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11 juin 2020 4 11 /06 /juin /2020 19:13

Le tâghût chez ibn Taïmiya 4/4

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

[…]

 

(Si l’ordre leur avait été donné de s’entretuer ou de prendre le chemin de l’exil, ils ne s’y seraient jamais pliés à part une infime minorité d’entre eux ; ils feraient bien mieux de prendre Nos exhortations au sérieux, car il en va de leur intérêt et de la vitalité de leur foi • Et ils auraient droit, en prime, à une récompense incommensurable de Notre part • En plus d’être guidés sur le droit chemin).[1] Voici dans quel contexte furent proférées ces remontrances : (As-tu songé à ces hommes qui, en apparence, donnent foi à la Révélation qui te fut consacrée et aux Écritures anciennes, alors qu’ils recourent à l’arbitrage d’une loi maléfique à laquelle ils sont censés renoncer ; c’est bien là l’œuvre de Satan qui cherche à les enfoncer davantage dans les ténèbres de l’égarement).[2]

 

[La loi du Tâghût]

 

Ces révélations dévoilent les hypocrites au sein des Juifs qui se comportent exactement à la manière des idolâtres ayant tourné le dos, par pure rébellion, au Livre sacré, en feignant de l’ignorer : (Au lieu de cela, ils adoptèrent les pratiques des démons en usage sous l’ère de Sulaïmân qui ne fut coupable d’aucun blasphème à la différence des démons ayant transmis aux hommes l’art de la sorcellerie).[3]

 

Au lieu de faire le bon choix, ils se sont tournés vers les sciences occultes inspirées par Satan, le Tyran. Cette hypocrisie est caractéristique aux rabbins qui ont ajouté au sacerdoce la magie et la sorcellerie. Malgré une foi apparente, ils soulèvent leurs litiges à la loi maléfique du Tâghût. Ce vocable stigmatise les fausses divinités parmi les idoles, les djinns et les humains qui font l’objet d’un culte.

 

Nombreux sont les théologiens du Kalâm et les légistes qui, emboitant le pas aux juifs, accusent des symptômes d’hypocrisie. Ceux-ci se réfèrent à des lois maléfiques pour établir les éléments de leur crédo en rivalité avec les textes scripturaires : (On a beau convier ces hypocrites à l’arbitrage de la Révélation et du Messager, ils ne font à chaque fois que littéralement te tourner le dos • Qu’adviendra-t-il le jour où le malheur les frappera en punition de leurs actes, et qu’aussitôt ils viennent te trouver pour t’assurer, en prenant Dieu en sermon, que leur seule motivation à travers leur refus était de bien faire et d’apporter une solution conciliante • Allah connait parfaitement le fond de leur poitrine, alors ne te préoccupe pas d’eux, et contente-toi pour l’heure de leur prêcher la bonne parole quitte à les sermonner pour mieux les sensibiliser • Dès lors que Nous envoyons un messager aux hommes, Nous attendons d’eux qu’ils se soumettent à son obédience sous l’égide de la Loi céleste ; Ces gens-là auraient dû, pour réparer les torts qu’ils avaient causés à l’encontre de leur propre personne, se présenter aussitôt devant toi pour implorer le Pardon d’Allah, et par-là même profiter de ton intercession pour renforcer leur demande, et ils auraient trouvé un Dieu Absoluteur et Tout-Miséricordieux).[4] La seule excuse qu’ils mettent en avant pour justifier leur référence au Tâghût aux dépens de la Révélation, c’est l’avantage qu’ils en tirent soit pour obtenir un bénéfice soit pour évacuer un préjudice. C’est exactement par cette dorure que les « scolastiques » valident leurs thèses sur la théologie rationnelle. C’est également par cette parade que les mystiques manifestent leur état de gustation spirituelle et d’extase. Cet argument est aussi repris par les profanes pour alimenter leur soif vorace des plaisirs de toute sorte, mais aussi pour braver les interdits et même semer la corruption sur terre : (c’est bien là l’œuvre de Satan qui cherche à les enfoncer davantage dans les ténèbres de l’égarement)[5] ; c-à-d qu'ils se sont égarés en cours de route dans leur quête du bien-être, alors que la solution était sous leur nez dès le départ sauf qu’ils étaient dans le déni au nom de leur attachement à des vaines chimères qui étaient le reflet du Tâghût. Ils méritaient donc, en punition à leurs méfaits, de subir l’inverse de ce qu’ils attendaient, au terme d’une désillusion aussi douloureuse qu’inattendue, soit la souffrance au lieu du bien-être tant espéré. Ils avaient beau protester à qui voulait l’entendre que leur intention était noble, sans s’imaginez à quel point ils allaient en pâtir. C’est le prix à payer quand on cherche éperdument à concilier entre la religion et ses passions triviales, et à ramener la Loi au niveau de ses intérêts mondains.

 

La narration coranique poursuit sa diatribe pour dénoncer ces individus : (Allah connait parfaitement le fond de leur poitrine),[6] renfermant les bouillonnantes pulsions qui façonnent leurs convictions, un amas de conjectures, et leurs intentions pernicieuses : (alors ne te préoccupe pas d’eux, et contente-toi pour l’heure de leur prêcher la bonne parole quitte à les sermonner pour mieux les sensibiliser).[7] Ces malheureux se sont livrés à de piètres calculs : (Dès lors que Nous envoyons un messager aux hommes, Nous attendons d’eux qu’ils se soumettent à son obédience sous l’égide de la Loi céleste ; Ces gens-là auraient dû, pour réparer les torts qu’ils avaient causés à l’encontre de leur propre personne, se présenter aussitôt devant toi pour implorer le Pardon d’Allah, et par-là même profiter de ton intercession pour renforcer leur demande, et ils auraient trouvé un Dieu Absoluteur et Tout-Miséricordieux).[8]

 

Malgré leur infamie, par un effet de Sa parfaite Miséricorde et de Sa Compassion infinie, le Très-Haut invite les hypocrites à faire pénitence. Ils ont l’alternative d’éviter le péché grâce à la piété, et d’effacer leurs fautes grâce au repentir. La piété et le repentir, ces deux options qui mènent au salut, sont la marque d'une extrême clémence vis-à-vis des pieux serviteurs et des repentis. En tout état de cause, il devient invraisemblable que la législation soit à la fois bienveillante et préjudiciable.

 

Ensuite, la comparution devant le Messager revêt deux aspects. Il s’agit dans la mesure du possible de se présenter physiquement devant lui au cours de sa vie, ou de se référer à ses enseignements en son absence ou après sa mort : (On a beau convier ces hypocrites à l’arbitrage de la Révélation et du Messager, ils ne font à chaque fois que littéralement te tourner le dos)[9] ; (Vous croyants, faites obéissance aussi bien à Allah qu’à Son Messager, puis à ceux qui vous dirigent, et veillez à soulever le moindre de vos litiges à Allah et à Son Messager si réellement vous donnez foi en Allah et au jour du jugement dernier, car il en va de votre intérêt et de votre salut).[10]

 

La référence absolue en matière de litige sont les sources scripturaires représentées par le Coran et la sunna d’où émane la Sagesse divine. Cela consiste dans les faits à cesser de transgresser les interdits et, à la suite d’une sincère pénitence, de prendre les bonnes résolutions et d’améliorer sa situation avec le Seigneur. Le pécheur a l’opportunité de se présenter devant l’Élu, à condition qu’il soit vivant, pour lui faire état de sa décision de renoncer à la débauche, et de prendre une nouvelle orientation dans sa vie. Cette démarche par laquelle on renouvelle son pacte d’obéissance envers le Prophète est valable de tout temps et en tout endroit, même en l’absence de ce dernier ou après sa mort.

 

Néanmoins, le pouvoir d’absoudre les péchés revient à Dieu seul, et il est possible de l’invoquer à tout moment et en tout lieu. Certes, le Prophète a imploré le pardon en faveur des croyants et des croyantes, et son invocation englobe ceux et celles qui n’étaient pas présents au moment où il l’a formulée et ceux et celles qui viendront après sa mort. Il a reçu l’ordre en effet d’invoquer pour les musulmans sans restriction, et il n’allait pas faillir à son devoir. Les pénitents de toutes les époques sont donc concernés par ce privilège. Leur nouveau départ est un moyen de raffermir leur foi ayant reçu des secousses à cause de leurs mauvais agissements du passé. S’ils n’ont pas tous le même niveau de foi, tous bénéficient de cette faveur avec plus ou moins d’intensité. Toutefois, cette faveur ne signifie nullement qu’il faille se présenter devant la tombe de l’Élu (r) en vue de lui demander : « Prie Dieu afin qu'Il me pardonne ! » ou encore : « Demande à Ton Seigneur de m’accorder telle et telle chose ! » ou « invoque pour moi ! » Il n’est pas plus légitime aujourd’hui de solliciter les prières du Bien-Aimé en se trouvant à n’importe quel autre endroit dans le monde.

