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13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 12:47

Vingt bonnes raisons d’endurer la calomnie

(Nouvelle version)

 

Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,

et tous ses Compagnons !

 

Dans son épître Qâ’ida fî e-sabr wa e-shukr, Sheïkh el Islam ibn Taïmiya préconise vingt bonnes raisons de patienter face à la calomnie, et de ne pas se venger contre ses auteurs. Voici ce qu’il nous apprend :

 

Quoi qu’il puisse arriver au croyant, c’est un bien venant d’Allah (I). Sa vie est un bienfait perpétuel que la situation dans laquelle il évolue lui plaise ou non. Le destin est en fait une transaction dont les serviteurs du Très-Haut récoltent les fruits, comme il est une route qui mène à Lui. Un hadith certifie que l’homme qu’ils vont suivre le Jour où chacun sera appelé à suivre son meneur déclare (r) : « La vie du croyant est vraiment étonnante ! Tout destin qu’Allah lui écrit est un bien pour lui : Il est reconnaissant dans l’aisance, ce qui est bien pour lui et il est patient dans l’adversité, ce qui est un bien pour lui. »[1] Tout événement prédestiné au croyant est un bien pour lui dans la mesure où il s’arme de patience dans les moments difficiles et où il fait preuve de reconnaissance dans les moments de joie. Cette caractéristique fait partie intégrante de la foi. La foi se divise en deux, nous dit un ancien, une partie est faite de patience et une autre est faite de reconnaissance.[2] Un Verset va dans ce sens : (Il y a là des signes pour les gens plein de patience et de reconnaissance).[3]

 

La religion dans son ensemble se confine à ces deux notions : la patience et la reconnaissance.

 

Or, il existe trois sortes de patience :

 

Primo : la patience face aux obligations qui réclament patience et endurance, comme elles réclament un effort sur soi contre son ennemi intérieur et extérieur. En fonction de sa patience, l’individu s’investi dans les actes obligatoires, mais aussi dans les actes recommandés.

 

Secundo : la patience face aux interdictions afin de pas sombrer dans le péché. Les penchants de l’âme, les tentations du Diable, et le mauvais entourage entraînent l’individu à enfreindre les interdits. En fonction de l’intensité de sa patience, il va plus ou moins résister à cette tentation. Un ancien a dit : « Tout le monde est capable d’avancer de bonnes actions, mais seuls les véridiques s’éloignent des péchés. »[4]

 

Tercio : la patience face au destin qui est indépendant de la volonté. Celle-ci est de deux sortes : 1°) patienter face aux malheurs qui sont au-dessus de la volonté des hommes tels que la maladie et toute calamité céleste en général. Il est relativement plus facile d’endurer ce genre d’épreuves étant donné que celles-ci témoignent de la manifestation divine à travers le destin. En outre, l’homme est impuissant face aux éléments, il doit donc patienter malgré lui, à défaut de le faire de son plein gré. Si, le cœur épanoui, il arrive, grâce à Dieu, à réfléchir sur les conséquences bénéfiques et les bienfaits immenses que celles-ci procurent, il va passer du stade de la patience à celui de la reconnaissance, en se satisfaisant de son sort. Ainsi, le malheur se transforme en bienfait, car c’est l’occasion pour le croyant de lier une relation forte avec Son Seigneur qu’il implore sans cesse du fond du cœur : « Seigneur ! Aide-moi à T’évoquer, à Te remercier, et à T’adorer convenablement ! »[5]

 

Ce lien indélébile varie plus ou moins en fonction de l’intensité de l’amour que le serviteur voue à Son Créateur. Chacun est capable de le constater en lui-même, à l’image de ce poète qui reproche à sa bien-aimée de lui avoir causé du tord :

 

Le mal que tu me fais me fait du mal

Mais, il me plaît d’avoir traversé ton esprit      

 

2°) L’individu doit endurer le mal que les autres lui font subir au niveau de sa personne, de son honneur, et de ses biens. Ce genre de malheur est largement plus difficile à supporter. Par nature, l’homme n’aime pas se faire dominer ; celui qui lui fait du mal hante constamment son esprit et seule la vengeance est à même de le soulager. Les prophètes et les véridiques sont les seuls à pouvoir endurer ce genre d’épreuves.

 

Malgré les atteintes incessantes faites à sa personne, notre Prophète (r) confia un jour : « Qu’Allah fasse miséricorde à Musa qui a su patienter, bien qu’il ait subi bien pire ! »[6] Après avoir été physiquement malmené par son peuple, l’un des prophètes s’exclama : « Ô Allah, pardonne-leur, car ils ne savent pas ! »[7] Certaines annales rapportent que Mohammed (r) eut la même parole en réaction aux attaques venant de son peuple.[8] Dans son invocation, il a ainsi réuni trois éléments : il a fait preuve de clémence à leur égard, il a demandé au Seigneur de leur pardonner, et il leur a même trouvé une excuse en avançant qu’ils ne sont pas conscients de leurs actes.

 

Cette forme de patience a pour fruit de donner la victoire, de guider sur la bonne voie, de procurer la joie et la force en Dieu à qui on voue un plus grand amour, de gagner davantage l’estime des autres, et d’accroitre ses connaissances. Le Seigneur (I) révèle : (Animés par Nos enseignements, Nous avons élevé une partie d’entre eux au rang de guides, en récompense à leur patience et en leur foi inébranlable à Nos Versets).[9] Grâce à la patience et à la conviction, on obtient l’autorité dans la religion. Si l’individu ajoute à la patience, la force de la conviction que représente la foi, il s’élève en échelon pour atteindre le bonheur grâce au Seigneur Tout-Puissant. Allah touche de Sa Grâce les créatures de Son choix, Lui qui détient la Grâce infinie ! Le Très-Haut révèle : (Rend le mal par le bien, et tu verras ton ennemi acharné se muer en véritable ami • Cette grandeur d’âme n’est donné qu’à ceux qui sont doté de patience, et qu’à ceux qui jouissent d’un haut rang).[10]

 

[1] Rapporté par Muslim (n° 2999).

[2] Rapporté dans Shu’ab el îmân (n° 9715) par el Baïhaqî qui le fait remonter au Prophète (r). Sheïkh el Albânî a cependant considéré faible sa chaîne narrative dans Silsilat e-dha’îfa (n° 625). L’auteur de la recension du texte d’ibn Taïmiya, D. Hishâm e-Sînî soutient toutefois que vraisemblablement, cette parole a été prononcée par certains savants. 

[3] Ibrahim ; 5

[4] Rapporté par Abû Na’îm dans el hiliya (10/197), selon ‘Abd Allah ibn Sahl e-Tusturî.

[5] Rapporté par Abû Dâwûd (n° 1522), selon Mu’âdh ibn Jabal (t) avec cet énoncé.

[6] Rapporté par el Bukhârî (n° 3150) et Muslim (n° 1062).

[7] Rapporté par el Bukhârî (n° 3477) et Muslim (n° 1792).

[8] Rapporté par e-Tabarânî dans e-tarîkh el kabîr (n° 5694) avec une chaîne narrative munqati’ (dont il manque l’un des éléments).

[9] La prosternation ; 24

[10] Les Versets détaillés ; 34-35

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 09:31

 

La preuve légale est la somme des preuves textuelle et rationnelle

(Partie 2)

Réponse aux philosophes musulmans et aux théoriciens du kalâm

 

L’analyse ci-dessus démonte en bloc les aprioris des philosophes musulmans et des théoriciens du kalâm qui ont une connaissance superficielle des sciences islamiques et une pale culture de l’étendu des textes scripturaires. Ils s’imaginent au sommet de la pyramide de l’intelligence et toise d’un œil hautain leurs coreligionnaires terres-à-terres. Ceux-ci fondent leur syllogisme hasardeux sur deux prémisses primaires :

La majeure : la religion musulmane constitue l’ensemble des informations divulguées par le Législateur ;

La mineure : ces informations offrent des enseignements qui sont tributaires de leurs élucubrations mentales qu’ils qualifient de fondements.

 

Ils octroient ainsi la primauté de la raison (leurs élucubrations mentales) sur la religion. Or, ces deux prémisses sont aussi fausses l’une que l’autre. Les sciences de la religion englobent les informations et les indices provenant du Législateur. Ces indices régulent tout ce que l’observateur à besoin de connaitre par la raison, mais aussi les preuves, les démonstrations, les raisonnements, et les grands principes qui fondent le crédo.

 

Après un examen approfondi des arguments rationnels des philosophes musulmans et des théologiens du kalâm, j’en suis venu à la conclusion sans appel que le Coran et la sunna leur épargnent une telle corvée par des voies simples et sûres. Non seulement, les textes apportent des arguments auxquels ils n’ont pas pensés, mais ils épurent les leurs de leurs pseudo-arguments qui les mènent à des conclusions erronées, malgré l’énergie énorme qu’ils dépensent au service de leurs spéculations qui sont aussi discordantes qu’encombrantes.

 

Science légale/profane

 

La science religieuse ou légale peut renvoyer à la connaissance qu’il incombe à l’individu responsable d’acquérir à titre obligatoire ou recommandé, voire tout simplement autorisé. Cette définition intègre les grands fondements de la religion. Tous les raisonnements rationnels qui les bâtissent entre dans cet ensemble, quand bien même ils ne seraient pas corroborés par les textes. Autrement dit, la science légale combine les preuves rationnelles et textuelles. Ainsi, toute réflexion intellectuelle qui est prônée directement ou indirectement par le Législateur prend le statut de preuve légale.

