Vingt bonnes raisons d’endurer la calomnie
(Nouvelle version)
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,
et tous ses Compagnons !
Dans son épître Qâ’ida fî e-sabr wa e-shukr, Sheïkh el Islam ibn Taïmiya préconise vingt bonnes raisons de patienter face à la calomnie, et de ne pas se venger contre ses auteurs. Voici ce qu’il nous apprend :
Quoi qu’il puisse arriver au croyant, c’est un bien venant d’Allah (I). Sa vie est un bienfait perpétuel que la situation dans laquelle il évolue lui plaise ou non. Le destin est en fait une transaction dont les serviteurs du Très-Haut récoltent les fruits, comme il est une route qui mène à Lui. Un hadith certifie que l’homme qu’ils vont suivre le Jour où chacun sera appelé à suivre son meneur déclare (r) : « La vie du croyant est vraiment étonnante ! Tout destin qu’Allah lui écrit est un bien pour lui : Il est reconnaissant dans l’aisance, ce qui est bien pour lui et il est patient dans l’adversité, ce qui est un bien pour lui. »[1] Tout événement prédestiné au croyant est un bien pour lui dans la mesure où il s’arme de patience dans les moments difficiles et où il fait preuve de reconnaissance dans les moments de joie. Cette caractéristique fait partie intégrante de la foi. La foi se divise en deux, nous dit un ancien, une partie est faite de patience et une autre est faite de reconnaissance.[2] Un Verset va dans ce sens : (Il y a là des signes pour les gens plein de patience et de reconnaissance).[3]
La religion dans son ensemble se confine à ces deux notions : la patience et la reconnaissance.
Or, il existe trois sortes de patience :
Primo : la patience face aux obligations qui réclament patience et endurance, comme elles réclament un effort sur soi contre son ennemi intérieur et extérieur. En fonction de sa patience, l’individu s’investi dans les actes obligatoires, mais aussi dans les actes recommandés.
Secundo : la patience face aux interdictions afin de pas sombrer dans le péché. Les penchants de l’âme, les tentations du Diable, et le mauvais entourage entraînent l’individu à enfreindre les interdits. En fonction de l’intensité de sa patience, il va plus ou moins résister à cette tentation. Un ancien a dit : « Tout le monde est capable d’avancer de bonnes actions, mais seuls les véridiques s’éloignent des péchés. »[4]
Tercio : la patience face au destin qui est indépendant de la volonté. Celle-ci est de deux sortes : 1°) patienter face aux malheurs qui sont au-dessus de la volonté des hommes tels que la maladie et toute calamité céleste en général. Il est relativement plus facile d’endurer ce genre d’épreuves étant donné que celles-ci témoignent de la manifestation divine à travers le destin. En outre, l’homme est impuissant face aux éléments, il doit donc patienter malgré lui, à défaut de le faire de son plein gré. Si, le cœur épanoui, il arrive, grâce à Dieu, à réfléchir sur les conséquences bénéfiques et les bienfaits immenses que celles-ci procurent, il va passer du stade de la patience à celui de la reconnaissance, en se satisfaisant de son sort. Ainsi, le malheur se transforme en bienfait, car c’est l’occasion pour le croyant de lier une relation forte avec Son Seigneur qu’il implore sans cesse du fond du cœur : « Seigneur ! Aide-moi à T’évoquer, à Te remercier, et à T’adorer convenablement ! »[5]
Ce lien indélébile varie plus ou moins en fonction de l’intensité de l’amour que le serviteur voue à Son Créateur. Chacun est capable de le constater en lui-même, à l’image de ce poète qui reproche à sa bien-aimée de lui avoir causé du tord :
Le mal que tu me fais me fait du mal
Mais, il me plaît d’avoir traversé ton esprit
2°) L’individu doit endurer le mal que les autres lui font subir au niveau de sa personne, de son honneur, et de ses biens. Ce genre de malheur est largement plus difficile à supporter. Par nature, l’homme n’aime pas se faire dominer ; celui qui lui fait du mal hante constamment son esprit et seule la vengeance est à même de le soulager. Les prophètes et les véridiques sont les seuls à pouvoir endurer ce genre d’épreuves.
Malgré les atteintes incessantes faites à sa personne, notre Prophète (r) confia un jour : « Qu’Allah fasse miséricorde à Musa qui a su patienter, bien qu’il ait subi bien pire ! »[6] Après avoir été physiquement malmené par son peuple, l’un des prophètes s’exclama : « Ô Allah, pardonne-leur, car ils ne savent pas ! »[7] Certaines annales rapportent que Mohammed (r) eut la même parole en réaction aux attaques venant de son peuple.[8] Dans son invocation, il a ainsi réuni trois éléments : il a fait preuve de clémence à leur égard, il a demandé au Seigneur de leur pardonner, et il leur a même trouvé une excuse en avançant qu’ils ne sont pas conscients de leurs actes.
Cette forme de patience a pour fruit de donner la victoire, de guider sur la bonne voie, de procurer la joie et la force en Dieu à qui on voue un plus grand amour, de gagner davantage l’estime des autres, et d’accroitre ses connaissances. Le Seigneur (I) révèle : (Animés par Nos enseignements, Nous avons élevé une partie d’entre eux au rang de guides, en récompense à leur patience et en leur foi inébranlable à Nos Versets).[9] Grâce à la patience et à la conviction, on obtient l’autorité dans la religion. Si l’individu ajoute à la patience, la force de la conviction que représente la foi, il s’élève en échelon pour atteindre le bonheur grâce au Seigneur Tout-Puissant. Allah touche de Sa Grâce les créatures de Son choix, Lui qui détient la Grâce infinie ! Le Très-Haut révèle : (Rend le mal par le bien, et tu verras ton ennemi acharné se muer en véritable ami • Cette grandeur d’âme n’est donné qu’à ceux qui sont doté de patience, et qu’à ceux qui jouissent d’un haut rang).[10]
[1] Rapporté par Muslim (n° 2999).
[2] Rapporté dans Shu’ab el îmân (n° 9715) par el Baïhaqî qui le fait remonter au Prophète (r). Sheïkh el Albânî a cependant considéré faible sa chaîne narrative dans Silsilat e-dha’îfa (n° 625). L’auteur de la recension du texte d’ibn Taïmiya, D. Hishâm e-Sînî soutient toutefois que vraisemblablement, cette parole a été prononcée par certains savants.
[3] Ibrahim ; 5
[4] Rapporté par Abû Na’îm dans el hiliya (10/197), selon ‘Abd Allah ibn Sahl e-Tusturî.
[5] Rapporté par Abû Dâwûd (n° 1522), selon Mu’âdh ibn Jabal (t) avec cet énoncé.
[6] Rapporté par el Bukhârî (n° 3150) et Muslim (n° 1062).
[7] Rapporté par el Bukhârî (n° 3477) et Muslim (n° 1792).
[8] Rapporté par e-Tabarânî dans e-tarîkh el kabîr (n° 5694) avec une chaîne narrative munqati’ (dont il manque l’un des éléments).
[9] La prosternation ; 24
[10] Les Versets détaillés ; 34-35