 

Aucune Législation ne vient cautionner cette pratique, pas plus que les grandes références de la Nation à l’époque des trois premières générations, pas plus que l’usage au cours de cette même période. Il va sans dire que si elle avait eu un quelconque mérite, elle aurait fait énormément d’émules dans les rangs des anciens, et la chronique n’aurait pas manqué de le consigner. La nouvelle aurait traversé les régions et les narrations relatant les expériences personnelles ou celles des uns et des autres auraient pulluler. Un tel enthousiasme aurait forcément été légué aux générations futures. Personne ne peut remettre en cause le zèle inimitable de nos précurseurs. Il est donc matériellement impossible qu’une pratique à caractère recommandé ou obligatoire ait pu faire l’objet de leur convoitise, alors que les annales sont mystérieusement silencieuses sur la chose.

Surtout que, fait aggravant, les narrations rapportées du Prophète (r) vont catégoriquement dans le sens inverse. Celles-ci interdisent strictement de faire de sa tombe un lieu de célébration, et de l’ériger comme une idole, de la même manière qu’elles condamnent formellement la construction de mausolées au-dessus des tombes.[11]

Cela n’a pas empêché certains légistes de s’inspirer d’une diction selon laquelle, aux dires de 'Utba, un bédouin de la première époque s'est présenté devant la tombe de l’Ami de Dieu (r), et a proclamé : « Toi, le meilleur des êtres, Allah ne nous a-t-il pas enseigné : (Ces gens-là auraient dû, pour réparer les torts qu’ils avaient causés à l’encontre de leur propre personne, se présenter aussitôt devant toi pour implorer le Pardon d’Allah, et par-là même profiter de ton intercession pour renforcer leur demande),[12] alors aujourd’hui me voici. »

 

Par la suite, 'Utba aurait vu en songe le sceau des envoyés lui enjoindre d'annoncer la bonne nouvelle à ce bédouin. C’est le genre d'histoires surnaturelles mettant en scène la demeure sous terre du meilleur des hommes (r) ou des vertueux, qui n'arrivent qu’aux individus à la foi branlante. Ces derniers se représentent mal le rang du Messager d’Allah et la valeur de ses enseignements. Toute déception risque fort de perturber la foi déjà si fragile de ce bédouin au seuil de l’hypocrisie. Le Très-Haut est aussi bienveillant avec lui que ne l’était le Prophète avec ces hommes qu’il privilégiait dans le partage du butin en vue de les raffermir. Laissons-lui le soin de justifier ses choix : « Je favorise des hommes rongés par la peur de la pauvreté aux dépens des autres baignant dans la sérénité et le contentement. »[13]

 

En définitive, il n’est pas plus recommandé à ces âmes faibles de prendre cet argent qu’il ne l’est à ce bédouin d’émettre ce genre de requête allant à l’encontre de l’usage prophétique. Celui-ci prône clairement au cours des invocations de s’adresser directement à Dieu en sollicitant éventuellement l’intercession de l’Élu (r), mais à condition qu’il soit présent et surtout vivant. Cet enseignement nous a été légué par un hadîth authentifié par e-Tirmidhî qui l’a introduit dans son recueil, et qui enregistre la formule que le mari d’Âisha (r) a enseigné à l’un de ses Compagnons, et que voici : « Ô Allah, Je t’implore et m'oriente vers Toi, par l'intermédiaire de Ton serviteur, le Prophète de la miséricorde ! Toi Mohamed, Je m'oriente vers le Seigneur par ton entremise afin qu'Il exhausse mes vœux ! Ô Allah, fais-le intercéder en ma faveur (et selon une version chez Ahmed et el Baïhaqî : et fais-moi intercéder en la sienne) ! »[14]

 

Cette formule est en phase avec le Verset du Marchepied : (Allah est tel que nul dieu n’est digne d’être adoré en dehors de Lui ; Lui, le Vivant et le Subsistant sur qui ni somnolence ni sommeil n’ont de prise, Lui qui détient dans Son Royaume tout ce qui remplit les cieux et la terre, alors qui oserait intercéder auprès de Lui sans solliciter Sa permission ? Lui dont le Savoir couvre tous les faits et gestes de Ses créatures, ainsi que leur destinée, alors qu’elles, elles n’embrassent rien de Son Savoir en dehors de ce qu’Il daigne leur abreuver ; Son seul Marchepied est aussi vaste que les cieux et la terre qu’Il maintient sans la moindre peine, car Il est le Dieu Très-Haut et Incommensurable).[15] 

 

D’autres Versets conditionnent tout autant cette intercession à la permission préalable d’Allah, notamment : (Allah a créé les cieux, la terre, et l’espace qui les sépare en six jours avant de s’installer sur Son Trône, et vous ne trouverez aucun patron ni intercesseur en dehors de Lui si vous réfléchissez bien).[16]

La Révélation est la seule source acceptable : (Non, jure Ton Seigneur par Lui-même ! Ils ne prétendront jamais à la foi sans te soumettre leurs litiges, avec pour volonté d’accueillir ton jugement à cœur ouvert, en s’y pliant sans réserve ni le moindre ressentiment)[17]. Le Seigneur jure par Lui-même que la foi est inefficace sans remplir deux conditions intrinsèques : recourir à Son arbitrage en cas de litige, et accepter à cœur ouvert Ses Sentences. Nous avons là la preuve que Ses Lois n’ont pas pour ambition d’accabler Ses serviteurs sous le poids de contraintes trop pénibles à supporter. Les cinq statuts légaux qui composent Sa Loi (interdit, obligatoire, recommandé, déconseillé, toléré) fonctionnent forcément dans l’intérêt de l’individu responsable, sinon, il n’aurait aucun intérêt à s’y conformer, pas plus qu’il ne serait condamnable s’il venait à y renoncer.

 

C'est pourquoi, aucune divergence n’est constatée dans les milieux scientifiques sur l’obligation d’accepter tous les éléments jusqu’au moindre détail de la Loi émanant des textes scripturaires. Le moindre ressentiment ou ne serait-ce qu’un peu de réticence est infiniment condamnable. Il incombe à chacun d'aimer et d’agréer sans la moindre contestation les obligations religieuses d’une part, et d’autre part d'éprouver de la répulsion pour les interdictions.

 

Si divergence il y a entre les docteurs de la Loi, c’est sur l’acceptation des maladies et de la misère. En effet, certains d’entre eux penchent pour l’obligation de recevoir à cœur ouvert les mauvais destins qui parsèment l’existence. L’autre camp dans ce débat émet une nuance. Il vaut mieux, à ses yeux, accepter positivement la maladie de sa propre initiative, mais sans que cela ne lui soit imposé par le Législateur. La chronique répertorie ces deux opinions chez l’Imâm Ahmed, en sachant que la seconde est la plus vraisemblable.

 

L’épanouissement face au mauvais destin fait certes débats, mais l’obligation de l’endurer et de le supporter fait consensus.

                           

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

[1] Les femmes ; 66-68

[2] Les femmes ; 60

[3] La vache ; 102

[4] Les femmes ; 61-64  

[5] Les femmes ; 60

[6] Les femmes ; 63

[7] Les femmes ; 63

[8] Les femmes ; 64

[9] Les femmes ; 61  

[10] Les femmes ; 59

[11] Dans ce registre, il existe un hadîth authentique rapporté par el Bukhârî et Muslim avec les termes suivants : « Allah maudit les Juifs et les chrétiens qui érigèrent des lieux de culte sur les sépulcres des prophètes et des pieux. »

[12] Les femmes ; 64

[13] Rapporté par el Bukhârî, ibn Abî 'Âsim, Abû Dâwûd e-Tiyâlisî.