 

Or, toute réflexion intellectuelle qui n’est prônée ni directement ni indirectement par le Législateur entre dans le domaine des sciences profanes, au même titre que l’agriculture, la construction, le tissage, etc. qui sont secondaires par rapport aux sciences religieuses. Non seulement la science légale est plus noble que la simple réflexion intellectuelle, mais elle n’est pas son antonyme. Le vocable « rationnel » a « textuel » pour antonyme. Il y a simplement des points communs et des différences entre la preuve légale et la preuve rationnelle. Ainsi, des arguments rationnels peuvent agrémenter une démonstration scientifique qui leur confère le statut de « légal » selon les trois considérations que nous avons vues plus haut : l’enseignement, le commandement, et l’indice. Ensuite, le savoir légal qui incombe à l’individu responsable répond soit directement à la volonté du Législateur, soit indirectement quand il constitue un moyen de la satisfaire. Les mu’tazilites confinent la preuve légale dans les informations émanant du Législateur, tandis que les ash’arites la confinent dans les lois qu’Il établit. Chacune de ses positions a trouvé des émules dans les rangs de notre école et ailleurs, alors qu’en réalité la preuve légale alterne entre les deux quand elles ne les combinent pas, wa Allah a’lam ![1]   

 

Les traditionalistes universalistes incarnent l’élite des musulmans

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/la-hi%C3%A9rarchie-des-savants-partie-1

 

Les traditionalistes spécialistes en hadîth et annales des nobles ancêtres (Compagnons et premiers successeurs) n’ont pas été emportés par la vague du kalâm, et ont su préserver le crédo orthodoxe. Ils doivent leur salut à deux facteurs essentiels :

  1. Ils gardent à l’esprit le principe de base que toute hérésie s’écarte inévitablement de la voie du Prophète (r), et mène, par voie de fait, à l’égarement. Peu importe qu’ils aient ou non une connaissance approfondie de cette hérésie, l’essentiel est de s’en tenir à ce principe. La plupart des traditionnalistes répondent à ce signalement.
  2. L’élite ne se contente pas de ce principe, mais, en plus de cela, ils vont chercher en profondeur les erreurs et les contradictions des dissidents de tout bord. Dans cette dernière catégorie, nous pouvons compter les grandes références de l’Islam et héritiers des prophètes, comme Mâlik, ‘Abd el ‘Azîz ibn el Mâjishûn, Hammâd ibn Zaïd, Hammâd ibn Salama, Sufiân ibn ‘Uaïyna, ibn el Mubârak, Wakî’ ibn el Jarrâh, ‘Abd Allah ibn Idrîs, ‘Abd e-Rahmân ibn Mahdî, Mu’âdh ibn Mu’âdh, Yazîd ibn Hârûn el Wâsitî, Yahyâ ibn Sa’îd el Qattân, Sa’îd ibn ‘Âmir, Shâfi’î, Ahmed ibn Hanbal, Ishâq ibn Ibrâhim [ibn Râhawaïh], Abû ‘Abd e-Rahmân el Qâsim ibn Sallâm, Mohammed ibn Ismâ’îl el Bukhârî, Muslim ibn Hajjâj e-Nîsâbûrî, les deux Dârimî (Abû Mohammed ‘Abd Allah ibn ‘Abd e-Rahmân, et ‘Uthmân ibn Sa’îd), les deux Râzî (Abû Hâtim et Abû Zur’a), Abû Dâwûd e-Sijistânî, Abû Bakr el Athram, Harb el Karmânî, etc.[2]

 

Ainsi, plus on se rapproche de la lumière de la prophétie et plus on est à l’abri de l’erreur et des contradictions dans la connaissance du Seigneur, la « théologie » ; peu importe qu’on ait une approche rationnelle du sujet ou bien textuelle ; ces deux voies, quand elles sont saines, mènent à la vérité absolue.[3] Sheïkh el Islâm explique que les anciens connaissaient mieux la vérité que quiconque, les arguments qui l’établissent, et les réponses aux objections soulevées, bien qu’ils n’étaient pas tous au même niveau. Cela ne veut pas dire, en effet, que chacun d’entre eux, était capable de réunir toutes ces qualités ; elles étaient plutôt réparties entre eux. Nous retrouvons ces particularités, par exemple, dans la narration du hadîth et les autres matières de la religion.[4]

 

Les traditionnistes purs

 

Selon ibn Mas’ûd (t), le Messager d’Allah (r) a dit : « Qu’Allah fasse resplendir le visage de l’individu qui a compris mes propos après les avoir entendus et mémorisés avant de les transmettre ! Il se peut qu’un porteur d’un savoir ne soit pas savant, ou bien qu’il le transmette à quelqu’un de plus savant que lui… »[5] Il est rapporté également par Ahmed, Abû Dâwûd, et e-Tirmidhî, selon Zaïd ibn Thâbit (t).[6]

Ailleurs, il enjoint : « Transmettez ce message aux absents, qui peuvent très bien mieux le comprendre sans l’avoir entendu directement. »[7] 

 

L’Érudit ibn Batta el ‘Ukburî le grand défenseur de la sunna, était, aux yeux d’ibn Taïmiya, dans la lignée des traditionnistes purs (muhaddîthîn el mahdh).[8] Il le range aux côtés d’autres grands compilateurs de hadîth, comme el Ajjûrî, l’auteur du fameux sharî’a, et e-Lâlakâî avec son sharh usûl e-sunna, el Khallâl dans une certaine mesure, et les traditionnistes des générations plus récentes, comme Abû Mohammed [ibn Qudâma].[9]

 

Qu’entend-il par « traditionnistes purs » ?

 

D’après el Bukhârî et Muslim, selon Abû Mûsâ (t), le Messager d’Allah (r) a dit : « Allah m’a envoyé aux hommes porteurs d’un message qui renferme le chemin droit et le savoir, et dont voici la parabole. Il est comme une terre arrosée par une pluie abondante, et qui se divisait en parties : une partie fertile qui donna du pâturage et de l’herbe en abondance. Une partie aride qui retint l’eau que les hommes pouvaient exploiter, grâce à Dieu, pour eux-mêmes, leurs bétails et leurs champs. Une partie lézardée qui ni ne retenait l’eau ni ne donnait de culture. La première est l’exemple d’un homme qui s’instruit de la religion d’Allah, et qui profite du message qu’Allah m’a ordonné de transmettre ; il l’a appris et l’a transmis à son tour. La dernière partie est l’exemple de celui qui ne veut pas en profiter et qui refuse la bonne voie qu’Allah m’a ordonné de transmettre aux hommes. »[10]

 

Il nous donne probablement la réponse ailleurs, voire des indices (ne serait-ce qu’en termes de riwâyâ/dirâya), en expliquant, que la connaissance du crédo s’inspire de la somme des preuves textuelles et rationnelles. Les textes scripturaires de l’Islam sont certes à la base de cette connaissance, mais ils ne suffisent pas toujours. C'est pourquoi nombreux sont ceux qui se méprennent sur ce point, parmi les tendances de tout bord (théoriciens du kalâm, traditionnistes, légistes, soufis, etc.). Ils pensent que le Coran et la sunna ne renferment pas les éléments rationnels à même de déchiffrer le crédo.

 

D’un côté, les « scolastiques » cherchent à découvrir le Théo en s’appuyant uniquement sur la Raison (le dalîl el a’râdh wa hudûth el ajsâm), aux dépens des textes.

 

D’un autre côté, nous avons certains traditionnistes qui ont conscience de l’hérésie des premiers débouchant sur des croyances erronées à la base de la tendance jahmite ; le Coran serait créé, il ne serait pas possible, même dans l’autre monde de voir le Très-Haut qui, qui plus est, ne serait pas sur Son Trône. En réaction à celle-ci, ils composèrent des ouvrages sur la nécessité de s’attacher au Livre d’Allah, au hadîth, et aux paroles des anciens. Dans l’ensemble, ils n’ont pas tort, bien qu’ils ne sont pas à l’abri de s’appuyer sur des annales faibles, ou tout simplement au mauvais endroit.

 

En outre, à leurs yeux, le Coran incarne la Révélation à laquelle on doit donner foi, mais, ils occultent, en parallèle, toutes les preuves rationnelles qui démontrent l’existence et l’unicité d’Allah, la prophétie, et l’eschatologie (le sort ultime de l’homme dans l’au-delà). Leurs ouvrages (usûl e-sunna, e-sharî’a, etc.) doivent leur titre à cette approche. Il ne sert à rien, selon celle-ci, de vouloir prouver la prophétie de Mohammed (r), car établie depuis longtemps.

 

Bien sûr, les mutakallimîn ont vu ces attaques du mauvais œil, et, avec dédain, ont taxé leurs détracteurs d’incultes, incapables de démontrer par la raison, la véracité du dernier message prophétique. Les premiers n’en ont pas démordu pour autant, en vouant les réfractaires au crédo officiel à l’innovation, voire carrément au bannissement total de la religion.

 

Les deux tendances opposées sont blâmables, étant donné que chacune occulte l’un des deux procédés (rationnel et textuel) mettant en lumière les fondements de la religion. Cette négligence commune leur a valu des dissensions terribles que le Coran avait prévenues : [Ils oublièrent alors une partie du rappel, et Nous attisâmes entre eux la haine et l’animosité jusqu’au Jour de la résurrection].[11]

 

Il existe un troisième groupe qui, déçu par la négligence scientifique des premiers et de l’hérésie des seconds, opta pour une troisième voie ; ces adeptes prirent pour aversion tout étudiant en quête d’émancipation du suivisme aveugle…[12]

 

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 

[1] Majmû’ el fatâwa d’ibn Taïmiya (19/228-234).

[2] Darr e-ta’ârudh (7/32-37).

[3] Darr e-ta’ârudh (6/248).

[4] Darr e-ta’ârudh (7/172).

[5] Rapporté par Shâfi’î dans son musnad (1190), el Baïhaqî dans e-dalâil (1/23), e-Tirmidhî (2658), selon ibn Mas’ûd (t) ; il est rapporté par Ahmed (21590), ibn Mâja (230), et Dârimî (229), selon Zaïd ibn Thâbit (t).

[6] Rapporté par Abû Dâwûd (3660), et e-Tirmidhî (2656), mais il se trouve pas chez Ahmed.

[7] Rapporté par el Bukhârî (1741) et Muslim (1679), selon Abû Bakra (t).

[8] Quand ibn Taïmiya parle d’ahl e-sunna el mahdh, il fait allusion aux sunnites qui n’ont pas « souillé » le crédo orthodoxe dans le domaine de la foi, des Noms et Attributs divins, et du destin. Ils les opposent donc aux ash’arites qui sont sunnites sous une double considération : par rapport aux shiites, et aux autres négateurs qui, contrairement à eux, ne reconnaissent pas, dans l’ensemble, les Attributs divins. C’est pourquoi, Sheïkh el Islam classe les ash’arites dans l’ensemble des sifâtiya, car relativement, ils sont plus proches de l’orthodoxie que les autres sectes hérétiques. Cette explication dissipe l’amalgame selon lequel ibn Taïmiya accréditerait la voie ash’arite. En revanche, quand il parle des muhaddîthîn el mahdh, il fait allusion aux spécialistes en hadîth qui ont une approche littéralistes des textes qui étalent le crédo, dans le sens où ils excluent la raison pour les disséquer. Mais, en réalité, ce point mérite une recherche plus approfondie, étant donné notamment qu’ibn Taïmiya intègre probablement ibn Qudâma dans cette catégorie. Il peut vouloir dire qu’il n’a pas les outils suffisants pour réfuter les négateurs ; preuve en est qu’il reprend à son compte certains de leurs arguments sans toujours distinguer le bon grain de l’ivraie. Cela voudrait dire que les muhaddîthîn el mahdh ont une double caractéristique : ils excluent la raison du crédo, et ils n’ont pas les outils pour réfuter par la raison les théoriciens du kalâm, qui, à l’inverse d’eux, appréhendent le crédo sous le seul prisme de la raison, wa Allah a’lam !

[9] Majmû’ el fatâwâ (6/52-53).

[10] Rapporté par el Bukhârî (79), et Muslim (2282).

[11] Le repas céleste ; 14

[12] Majmû’ el fatâwâ (19/159-163).

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4 décembre 2017 1 04 /12 /décembre /2017 12:17

 

La preuve légale est la somme des preuves textuelle et rationnelle

(Partie 1)

Le culte est, en réalité, une forme d’esclavage et de captivité qui place le cœur dans un état de dépendance et d’infériorité. L’esclave qui atteint le degré de contentement jouit de la liberté, et l’insatiabilité enchaine l’homme libre à ses passions.

Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (10/181).   

 

Cet article dénonce en partie des auteurs à l’image d’A. Soleiman al-Kaabi qui dans son livre Pourquoi Jésus doit il revenir?, 2e édition, 2013, p.87 à p.94, assimile les traditionalistes contemporains qui seraient les juifs de la Qibla, aux pharisiens littéralistes, voire aux kharijites (en s’appuyant entre autre, pour ce dernier point, sur des conclusions d’orientalistes). D’autres réfutations de ce même passage suivront peut-être…

 

Personne ne peut perdre ce qu’il n’a pas !

Fâqid e-shaï lâ yu’tîhi

 

Les différents types de connaissance

 

Le Messager (r) a bien donné raison à un Juif qui l’interpella un jour en ces termes : « Ta communauté serait parfaite si tes adeptes ne donnaient pas d’égal à Dieu ?

  • Et comment cela, interrogea-t-il ?
  • Dans leurs conversations, ils emploient la formule : si vous le voulez Dieu et toi ! »

Le Messager (r) s’adressant alors à ses Compagnons : « Cet homme me rapporte l’une de vos paroles, alors dites désormais : si Dieu le veut, puis, si toi tu le veux ! »

Selon une autre version : « Ta communauté serait parfaite si tes adeptes n’associaient personne à Dieu ?

  • Et comment cela, interrogea-t-il ?
  • Ceux-ci jurent par la vie ou le droit d’un tel ! »

Le Messager (r) s’adressa alors à ses Compagnons pour leur dire : « Ne jurez que par Dieu à l’occasion de vos serments ! » [Rapporté par e-Tabarânî dans el kabîr (n° 10468), selon ibn Mas’ûd (t).]

 

Le bien et le mal se définissent sous trois angles :

  • ‘Aqlî : qui englobe tous les êtres doués de raison, même les païens ;
  • Millî : qui concerne plus spécifiquement les religions monothéistes ayant pour source commune, la révélation divine ;
  • Shar’î : qui concerne uniquement la loi musulmane, la dernière révélation.

 

De façon plus générale, il y a une connaissance dite ‘aqlî se basant uniquement sur des arguments rationnels qui sont le fruit de la réflexion des philosophes dans des matières aussi vastes que la logique, les sciences naturelles et la théologie ; une connaissance dite millî qui prend pour outils les arguments rationnels dans le cadre de la religion musulman, mais sans forcément s’appuyer sur les textes scripturaires de l’islam : ce sont les discussions des théoriciens du kalâm sur la nature de Dieu à partir de la théologie spéculative qui empreinte nombre de ses raisonnements à la philosophie matérialiste ; et une connaissance dite shar’î qui raisonne, dans le cadre de la religion musulmane, à partir des textes.

 

Les théoriciens du kalâm sont plus avisés en matière de théologie que les philosophes matérialistes, qui, eux, sont plus portés vers les sciences naturelles. Les traditionalistes, qui constituent le troisième ensemble, se divisent en deux catégories : les littéralistes qui composent l’ensemble des traditionnistes et du commun des croyants, et l’élite des savants de la communauté qui pénètrent le sens profond des textes.

 

Chacun de ses trois ensembles a une approche qui lui est propre dans l’exercice du culte, notamment dans le domaine de la liturgie. Nous avons la liturgie ‘aqlî (rationnelle) qui suscite dans l’absolu les sentiments d’amour et de peur, d’espoir et de tristesse. La liturgie millî (confessionnelle) axe son discours sur l’amour et la crainte de Dieu, et les espoirs qu’ils font naitre chez le croyant qui repose totalement sa confiance en Lui. Le Coran incarne la liturgie shar’î (légale). Le Livre saint fait état de ses trois approches, qui, à l’origine, sont légitimes. Allah révèle : [Les vertueux parmi les croyants, les juifs, les chrétiens, et les sabéens, qui ont donné foi en Allah et au jour du jugement dernier…].[1] 

 

Les croyants, les adeptes de la nation mohammadienne, représentent la religion légale qui renferme des éléments de la religion confessionnelle et rationnelle ; les juifs et les chrétiens sont les représentants de la loi confessionnelle qui inclut des éléments de la loi légale et rationnelle ; et les sabéens[2] incarnent la religion rationnelle avec des enseignements qu’elle emprunte à la religion confessionnelle qu’elle combine avec plusieurs commandements divins.[3]

 

Les enseignements et les commandements divins

 

Les sciences de la religion se décomposent en deux grands ensembles : les enseignements (informations) et les commandements divins. Celles-ci renvoient notamment à la connaissance 1°) qu’il incombe à l’individu responsable d’acquérir ou 2°) qui fut véhiculée par le Législateur.

 

1°) La première catégorie relève des sciences légales, comme on dit « observations légales » qui composent les actes d’adoration d’ordre obligatoire, recommandé, et éventuellement toléré ou licite. Ici, interviennent les notions de jugement (bien/mal, récompense/punition, obligation/interdiction). Il s’agit du discours factuel.

2°) La seconde représente les sources scripturaires (Coran, sunna, consensus, etc.) qui émanent du Législateur, en l’occurrence le Messager d’Allah (r). Ici, on s’arrête sur les procédés qui permettent d’établir un jugement, et sur les vices de forme éventuels qui biaisent les conclusions. Il s’agit du discours fonctionnel ou formel.

 

La première s’attache au statut de telle ou telle loi (ou parle ici de ‘ilm shar’î comme on parle de ‘amal shar’î) et la seconde s’intéresse aux preuves textuelles ou rationnelles qui l’établissent (on parle ici de ‘ilm ‘aqlî et sam’î).

 

Chacune de ses catégories se décompose elle-même en deux sous-ensembles : la preuve légale touche soit aux enseignements soit aux commandements ; les enseignements sont ou non appuyés par des arguments rationnels, et les commandements répondent soit directement soit indirectement (tout moyen à même de concrétiser un acte religieux qui est d’ordre obligatoire ou recommandé) aux intentions du Législateur. Cette classification nous offre quatre sous-ensembles.

 

Sous un autre angle, nous disons qu’un commandement est appréhendé soit par la seule raison soit par la raison et la loi. Il doit son caractère légal aux textes et à la loi. Les textes ont deux vocations : transmettre la volonté du Législateur qui donne soit une information soit une indication, un indice (les signes de l’existence de Dieu et de la prophétie). Le cas échéant, la preuve légale est combinée à la preuve rationnelle. Le Législateur pousse à la réflexion qui engendre la connaissance. Celui-ci démontre d’un point de vue rationnel la plupart des grands fondements de la religion (l’existence d’Allah, Son Unicité, Son Savoir, Son Pouvoir, Sa Volonté, Sa Grandeur, la récompense céleste, la prophétie de Mohammed (r), etc.), qui sont décelables par la raison.

 

La lettre et l’esprit

 

Ces fameux grands fondements, baptisés ‘aqliyât par les théologiens du kalâm, sont établis par les textes ; pas seulement par la lettre qui, en soi, n’est pas une forme de savoir, si ce n’est que du point de vue de celui qui y donne foi, mais par l’esprit et la réflexion. Malheureusement, nombreux sont ceux qui appréhendent mal ce point au sein des différents cercles scientifiques (théologiens du kalâm, traditionnistes, légistes, etc.) et du commun des mortels. Ces derniers pensent que le croyant à pour devoir exclusif d’adhérer à la lettre, sans se soucier des orientations sous-jacentes mises en lumière par certains indices qui jonchent l’information.

 

Un enseignement est susceptible également d’être palpable par la raison, et quand ce n’est pas le cas, sa connaissance est soumise uniquement à la lettre. Est-il possible de le déceler par la raison dans la mesure où le Législateur n’a laissé échapper aucun indice prêtant à le faire ? La réponse est oui, et ce constat n’ébranle en aucun cas l’infaillibilité du Coran. Il va sans dire que nombreux sont les fidèles qui absorbent ses lois sous le seul prisme de la lettre – et ils ne font que remplir leur devoir –, mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe aucun autre moyen d’y accéder.  

 

Nombre de musulmans dans les rangs des philosophes, des théologiens du kalâm, des légistes, des soufis, et même de la masse, font ce constat. À leurs yeux, il est possible d’entériner par la raison une loi que le Législateur n’a pas jugée utile de renforcer par des preuves rationnelles.

 

Or, nous ne le concédons pas ce constat si l’on sait que les textes scripturaires, qui ont plusieurs degrés de lecture, n’occultent jamais de ramener les preuves rationnelles pour les lois où la raison a sa place. Il existe notamment un consensus qui valide l’apport de ces preuves rationnelles en renfort aux grands fondements de la religion.

 

En considérant la question sous cet angle-là, nous avons les connaissances auxquelles nous avons accès uniquement par l’intermédiaire de la loi (qui ne se cantonne pas toujours à la dernière législation révélée, mais qui s’inspire éventuellement des législations abrogées), dans le sens où leur conception dépasse la raison.

 

À l’opposé, nous avons les connaissances qui sont le fruit exclusif de la raison (certains domaines de la médecine, calcul, artisanat, etc.). Entre les deux, nous avons les connaissances qui combinent la loi et la raison. Celles-ci sont éventuellement alimentées de façon implicite par des indices rationnels (dites ‘aqliyât shar’iyât, ‘aqlî e-shâri’), que le Législateur distille avec parcimonie au non au gré de ses ambitions. Celui-ci peut tout autant se passer de ces indices rationnels, et se contenter de l’information (‘aqliya min ghaïri e-shâri’).

 

Ainsi, les preuves rationnelles proviennent soit du Législateur, comme c’est le cas pour la plupart des grands fondements de la religion, soit par un autre moyen, ce qui en soi est contestable.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] La vache ; 62

[2] Il existe deux sortes de sabéens : les monothéistes et les polythéistes. Les monothéistes étaient soumis aux lois de la Thora puis à l’Évangile avant leur abrogation. À la première époque, les sabéens suivaient la religion d’Ibrahim fidèle à Dieu (hanîf). Par la suite, ils innovèrent certaines formes d’associations, et ils devinrent des païens sur les pas de Nemrod et des Chaldéens.

Harrân, la ville natale d’el Ja’d, était la cité des sabéens, où Ibrahim serait né (une autre hypothèse avance qu’il serait en fait venu d’Iraq). Ils construisirent plusieurs temples en hommage à la « cause première », au « premier intellect », au soleil, à la lune, etc. La religion chrétienne s’installa à Harrân, mais le sabéisme perdura jusqu’aux conquêtes musulmanes. Il resta toujours des philosophes sabéens dans le nord de l’Iraq et à Bagdad où ils exercèrent les professions de médecins et de scribes ; nombre d’entre eux ne se convertirent jamais à l’Islam. Au quatrième siècle de l’Hégire, el Fârâbî passa cette ville où il s’imprégna de sa culture philosophique auprès de ses habitants. Le philosophe sabéen Thâbit ibn Qurra (m. 288 h.) avait déjà fait le commentaire de « la métaphysique » d’Aristote.

