Focus sur la problématique du mal attribué à Dieu 1/2
Au Nom d’Allah, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux

Louange à Allah, que Nous Louons, Lui à qui nous demandons secours, et implorons le pardon. Nous cherchons refuge auprès de Lui contre le mal de nos âmes, et nos mauvaises actions. Celui que Dieu guide, nul ne peut l'égarer, et celui qu'il égare, nul ne peut le guider !
J'atteste qu'il n'y a d'autre dieu digne d’être adoré en dehors d'Allah, et que Mohammed est Son Serviteur et Son Messager ! Qu’Allah lui accorde Son Salut et ses Prières, ainsi qu'à ses proches, et tous ses Compagnons !
Voici la retranscription d’un cours magistral que le Pr D. Sâlih ibn ‘Abd el ‘Azîz e-Sîndî a donné dans le cadre du commentaire de l’ouvrage classique ‘aqîda e-salaf wa ashâb el hadîth de l’érudit Sâbûnî. Il s’agit plus précisément d’un extrait de la leçon n° 23 en date du 9 safar 1441 h qui démêle la problématique sur l’existence du mal attribué à Dieu. Le Sheïkh – que Dieu le garde – nous dit donc :
… Ce thème nous entraine vers l’étude d’un autre sujet non moins important. Il incombe, selon moi, à tous les étudiants en sciences religieuses et les prédicateurs de s’y pencher sérieusement, car il soulève une problématique que les détracteurs de la religion brandissent dans le but de déstabiliser les croyants. Baptisée sous le nom de « problème du mal », il est plus raisonnable, à mes yeux, de percer l’abcès en mettant à nu ne serait-ce que ses grandes lignes. J’ai conscience, en effet, qu’il déstabilise de façon récurrente nombre d’étudiants qui appréhendent mal ses enjeux. Ce chapitre ô combien sensible les rend perplexes. Nous ne devons pas prendre la chose à la légère, car de fil en aiguille, nous nous retrouvons avec une multitude d’individus qui, hantés par le doute, vacillent, voire abjurent leur foi, qu’Allah nous préserve ! Un examen exhaustif des arguments des athées nous amène au constat sans appel qu’ils misent constamment sur cette carte dans leurs débats qui les opposent aux croyants. Ils tiennent là une arme redoutable qui leur accorde souvent un ascendant face à des ignorants. D’aucun en conclut qu’ils en font même leur cheval de bataille à même d’ébranler des âmes faibles dans la mesure où, souvent, celles-ci n’ont pas le bagage scientifique pour les immuniser contre ces frappes chirurgicales. L’étudiant à donc le devoir de renforcer ses défenses afin de repousser avec triomphe ces incursions incessantes.
Les athéistes cherchent, en un mot, à démontrer que Dieu (I) n’existe pas à cause de la présence du mal. Ils partent du principe que le « mal » s’oppose avec la conception d’un Dieu Omniscient, Omnipotent, et Bon. Grossièrement, ce dernier serait, selon ce point de vue, dans l’incapacité d’empêcher le mal. Ils en concluent qu’il est logiquement impossible que Dieu et le mal coexistent.
En réponse à cette problématique, nous disons que celle-ci mériterait de longs développements desquels découle une variété de sous-thèmes. Il faudrait plusieurs séances pour tous les élucider, mais nous nous contenterons ici de mettre le doigt sur les grandes lignes qui les sous-tendent afin d’en extraire des principes qui serviront de réfutation aux athéistes. J’ai l’espoir, par la Grâce de Dieu, que cette modeste contribution ramène à la raison ces jeunes insouciants qui ont été mis en danger par leur propre curiosité et qui ont, malheureusement, exposé leur foi à des périls, éventuellement, incurables, qu’Allah nous préserve ! nous disons donc :
1°) Nous sommes d’accord avec l’idée que le mal existe, mais nous ne concédons pas qu’il soit nuisible en tout point. Les malheurs en tout genre qui touchent les hommes revêtent des biens considérables. En cela, il ne faut pas envisager le mal en lui-même, mais sous l’angle des intérêts innombrables qui en résultent. Le Très-Haut crée effectivement le mal, mais non pour lui-même, mais pour les avantages qu’il rapporte. Le cas échéant, ce n’est plus un mal absolu, mais, en toute logique, un mal pour un bien. Certes, le mal existe, sauf qu’en regard des bienfaits qu’il engendre, ce n’est plus un mal. Par exemple, l’eau, qui provoque des tempêtes et des intempéries, sert, entre autres, à la navigation des navires et à l’hydratation du corps. Les biens offerts par l’eau sont, et de loin, prépondérants au mal qu’il occasionne éventuellement. Les services incommensurables que le feu rend aux êtres humains font oublier, comparativement, le danger terrible qu’il fait planer sur eux. Ainsi, on tire bien plus profit de ces éléments qui contiennent une part de mal. Par rapport à cela, leur place dans la création est justifiée, et, à fortiori, elle n’est pas incompatible avec l’existence du Tout-Puissant.