[14] Rapporté par el Bukhârî dans e-târikh el kabir, ibn e-Sinnî, ibn Abî Hâtim, el Hâkim, e-Tabarânî,

[15] La vache ; 255

[16] La prosternation ; 4

[17] Les femmes ; 65

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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 18:55

Le tâghût chez ibn Taïmiya 3/4

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

­[Les péchés sont un pont vers l’idolâtrie]

 

Par conséquent, toute revendication d’amour envers le Seigneur et Son Prophète doit nécessairement être accompagnée de sacrifices afin de prouver qu’on les place au-dessus de tout. Ce raisonnement est valable pour le devoir de haine que le croyant observe pour donner des garanties de son amour à Dieu. Il déteste en l’occurrence toute chose ou personne détestée par Son Créateur, et, par voie de conséquence, par Son Prophète, mêmes aux dépens de ses propres aspirations. L'amour parfait émane du désir absolu qui, si toutes les conditions sont réunies, nécessite les actes.

 

A l'inverse, la haine parfaite engendre nécessairement un état de répulsion absolue rendant sa concrétisation impossible. Qui manque volontairement à son devoir dénote un manque de volonté, voire une baisse de motivation. En revanche, il arrive que l’abstention soit provoquée par des éléments extérieurs venant dissuader l’individu d’agir tels que l'attachement aux enfants et aux richesses. Ces facteurs externes font obstacles à l’accomplissement de ses devoirs : (Dis : si vos pères, vos fils, vos frères, vos femmes, vos proches, les richesses que vous avez amassées, les commerces que vous craignez de perdre, et les demeures où vous vous prélassez sont plus chers à vos yeux qu’Allah, Son Messager, et la guerre sur Son sentier, alors soyez dans l’attente qu’Allah fixe Son ordre).[1]

 

De plus, le Prophète (r) dit bien : « Nul d’entre vous ne prétendra jamais véritablement à la foi sans que je ne sois plus cher à ses yeux que n’importe qui sur terre, y compris son père ou son fils. »

 

Aussi, ‘Omar fit la confidence au bien-aimé (r) : « Messager d’Allah, je jure par Allah qu’en dehors de moi-même, tu es la personne la plus chère à mes yeux !

  • Non, ‘Omar, s’exclama-t-il, [tu ne prétendras jamais véritablement à la foi] sans que je ne sois plus cher à tes yeux que ta propre personne !
  • Hé bien, corrigea-t-il, je jure par Allah que désormais, tu es plus cher à mes yeux que ma propre personne.
  • Maintenant, ‘Omar [tu prétends véritablement à la foi]. »

Ces deux Propos sont répertoriés par les recueils d’el Bukhârî et Muslim.

 

Certaines négligences envers les obligations font rétrograder l’individu du cercle des « modérés ». Il peut toujours se rattraper et retrouver son rang grâce au repentir ou aux actes de pénitence, voire à des voies qui sont extérieures à sa volonté. Et les actes surérogatoires sont l’indice de la santé spirituelle qui s’alimente de la ferveur religieuse. En revanche, les péchés expriment un manque de résolution chez l’individu qui, dans un moment de faiblesse, succombe à ses désirs. Cette attirance trahit que, malgré lui, il ne déteste pas ces interdits autant qu’il le faudrait. Dans son combat intérieur, c’est son désir qui prend le dessus sur la répulsion qu’ils sont censés provoqués chez lui. De ce fait, les péchés indiquent une défaillance dans la foi, soit au niveau de son essence même soit au niveau de sa perfection. Toujours est-il que le manque de connaissance ou de conviction au niveau de la croyance ou de l'amour et la haine est un facteur non négligeable qui va déterminer une foi faible.

 

Or, dans la situation où l'essence de la foi est correcte, le croyant répugne à commettre des péchés dont il est convaincu du caractère mauvais et blâmable. Même quand il craque, c’est avec un profond regret et indignation qu’il accueille son échec. Cette remise en question intercède naturellement en sa faveur, car, malgré ses écarts, il est habité par la crainte sincère de la punition divine. Il lui reste, malgré tout, l’alternative de se racheter en affichant des remords et en redoublant d’efforts dans l’exercice du culte et la vertu à différents degrés. Seul un hypocrite dont le cœur est dénué de foi ou un mécréant convaincu reste impassible et de marbre face à ses débordements.

 

Le croyant sincère veille à effacer ses fautes avec ses bonnes actions. Il a conscience de son faux pas. Il s’est laissé abuser par l’idée qu’il pouvait tirer un profit quelconque de cet acte de désobéissance qui exerçait sur lui une attraction irrésistible. Il s’est laissé aller à de vaines conjectures pour justifier ses passions, et, ainsi, entaché sa foi à cause de ses vilaines actions.

 

Le Prophète nous fait ce diagnostic : « Nul n’est un véritable croyant au moment de commettre l’adultère ; Nul n’est un véritable croyant au moment de perpétrer un vol ; et Nul n’est un véritable croyant au moment de boire du vin. »

 

Cette tare est répandue chez les adeptes d'Iblis et ses complices qui répondent allégrement à ses appels alléchants, ces doux mirages. Ce consentement délibéré est une manifestation du culte : (Et lorsque Nous ordonnâmes aux anges : prosternez-vous devant Adam ! Tous s’exécutèrent à l’exception de Satan, qui, du nombre des djinns, refusa d’obéir à l’ordre de Son Seigneur. Est-ce bien lui et sa progéniture que vous érigez en alliés alors qu’ils vous sont des ennemis jurés ? Quel bien mauvais troc auquel s'adonnent les injustes)[2] ; (N’ai-Je pas pris votre engagement, ô fils d’Adam, de ne pas vouer le culte à Satan qui vous est un ennemi déclaré ? • Et ne n’adorer que Moi Seul en accord avec la voie droite que Je vous ai tracée ?).[3]

      

Personne en dehors de ceux que Dieu aura bien voulu épargné de Sa Grâce, n'échappe aux mailles du Diable : (Puisque tu m’as égaré, se résigna Satan, je leur ferais miroiter une vie attrayante sur terre, et je m’emploierais à les fourvoyer tous autant qu’ils sont • Mis à part Tes élus qui sont placés sous Ta protection)[4] ; (Tu n'auras certes aucune emprises sur Mes fidèles serviteurs, à l’inverse de tes suppôts que tu auras fourvoyés)[5] ; (Dès lors que tu psalmodies le Coran, demande à Dieu de te protéger contre Satan le lapidé • Qui n’a aucune emprise sur les croyants qui abandonnent toute leur confiance à leur Seigneur • Son emprise ne s’exerce que sur ses suppôts qu’il entraine vers l’idolâtrie).[6]

 

L’emprise du Diable s’étend à tous ses adeptes dévoués qui ont renoncé, bon gré mal gré, à obéir au Créateur du ciel et de la terre. Ce pouvoir qu’il exerce sur eux est plus ou moins une forme de culte. L’alliance que les humains nouent avec Satan est proportionnelle à leur désengagement vis-à-vis de leurs devoirs transcendants : (Vous fils d'Adam, ne vous laissez pas séduire par Satan, qui, fort de sa ruse, est parvenu à faire chasser vos parents du Paradis après leur avoir miroité l’idée d’ôter leurs vêtements cachant leur nudité. Lui et ses suppôts ont l’avantage de vous observer sans que vous ne puissiez les voir.  Alors, méfiez-vous de ces démons qui, par Notre Décret, sont les alliés des infidèles)[7] ; (À celui qui reste insensible au rappel émanant du Miséricordieux, Nous lui assignons un démon qui deviendra son compagnon inséparable • Ces démons ont pour mission de détourner du droit chemin leurs proies qui s’imaginent agir pour la bonne cause • Mais, quand cet insensé comparaitra devant nous, il s’insurgera contre son compagnon : Malheur à moi, regrettera-t-il, si au moins tu t’étais tenu aussi loin de moi que la distance qui sépare l'Orient et l'Occident ! Ha, tu fus un bien funeste compagnon).[8]

Youcef, lui, fut épargné, par la Grâce de Dieu, du charme de Satan : (Elle fut complètement subjuguée par Yûsaf qui avait beau résisté, et qui aurait pu, lui aussi, succombé à sa beauté, s’il n’avait pas été secouru in extremis par un signe que Son Seigneur brandissait sous ses yeux ; Nous avions décidé de le préserver du mal, et de la turpitude, car il comptait parmi les élus que Nous avons placés sous Notre protection).[9]

Une narration répertoriée par Muslim, via Jâbir, rapporte que : « Satan a dressé son trône sur la mer, et, de là, il envoie ses troupes. »[10]

 

Ainsi, toutes les transgressions à la Loi divine forment les ramures et les branches de la mécréance. Celles-ci s’inscrivent en opposition aux obligations qui constituent les ramifications de la foi. De cet antagonisme nait la lutte incessante entre le bien et le mal : (Combattez-les afin d’endiguer la tentation, et de faire triompher partout la religion d’Allah, mais s’ils renoncent à leur iniquité, alors Dieu est parfaitement au courant de leurs faits et gestes).[11]

Nombre d’interdits intègrent l’association mineure ou majeure en fonction de leur gravité et de la réaction qu’ils provoquent chez le coupable. Un coupable qui, convaincu de leur caractère blâmable, les commet avec répugnance, et avec le cœur vacillant entre la crainte de subir le courroux divin et l’espoir de gagner la récompense en y renonçant, n’atteint pas le degré d’idolâtre ; contrairement au coupable qui prend ses pulsions pour des divinités en dehors de Dieu, et qu'il aime à l’égale de Lui. Là, son crime atteint la gravité de la grande association qui se manifeste à divers degrés.