Voir : e-rad ‘alâ el muntiqyîn (p. 335), el hamawiya (p. 248, 250), et majmû’ el fatâwâ (5/20, 21).

[3] Voir : Majmû’ el fatâwa d’ibn Taïmiya (20/62-64).

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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 10:04

 

 

L’objectivité est la devise du croyant

 

 

« Les Juifs et les chrétiens sont meilleurs à plus d’un titre que les jahmites dans tout ce qui concerne les croyances et l’adoration. »[1]

« Les chrétiens par rapport aux Juifs se distinguent par leur dévotion et leurs mœurs, mais sans savoir, tandis que les Juifs se distinguent par leur intelligence et leur connaissance, mais sans dévotion ni bonnes mœurs. Les musulmans, quant à eux, réunissent à la fois les sciences utiles et les bonnes œuvres, la théorie (dhakâ) et la pratique (zakâ) ; Allah envoya son Messager porteur de la bonne voie (le savoir) et de la vraie religion (les actes). »[2]   

 

Nous devons prendre la vérité d’où qu’elle vienne

 

Toute vérité franchit trois étapes :
D’abord elle est ridiculisée. 
Ensuite elle subit une forte opposition, 
puis elle est considérée comme ayant été une évidence.
Arthur Schopenhaueur.

 

Abû Huraïra (t) est l’auteur d’un hadîth qu’il fait remonter au Prophète (r) : « Le croyant a pour devise de prendre toute parole sage là où elle se trouve, car il la mérite mieux que quiconque. » Rapporté par ibn Mâja, et e-Tirmidhî qui a fait le commentaire suivant : « Ce hadîth est singulier »[3]

 

Dans le hadîth rapporté par el Bukhârî, le Messager d’Allah (r) s’adresse à Abû Huraïra en ces termes, en parlant de Satan : « Il t’a dit vrai, lui le grand menteur ! »

 

‘Abd Allah ibn Mas’ûd : « N’associe rien à Allah et tourne-toi toujours du côté du Coran. Accepte la vérité même d’un « étranger » pour qui tu as de l’aversion ; et refuse le faux même d’un proche pour qui tu as de l’affection. »[4]

 

Abd e-Rahman ibn Mahdî jette les bases de l’investigation moderne : « les traditionalistes évoquent les choses qui sont en leur faveur, mais aussi celles qui sont en leur défaveur. Quant aux « gens des passions », ils évoquent uniquement les choses qui sont en leur faveur. »

 

Après s’être inspiré d’un passage d’el ‘aqîda e-nazhâmiya (p. 25) d’Abû el Ma’âlî el Juwaïnî, un hérétique chevronné, ibn Taïmiya fait le commentaire suivant : « Les références auxquelles nous nous rapportons, parmi les adeptes du kalâm ou autres, ne nous rejoignent pas forcément dans tous les points que nous établissons dans ce domaine. Néanmoins, il faut recevoir la vérité d’où qu’elle vienne. Mu’âdh ibn Jabal disait cette fameuse parole : « Il faut accepter la vérité de n’importe qui, même d’un mécréant – ou bien a-t-il dit : même d’un pervers –. Et méfiez-vous des erreurs du sage.

  • Comment peut-on savoir qu’un mécréant dit la vérité, lui demanda-t-on ?
  • La vérité dégage une lumière, a-t-il répondu, ou bien a-t-il dit une parole de ce genre. »[5]  »[6]

 

Explication

 

Selon la règle, les traditionalistes décrivent la réalité et ordonnent la vérité.[7]

 

Chaque hérésie, adoptée par un grand nombre, contient forcément, en accord avec les traditionalistes, une part de vérité qu’il incombe de reprendre à son compte ; toute propagande fondée uniquement sur des mensonges ne trouverait jamais preneur. [Le seul moyen d’appâter les crédules est de l’enrober avec des éléments vrais.] Plus on se rapproche de la vérité plus on est serein, et plus on s’en éloigne plus on est enclin au doute, à la contradiction et à la division. Les traditionalistes sont les plus immunisés contre la division, et s’ils ne sont pas parfaits, ils sont relativement plus unis que les autres groupes ; plus on est fidèle à leur méthodologie moins on est exposé à l’erreur et à la division.

 

C’est pourquoi, comparativement, les mu’tazilites jouissent, par rapport aux philosophes, d’une meilleure entente à l’intérieur des rangs qui sont déjà énormément déchirés. Néanmoins, les ash’arites leur volent la première place des sectes hérétiques les moins divisées dans le domaine des Noms et Attributs divins, bien que des dissensions énormes existent entre eux.[8]

 

Les sectes les plus fidèles à l’orthodoxie sont plus conformes à la raison, et nous les soutenons sous cet angle-là dans les débats qui les affrontent. Il leur arrive de défendre des positions complètement erronées dans l’absolu, mais relativement, elles sont plus pertinentes que celles de leurs adversaires. Il incombe donc d’établir une hiérarchie des hérésies, après avoir dégagé la vérité.

 

Nous ne rendons pas le mal par le mal, mais nous donnons raison à ceux qui le méritent. Allah nous enjoint à la vérité à et à la justice, de la même manière qu’Il nous enjoint de parler en connaissance de cause. Nous acceptons toute vérité venant d’un juif on d’un chrétien, et à fortiori venant d’un shiite duodécimain. Nous nous contentons de détruire le faux, non de le chasser par une autre hérésie, quand bien même elle serait moins grave. Nombreux sont les sunnites partisans du kalâm qui déroge à ce principe sous prétexte que la fin justifie les moyens.

 

Les grandes références traditionalistes leur reprochent cette approche. Ils ne se permettent aucun écart à l’orthodoxie, et ils ne font aucune concession au nom de la défense de la vérité. Ils accordent à leurs adversaires leurs arguments quand ils sont plausibles, mais ils retournent contre eux les accusations qu’ils formulent à l’encontre d’autres adversaires en leur démontrant que leur discours n’est pas moins infaillible. Ils ne donnent raison dans l’absolu ni aux uns ni autres, mais ils pointent du doigt l’impertinence de chacun vis-à-vis de l’autre, et leurs incohérences.

 

Par exemple, il arrive aux ash’arites de prononcer des insanités, mais leurs détracteurs, les mu’tazilites et les philosophes creusent un plus grand écart entre eux et la meilleure opinion – eux aussi, nous le concédons leurs bonnes analyses. Nous défendons donc les premiers sous cet angle-là. Nous devons coûte que coûte garder la vérité entre les yeux et nous armer de savoir et d’équité, qui sont les grands ennemis de l’ignorance et de l’injustice.[9]

 

Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya établit

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/article-les-muwazanat-partie-1-117061146.html

 

« Par ailleurs,  dans le domaine du crédo qui touche à l’inconnu, chaque leader et chaque adepte des tendances musulmanes ne doit sa notoriété qu’à son attachement, même relatif, à la sunna et à sa reconnaissance des Noms et Attributs divins.

 

Tout d’abord, les mu’tazlites – l’élite du Kalâm – ; ces derniers sont loués et encensés par leurs adeptes et ceux qui ferment les yeux sur leurs mauvais côtés, mais c’est uniquement en regard de leurs bons côtés et de leur fidélité aux traditionalistes dans le domaine du crédo. Ils sont célèbres pour leur réfutation aux râfidhites dans divers domaines ; la légitimité des Khalifes, la crédibilité des Compagnons, l’acquiescement, mais aussi la falsification des textes, l’excès envers ‘Alî, etc.

 

En revanche, les shiites primitifs sont plus louables que les mu’tazlites qui renient notamment les Attributs divins, le destin, et l’intercession. Ils étaient également louables par rapport aux kharijites, qui excluaient de la religion nombre de Compagnons à l’instar d’Alî et d’Uthmân, ainsi que les musulmans pécheurs. Ils se distinguaient également des murjites, en faisant entrer les obligations religieuses dans la définition de la foi ; c’est même ce qui les poussa au crédo de la manzila baïn el manzilataïn (état intermédiaire entre la foi et la mécréance, ndt.), bien qu’ils ne parvinrent pas à s’aligner avec la sunna pure sur ce point.

 

En outre, les mutakallimîns qui reconnaissent les Noms et Attributs divins (kullâbiya, karrâmiya, ash’ariya) doivent leurs lettres de noblesse (ils furent acceptés et suivis par la majorité de la communauté) à leur conformisme dans les fondements de la foi : la reconnaissance du Créateur, de Ses Attributs, de la prophétie, et à leurs réfutations aux Juifs, chrétiens, mécréants et païens ; ils mirent en avant les contradictions de leurs arguments. Ils sont estimables d’avoir réfuté les jahmites, les mu’tazlites, râfidhites, qadarites là où ils contrevinrent à l’orthodoxie.

 

Ainsi, leurs bons côtés sont de deux sortes : quand ils sont conformes au traditionalisme et quand ils réfutent les arguments contradictoires des opposants au traditionalisme. Tous ceux qui rejoignent la tendance ash’arite sont mus dans leur objectifs par au moins l’une de ses deux raisons, et rien d’autre. Tous les musulmans, aussi bien les savants que le commun des mortels, n’aiment et ne défendent cette tendance que pour ces raisons.

 

Des auteurs, à l’image de Baïhaqî, Qushaïrî Abû el Qâsim, ibn ‘Asâkîr e-Dimashqî, qui vantent les vertus du premier homme de la secte, et qui plaident en sa faveur contre les critiques et les damnations, mettent en avant ses positions où ils s’accordent avec les traditionalistes et ses réfutations aux anti-traditionalistes. La nation, avec les savants et les émirs à sa tête, n’entend parler d’eux que de ces deux arguments.

 

S’il n’était pas plus proche de la vérité que ses coreligionnaires, on l’aurait mis au même niveau que ses contemporains bien moins louables de ce côté-là, à l’image de son premier Sheïkh Abû ‘Alî [el Jubbâî], et de son fils Hâshim.

 

Néanmoins, ses positions orthodoxes qui touchent aux Attributs, au destin, à l’imâma, aux vertus (probablement des Compagnons ndt.), l’intercession, le bassin, le pont jeté au-dessus de la Géhenne, la Balance jouent en sa faveur. Tout comme ses réfutations aux autres sectes (mu’tazilites, qadarites, râfidhites, jahmites) qui mettent en lumière leurs contradictions. Il est indubitable qu’il se distingue d’eux et que nous devons lui reconnaitre le rang et le respect qu’il mérite : [Allah a fait toute chose avec mesure].[10]

 

Il doit sa notoriété et sa célébrité (recrudescence d’adeptes ndt.) à sa fidélité au traditionalisme. Et cette fidélité, grâce à laquelle il prend le pas sur ses opposants en pulvérisant leurs arguments, l’élève au rang de mujâhid victorieux.