2°) Le mal n’est qu’une composante de l’existence qui s’inscrit dans un ensemble plus vaste. Il est mal approprié de l’envisager à travers une vision étroite et biaisée. Il convient plutôt de l’appréhender sous un prisme plus étendu. Le regard s’attarde éventuellement sur le défaut d’un tableau d’une grande beauté, alors qu’il est plus pertinent, pour se forger une opinion, d’avoir une vue d’ensemble. Il en est de même pour le mal qui gâche en apparence le tableau de la création et qu’il incombe de relativiser en le replaçant dans un contexte plus large. C’est grâce à la maladie, la pauvreté et au labeur éprouvant qu’on apprécie respectivement la santé, la richesse et la réussite. Sans cet antagonisme, plus rien n’aurait aucune saveur, et la vie serait monotone et ennuyeuse. Le contraste entre deux choses opposées met en lumière leur valeur respective. On reconnait la préciosité d’un trait droit en ayant à l’esprit les traits mal dessinés, sinon, il passerait complètement inaperçu. Bref, pour reprendre les termes de certains savants, les épreuves qui traversent la vie d’un homme sont nécessaires pour lui faire ressentir la beauté du monde. Les plus beaux palais renferment des toilettes aux odeurs nauséabondes, et si elles venaient à manquer à leur architecture, on considérerait cela comme un défaut de fabrication. Les malheurs ont la même fonction dans le décor de l’univers. Il incombe donc de les replacer dans un contexte plus large afin de mieux comprendre leur utilité.
3°) Le mal n’aurait aucune utilité dans l’ordre des choses, ou, pour reprendre une expression chère aux athéistes, il serait gratuit dans le sens où il ne concéderait aucun intérêt palpable. Ces mêmes athéistes admettent aisément que de nombreux maux sont bénéfiques à l’existence, sauf que cela ne change en rien à leur raisonnement qui attribue à certaines calamités un caractère purement gratuit.
En réponse, nous disons qu’ils ne font qu’exposer là le point de vue humain qui, par définition, est parcellaire, et par conséquent, n’a pas tous les éléments en mains pour prétendre à une vision objective et globale. De ce fait, il est prétention d’avancer qu’il y aurait des maux gratuits dans la mesure où il manque à notre connaissance certains paramètres dans cette équation qui touchent au présent, mais aussi à l’avenir. Ces paramètres, de notre point de vue, sont donc invisibles, puisqu’il est impossible, matériellement, d’acquérir la science infuse. À défaut d’englober tous les tenants et les aboutissants dont nous avons besoin pour déchiffrer tous les mécanismes en action dans l’Univers, notre vision sera forcément lacunaire.
Par exemple, si des témoins assistent à la même scène où deux hommes munis d’une scie s’en prennent à un enfant pour lui couper un membre. Est-il légitime d’en conclure formellement d’un premier abord que ces deux derniers sont malintentionnés ou bien vaut-il mieux attendre d’avoir en mains plus d’éclaircissement avant de prononcer un jugement sur cette affaire pour éviter de se tromper ? Il pourrait aussi bien s’agir d’un médecin et d’un père ayant le souci de mettre fin à la gangrène dont l’enfant en question aurait été touché. En l’occurrence, la véritable pitié réclame-t-elle de couper le membre malade ou bien de le laisser pourrir et d’affecter par-là même le reste du corps ?
Ainsi, pour porter un jugement objectif sur la place du mal dans l’ordre des choses, il incombe d’avoir en main tous les éléments appropriés, ce qui fait cruellement défaut tant aux athéistes qu’à nous autres croyants. En tout état de cause, prétendre qu’il puisse y avoir un mal gratuit est une pure allégation gratuite !