 

Ces péchés à ces divers degrés contaminent également nombre de croyants qui seront à l’abri du châtiment éternel grâce à leur adhésion à l’attestation de foi. Ils n’ont pas conscience de désobéir à Dieu avant d’avoir conscience de la gravité de leurs actions. On ne leur a jamais appris que les pratiques païennes ambiantes font sortir de la religion. Cet obscurcissement des valeurs islamiques intercède naturellement en leur faveur, car la preuve céleste à même de les prévenir du danger qui plane au-dessus de leurs têtes ne leur est pas parvenue sur ce point : (Qui fait le bien le retrouvera à son avantage, et qui fait le mal le retrouvera à ses dépens, nul ne portera le fardeau d’un autre, et Notre châtiment est toujours précédé par l’envoi d’un messager).[12] Ce type d'individus fait légion dans les lieux et les époques où la situation est analogue sous de nombreux aspects à l’intervalle entre deux missions prophétiques (fatra). Au cours de ses périodes, la lumière prophétique s’estompe considérablement si bien que les prédicateurs de la vérité sont rares. Les croyants vivants durant ces périodes intermédiaires échappent, par la Grâce de Dieu, au châtiment qui frapperait en temps normal, tous les insoumis à la Révélation.

 

Il est primordial de savoir que l'association est passible de la punition divine à la condition sine qua non que le Message divin qui touche aussi bien les fondements de la religion que ses ramifications soit parvenu à un peuple donné. C'est pourquoi, Satan profite de la recrudescence de l'ignorance pour intervertir les valeurs, embellir le mal qu’il fait passer pour de la vertu. Nombreuses sont ces victimes qui tombent dans son piège, car elles ne sont pas au courant que ces pratiques sont frappées d’un interdit. Elles auraient même plutôt tendance à les magnifier sous prétexte qu’elles seraient légitimes ; et même quand elles se rendent compte qu’elles ne le sont pas, guidées par les passions et les conjectures hasardeuses, elles n’hésitent pas à les commettre. Celles-ci ferment volontairement les yeux sur les raisons profondes ayant justifiées la prohibition de ces pratiques. Ce subterfuge, pour le moins hypocrite, n’est pas à mettre au compte des croyants qui se font violence et, animés par leur zèle religieux, avouent aisément leurs péchés. Cet auto-critique, qui génère en eux un sentiment mitigé de crainte et d'espoir, les fait prendre conscience des mauvaises conséquences de leurs actes.

 

Ces trois réactions face aux interdictions célestes sont illustrés par les textes, notamment : (Dis : Mon Seigneur a formellement interdit la turpitude qu’elle soit cachée ou publique, et tous les péchés en général, notamment de s’en prendre impunément à son prochain, mais surtout l’idolâtrie pour laquelle Il ne vous pas accordé la moindre autorité, tout comme les conjectures infondées que vous proférées à Son sujet).[13] Toute turpitude est donc formellement condamnée par les Textes ; les relations légitimes sont, en tout logique, exclus de cette interdiction : (Ceux qui s’abstiennent de tout rapport charnel • En dehors des liens du mariage ou de captivité pour lesquels il ne leur est fait aucun grief • Contrairement à ceux qui aspirent à d’autres relations, se rendant ainsi coupables d’outrepasser les limites admises).[14] Il n’y a que deux catégories de femmes qui sont permises à l’homme, l’épouse et l’esclave. Le mariage avec cette dernière est soumis à la condition qu’elle soit chaste : (À défaut de contracter un mariage avec une femme croyante de condition libre par manque de moyens, vous avez le choix de vous tourner vers vos jeunes esclaves à condition qu’elles soient croyantes, Dieu seul connait réellement le fond des poitrines, vous êtes tous égaux dans la foi et issus d’un même père. Alors, prenez-les pour épouse avec l’accord de leurs maitres, et versez-leur la dote d’usage digne des femmes chastes qui n’ont aucun lien avec ces libertines qui s’acoquinent avec des amants),[15] (Vous avez le choix également de contracter une relation conjugale à condition de choisir une femme chaste au sein des musulmanes, mais aussi au sein des détenteurs des Écritures avec l’obligation de leur remettre une dote et que vous-mêmes vous soyez chastes, non des libertins acoquinés avec des maitresses ; qui renie sa foi perd le fruit de ses bonnes œuvres, et, dans la vie future, est destiné à la ruine).[16]

 

Selon une diction authentifiée par les spécialistes, 'Âïsha raconte : « Au temps du paganisme, il y avait quatre sortes de relations conjugales. Il y avait 1°) le mariage que nous connaissons aujourd’hui par laquelle un prétendant prenait la main d’une fille avec l’aval de son tuteur ou de son père moyennant une dot.

2°) le mari envoyait sa femme après sa période de menstrues – chez untel pour bénéficier de sa « semence ». À partir de ce moment, son mari n’avait plus aucun contact avec elle afin de vérifier que la grossesse éventuelle avait été provoquée par l’autre individu. Dès lors, le mari avait le choix de reprendre une relation conjugale normale. Cette relation, basée sur la semence, avait pour but d’entretenir une race noble.

 

3°) Environ une dizaine d'hommes se rassemblaient chez une femme préposée afin d’avoir chacun des rapports sexuels avec elle.

Après la grossesse éventuelle, la nuit suivant l’accouchement, elle convoquait tous ses amants, et aucun d’entre eux n’avait le droit de se désister. Il s’agissait de désigner le père : « Vous êtes au courant de la situation, informait-elle, et l’enfant que j’ai porté est le fils d’untel ! » Son choix portait sur l’amant dont elle avait décidé, de façon arbitraire, que l’enfant soit affilié. L’homme ciblé ne jouissait pas de la prérogative de refuser l’offre.

4°) Un groupe plus important d’individus se réunissaient chez une femme connue pour ses mœurs légères, autrement dit une prostituée. Celle-ci prenait le soin de signaler par une banderole qu’elle fixait sur le seuil de la porte que la voie était libre. Dès que l’une d’entre elles tombait enceinte, les pères potentiels se réunissaient chez elle pour, grâce à l’aide d’un physionomiste, désigner le père réel ou fictif. Là aussi, il était interdit à l’homme ciblé de se rétracter. Avec l’avènement de Muhammed (r), l’apôtre de la vérité, toutes les formes de relations sexuelles en vogue à l’ère païenne furent abrogées à l’exception du mariage répandu de nos jours. »[17]

 

La Matriarche a cité la « fornicatrice à la banderole », qui affiliait son nouveau-né à l’un de ses nombreux amants grâce à l’aide d’un physionomiste. Il y avait ces autres fornicatrices qui, au milieu d’un groupe d’amants plus limité, se permettaient de désigner le père de leur choix à la suite d’une grossesse éventuelle. Ces deux formes d’adultères sont encore différentes de celle qui sollicite la participation d’un « mâle reproducteur ». Le mariage traditionnel est la dernière forme de relation sexuelle en vogue à l’ère païenne et que l’Islam a entérinée.

 

Lucifer se réapproprie les codes du bien pour mieux les tordre et induire ses victimes en erreur. Il distille dans leurs rangs des pratiques illicites qui, connues sous un autre nom, ont un socle commun avec des comportements légitimes. Le contrat de mariage confère à l’homme de jouir en toute légalité de sa femme ou de ses esclaves, avec des modalités usuelles spécifiques à chacune. Les relations hors mariage qu’une femme entretien avec un amant ressemble à bien des égards à la forme légale d’union conjugale. Le Législateur a donc veillé à marquer une frontière nette entre les deux.

 

Il existe une autre forme de relation illégale mettant en scène un homme et une femme ou un enfant qui entretiennent des liens d’amitié au nom de l’amour en Dieu. Cette connexion à laquelle on confère une dimension spirituelle est moins suspecte dans l’esprit des gens que ces liaisons galantes pleinement assumées.