 

Tout pourfendeur de la bid’a s’érige en soldat sur le sentier de Dieu. Yahyâ ibn Yahyâ disait : « La défense de la sunna est plus méritoire que le djihad» Le mujâhid n’est pas toujours empreint de justice, il lui arrive de troquer la vertu contre le vice, mais comme nous l’apprend le hadîth : « Allah accorde le triomphe à Sa religion entre les mains d’un pervers, et de gens qui n’ont aucune part de la récompense céleste. » C’est pourquoi, la tradition établit que le djihad est valable sous l’étendard d’un mauvais émir… »[11]

 

Puis, ibn Taïmiya explique que le djihâd est méritoire, et qu’il intercède en faveur des membres de la communauté, même les plus mauvais. Ainsi, un individu est louable en fonction de sa proximité à la vérité et il est condamnable proportionnellement à ses écarts, peur importe à quel groupe il appartient ; les bonnes et les mauvaises actions sont définies à l’aune des textes, et elles ne sont pas laissées à l’initiative de chacun…  

                           

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] E-safdiya (2/240).

[2] El jawâb e-sahîh (3/102).

[3] Rapporté par e-Tirmidhî (n° 2687), et ibn Mâja (n° 4169).

[4] Sharh e-sunna d’el Baghawî (1/199).

[5] Rapporté par Abû Dâwûd (5/17-18).

[6] Majmû’ el fatâwa (5/101-104).

[7] Manhâj e-sunna (1/547).

[8] Majmû’ el fatâwâ (4/51-52).

[9] Minhâj e-sunna (2/341-343).

[10] La répudiation ; 3

[11] Majmû’ el fatâwâ (4/11-15).

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17 novembre 2017 5 17 /11 /novembre /2017 10:51

Troisièmement : de nombreux savants et pieux sont revenus sur leurs erreurs

 

Certains d’entre eux, à l’image d’el Husaïn, ne sont pas allés jusqu’au bout de leur projet, bien que dans le cas de ce dernier, il était déjà trop tard. D’autres l’ont regretté après coup.

 

Ibn Taïmiya enchaine dans son analyse : « ‘Alî se rendit compte, en fin de compte, qu’il aurait mieux valu éviter les conflits armés tant les inconvénients à s’y mêler étaient prépondérants aux avantages. El Husaïn également, qui connut le martyr à travers une mort injuste, renonça à son projet de prendre le pouvoir. Il fit la requête soit de retourner sur ses terres, soit d’être envoyé au front (pour garder les frontières) soit auprès de Yazîd, qui était, à cette époque, à la tête des musulmans.

On peut toujours avancer qu’Alî et son fils renoncèrent à leur projet, tout simplement, car ils n’avaient pas les moyens d’aller au bout ; ils n’avaient pas en effet suffisamment d’alliés de leur côté. Ils avaient conscience que beaucoup de sang aurait été versé sans parvenir à l’intérêt escompté.

Ce à quoi nous répondons : c’est exactement la sagesse dont le Législateur tint compte en interdisant de sortir l’épée contre l’émir, et en encourageant à ne pas participer aux troubles. Peu importe que l’on sorte au nom de la morale (ordonner le bien et interdire le mal), comme ce fut le cas pour les partisans d’el Harra, et Daïr el Jamâjim qui se soulevèrent contre Yazîd, el Hajjâj, etc. On n’enlève pas un mal par un plus grand mal, ce qui en soi est un mal, de la même façon qu’on ne recherche pas un bien, en passant par un mal plus grand que l’intérêt escompté à travers ce bien, ce qui en soi est également un mal. »[1]

 

Le grand Sha’bî qui s’était laissé embarquer dans la cabale d’el Ash’ath le regretta amèrement au bout du compte, lui l’auteur d’une parole célèbre : « Nous avons succombé à une épreuve dans laquelle nous n’étions ni des pieux pour craindre Dieu ni des pervers suffisamment forts pour pouvoir lutter ! »[2]

 

Quatrièmement : certains insurgés pensaient qu’ils avaient à faire à un gouverneur mécréant

 

Selon el Awzâ’î, j’ai entendu dire el Qâsim ibn Mukhaïmira : « El Hujjâj déliait les liens de l’Islam… »

Abû Bakr ibn ‘Iyyâsh a dit, selon ‘Âsim : « Il ne restait plus aucun interdit d’Allah qu’el Hujjâj ibn Yûsaf n’avait transgressé. »

Yahyâ ibn ‘Îsâ e-Ramlî a dit, selon el A’mash : « Comme certains ne s’étaient pas entendu sur le cas d’el Hujjâj, ils interrogèrent Mujâhid qui leur répondit : « Vous vous posez des questions au sujet de ce Sheïkh mécréant ! » »

D’après ibn ‘Asâkir, selon Sha’bî : « El Hujjâj croit au jibt wa e-tâghût, et il mécroit en Dieu L’Immense. » Voici ces paroles, wa Allah a’lam !

Selon Thawrî, selon Ma’mar, selon Tâwûs, selon son père : « Il est étonnant que nos frères d’Irâq donnent encore le nom de croyant à el Hujjâj. »[3]

 

Si, aux yeux d’ibn Kathîr, el Hujjâj n’en demeure pas moins un tyran, il tient tout de même à relativiser ce discours. Il est possible en effet que la main shiite se cache derrière certaines accusations qui lui furent imputées.[4]

 

Voici un témoignage de Qâdhî ‘iyâdh : « … La révolte contre el Hujjâj ne fut pas uniquement motivée par son statut de pervers, mais il ne faut pas oublier qu’il changea la religion, afficha la mécréance… »[5]

 

Cinquièmement : l’avis de savants plus illustres

 

Des Compagnons comme ibn ‘Abbâs, ibn ‘Omar, ibn e-Zubaïr, Abû Sa’îd el Khudrî s’inspirèrent des hadîth précédemment cités afin de dissuader el Husaïn de son projet de révolte.[6]

 

Nous avons vu plus haut également sur le sujet un passage d’ibn Taïmiya que nous remettons ici : « L’élite des musulmans interdisait de se rebeller et de prendre les armes en période de troubles. ‘Abd Allah ibn ‘Omar, Sa’îd ibn el Musaïb, ‘Alî ibn el Husaïn, etc. défendaient de sortir contre Yazîd, l’année d’el Harra. El Hasan el Basrî, Mujâhid, et tant d’autres défendaient de participer à la campagne (fitna) d’ibn el Ash’ath. Par la suite, un crédo se dessina chez les traditionalistes qui appelaient à ranger l’épée dans son étui en période de troubles. Ils se conformaient ainsi aux hadîth authentiques imputés de façon certifiée au Prophète. Ils prirent l’habitude de l’évoquer dans leur crédo, et incitaient à la patience face à la tyrannie des sultans, et à ne pas prendre les armes contre eux. »[7]

 

Le despotisme légendaire d’el Hajjâj ibn Yûsaf exaspéra ses contemporains, mais pour calmer leur ardeur, el Hasan el Basrî leur rappela la fameuse règle à travers un discours immortalisé par la chronique, et que nous reproduisons ici : « El Hajjâj incarne le courroux divin qui s’est abattu sur vous, alors ne l’affrontez pas avec l’épée. Pensez plutôt à implorer Dieu de vous accorder Son pardon et Sa pitié, et Il mettra fin à vos tourments. »[8] Une version précise que le sermon d’el Hasan fut prononcé à l’adresse de quelqu’un qui fomentait la sédition dans les rangs des citoyens.[9] Cette règle a donc un lien étroit avec la loi qui condamne tout acte d’insurrection.

 

El Hasan prenait en apparence la défense d’un tyran impitoyable dont les exécutions sommaires s’élevaient, selon les chiffres que rapporte Hishâm ibn Hassân, à cent vingt mille.[10] Dhahabî nous en dessine le sinistre  portrait: « Il pouvait se vanter d’être un oppresseur, injuste, cruel, scélérat, anti abbasside (nâsibite) et sanguinaire… » Certains anciens allèrent jusqu’à le bannir de la religion, comme nous l’avons vu précédemment.[11]

                           

Par : Karim Zentici

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[1] Minhâj e-sunna (4/535).

[2] Rapporté par el Baïhaqî dans el kubrâ (6/412), et Abû Nu’aïm dans el Huliya.

[3] Voir pour toutes ces annales : el bidâya wa e-nihâya d’ibn Kathîr (9/136).

[4] El bidâya wa e-nihâya (/9132).

[5] Sharh Muslim d’el Ubaï (5/180).

[6] Voir : târîkh e-Tabarî.

[7] Minhâj e-sunna (12/297).

[8] Rapporté par ibn Abî e-Duniyâ dans el ‘uqûbât (n° 52), avec une chaine narrative authentique.

[9] Celle-ci est rapportée par ibn Sa’d dans e-tabaqât (7/164), et el Balâdhirî dans jumal min ansâb el ashrâf (7/394), avec une chaine narrative authentique qui remonte à el Hasan.

[10] Comme le rapporte e-Tirmidhî (n° 2220), avec une chaine narrative authentique.

[11] Voir l’annale de Tâwûs rapportée, avec une chaine narrative authentique, par ‘Abd e-Razzâq dans el amâlî fî âthâr e-sahâba (n° 14), ibn Abî Shaïba dans el îmân (n° 95), ibn Sa’d dans e-tabaqât (5/540), e-Lalakâî dans sharh usûl el i’tiqâd (n° 1820, et 1821). Une autre voie, qui, elle, fut seulement jugée « bonne », passe par el A’mash, et Mujâhid ; celle-ci est rapportée par Abû Fadhl e-Zuhrî dans son fameux hadîth (n° 274). Il y a aussi une voie, dont la chaine narrative est authentique, qui passe par e-Sha’bî et el Ajlah, toujours chez Abû Fadhl (n° 275), mais également ibn Abî Shaïba (n° 97), et e-Lalakâî (n° 1823). Une dernière voie, qui passe par Ibrâhîm e-Nakha’î, fut authentifiée par el Albânî dans sa recension d’el îmân ; celle-ci est rapportée par ibn Sa’d (6/279), et e-Lalakâî (n° 1820).

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17 novembre 2017 5 17 /11 /novembre /2017 10:48

 

Le loyalisme traditionaliste

(Partie 3)

Y a-t-il exception à la règle ?

 

On peut toujours avancer que certains anciens prirent les armes contre les autorités en place à l’instar d’el Husaïn, des habitants de Médine qui se soulevèrent contre Yazîd, et de certains savants dont Sa’îd ibn Jubaïr, qui prêtèrent main forte à ibn el Ash’ath, etc. Or, cet argument ne tient pas pour les raisons suivantes :

 

Premièrement : Les textes sont clairs sont la chose.[1]

 

Les traditionalistes ne font passer rien ni personne avant les textes. Je ne vais pas m’étaler sur ce principe tant celui-ci est évident, mais j’aimerais juste évoquer deux textes et deux, voire trois règles qui en découlent.

