive, est l’auteur de l’ouvrage Ibn Taymiyya, les Juifs et la Tora. Le sujet est sensible, et pourtant, le feu Morabia fait preuve d’une objectivité quasi apologétique envers ibn Taïmiya, ce qui fait cruellement défaut à notre ami Karim qui passe son temps à dénigrer ses frères au nom de l’objectivité scientifique, mon œil ! Pour sa gouverne, les informations qu’Alfred rapporte font défaut au répertoire ô combien fournie de notre spécialiste autoproclamé de l’interreligieux, mais :

 

Tu ne le savais pas ? C’est déjà un malheur

 Mais si tu le savais, alors c’est encore pire

 

Le plus doux des deux est déjà très amer…

 

En voici quelques passages, et, ensuite, nous en ferons un bilan :

 

Le courant de littérature théologique polémique contre les Scripturaires atteint un très haut degré. Et c'est dans ce contexte doctrinal que s'inscrit, pour l'essentiel, l'activisme d'Ibn Taymiyya. Celui-ci connait, dans le détail, les ouvrages des polémistes et hérésiographes qui l'avaient précédé ; et la dénonciation des < aberrations > chrétiennes et juives émaille tous ses écrits. A l'instar de certains de ceux qui lui avaient tracé la voie dans la polémique contre les Juifs et le Judaïsme, Ibn Taymiyya pourrait avoir tiré profit de l‘argumentation développée, dans le Ifhâm al-Yahûd, par le médecin-philosophe apostat Samaw'al al-Magribi, mort aux environs de 1175, et dont l'œuvre - qui avait connu un très grand succès - constitue le plus ancien traité, spécialement consacré à réfuter le Judaïsme, qui nous soit parvenu. Signalons qu'Ibn Qayyim al-Gawziyya (mort en 1350), le disciple le plus brillant et le plus célèbre du maitre hanbalite, a largement emprunte au Ifhâm.

 

Le professeur G. Vajda, que je tiens à remercier, a eu l'amabilité d'attirer mon attention sur cette probable influence, directe ou indirecte, subie par le maitre syrien. Voir M. Perlmann, Silencing the Jews, New York, 1964, p. 24 de l'introduction à l'ouvrage. D'après cet auteur, Ibn Qayyim emprunta largement au Ifhâm dans deux de ses œuvres : Hidâyat al-Hayâra et surtout, Ighâthat al-Lahfân min masa'id as-shaytân. Sur Ibn Qayyim, voir E.I., n.e., iII, pp. 845-6 (H. Laoust) M. Perlmann a consacré A la polémique médiévale entre l'Islam et le Judaïsme un important article, suivi de références bibliographiques, dans Religion in a religious age, Brandeis University, 1973, pp. 103-38.

 

À cette réfutation des tributaires et des < hérétiques >, Ibn Taymiyya consacra trois œuvres en particulier Iqtidhâ as-sirât al-mustaqim mukhâlafat ashâb al-jahîm est un appel à s'éloigner, résolument, des usages ayant cours parmi les non-Musulmans et de leur influence sur les Croyants qu'ils risquent de conduire, avec eux, au Feu de la Géhenne. Al-furqan bayna awliyâ ar-Rahmân wa-awliyâ as-shaytân est une violente dénonciation du Soufisme extrémiste et du culte des saints dans lesquels notre auteur voit la marque du Christianisme et du Judaïsme. Al-jawâb as-sahih li-man baddala din al-masih constitue une réplique à un ouvrage chrétien de polémique anti-musulmane, parvenu de Chypre, et une d'énonciation des aberrations et hérésies des Chrétiens et des Juifs.

 

Les Francs étaient installés dans l’Île, et menaçaient les ports musulmans de Syrie et d'Égypte. L'auteur présumé de cet ouvrage est un moine, originaire d'Antioche, dénommé Paul, qui fut évêque de Sidon. Ii démontre, A l'aide de 6 arguments, la supériorité du Christianisme, religion de la perfection, et considère Muhammad comme l‘apôtre des seuls Arabes païens.[2]

 

Pour réfuter les < Gens du Livre >, tant juifs que chrétiens, Ibn Taymiyya met l'accent sur des arguments développés par ses prédécesseurs, hérésiographes musulmans. Ceux-ci avaient largement traite de l'< égarement > des non-Musulmans, de leur influence pernicieuse sur la Belle Religion, de la responsabilité qui leur incombait dans l'éclosion des < innovations > et des (hérésies, au sein même de l'Islam. Notre auteur semble avoir, par ailleurs, tiré une part de ses connaissances sur l'histoire d'Israël, des sources chrétiennes qu'il réfute.

 

Contrairement à beaucoup d'auteurs musulmans, Ibn Taymiyya distingue, quelquefois, entre les différents livres bibliques. À la page 344 du tome II, il énumère : la Thora, les Psaumes, les Prophètes, et l’Évangile. Par contre, il écrit plus loin (tome III, pp. 265, 301) que « la Tora englobe tous les livres révélés admis par les Détenteurs de l'Écriture, hormis l'Évangile, qui forme, lui, une révélation distincte. »

 

Ibn Taymiyya cite souvent le Livre des Rois au cours de son exposition des miracles innombrables accomplis par les prophètes d'Israël. Dans un seul cas, la source qu'il mentionne est la Tora proprement dite. On y relate, nous dit-il, que Joseph a guéri la cécité de son père Jacob. Pour tout le reste, la relation des prodiges est attribuée au Sifr al-muluk.