 

Il arrive également que, pour des raisons mystiques, un ascète soit obnubilé par les belles formes d'une femme ou d'un enfant. Cette contemplation est tolérée par la société tant que l’intéressé ne va pas au-delà de ce stade. Il ne sera taxé ni de pervers ni de vicieux, car, aux yeux de ses concitoyens, sa démarche est noble transcendante et sans arrière-pensées.

 

Cette inversion des valeurs fleurte avec l’associationisme dans la mesure où celle-ci devient la norme et qu’elle rivalise avec la Loi divine à la manière d’un tâghût. Il est inadmissible, en tout état de cause, de tolérer moralement ces séances de voyeurisme qui virent parfois à l’attouchement. Justifier cet acte de débauche par le zèle religieux est passible d’anathème dont les conséquences sont aussi graves que les hérésies majeures telles que l’idolâtrie, la complicité dans un crime perpétré au nom de la solidarité religieuse, de la piété, de l’observance des rituels, etc.  Assimiler un vulgaire péché, condamné sans le moindre doute par les textes scripturaires, à un acte d’adoration est de l’ordre du blasphème.

 

Or, il est plus difficile de détecter le caractère prohibé d’un nombre non négligeable de rites mystiques, notamment dans les environnements où l’ignorance est répandue. C’est le cas des chants liturgiques qui sont prisés par une partie des savants et des ascètes. D’autres classes de la société moins encline au savoir religieux et à la piété s’extasient sur des belles images en vue de stimuler leur foi.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Le repentir ; 24

[2] La caverne ; 50

[3] Yâ-Sîn ; 60-61

[4] El Hijr ; 39-40

[5] El Hijr ; 42

[6] Les abeilles ; 98-100

[7] Les remparts ; 27

[8] Les ornements ; 36-38

[9]  Yûsaf ; 24

[10]  Rapporté par Muslim, ibn Hibbân, e-Tahâwî, et el Baghawî.

[11] Le butin ; 39

[12] Le voyage nocturne ; 15

[13] Les remparts ; 33

[14] Les croyants ; 5-7

[15] Les femmes ; 25

[16] Le repas céleste ; 5

[17] Rapporté par el Bukhârî et Abû Dâwûd.

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 11:00

Le tâghût chez ibn Taïmiya 2/4

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

[…]

 

Si l’association est à l’origine du mal, le bien tire ses racines dans le culte sincère et exclusif dédié au Créateur des cieux et de la terre. Les hommes doivent leur présence sur terre à la réalisation de cet objectif pour lequel fut consacré la révélation des Livres sacrés véhiculés par les apôtres de Dieu : (Nous avons révélé à tous les messagers que Nous avons envoyé avant toi qu’il n’y a d’autre dieu digne d’être adoré en dehors de Moi, alors adorez-Moi)[1] ; (Nous avons envoyé à chaque peuple un Messager porteur du message : rendez le culte à Allah et éloignez-vous de toute inspiration maléfique).[2]

L’adoration dans son essence est la somme des sentiments de ferveur et d’humilité éprouvés à leur paroxysme. L’adorateur est donc fervent et soumis, contrairement au fervent non soumis, qui aime uniquement pour des raisons d’intérêt, le faisant accéder à d’autres bienfaits. Contrairement aussi aux soumis non fervents dans les sentiments, à l’exemple des sujets d’un tyran. Ces deux types de comportement ne réunissent pas les conditions les propulsant au degré de l’adoration absolue. Chaque être encensé envers qui l’on dédit une ferveur non adressée à Dieu, se voit attribuer une part d’adoration. C’est ce que le hadîth authentique nous enseigne en substance : « Malheur à l’adorateur du dinar, malheur à l’adorateur du dirham, malheur à l’adorateur de la khamîsa (vêtements de luxe tapissé de carrés rouges et noirs, ndt.), et malheur à l’adorateur de la khamîla (velours ndt.) ! Qu’il ne puisse retirer l’épine qui lui pique le pied ! Il est toujours satisfait quand on lui donne, mais dès qu’on lui refuse quoi que ce soit, il se met aussitôt en colère. »[3]

 

Or, la communauté musulmane est celle qui correspond avec le plus d’exactitude aux critères de la vraie unicité. Shaddâd ibn aws mettait déjà en garde de ne pas gâcher cet avantage : « Ô peuple arabe ! Ô peuple arabe ! Ce qui m’inquiète au plus haut point, c'est que vous sombriez dans l'ostentation et les passions subtiles. » EN commentaire à cette citation, Abû Dâwûd explique : « Les passions subtiles, c'est l’ambition du pouvoir. »

Un Propos prophétique rapporté par Tirmidhî, via Ka'b ibn Mâlik, prévient : « Deux loups affamés au milieu d’un enclot ne sont pas pires pour le troupeau que l’avidité suscité par la richesse et les honneurs. »[4]

Tirmidhî précise que : « ce Propos est bon et authentique. »

 

Cette cupidité est proportionnelle à la force du sentiment positif ou négatif. Le Seigneur déclare : [La plupart d’entre eux ajoutent foi en Allah, sauf qu’ils Lui partagent l’adoration avec des associés].[5]

 

Un jour, le Prophète (r) fit cette annonce à ses Compagnons : « L'association dans cette communauté est plus subtile que le pas d'une fourmi.

  • Messager de Dieu, interpella Abû Bakr embarrassé, par quel moyen remédier à un mal qui est plus subtil que le pas d'une fourmi – voici à peu près qu’elle fut sa question ?
  • Ne veux-tu pas plutôt, le rassura-t-il, que je t'enseigne une formule (ou des paroles) à même de te préserver en grande partie de la petite, mais aussi de la grande association ? Il te suffit de prononcer : Ô Allah ! Je me réfugie auprès de Toi contre l'association commise consciemment de ma part, et je T'implore le pardon pour celle que je commets sans m’en rendre compte ! »[6]

 

L’Élu a recommandé à son ami inséparable de mettre une barrière entre lui et l'association, avec l’aide d’Allah, par un acte de pénitence ; il s’avère donc que repentir et unicité sont les deux ingrédients d’une religion parfaite : (Sache que nul dieu n’est digne d’être adoré en dehors d’Allah, alors implore le pardon pour tes péchés et en faveur des croyants et des croyantes)[7] ; (Alif-Lâm-Ra. Ce livre renferme des Versets composés à la perfection pour exposer dans tous ses détails la Loi émanant d’un Dieu Sage et parfait Connaisseur • Qui vous prescrit de n’adorer que Lui, et moi, je suis pour vous un avertisseur contre un dur châtiment et un annonciateur de la bonne nouvelle • Alors, revenez à Votre Seigneur repentants, puis implorez-Lui Son pardon).[8]

Un hadîth relate le témoigne de Satan : « Moi, avoue-t-il, j'ai causé la ruine des fils d'Adam à cause des péchés, mais eux, ont causé ma ruine grâce à l'attestation de foi et au repentir. Pour réagir à ce désastre, j'ai diffusé en eux les passions spirituelles si tant est que désormais ils n’éprouvent plus le besoin de se repentir de leurs errements puisqu’ils pensent agir bien. »[9]

 

C’est exactement ce qu’il se produit dans les faits. Les passions qui assujettissent l’individu au point de se transformer en idole ne suscitent plus chez lui le moindre remord étant donné qu’il leur a conféré un caractère légal. Cette pseudo légitimité l’élève à ses yeux dans les échelons de la vertu : (Les mécréants sont-ils aussi aveugles pour ériger en toute impunité Mes serviteurs les plus fidèles au rang de protecteurs souverains ? Nous leur avons plutôt réservé la Géhenne pour demeure éternelle • Dis-leur : voudriez-vous que Nous mettions à votre connaissance quelle est la pire des déconvenues possibles ? C’est celle d’un homme dont tous les efforts sur terre ont été voué à la ruine alors qu’il pensait œuvrer au service de la bonne cause)[10] ; (Hé Hâmân ! Bâtis-moi une tour qui me fera atteindre les voies • les voies du ciel d’où je verrais le fameux Dieu de cet homme, Moïse que je soupçonne d’être un menteur. Voilà comment Pharaon, emporté par son arrogance, fut outrageusement induit en erreur, et son stratagème, par lequel il entraina avec lui son peuple, était voué à la ruine)[11] ; (Et souvenez-vous quand Satan encouragea les troupes païennes à redoubler d’énergie : nul n’est en mesure de vous vaincre aujourd’hui, avec moi à vos côtés. Mais, dès que les deux armées furent confrontées l’une en face de l’autre, il tourna les talons, et s’écria : je n’ai aucun lien avec vous, car j’ai sous les yeux ce qu’il vous est impossible de voir, et grande est la crainte que m’inspire le Seigneur qui châtie avec sévérité • Et ces invectives que tinrent les hypocrites et les malades du cœur : seul le zèle qu’ils éprouvent à l’égard de leur religion a rendu ces fanatiques aussi téméraires, mais ne suffit-il pas, pour obtenir la victoire, de s’en remettre à Allah, ce Dieu Puissant et Sage)[12] ; (Les démons qui font l’objet de leur idolâtrie ont fait miroiter à bon nombre de païens que le meurtre de leurs enfants leur ferait échapper à la misère et gagner le salut, sauf que cette obscure infâmie, un nouveau leurre, les éloigna davantage du droit chemin).[13]