 

Pour le premier texte, il s’agit du Verset : [Si vous avez le moindre litige, alors ramenez-le à Allah et au Messager, si vraiment vous croyez en Allah et au Jour du jugement dernier ; cela vaut mieux et aura de meilleures conséquences pour vous].[2] Voici la règle qui en découle : Ibn el Qaïyim souligne à cet effet : « S’il n’existait pas dans le Livre d’Allah et la Tradition de Son Messager des lois venant trancher entre les différents litiges, et si cela, en outre, n’était pas suffisant, il n’aurait pas été enjoint de s’y référer en cas de litige. Il est impossible qu’Allah (I) ordonne de ramener les litiges à des références non en mesure de les trancher. »[3]

 

Voici le second Verset et la règle qui en découle : (Voici Mon Chemin droit alors empruntez-le, et ne suivez pas les sentiers qui vous en feront dévier).[4] Ibn el Qaïyim  – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait le commentaire suivant : « Un seul chemin mène à Allah. Il correspond à la révélation et aux Livres qu’Il a descendus aux envoyés. Il n’est pas possible de parvenir à lui par un autre chemin. Si les hommes affluaient de toutes les routes et s’ils frappaient à toutes les portes, elles leur seraient toutes obstruées et fermées, à l’exception d’une seule ; celle-ci est reliée et mène directement à Allah. »[5]

 

Voici sur le sujet, une dernière parole extraordinaire d’ibn el Qaïyim : « Il n’incombe nullement à la nation de suivre ou de s’en remettre au jugement de quiconque inaugure un discours et établit des règles en fonction de sa propre compréhension et interprétation. Il importe avant tout d’exposer son discours aux enseignements du Messager. S’il correspond et est conforme à ceux-ci, on peut dans ces conditions témoigner de sa véracité et l’approuver. Sinon, il est impératif de le réfuter et de le rejeter. Dans le cas où on ne peut ni y distinguer la conformité ni la non-conformité, il faudra le laisser en suspens. Quand bien même il serait légitimé de s’en servir comme loi ou comme fatwa, il le serait tout autant de le mettre de côté. »[6]

 

Deuxièmement : les traditionalistes qui sont allés à l’encontre de ces textes sont excusables

 

Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Secundo : il y a ceux qui prennent les armes non pour défendre une croyance contraire au traditionalisme. Nous pouvons compter dans cette catégorie ceux qui participèrent aux batailles d’el Jumal, Siffîn, el Harra, el Jamâjim, etc. Ces derniers pensaient simplement que la guerre était la meilleure solution, bien que ce ne fût pas le cas. Ils ne voyaient pas dès lors les inconvénients énormes qu’elle allait engendrer. D’ailleurs, ils le regrettèrent après coup, et surent par l’expérience ce que les textes mettaient en garde depuis le début. »[7]

 

Puis, il explique qu’en résumé, nous pouvons recenser quatre raisons à travers l’Histoire ayant poussé certains savants à l’erreur dans ce domaine.

  • Certains d’entre eux n’avaient tout bonnement pas eu accès aux textes.
  • D’autres remettaient en question leur authenticité.
  • D’autres, à l’image d’ibn Hazm, pensaient qu’ils étaient abrogés.
  • D’autres les interprétaient à leur façon, comme tout mujtahid.[8]

 

Il explique également : « Quant aux partisans d’el Harra, d’ibn el Ash’ath, d’ibn el Muhallib, etc. ils connurent la défaite ; ils ne parvinrent ni à maintenir la religion ni à épargner le profane. Alors que le Très-Haut n’ordonne rien qui ne rapporte aucun effet ni pour la religion ni pour la vie matérielle. S’il est vrai au même moment, que les acteurs d’une telle initiative soient des pieux, des élus d’Allah promis au Paradis, ces derniers ne sont pas meilleurs qu’Alî, ‘Âisha, Talha, Zubaïr, etc. dont la participation aux troubles ne fut pas louable. Pourtant, ils ont un rang plus élevé auprès d’Allah et ont une meilleure intention que n’importe qui d’autre. Nous pouvons dire autant pour les partisans d’el Harra qui comptaient dans leur rangs bon nombre de savants et de pieux. Même chose pour les partisans d’ibn el Ash’ath, qu’Allah leur pardonne à tous ! »[9]

 

« Parmi les éléments en relation avec ce point : nous devons savoir qu’un grand homme au niveau du savoir et de la piété, parmi les Compagnons, leurs successeurs, et tous ceux qui viendront après eux jusqu’à la fin du monde, qu’ils soient d’ahl el Baït ou non, peut très bien faire un effort d’interprétation basé sur des conjectures, voire des passions subtiles qui auront de mauvaises conséquences. Il ne convient pas de le suivre sur son erreur, bien qu’au même moment, il compte parmi les pieux et les élus de Dieu.

Malheureusement, ce genre d’erreur perturbe deux catégories d’individus :

  • Ceux qui l’encensent, et qui veulent absolument lui donner raison et le suivre dans son erreur.
  • Ceux qui le condamnent et qui remettent en question à cause de cette erreur sa piété et son statut de wali. Ils font jusqu’à douter de sa crédibilité et qu’il soit des habitants du Paradis.

Or, ces deux voies opposées sont aussi égarées l’une que l’autre. »[10]

 

[1] Sharh Muslim d’el Ubaï (5/196).

[2] Les femmes ; 59

[3] I’lâm el mawqi’în (1/49).

[4] Le bétail ; 153

[5] E-tafsîr el qaïyim (14-15).

[6] Zâd el ma’âd (1/38).

[7] Minhâj e-sunna (4/538).

[8] Minhâj e-sunna (4/538).

[9] Minhâj e-sunna (4/528).

[10] Minhâj e-sunna (4/543).

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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 11:02

Annexe

 

Voir : http://mizab.over-blog.com/2014/10/le-kharijisme-partie-1.html

 

L’interdiction de sortir contre un gouverneur pervers à l’unanimité des savants

 

En regard des hadîth précédemment cités sur le sujet et tant d’autres, les savants en ont conclu qu’il est strictement interdit de prendre les armes contre un gouverneur tyran, tant qu’il reste musulman. La seule condition pour le faire, c’est, comme l’indiquent les textes, qu’il soit l’auteur d’une mécréance qui ne fait aucun doute et qui est claire comme l’eau de roche. C’est question est tellement importante que les traditionalistes, appelés de nos jours par ses opposants pseudo salafis, ou de façon beaucoup moins reluisante « talafi », en ont fait un point central de leur prédication, et un signe distinctif des partisans de la vérité, étant donné que la majorité des innovateurs, avec à leur tête les kharijites, le leur contestent. Cette question est tellement importante que pratiquement tous les recueils de ‘aqîda étalent ce crédo ; celui-ci est communément transmis de générations en générations pour éviter les bains de sang qui constituent un inconvénient plus grave que celui qu’ils étaient sensés éradiquer.

 

Ibn Battâl est l’un des légistes qui rapportent ce consensus.[1] E-Nawawî va plus loin en pointant un doigt accusateur contre les partisans de son école, mais aussi contre les mu’tazilites qui dérogent à ce consensus. Puis, il conclut avec une parole d’el Qâdhî dont voici les termes : « Il est dit que si divergence il y a eu, c’était au début, mais, avec le temps, un consensus se dégagea sur l’interdiction de se rebeller. »[2]

 

Ibn Taïmiya établit : « L’élite des musulmans interdisait de se rebeller et de prendre les armes en période de troubles. ‘Abd Allah ibn ‘Omar, Sa’îd ibn el Musaïb, ‘Alî ibn el Husaïn, etc. défendaient de sortir contre Yazîd, l’année d’el Harra. El Hasan el Basrî, Mujâhid, et tant d’autres défendaient de participer à la campagne (fitna) d’ibn el Ash’ath. Par la suite, un crédo se dessina chez les traditionalistes qui appelaient à ranger l’épée dans son étui en période de troubles. Ils se conformaient ainsi aux hadîth authentiques imputés de façon certifiée au Prophète. Ils prirent l’habitude de l’évoquer dans leur crédo, et incitaient à la patience face à la tyrannie des sultans, et à ne pas prendre les armes contre eux. »[3] Ailleurs, il signe : « C’est pourquoi, l’un des principes traditionalistes invite à renoncer à prendre les armes contre les sultans, et à participer à des troubles, contrairement aux mu’tazilites, qui voient en cela, l’un des grands principes de leur religion. »[4]

 

Même « son de cloche » chez ibn Hajar qui considère, que dans un premier temps, les anciens voyaient l’épée, mais, s’étant rendu compte des inconvénients énormes qu’une telle initiative engendrait, notamment lors des compagnes d’el Harra, et d’ibn el Ash’ath, en fin compte, ce qui allait devenir l’un de leurs principes, ils y renoncèrent définitivement.[5]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Sharh el Bukhârî d’ibn Battâl (10/8).

[2] Sharh Muslim (12/469).

[3] Minhâj e-sunna (12/297).

[4] Majmû’ el fatâwâ (28/503).

[5] Tahdhîb e-tahdhîb (2/288).

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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 10:58

 

Le loyalisme traditionaliste

(Partie 2)

 

L’oiseau qui se perche sur une toile d’araignée

 

« Il y a plus faux que le faux, c'est le mélange du vrai et du faux. »
— Paul Valéry

 

Ibn Taïmiya établit que les adeptes des religions falsifiées et les égarés en général s’appuient généralement sur des arguments ambigus au détriment des arguments formels, trahissant ainsi qu’ils sont plus animés par les passions que par la recherche de la vérité.[1] Ce manque de bonne foi ou, pour le moins, ce manque de rigueur les fait sombrer dans les contradictions les plus aberrantes.

 

Selon ‘Âichâ – qu’Allah l’agrée –, le Messager (r) récita le Verset : (Il est Celui qui vous a descendu le Livre ; celui-ci contient des versets explicites qui incarnent la mère du Livre ; d’autres sont ambigus. Quant à ceux qui ont les cœurs fourbes, ils s’en tiennent à la partie ambiguë pour semer le désordre et les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur).[2] Puis, il expliqua : « Si vous voyez des gens suivre les Versets ambigus, sachez qu’Allah les a dénoncés dans Son Livre ; alors, méfiez-vous d’eux. »[3] Pour Shâtibî il s’agit notamment des kharijites.[4]

Ibn ‘Abbâs dépeint leur profil en ces termes : « Ils donnent foi aux Versets formels, mais les Versets ambigus les égarent. » Puis, il récita le Verset précédent.[5]

 

Comme si ce consensus ne suffisait pas, quelques âmes égarées piochent ici et là des bribes d’arguments pour justifier une supposée divergence qui redorerait le blason des fomentateurs zélés semant le feu de la discorde dans les pays musulmans.