4°) Nous posons la question à celui qui utilise le « problème du mal » pour remettre en question l’existence de Dieu : est-il concevable qu’un bien découle du mal ? S’il répond oui sauf que sa connaissance nous échappe, nous répondons que l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. Et là, son argument s’écroule à la base, car toute preuve qui admet plusieurs hypothèses devient aléatoire, et perd donc, sa qualité de « preuve », dans la mesure où, sans indice probant, certaines de ses hypothèses n’ont pas plus d’autorité que les autres. Celles-ci se neutralisent logiquement.
En revanche, s’il répond qu’il est inconcevable qu’un bien découle du mal, nous lui répondons qu’il est de mauvaise foi, car ni lui ni personne n’est en mesure de démontrer rationnellement que ce cas de figure est inconcevable. Nos adversaires idéologiques se retrouvent ainsi dans une impasse.
5°) Admettons que le mal soit incompatible avec l’existence de Dieu, alors qu’en est-il du bien ? N’est-il pas la preuve de son existence (puisque le mal serait la preuve de son inexistence) ? Or, lequel des deux est-il prépondérant ? Nous sommes d’accord vous et nous que le bien représente la normalité, et que le mal est accidentel. Sans concéder ce point, il ne sert à rien d’aller plus loin dans le débat, étant donné que ce serait de la pure mauvaise foi. Dites-moi simplement qui entre la santé et la maladie prédomine ? Bien sûr, vous répondrez la santé. Hé bien, si la maladie témoigne de l’inexistence de Dieu, alors que dire de la santé qui témoigne de son existence, et, qui plus est, représente la normalité ! Un même malade ne se plaint pas de symptômes dans tout le corps, qui, rappelons-le, est composé de milliards de cellules. Il y a forcément des parties saines qui, dans une harmonie parfaite, continue à veiller à la vitalité du corps, ce qui en soit est un bien. Bien que tous les éléments de l’organisme soient liés, les troubles de la vue, par exemple, n’empêchent nullement les autres organes tels que le cœur, les intestins, le foie, les reins, les poumons, etc. de fonctionner normalement ou suffisamment pour maintenir la santé. Les membres, également, tels que les mains et les pieds ne souffrent d’aucune anomalie handicapante. En termes de pourcentage, il est sûr que la balance penche du côté du bien. Les athées sont confrontés à une problématique insoluble. Eux, qui, au départ, cherchaient à embarrasser les croyants avec le « problème du mal », se tirent une balle dans le pied, étant donné qu’ils doivent se coltiner désormais « le problème du bien » qui constitue un obstacle bien plus ardu. Hé pourtant, nous leur concédons aisément leur postulat de départ à des fins purement polémiques.
6°) En réalité, le « problème du mal » s’intéresse au chapitre des Noms et Attributs divins, non à l’existence de Dieu (U). Les athées remettent en cause son existence à cause de la présence du mal, et notre posture consiste à les réfuter par condescendance, en leur présentant des arguments purement polémiques, non que nous adhérions à leur postulat de départ. Nos concessions sont tactiques. Celles-ci ont pour vocation de placer l’adversaire face à ses contradictions et de lui faire admettre la vérité. Admettons, donc, que le mal soit incompatible avec l’existence de Dieu, selon leur point de vue, alors pourquoi ne pas inverser la problématique ? La présence du bien témoigne tout autant de la présence d’un Dieu qui ne désire pas enlever le mal pour des raisons qui siéent à Sa Volonté. On pourrait rétorquer que cette hypothèse s’oppose avec l’idée d’un Dieu bon. Ce à quoi nous répondons : hé bien, soit qu’il en soit ainsi ! Supposons que nous ayons à faire à un Dieu injuste, l’essentiel est avant tout de reconnaitre Son Existence, et seulement ensuite, nous discuterons éventuellement de ce point. Bien sûr, de notre point de vue, Dieu est Juste, et Il est exalté, du haut de Sa Magnificence, de toute injustice !
Par conséquent, le « problème du mal » s’intéresse au chapitre des Noms et Attributs divins, non à l’existence du Seigneur des cieux et de la terre. Le tout est de savoir si cet Être suprême est Juste ou non, en sachant que ce point relève du chapitre des Noms et Attributs divins. D’accord, selon cette théorie, Dieu est injuste ; l’essentiel est de reconnaitre son existence. Ce simple aveu clôt le débat. Une fois que l’adversaire reconnait l’existence de Dieu, on peut discuter de la pertinence de son argument assimilant le mal à de l’injustice. Nous lui répondons qu’au contraire, l’existence du mal signe la preuve de la justice divine revêtant une sagesse immense. Nous sommes loin de ce stéréotype qui associe le mal à de l’injustice.
À suivre…
Traduit par : Karim Zentici