 

On aura constaté qu'Ibn Taymiyya suit assez fidèlement les narrations bibliques se rapportant aux miracles attribués A Élie et Élisée. Cf. I Rois, XVII/7-24; II Rois, 111-14; IV/1-37; V/1-27; XIII/20-1.

 

Certains parmi les Fils d'Israël ont poussé l'extravagance (pala), au sujet de 'Uzayr/Esdras, au point d'affirmer qu'il était le fils d'Allah. Assertion qui n'a pas été soutenue par la totalité des Juifs. Cette doctrine aberrante et impie est imputée à un dénommé Pinhas fils de 'Azûra et ses partisans. Ibn Hazm a ecrit : « Les Sad'iqiyya (Sadokites ?) constituent un groupe de Juifs qui tirent leur nom d'un certain Sadûq. Ils se distinguent des autres Juifs en proclamant que 'Uzayr est le fils de Dieu. On les localise dans la région du Yémen. »

 

Ibn Hazm : Éminent théologien et hérésiographe de l'Espagne musulmane, mort en 1064. Ibn Taymiyya s'est probablement inspiré de son Fisal pour réfuter le Judaïsme, le Christianisme et les « hérésies » musulmanes (cf. Laoust, Methodologie, Le Caire, 1939, p. 95, n. 1). Voir Ai son sujet E.I., n.e., III, pp. 814-22.

 

On notera l'insistance d'Ibn Taymiyya à montrer que telle ne fut pas croyance commune A tous les Fils d'Israël, contrairement & la lettre de C., 115/IX, 30. Ii est vrai que la fréquentation des Juifs rendait insoutenable l‘affirmation qu'ils considéraient un de leurs apôtres comme le Fils de Dieu.

 

Sadûqiyya : Nom fréquemment donné aux Karaïtes, considérés comme les héritiers spirituels des Sadducéens. Dans E.J., VI, col. 1107, Hirschberg propose, pour Sadûqiyya, la translation « les vertueux ». Au Yémen, l‘attente messianique parmi les Juifs fut avivée par l'influence du voisinage zaydite. Plusieurs pseudo-Messies y apparurent. Voir E.J., s.v. Yémen.

 

Ibn Taymiyya place la Tora à un rang très élevé. Elle constitue, comme le Coran, une révélation fondamentale (asl). Mais le Coran l'ayant partiellement abrogée, lui est supérieur. Ces deux dernières Écritures (la Thora et l’Évangile) sont (descendues) en langue hébraïque, seule langue que connaissaient tant Moise que les prophètes d'Israël, que Jésus et ses apôtres.

 

Rien de ce qui se trouve mentionné dans la Tora ne justifie le refus des Juifs de croire en Muhammad, ou de s'en tenir à un texte altéré et abrogé. Car Ibn Taymiyya, comme tous les autres docteurs de l'Islam, considère que le texte de la Révélation du Sinaï a été falsifié. La transmission de la Tora a été interrompue à la suite de la destruction de Jérusalem et de son Temple.

 

Les Fils d'Israël furent déportés, la Ville Sainte vidée de ses habitants juifs pendant plus de 70 ans et la Tora oubliée. Plus tard, un homme nomme 'Azar - que certains considérèrent comme un prophète et d'autres pas -, leur dicta le texte de la Tora, texte que l'on confronta a une vieille copie qui avait été conservée. Ces conditions n'assurent pas l'authenticité du texte établi alors. D'autre part, les Juifs eux-mêmes reconnaissent que leur Livre a été traduit par soixante-douze docteurs (ahbâr) de leur confession. Or, ces hommes n'étaient pas infaillibles. Le roi qui les avait chargés de cette tache les avait séparés les uns des autres, afin d'éviter qu'ils se mettent d'accord sur une erreur de traduction. Les soixante-douze s'entendirent sur un texte unique.

 

La Tora des Samaritains diffère de celle des Juifs et de celle des Chrétiens, même pour ce qui est des Dix Commandements divins. Juifs et Chrétiens n'ont pas la même lecture de l'Ancien Testament. II en est de même pour les Psaumes révélés a David et dont Ibn Taymiyya assure avoir, lui-même, eu entre les mains des versions fort différentes.

 

Ibn Taymiyya multiplie les citations bibliques, souvent tronquées, telles qu'il semble les avoir empruntées a l'ouvrage chrétien qu'il réfute ou a ses prédécesseurs hérésiographes et polémistes musulmans. II invoque ces citations pour démontrer que tous les prophètes d'Israël qui ont annonce la venue du Messie n'ont jamais soutenu que celui-ci serait le fils de Dieu. Critique non voilée des thèses chrétiennes qu'il s'attache à réfuter.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Voici les termes de la Traduction œcuménique : « Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Morriya et là, tu l’offriras en holocauste sur celle des montagnes que je t’indiquerais. » [Genèse ; 22-3]

 

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