 

Celles-ci s’inspirent notamment de Muqtadhâ e-Zabîdî (m. 1205 h.) qui s’appuie sur ce qui serait l’ancienne opinion de Shâfi’î légitimant la destitution d’un gouverneur pervers. Il y aurait donc divergence, et el Mâwardî ira, dans el ahkâm e-sultâniya, jusqu’à reprendre à son compte cette tendance qui ne fait pas l’unanimité au sein de l’école. Bien qu’ash’arite, imâm el haramaïn sera séduit par cette orientation singulière.[6]

 

Or, ce témoignage venant d’un savant qui s’inscrit dans le temps dix siècles après le fondateur de l’école canonique ne fait pas le poids devant les paroles de son fidèle élève el Muzanî qui maitrisait ses avis tranchés sur le bout des doigts. Ibn ‘Abd el Barr confirme qu’aucun savant ne pouvait rivaliser ce dernier dans ce domaine.[7] D’ailleurs, Shâfi’î dira lui-même : « Muzanî est le grand défenseur de ma tendance. »[8] El Baïhaqî, un autre grand spécialiste de l’école témoigne au sujet de son maitre à penser : « Celui-ci voyait le devoir d’obéissance au sultan qui s’empare du Pouvoir par la force. »[9]

 

Ensuite, il est étonnant de prendre en référence el Mâwardî qui, en effet, justifie de prendre les armes pour lutter contre les abus des hommes au Pouvoir.[10] Déjà, au même titre que n’importe quel autre savant, il n’est pas à l’abri de l’erreur. En l’occurrence, d’obédience shâfi’ite, il défend ici le crédo mu’tazilite qu’il rejoint sur de nombreux points, comme le détectent ibn Salâh par le biais d’el Subkî,[11] et Dhahabî.[12]

 

Ibn Taïmiya explique : « C’est pourquoi, l’un des principes traditionalistes invite à renoncer à prendre les armes contre les sultans, et à participer à des troubles, contrairement aux mu’tazilites, qui voient en cela, l’un des grands principes de leur crédo. »[13]

 

Par ailleurs, nous avons vu plus haut que Nawawî, un autre spécialiste de l’école, parle clairement d’un consensus, bien qu’à un autre endroit, il soit moins formel en attribuant cette opinion à la grande majorité, non, nuance à l’unanimité des shâfi’ites.[14] La raison est que certains légistes, mais aussi les mu’tazilites affiliés à l’école dérogent, à tort, à ce consensus. Puis, il conclut avec une parole d’el Qâdhî dont voici les termes : « Il est dit que si divergence il y a eu, c’était au début, mais, avec le temps, un consensus se dégagea sur l’interdiction de se rebeller. »[15]

 

Quant à l’Imâm el haramaïn, la raison de son revirement d’opinion s’explique probablement par le fait qu’à son époque les ash’arites s’étaient lourdement imprégnés de la pensée mu’tazilite.[16]

 

Or, quand bien même, Shâfi’î aurait eu une autre opinion dans la première période de sa vie, elle aurait donc évolué, en plus du fait, comme il le souligne lui-même, qu’il n’incombe à personne de suivre ses erreurs. Ce dernier affirme : « Si on ramène un hadîth qui s’avère authentique, alors jetez ma parole contre le mur. Et, si vous voyez une preuve textuelle posée sur la route, alors sachez que j’en fais mienne. »

En introduction à son mukhtasar, el Muzanî souligne : « Ce livre est le résumé des paroles d’Abû ‘Abd Allah e-Shâfi’î que je mets à disposition de celui qui désire connaitre sa tendance, en sachant que l’Imam interdit que l’on suive aveuglement qui que ce soit, que ce soit lui ou n’importe quel autre savant. »[17]

 

Les autres fondateurs des quatre écoles « canoniques » étaient pris exactement par le même scrupule. Abû Hanîfa a dit, quant à lui : « Voici mon opinion ; je n’en ai pas trouvé mieux, mais si quelqu’un nous en ramène une meilleure, nous nous y soumettons les yeux fermés. »

Son élève Abû Yûsaf retint la leçon le jour où il visita l’Imam Mâlik pour lui poser certaines questions. (Après les avoir évoquées, il enchaine ndt. :) L’Imam y répondit conformément aux preuves issues de la sunna sur le sujet. Voici quelle fut la réaction d’Abû Yûsaf : « Je reviens à ton opinion, Abû Abd Allah ! Et, si mon compagnon avait écouté tes arguments, il aurait fait la même chose que moi. »

Mâlik est également l’auteur des paroles : « Je ne suis qu’un homme qui est sujet à l’erreur, alors, confrontez mes paroles au Coran et à la sunna. » Quand Haroun Rashid concerta Mâlik ibn Anas en vue d’imposer son muwatta comme autorité à grande échelle, celui-ci refusa catégoriquement en prétextant : « Non, Prince des croyants, ne prend pas une telle décision. Les Compagnons du Messager d’Allah (r) se sont dispersés dans les contrées, et chacune d’entre elles a profité de leurs différentes connaissances. Moi, je n’ai fait que compiler le savoir pour les habitants de mon pays. »[18]

L’Imam Ahmed criait haut et fort : « Ne suivez personne aveuglément, ni moi ni Mâlik, ni Shâfi’î ni e-Thawrî, mais apprenez comme nous l’avons fait. »

Il disait également : « Comment reconnaitre que quelqu’un a peu de science ? Il suffit de voir s’il suit aveuglément les hommes pour connaitre sa religion… »

Ailleurs, il renchérit : « Ne suis pas aveuglément les hommes pour connaitre ta religion, car ils ne sont pas à l’abri de l’erreur. »

« Il ne convient pas au légiste d’imposer sa tendance aux gens et d’être dur avec eux sur la chose. »[19]

 

[1] Voir notamment : El Jawâb e-Sahîh li man baddala din el Masîh (2/710) et majmû’ el fatâwa (3/62-63).

[2] La famille d‘Imrân ; 7

[3] D’après el Bukhârî et Muslim dans leurs recueils e-sahîh.

[4] Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

[5] Voir : El musannif  d’ibn Abî Shaïba (15/313) et e-sharî’a d’el Ajûrrî (1/343).

[6] Ittihâf e-sâda el mutaqqîn (2/233).

[7] El intiqâ (p. 110).

[8] Tabaqât e-shâfi’iya el kubrâ de Tâj e-Dîn e-Subkî (2/94).

[9] Manâqib e-Shâfi’î (1/448).

[10] Voir : el ahkâm e-sultâniya (p. 42).

[11] Tabaqât e-shâfi’iya el kubrâ de Tâj e-Dîn e-Subkî (5/270).

[12] Siar a’lâm e-nubalâ (18/67).

[13] Majmû’ el fatâwâ (28/503).

Voice les cinq grands fondements (el usûl el khamsa) sur lesquels repose le crédo mu’tazilite :

1- L’unicité : ils entendent par là, la négation des Attributs, car les reconnaitre, selon eux, cela revient à avoir plusieurs divinités. C’est ce qui les pousse à taxer de polythéistes tous ceux qui adhèrent aux Noms et Attributs divins.

2- La justice : par laquelle ils renient la prédestination qui serait, à leurs yeux, une forme d’injustice. Comment le Très-Haut pourrait-ils, à leurs yeux, châtier un homme dont le destin aurait déjà été scellé à l’avance ?

3- La morale : ordonner le bien et interdire le mal qu’ils confinent dans la révolte contre les autorités en place qui font régner la débauche, mais sans sortir des limites de l’Islam. La morale se concrétise donc dans les coups d’État.

4- Le statut intermédiaire : (manzila baïna el manzilataïn) c’est à cause de cette question qu’ils rompirent avec Hasan el Basrî – qu’Allah lui fasse miséricorde –. Ce dernier avait été questionné sur le statut de l’auteur d’un grand péché. « C’est un croyant ayant une foi faible » établit-il. Sa réponse ne dérogea pas au crédo traditionaliste qui s’oppose à deux tendances extrêmes : les kharijites pour qui il est mécréant, et les murjites qui voient en lui un croyant ayant une foi pleine. Nous disons donc qu’il est croyant en raison de sa foi et pervers en raison de son péché. Ces sectateurs se firent connaitre par cette tendance qu’ils innovèrent.

5- L’exécution de la menace divine : à leurs yeux, quand on entre en Enfer, c’est pour y rester à jamais. Les auteurs des grands péchés n’auraient pas le droit d’en sortir, car on ne peut à la fois mériter le châtiment et la récompense divine.

[14] Sharh Muslim (12/229).

[15] Sharh Muslim (12/469).

[17] Mukhtasar el Muzanî (p. 1) ; celui-ci est imprimé dans le fameux el Umm de Shâfi’î.

[18] Rapporté par Abû Nu’aïm dans el hiliya (6/332).

[19] Voir : Majmû’ el fatâwâ (24/172). Voir : Jâmi’ e-rasâil avec la recension de Fawz Ahmed Zamralî (2/61-107).

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 11:28

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. El Muzanî ;[1]
  2. Ibn el Mundhir ;[2]
  3. Ibn Taïmiya qui fait état de sa propre expérience ;[3]
  4. E-Dhahabî qui cautionne l’allégation de son Sheïkh dans le cadre de son résumé de l’ouvrage Minhâj e-sunna, qui ne dit mot consent ;[4]
  5. Mohammed ibn Ahmed e-Tâî, le maitre d’el Baqillânî, corrobore ce consensus, comme le rapporte ibn Hazm dans marâtib el ijmâ’ (p. 178) ;
  6.             E-Nawawî, l’auteur des paroles : « À l’unanimité des musulmans, toute révolte armée contre les gouverneurs en place est interdite, peu importe qu’ils fassent régner la tyrannie, comme le dénotent nombre de hadîth. Il existe un consensus des traditionalistes stipulant que la débauche du sultan ne justifie pas sa destitution. »[5] ;
  7. E-Tîbî qui reprend pratiquement mot pout mot les termes de Nawawî ;[6]
  8. El Ubbî d’obédience mâlikite, qui dira plus tard dans les traces de Nawawî : « À l’unanimité des musulmans, toute révolte armée contre les tyrans en place est interdite. Ce consensus ne tient pas compte de l’avis erroné de certains savants de notre école qui proposent leur destitution. »[7]
  9. Ibn Battâl ;[8]
  10. ibn Hajar el ‘Asqalânî qui valide les propos d’ibn Battâl.[9] Ailleurs, ce dernier considère, que dans un premier temps, les anciens voyaient l’épée, mais, s’étant rendu compte des inconvénients énormes qu’une telle initiative engendrait, notamment lors des compagnes d’el Harra, et d’ibn el Ash’ath ; en fin compte, ce qui allait devenir l’un de leurs principes, ils y renoncèrent définitivement.[10]

 

Désormais, tout individu qui déroge à ce consensus sort du giron des traditionalistes pour rejoindre la longue liste des hérétiques

 

Sahl e-Tustarî : « Cette nation se divise en soixante-treize sectes ; soixante-douze d’entre elles sont vouées à la perdition, toutes haïssent le sultan ; la secte sauvée est la seule qui est avec le sultan. »[11]

 

Nous avons vu plus haut les témoignages de l’Imam Ahmed, de Harb ibn Ismâ’îl el Karmânî, et d’ibn Batta. Plusieurs annales des références de la première époque les corroborent.

 

Déjà, selon Abû Sâlih el Hanafî, à l’époque où les habitants de Kûfa avaient expulsé l’émir Sa’îd ibn el ‘Âs, un homme accouru vers Hudhaïfa et Abû Mas’ûd el Ansârî qui étaient assis à l’intérieur de la mosquée : « Qu’est-ce qui vous retient ici, s’écria-t-il, alors que les gens sont sortis ? Je jure par Allah que nous sommes fidèles à la sunna !

