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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 11:19

La vraie règle du hukm et du ism

(Partie 4)

La distinction entre le statut absolu et son application à un cas particulier

 

Ces introductions à notre propos sont indispensables pour bien assimiler les règles touchant au nom (ism) croyant/mécréant/désobéissant musulman, et des lois (hukm) de la promesse/menace qui en découlent. Celles-ci distinguent entre le statut absolu et son application à un cas particulier. Malheureusement, cette distinction fut à l’origine à bien des confusions dans les rangs traditionalistes, notamment sur la question de sortir les sectes hérétiques du giron de la religion.

 

Nous allons dans un premier temps étaler la tendance orthodoxe avant d’attirer l’attention sur les arguments qui la soutiennent. Nous disons donc que l’opinion notoire imputée à l’Imâm Ahmed et la grande majorité des références traditionalistes établit le takfîr des jahmites qui renient les Attributs divins. Leur hérésie contredit clairement les enseignements véhiculés par les saintes Écritures aux différents prophètes. Celle-ci revient à renier l’existence du Créateur dont la description est palpable dans les Livres révélés. C’est pourquoi, ‘Abd Allah ibn el Mubârak disait : « Je relate aisément les propos des Juifs et des chrétiens, mais je répugne à le faire pour les jahmites. » Plus d’un imam avançait que leur mécréance était plus grave que celle des gens du Livre. Les anciens vouaient à l’apostasie l’auteur du crédo qui vante le caractère créé du Coran, qui renie la vision béatifiante d’Allah dans l’au-delà, mais aussi Son élévation au-dessus du Trône, Son Savoir, Son Pouvoir, Sa Miséricorde, Sa Colère, etc.

 

En revanche, les paroles de l’Imâm sont unanimes envers les murjites qu’il n’a pas kaffar. Leur innovation, en effet, est du même ordre que les divergences des légistes dans les branches de la religion, si l’on sait que la divergence avec eux est en grande partie sur la forme et  sur les statuts des uns et des autres. D’ailleurs, le débat avec eux touche aux chapitres des « noms », sauf que, étant donné que leurs erreurs empiètent les fondements de la religion, ils sont tombés dans l’hérésie.

 

Par ailleurs, aucune des versions imputées à Ahmed ne kaffar les shiites qui classent ‘Alî avant Abû Bakr dans la hiérarchie des Compagnons. Là aussi il y a des légistes pour soutenir cet avis qui fait d’eux des hérétiques.

 

Il existe deux versions chez l’Imam sur le takfîr des qadarites qui reconnaissent le savoir antérieur, mais aussi des râfidhites qui n’entrent pas dans l’ensemble des ultras, des jahmites, et des kharijites. Bien sûr, il s’agit du statut absolu, en sachant que, selon son opinion la plus probable, il ne se prononçait pas sur le takfîr des qadarites en question et des kharijites bien qu’ils considéraient ces derniers comme les pires des hommes.

 

Or, une partie de ses élèves relatent à tord deux opinions sur le takfîr des innovateurs toute tendance confondue, même les murjites. Il a même deux avis sur le takfîr de ceux qui s’abstiennent de les sortir de l’Islam, mais le plus vraisemblable est qu’il ne les kaffar pas. Certains pensent probablement que ces différences d’opinions concernent uniquement cette catégorie, ce qui est grotesque. De nombreux anciens, à l’image notamment d’Abd Allah ibn el Mubârak, de Yûsaf ibn el Asbât, et d’un groupe d’élèves de l’Imam Ahmed, défendent l’avis excluant les jahmites des 72 sectes qui, selon une prophétie, vont garnir le patrimoine musulman. À leurs yeux, tous les groupes hétérodoxes prennent leur source dans l’un de ses quatre grands ensembles : les kharijites, les shiites, les murjites, et les qadarites. La chronique attribue cette approche à Ahmed. La grande majorité des références orthodoxes vouent à la mécréance l’hérésie qui vante le caractère créé du Coran, qui renie la vision béatifiante d’Allah dans l’au-delà, etc.

 

Le théologien Abû Nasr e-Sijzî répertorie deux avis des anciens sur la portée de cette sentence ; pour la majorité d’entre eux, il s’agit de la mécréance qui bannit de la religion, et pour le reste, elle n’atteint pas ce degré de gravité. Pour justifier ce dernier avis, el Khattabî explique que les anciens ont eu recours à une expression lourde de sens à des fins dissuasives.

 

En outre, les modernes au sein de notre école n’ont pas un avis unanime sur l’étendue de cette sentence ; pour la plupart d’entre eux, celle-ci voue à l’Enfer éternelle. Une partie des traditionnistes anciens, à l’instar d’Abû Hâtim, et d’Abû Zuh’a, corroborent cette vision au moment où d’autres ne sont pas aussi expéditifs.