 

La religion parfaite est la somme du respect des obligations et des interdits. Les différents choix (faire ou ne pas faire) sont motivés par l'amour et la haine. La transgression des commandements trahit une foi faible ; la foi repose sur la croyance et la reconnaissance de Dieu qui convient à respecter Sa Volonté dans ce qu’Il aime et ce qu’Il n’aime pas. On choisit d’aimer une chose pour ce qu’elle est ou pour ce qu’elle procure.

 

Il existe une variété de choses qui exercent directement un attrait. Néanmoins, dans l’absolu, le Très Haut est le seul être qui mérite intrinsèquement de recevoir l’amour. Pareillement, on encense une chose ou un être pour ce qu’il/elle est ou pour ce qu’il/elle engendre, mais dans l’absolu le Créateur est le seul être digne d’encensement en Lui-même. Pour le reste, on aime ou on encense une création dans la mesure où Dieu le réclame. Les sentiments éprouvés pour celle-ci sont subordonnés à l’amour de Dieu ; ils sont donc éprouvés pour Dieu et dans le cadre de son adoration.

 

Encenser l’Être Bien-aimé par excellence qui accapare toutes les attentions est l’objectif suprême et ultime de la création. Tout autre amour est tributaire de celui-ci, et il se met à son service. L'amour parfait exige de synchroniser ses attirances et ses répulsions avec la Volonté de Dieu. Un hadîth nous montre la voie : « L'amour et la haine en Dieu est l’indice le plus révélateur de la foi. » Un autre texte prophétique, rapporté dans le recueil sunan, étaye cet élément : « Qui aime en Dieu, déteste en Dieu, donne pour Dieu, et s'abstient pour Dieu aurait parfait sa foi. »[14]

 

Par rapport à cela, aimer ou magnifier une créature de façon intrinsèque est une forme d’association. Et, quand bien même, cet amour, sans n’être intrinsèque, ne serait qu’un moyen de concrétiser d'autres ambitions en relation avec tout objet de vénération autre que Dieu, il n’échapperait pas à cet élan paganiste. Les intermédiaires que les païens s’approprient pour faire accéder leurs requêtes au Détenteur du Trône n’ont aucune légitimité scripturaire : (Demande donc aux messagers que Nous avons envoyé avant toi si Nous avons accordé le droit à de fausses divinités de recevoir le culte en dehors du Miséricordieux)[15] ; (Nous allons insuffler la terreur dans le cœur des infidèles en punition à leur idolâtrie qui n’est soutenue par aucune autorité émanant du Tout-Puissant).[16]

 

Les idolâtres ont beau prétexté que l’intercession dont ils se pavanent est plus propice à recevoir les faveurs de Dieu, ils n’en demeurent pas moins coupables d’idolâtrie. Cet intermédiaire qu’ils ont placé entre eux et Dieu ne fait que les éloigner de Lui davantage : (Certains hommes prennent en dehors d’Allah des idoles qu’ils aiment à l’égal d’Allah, mais les croyants aiment Allah davantage)[17] c-à-d qu'ils ont autant d’amour pour ces fameux intermédiaires que pour le Seigneur alors que les croyants véritables, grâce à leur fidélité, éprouvent un sentiment plus fort à Son égard. Plus un sentiment est partagé entre plusieurs entité moins il aura d’intensité pour chacune d’entre elles. Ce manque de fidélité est fortement condamné par les textes, notamment ce hadîth divin authentique dans lequel le Tout-Puissant met en garde : « Moi, le Dieu Riche, Je n’ai que faire d’un associé dans le culte, alors rien ne sert de M’associer qui que ce soit, car qui se rend coupable d’un tel crime récoltera en retour l’abandon qui le frappera lui et son crime (et son sort sera remis à celui qui fut l’objet de son association, ndt.). »[18]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Les prophètes ; 25

[2] Les abeilles ; 36

Nous avons traduit « taghût » par « toute inspiration maléfique » (N. du T.).

[3] Rapporté par el Bukhârî, ibn Mâdja, ibn Hibbân, el Baïhaqî, etc.

[4] Rapporté par e-Tirmidhî (2376) et Ahmed (3/456), selon Ka’b ibn Mâlik (t).

[5] Yûsaf ; 106

[6] Rapporté par Abû Ya'lâ et ibn Sinnî avec une chaîne narrative jugée faible.

[7] Mohammed ; 19

[8] Hûd ; 1-3

[9] Rapporté par Abû Ya'lâ et ibn Abî 'Âsim avec une chaîne narrative dont les rapporteurs sont faibles.

[10] La caverne ; 102-104

[11] L’Absoluteur ; 36-37

[12] Le butin ; 48-49

[13] Le bétail ; 137

[14] Rapporté par Abû Dâwûd, e-Tabarânî, el Baghawî, etc. avec une bonne chaîne narrative.

[15] Les ornements ; 45

[16] La famille d'Imrân ; 151

[17] La vache ; 165

[18]  Rapporté par Muslim, ibn Mâdja, Ahmed, e-Tayâlisî, el Asbahânî, etc.

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8 juin 2020 1 08 /06 /juin /2020 12:15

Le tâghût chez ibn Taïmiya 1/4

 

Les ingrédients du salut sont au nombre de quatre : la foi, les bonnes œuvres, la recommandation mutuelle de la vérité, et de la patience. Cette recette fait défaut aux hérétiques et aux pécheurs qui succombent aux passions intellectuelles et aux passions sensorielles.

Traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

(As-tu songé à ces hommes héritiers des Écritures qui donnent foi au sorcier et à tous ces êtres maléfiques ; ils vont jusqu’à assurer aux impies qu’ils empruntent une meilleure voie que les croyants).[1]

 

[N’avions-nous pas déjà offert à la famille d’Ibrâhîm le Livre et la sagesse, en plus d’un vaste royaume ?][2] 

 

(Allah vous ordonne de restituer les dépôts à leurs ayants droit, tout comme Il vous ordonne d’arbitrer avec équité les litiges soulevés par vos semblables ; vous avez là une édifiante recommandation à laquelle vous exhorte Allah Votre Dieu qui entend tout et qui voit tout • Vous croyants, faites obéissance aussi bien à Allah qu’à Son Messager, puis à ceux qui vous dirigent, et veillez à soulever le moindre de vos litiges à Allah et à Son Messager si réellement vous donnez foi en Allah et au jour du jugement dernier, car il en va de votre intérêt et de votre salut • As-tu songé à ces hommes qui, en apparence, donnent foi à la Révélation qui te fut consacrée et aux Écritures anciennes, alors qu’ils recourent à l’arbitrage d’une loi maléfique à laquelle ils sont sensés renoncer ; c’est bien là l’œuvre de Satan qui cherche à les enfoncer davantage dans les ténèbres de l’égarement • On a beau convier ces hypocrites à l’arbitrage de la Révélation et du Messager, ils ne font à chaque fois que littéralement te tourner le dos • Qu’adviendra-t-il le jour où le malheur les frappera en punition de leurs actes, et qu’aussitôt ils viennent te trouver pour t’assurer, en prenant Dieu en sermon, que leur seule motivation à travers leur refus était de bien faire et d’apporter une solution conciliante • Allah connait parfaitement le fond de leur poitrine, alors ne te préoccupe pas d’eux, et contente-toi pour l’heure de leur prêcher la bonne parole quitte à les sermonner pour mieux les sensibiliser • Dès lors que Nous envoyons un messager aux hommes, Nous attendons d’eux qu’ils se soumettent à son obédience sous l’égide de la Loi céleste ; Ces gens-là auraient dû, pour réparer les torts qu’ils avaient causés à l’encontre de leur propre personne, se présenter aussitôt devant toi pour implorer le Pardon d’Allah, et par-là même profiter de ton intercession pour renforcer leur demande, et ils auraient trouvé un Dieu Absoluteur et Tout-Miséricordieux • Non, jure Ton Seigneur par Lui-même ! Ils ne prétendront jamais à la foi sans te soumettre leurs litiges, avec pour volonté d’accueillir ton jugement à cœur ouvert, en s’y pliant sans réserve ni le moindre ressentiment • Si l’ordre leur avait été donné de s’entretuer ou de prendre le chemin de l’exil, ils ne s’y seraient jamais pliés à part une infime minorité d’entre eux ; ils feraient bien mieux de prendre Nos exhortations au sérieux, car il en va de leur intérêt et de la vitalité de leur foi • Et ils auraient droit, en prime, à une récompense incommensurable de Notre part En plus d’être guidés sur le droit chemin • Par son obéissance à Allah et à Son Messager, on intègre le cercle des élites touchés par la Grâce d’Allah tels que les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les vertueux, avec lesquels on partage pour toujours le meilleur entourage).[3]