  • Comment pouvez-vous être fidèles à la sunna, rétorquèrent-il, vous qui avez expulsé votre émir ? Par Allah, vous ne serez jamais fidèles à la sunna tant que vous ne serez pas empreints de sollicite envers le berger à votre tête, et que vous ne prodiguerez pas le bon conseil à ses sujets !
  • Et si nous ne sommes pas emprunts de sollicitude envers notre berger, et que ne prodiguons pas le bon conseil à ses sujets, que devons-nous faire ?
  • Alors, nous vous quitterons, et nous partirons loin d’ici. »[12]

 

On posa également la question à Sahl ibn ‘Abd Allah e-Tustarî : « Comment reconnaitre qu’on est un traditionaliste ?

  • Il suffit de s’épargner dix infractions : s’écarter du groupe, injurier les Compagnons, prendre les armes contre les membres de la communauté, renier le destin, douter de la foi, polémiquer sur la religion, renoncer à la prière mortuaire en faveur des musulmans pécheurs, renoncer à essayer ses chaussons au cours des ablutions, renoncer à la prière derrière n’importe quel gouverneur, même un tyran. »[13]

 

Yahyâ ibn Sa’îd évoqua el Hasan ibn Sâlih en ces termes : « Il n’était pas sur la voie traditionaliste. » Thawrî en donne la raison : « Cet homme voyait l’épée contre la communauté mohammadienne. »[14]

Zâfir apporte son témoignage : « Alors que je m’apprêtais à voyager pour le pèlerinage, el Hasan ibn Sâlih me fit la recommandation : « Si tu rencontres Sufiyân e-Thawrî à La Mecque, passe-lui le salâm de ma part, et fais-lui savoir que je suis fidèle à la voie des anciens. » Une fois sur place, je croisai Sufiyân en plein tawâf autour de la Maison sacrée. Je lui communiquais : « Ton frère el Hasan ibn Sâlih te passe le salâm, et te fait savoir qu’il est fidèle à la voie des anciens.

  • Que fait-il de la prière du vendredi, répéta-t-il à deux reprises ? »[15]

Il lui reprochait de renoncer à la prière du vendredi présidé par un tyran.

 

Selon Khalaf ibn Tamîm : « Zâida réclamait de se repentir à quiconque visitait Hasan ibn Sâlih. »[16]

 

Enfin, Mohammed ibn Muthannâ raconte : « Je n’ai jamais entendu ‘Abd e-Rahmân ibn Mahdî rapporter la moindre narration venant de Hasan ibn Sâlih. »

 

On interrogea Sufiyân ibn ‘Uyaïna sur le sens de l’expression ahl e-sunna wa el jamâ’a, et voici quelle fut sa réponse : « La jamâ’a (le groupe, l’union, ndt.) correspond à l’allégeance unanime des Compagnons à Abû Bakr et ‘Omar, et la sunna (la tradition, ndt.) enjoint à endurer l’injustice des autorités en place. »[17]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Sharh e-sunna (p. 85-88).

[2] El awsat fî e-sunan wa el ijmâ’ wa el ikhtilâf (p. 407) ; voir : subul e-salâm de San’ânî (3/262).

[3] Minhâj e-sunna (4/529-530), et Majmû’ el fatâwâ (3/249).

[4] El muntaqâ min minhâj el i’tidâl (p. 297).

[5] Sharh Muslim (12/229).

[6] El kâshif ‘an haqâiq e-sunan (7/181).

[7] Ikmâl ikmâl el mu’lim (5/181).

[8] Sharh el Bukhârî d’ibn Battâl (10/8, 2/328).

[9] Fath el Bârî (13/7).

[10] Tahdhîb e-tahdhîb (2/288).

[11] Voir : qût el qulûb (2/242) d’abû Tâlib el Makkî.

[12] Rapporté par ibn Abî Shaïba (7/453, 465).

[13] Sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (n° 324).

[14] Voir : e-dhu’afâ d’el ‘Uqaïlî (1/229).

[15] Voir : e-dhu’afâ d’el ‘Uqaïlî (1/230).

[16] Voir : e-dhu’afâ d’el ‘Uqaïlî (1/232).

[17] Voir : mashîkha ibn el Hattâb (p. 116).

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9 novembre 2017 4 09 /11 /novembre /2017 17:11

Le loyalisme traditionaliste

(Partie 1)

 

Fonder le walâ wa el barâ (alliance) sur les ijtihâdât (avis) d’un ou de plusieurs savants est typique à la hizbiya qu’on le veuille ou non.

Ibn Taïmiya établit : « Ra-s el hizb : signifie la tête d’un groupe qui s’organise en parti, faction, confrérie (hizb). Dans la mesure où les valeurs du groupe sont strictement conformes aux commandements d’Allah et de Son Messager, ses membres sont de véritables croyants avec les devoirs et les droits qui s’y rattachent. En revanche, toute  charte tacite qui s’inscrit plus ou moins à l’encontre du Coran et de la sunna est porteuse de division. Par exemple, toute attitude qui vise, à tort ou à raison, à accorder une affinité particulière, voire chauvine entre les adhérents du groupe aux dépens des éléments extérieurs pour qui ils éprouvent de l’indifférence voire de l’aversion (que ce soit à tort ou à raison) est assimilée à de la division que condamnent les textes scripturaires de l’islam.  La religion appelle à l’union et à l’entente, et désapprouve, en parallèle, toute action qui est source de discorde. Il existe entre les fidèles un contrat d’entraide en vue de répandre la vertu et la justice. Pour cela, ils ne doivent pas se rendre complices dans la propagation du vice et de l’injustice. »[1]

 

Voir notamment : talî’a el hiwâr e-dârij de Sheïkh ‘Abd el Mâlik Ramadhânî.

 

 Ibn Taïmiya établit que l’obéissance au tyran musulman, contre lequel il est interdit de prendre les armes, intègre les articles du crédo traditionaliste en accord avec les textes scripturaires qui enjoignent de patienter face à ses abus.[2] À ses yeux, tant qu’il fait la prière, il fait partie intégrante de la communauté ; son cœur renferme l’essence de la foi qui consiste à vouer le culte exclusive au Créateur des cieux et de la terre ; ce dernier adhère pleinement au monothéisme, l’essence de la religion musulmane ; il a son actif de nombreux fastes en plus de renoncer à de nombreux péchés. Il est certes l’auteur d’injustices qu’il cherche à légitimer avec des raisons pas toujours légitimes, mais cela ne justifie en rien de prendre les armes contre lui.[3]

 

Sheïkh el Islâm s’appuie sur des citations d’anciens qui corroborent ce principe, à l’image d’Abû Hanîfa et de ses deux élèves, Abû Yûsaf et Mohammed ibn el Hasan, selon lesquels – les propos reviennent au dernier cité – la sunna interdit de prendre l’épée contre les musulmans.[4] Les adeptes de l’école inscriront ce crédo dans leurs épitres qui recensent la croyance traditionaliste. Ce fut le cas de Tahâwî, l’auteur des paroles : « Nous ne voyons pas la révolte contre les gouverneurs en place, même quand ils sont des tyrans ; ne n’invoquons pas contre eux, et nous ne contestons pas leur autorité ; nous considérons que leur obéissance, qui relève de l’obéissance d’Allah (U), est un devoir tant qu’ils n’appellent pas à désobéir à Allah ; nous invoquons le Seigneur de les réformer et de les préserver. »[5]

 

Ibn Abî Zamanaïn se fera pour sa part le porte-parole de l’école malikite qui entérine ce principe.[6] Du côté des shâfi’ites, el Muzanî (m. 264 h.) qui était très proche du fondateur éponyme, se charge de l’enregistrer.[7]

 

L’Imam Ahmed l’intègre dans son épitre consacrée à l’édification du crédo orthodoxe qui stipule clairement : « Il n’est permis à personne de combattre le sultan ni de se rebeller contre lui, sous peine de devenir un innovateur ayant dévié de la sunna et de la bonne voie. »[8] Son élève Abû Bakr el Athram explique que cet article du crédo, qui reçut l’aval des Compagnons et des grandes références de la religion, bannit tout contrevenant de l’orthodoxie pour le ranger du côté des harûrîtes hérétiques.[9] Le prophète, nous dit ibn Taïmiya, a interdit de prendre les armes contre les autorités musulmanes en place, aussi tyranniques soient-elles, en vu des inconvénients immenses qu’une telle initiative engendre. Plusieurs textes prophétiques communément transmis mettent en garde de tremper dans les guerres intestines.[10] À plusieurs reprises, Sheïkh el Islâm parle de fondement de l’édifice de la religion, non de point subsidiaire qui serait éventuellement sujet à divergence.[11]

 

Voici une liste non exhaustive de savants ayant stipulé l’existence d’un consensus sur l’interdiction de se révolter contre les gouverneurs musulmans :

 

  1. El Bukhârî qui impute cette tendance à plus de mille savants qu’il a rencontrés à travers tous les centres scientifiques de l’époque ;[12]
  2. Abî Hâtim et Abû Zur’a e-Râzî qui reprennent le même crédo qu’el Bukhârî qu’ils imputent aux savants des quatre coins de l’Empire (Hijâz, Iraq, Shâm, Yémen, etc.) ;[13]
  3. Abû Zaïd el Qaïrawânî ;[14]
  4. Harb ibn Ismâ’îl el Karmânî qui voue à l’hérésie tout individu qui contrevient aux fondements qu’il énumère ;[15]
  5. Ibn Batta qui met également en garde contre toute hérétique qui se marginalise par rapport à ces fondements ;[16]
 

[1] Majmû’ el fatâwâ (11/92).

[2] El istiqâma (1/32).

[3] Majmû’ el fatâwâ (28/179).

[4] Majmû’ el fatâwâ (16/474).

[5] El ‘aqîda e-tahâwîya (p. 47). Notons que Mohammed el Khamîs est l’auteur d’une thèse universitaire dans laquelle il se sert de cette citation de Tahâwî pour justifier qu’Abû Hanîfa aurait finalement renoncé à cautionner les révoltes armées contre les gouverneurs désobéissants. Voir : usûl e-dîn ‘inda el imâm Abî Hanîfa (p. 569).

[6] Voir : usûl e-sunna (p. 275).

[7] Sharh e-sunna (p. 85).

[8] Sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (1/181).

[9] Nâsikh el hadîth wa mansûkhihi (p. 257).

[10] El istiqâma (1/34),

[11] Voir notamment : Majmû’ el fatâwâ (1/18-19, 3/250).

[12] Sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (n° 320).

Le nombre des savants que Bukhârî aurait rencontré s’élèvera à mille quatre-vingts savants, comme le rapporte Dhahabî de la bouche du concerné. Voir : Siar a’lâm e-nubalâ (12/395).

[13] Sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (n° 321-323).

[14] El jâmi’ (p. 139-148).

[15] masâil el imâm Ahmed wa Ishâq ibn Râhawaïh (p. 355-357).

[16] E-sharh wa el ibâna (p. 276).

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