 

Cette divergence tire sa source dans les avis qui, d’apparence contradictoires, sont imputés à leurs imams. D’un côté, ils sont confrontés à des sentences qui appliquent à tous les condamnés possibles les lois qui en découlent, puis ils se rendent compte que certains ayant été entachés par cette croyance décèlent une foi telle qu’il est impossible de les assimiler à des apostats. Ce dilemme jeta dans leur esprit la confusion. Or, en réalité, ils ont raison d’imputer à leurs imams une portée générale à leur sentence de takfîr, de la même manière que les kharijites et les murjites ont été perturbé par le sens général que revêtent les textes scripturaires sur la menace divine. Ils ont donc été perturbé par des expressions du genre : « Qui dit telle chose est un mécréant ! » Ils s’imaginent qu’elles englobent tous les cas possibles, sans se mettre à l’esprit que le takfîr est soumis à des conditions à et des restrictions qui font varier un même statut d’une personne à une autre. Son statut absolu ne s’applique pas forcément à tous les cas rencontrés.

 

La preuve est que la plupart des grandes références avec l’Imâm Ahmed à leur tête n’ont pas kaffar la plupart des individus qui furent pourtant concernés par leur sentence absolue.

 

L’inquisition abbasside

 

Le fondateur éponyme de l’école hanbalite, pour ne citer que lui, fut confronté aux jahmites qui voulaient le soumettre par la force au crédo vantant le caractère créé du Coran et le dénie des Attributs divins. Il fut victime d’une cabale qui n’épargna aucun de ses congénères contemporains. Les croyants et les croyantes récalcitrants subirent une dure épreuve de la part des autorités abbasides ayant institués des tribunaux inquisitoires avec son lot de tortures, d’emprisonnement, et de mises à mort arbitraires. Les coupables étaient soumis à toute sorte de pression : destitution de leurs fonctions, privation de leurs revenus, des aides étatiques, du droit au témoignage, de la fatwa, de la narration du hadîth, et de la demande de libération de prisonniers afin qu’ils croupissent dans les geôles ennemies.

L’hérésie jahmite avait gangrénée l’appareil d’État et le milieu judiciaire qui taxaient d’anathème tous les dissidents au crédo officiel basé sur la négation des Attributs divins,  comme le caractère incréé du Coran. Ceux-ci étaient mis au même régime que les non-musulmans, et étaient mis au ban de la nation en perdant tous les avantages liés au statut de citoyen musulman. Tout postulant à une fonction étatique, au même titre que l’auteur d’un témoignage, était soumis à un interrogatoire rigoureux. Il suffisait d’adhérer au caractère créé du Coran pour jouir du statut de musulman et des avantages qui allaient avec. Les insoumis qui avaient le titre de prédicateurs étaient traité avec un régime spécial : torture, prison, et, parfois, peine capitale.

 

Cette inquisition extériorise une adhésion ancrée au jahmisme, partant d’une simple propagande et finissant par des punitions allant crescendo à l’encontre des réfractaires, tout en ayant une main bienveillante à l’égard de ses partisans. Le gravité du crime jahmite augment à mesure que ses tenants s’investissent pour le légitimer quitte à passer par des procédés draconiens.

 

Par ailleurs, ibn Hanbal réservait des invocations notamment en faveur du Khalife en place, malgré la sévère répression dont il fut victime sous son instigation en vue de le faire renoncer au sain crédo. Il invoquait le Pardon de Dieu en sa faveur et le délivra devant Lui des iniquités dont il fut l’objet, ce qui aurait été impensable s’il avait eu affaire à un apostat, si l’on sait que le Coran, la sunna, et le consensus de la communauté interdisent formellement de solliciter le pardon divin pour un mécréant. Sa réaction, et celle de bien d’autres grandes références, démontrent sans la moindre suspicion que ses adversaires n’étaient pas des apostats malgré leur appartenance à l’hérésie jahmite.

 

Alors, certes, la chronique rappelle qu’Ahmed appliqua le takfîr à l’encontre de jahmites notoires, mais il est peu probable d’en déduire qu’il a deux avis sur la question. Il est plus pertinent de descendre dans le détail en disant que tous ceux qui furent concernés par sa sentence, c’est uniquement dans la mesure où toutes les preuves étaient réunis pour le faire (conditions réunies et restrictions exclues) ; et que certaines circonstances atténuantes jouaient en faveur de ceux qu’il avait épargné de son jugement, bien que, dans l’absolu, il considère que leur action relève clairement du kufr.

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