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

(Ne soyez pas comparables aux païens • qui ont suscité, au sein de leur religion, maintes divisions pour former une multitude de factions où chacun se complait de ses acquis).[4]

 

Ainsi, la religion vouée entièrement au Dieu Tout-Puissant immunise la foi et la fidélité aux préceptes de la prophétie qui prônent la vérité et rien que la vérité. Au-delà de cet attachement, il y a les sectes hétérodoxes qui s’appuient forcément sur le discours d’un leader charismatique, et qui puisent leur légitimité dans des idéologies hérétiques en opposition avec les Commandements révélés par le Seigneur. Ce schisme idéologique est, sous cet angle, une forme de polythéisme.

 

Le phénomène de divinisation émane de cette fameuse ferveur et du désir qui est aussi vital et intrinsèque que le besoin de manger et de s'accoupler. Ces besoins vitaux sont indispensables à l’existence, au maintien du groupe, et à la préservation de l'espèce humaine. Toutefois, le recours à la divinité est prioritaire par rapport aux besoins culinaires dans la mesure où l'absence de nourriture met, au pire, le corps en danger, tandis que le paganisme met directement le cœur en péril. Le monothéisme est la seule voie salutaire qui s’impose à l’homme. Celui-ci est en parfaite adéquation avec la nature humaine insufflée par le Seigneur. D'après el Bukhârî et Muslim, le Prophète (r) enseigne : « Chaque enfant vient au monde à l’état de nature, mais ce sont ses parents qui le rendent Juif, chrétien ou mazdéen, à l’image du petit d’un animal, pensez-vous qu’il naisse avec l’oreille mutilée ? »

D'après Muslim, selon 'Iyâdh ibn Himâr, le Messager (r) relate les Paroles du Seigneur disant : « Moi, j’ai inscrit dans la nature de Mes créatures une attirance fidèle envers Leur Créateur, mais les démons les ont fourvoyés et détournés de cet objectif, alors, pour les redresser, J’ai durci Mes commandements. Ces démons les ont entrainés, sans la moindre autorisation de Ma part, à partager Mon Culte avec de vulgaires idoles. »

 

La plupart des actes polythéistes constatés chez les hommes découlent de l’amour qu’ils accordent à une idole. Cette idolâtrie se manifeste de diverses façons, et elle engendre une panoplie de rites. Nous pouvons dégager deux réflexes anthropologiques pour le maintien des sociétés :

• Le besoin inhérent d'un dieu protecteur aimé et convoité par tous en raison de ses aptitudes supposées à pourvoir à leurs aspirations et à les préserver de tous les dangers ;

• Le besoin de maintenir un équilibre entre la nécessité d’acquérir les éléments indispensables à leur survie et celle de se défendre contre tout élément nuisible faisant obstacle à leur bien-être.

 

Ces réflexes vont les pousser à imiter la Révélation qui invite au monothéisme pur. Cette transgression se vérifie à ces deux niveaux : l’exclusivité du culte et l’exclusivité du mode d’emploi à même d’optimiser le culte par le truchement des Apôtres de Dieu. Les idolâtres vont donc contester leur légitimité en partageant leur amour entre le Dieu suprême et les idoles, et entre Sa Loi et celle des hommes. Leur amour idolâtre prend des formes diverses, notamment au niveau des codes qui constituent leur législation et qui régulent leur mode de vie.

 

L’amour transcendant est donc le moteur qui anime les sociétés tant monothéistes que païennes. L’engouement qu’elles éprouvent pour leur « constitution » est d’origine spirituel, car celle-ci ne se contentent pas de veiller à leur pérennité matérielle, mais elle entretient avant tout sa relation avec l’entité supérieur qui cristallise toutes les attentions. Il est faux de réduire la vraie religion à la justice que l’autorité fait régner entre les citoyens et qui a une dimension purement temporelle. Cette approche matérialiste est soutenue par des courants philosophiques qui limitent les missions prophétiques à des considérations primaires et matérielles. Celles-ci rempliraient la fonction d’organisation des sociétés dites évoluées – et qui faisait défaut dans les sociétés dites primitives – en vue de l’intérêt commun. Elles auraient donc la seule vocation de combler un manque.

 

Ces desseins sociétaux, aux yeux de ces doctrines athées et philosophiques, seraient le lot des systèmes monarchiques en vogue à l’époque de Noé, sous le règne du Roi mésopotamien Nemrod, ou du conquérant tatare Gengis Khan qui fonda l'Empire mongol. Cette vision étroite de la prophétie les prive malheureusement du bonheur éternel.

Les despotes cités plus haut, auquel on peut rajouter Pharaon,[5] l’un des plus emblématiques, sont, au moment de mourir, confrontés à un leurre qui intensifie leur malheur dans l'au-delà, comme en témoigne le saint Coran : (Nous te relatons, à l’attention des croyants, un véritable évènement qui se déroula entre Moïse et Pharaon • Pharaon, qui régna en tyran, divisa les habitants d’Égypte en plusieurs clans. Il opprima l’un d’eux avec la mise à mort des garçons nouveau-nés arrachés à leurs mères qu’il épargnait, comme pour les humilier davantage, car une âme maléfique coulait en lui).[6] l'histoire de ce despote est relatée à divers endroits du Livre sacré mettant en exergue le régime monarchique à la tête duquel il était investi. La Sourate Yûsaf donne de plus amples détails sur ce mode de gouvernance qui était en vigueur sur les rives du Nil : (Nous inspirâmes à Joseph cet artifice sans lequel il n’était pas en mesure de retenir son frère à ses côtés en vertu de la loi du roi régnant).[7]

Joseph[8] vivait sous le règne de ce roi égyptien intronisé à son époque de la même manière que, plus tard, Moïse sera confronté au Pharaon qui lui sera contemporain. Pharaon était le titre des souverains d'Égypte, à l’instar de César chez les romains, Chosroês chez les perses, et du Négus chez les abyssins, etc.

 

Ainsi, les philosophes sabéens, réformistes, péripatéticiens (aristotéliciens), et leurs émules au sein des trois grandes religions réduisent la prophétie à de vulgaires considérations temporelles telles que l’organisation de la vie en société sur le modèle de célèbres despotes à travers l’Histoire. Ceux-ci occultent littéralement la dimension transcendante de la mission prophétique mettant l’accent sur le devoir qui incombe aux terriens de rendre un culte unique à Leur Créateur. Ils confinent le bonheur terrestre à des concepts d’ordre rationnel tels que la justice, la probité, la loyauté, etc. Ils rangent dans la sphère privée le zèle religieux qui serait l’apanage des dévots toute confession confondue. Nous avons déjà eu l’occasion d’exposer les différences idéologiques constatées entre le naturalisme, le mysticisme, et l’orthopraxie (le credo orthodoxe). Je me suis contenté ici de les citer furtivement.

 

Paradoxalement, les naturalistes ont recours aux sciences occultes et son attirail de magie, sorcellerie et talisman, pour combler leur spiritualité. Leurs ouvrages mentionnent que ces pratiques occultes participent à l'instauration d'un ordre religieux comme il en existe chez les ésotéristes Qarmates, les prêtres de Pharaon, les païens turco-mongols, et indous, etc. Leur influence est présente jusqu'aujourd'hui. Les philosophes sabéens mettent sur le même pied d’égalité ces pratiques païennes et la prophétie. Ils se figurent que Moïse n’est pas différent de ces ennemis, Pharaon et les magiciens de sa cour. Un Verset dévoile l’imposture des sorciers : (Au lieu de cela, ils adoptèrent les pratiques des démons en usage sous l’ère de Sulaïmân qui ne fut coupable d’aucun blasphème à la différence des démons ayant transmis aux hommes l’art de la sorcellerie. Les hébreux furent tout autant enclins aux enseignements que Harout et Marout exerçaient en terre de Babel. Les deux anges prenaient soin de prévenir tout initié avant de l’instruire : prend garde de perdre la foi, car notre art n’a d’autre vocation que de tenter les hommes ! Ces initiés acquirent le pouvoir de séparer un homme de sa femme ; ce pouvoir maléfique, qui n’avait d’effet que par la Volonté de Dieu, causait leur ruine, malgré les maigres avantages qu’ils en tiraient. Ils savaient pertinemment qu’ils avaient troqué le bonheur éternel. Ils se rendaient ainsi coupable d’un piètre négoce s’ils en avaient vraiment conscience !).[9] Ils reconnaissent parfaitement que ces pratiques obscures sont sans intérêt pour leur vie future, bien qu’ils en tirent un bénéfice matériel au profit de leur avide ambition d’accéder aux hautes sphères du Pouvoir. En définitive, leur opportunisme leur fait plus de mal que de bien : (Ils auraient tiré un meilleur avantage de la part de leur Seigneur à se résigner à la foi et à la piété, mais en avaient-ils seulement conscience ?).[10]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Les femmes ; 51

[2] Les femmes ; 54

[3] Les femmes ; 59-69

[4] Les Romains ; 31-32

[5] Moïse, de la lignée lévitique, fut adopté par la nièce du cruel Pharaon, Pépi II (notons que les datations officielles sont aléatoires, voire arbitraires), qui exerça le pouvoir sur le royaume en déclin avec un joug implacable. Ce qu'on sait surtout de ce tyran, c'est qu'il resta au pouvoir extrêmement longtemps. Manéthon lui prête 94 années de règne, et il aurait vécu plus de cent ans. Le Sefer Hayachar, le livre du juste, une référence rabbinique, parle de Mélul qui régna 94 ans ; il s’agit de Pépi II, Pharaon de la VI dynastie. Il fut intronisé au Trône dès son enfance, et ce fut sa mère, alors régente du pays, qui aurait ordonné la mise à mort du mâle premier né de tous les foyers israélites. Ce monarque tyrannique fit construire, dans sa folie des grandeurs, deux villes Pithom et Ramsès, et prit les Hapirou (les hébreux) pour mains d’œuvre, comme le révèlent les papyrus de Leyde 348.

 

Moïse fut élevé à l’intérieur du Karnak qui était pris en charge par les prêtres lévites. Il jouissait d’une double culture, et connaissait sur le bout des doigts tous les secrets du Temple qui, par décret pharaonique immuable, jouissait de privilèges en hommage à Joseph. Les lévites furent donc épargnés des mesures draconiennes dont furent frappés les ouvriers de l’Empire, sous ordre du tyran, afin d’accélérer les grands travaux de construction qui visait à redorer le prestige des ancêtres. Malheureusement, leurs frères de Deir el Medineh, bien que relativement bien lotis, se plaignirent de la surcharge de travail dont ils furent accablés. La goutte qui fit déborder le vase survint le jour où les approvisionnements furent subitement coupés. Des manifestations de mécontentement, révèle le papyrus de la grève, furent exprimés par les ouvriers qui boycottèrent le travail. Un jour, arrivé à la fleur de l’âge, Moussa sortit de son confort pour se rendre aux nouvelles auprès des gens de sa race qui logeaient de l’autre côté de la rive. Là, il vit un notable égyptien prendre à partie un membre du clan frère. Dans un élan de solidarité, il assena à l’agresseur un coup de poing qui le foudroya sur place. Il avait mal dosé sa force qui était prodigieuse.

Malgré le rang qu’il concédait auprès de la cour et des privilèges dont jouissait son clan, il dut prendre la fuite pour échapper au courroux de Pharaon qui ne lui pardonnerait jamais cet homicide perpétré sur un citoyen de condition supérieure. Cet acte fut interprété comme un véritable sacrilège. Le fugitif se réfugia dans le désert de Madian, de l’autre côté de la Mer rouge où, Jéthro, un proto-arabe issu d’une tribu semi-nomade, lui accorda la main de sa fille en échange de ses services à l’entretien des troupeaux et des besognes quotidiennes. Une fois qu’il eut remboursé sa dote, et que  Pépi II s’éteignit, il décida de se rentre à Tsoan, actuellement Tanis, la Capitale de la Basse Égypte qui était contrôlée par Néferkarê II sur lequel on sait bien peu de choses si ce n’est qu’aucun reste de lui n’a été retrouvé. Il aurait régné quatre années qui furent ponctuées par une période de déchéance et d’anarchie. Notamment, les trésors égyptiens furent pillés par les hébreux. Dans ce climat délétère, qui fut probablement provoqué à la suite d’une vacation du pouvoir, la reine Nitocris monta sur le trône avec l’ambition d’endiguer autant que faire ce peu, la chute inéluctable qui se profilait. (N. du T.).

[6] Les récits ; 3-4

[7] Yûsaf ; 76

[8] Certains chercheurs contemporains identifient Joseph à Amenhotep fils de Hapou (1437-1356 av. J.-C. selon certaines sources). Appelé également Aménophis, il fut le premier ministre d'Amenhotep III. Il se distinguait pour être un homme polyvalent (vizir, premier ministre, général, directeur des ressources humaines, scribe, architecte, médecin, et théologien) et de grande culture. Amenhotep III, était le père du pharaon monothéiste Akhenaton. Le fils de Hapou (Hapou, qui signifie « celui qui est caché », fait probablement allusion à Jacob dont on ignorait l’identité sur la terre d’accueil de son fils) prit pour femme Neth, d’origine libyenne. Les annales archéologiques enregistrent trois de ses frères et son unique sœur. Deux des garçons sont explicitement nommés, Héby (Lévi de son nom biblique) et Youya (Juda de son nom biblique). L’une des filles de Youya, Tiyi, était mariée à un Pharaon ; Néfertiti, femme d’Akhenaton, est donc l’une des descendantes de Juda, et Âanen le grand prêtre, était Shéla un autre de ses enfants. Le troisième frère de Joseph est Ruben. Ce dernier ne fut pas nommé par l’historiographie pharaonique, car il s’était marié avec une égyptienne de haut rang, ce qui venant d’un étranger fut amèrement apprécié.

Sous l’influence de sa femme à la beauté légendaire, Akhenaton accélérera la réforme amorcée par son père, en vue d’imposer le culte monothéiste. Il sera assassiné par les prêtres d’Isis qui voyait d’un mauvais œil son zèle en faveur du Dieu unique. Son fils, Toutankhamon, réhabilitera le paganisme d’antan, et constituera ce qui peut être assimilé à l’ancêtre du premier ghetto à el Amarna en vue d’exercer une surveillance élevée sur les artisans qui furent sélectionnés pour matérialiser sa mégalomanie.

La dépouille de Joseph fut momifiée (celle-ci inspirera la légende du film la momie). Cette dérogation exceptionnelle accordée à un étranger montre la place croissante que la lignée hébraïque occupera dans les plus hautes instances du Pouvoir.  Il fut enterré dans le Temple de Ptah à Karnak, situé dans le Haut Nil ayant Thèbes pour Capitale. Depuis, les noms de la Maison de Joseph furent repris par les différentes dynasties successives. Karnak fut entretenu par son frère Lévi (appelé Kenel et Héby dans les hiéroglyphes) instaurant ainsi une tradition dans sa descendance dont Moïse sera issu. Une longue rivalité s’installa entre Thèbes au Sud sous l’emprise des Lévitiques, et Memphis, la Capitale du Bas Nil au Nord, qui promouvait l’idolâtrie.

Chéops, un nordique, qui érigea à sa gloire la grande pyramide de Gizeh, fut, aux dires d’Hérodote et de Théodore de Sicile, un despote cruel et blasphémateur. Celui-ci dispersa les hébreux au pouvoir grandissant. Il ignora le patrimoine de Joseph et expulsa les lévites au Sud faisant l’objet d’une diaspora avant l’heure. Il embrigada les artisans hautement qualifié de Deir el Medineh qui vouaient le culte au Dieu de Joseph (non loin du Temple de Ptah), et qui jouissaient malgré tout d’un relatif confort, à l’inverse des ouvriers traditionnels exploités par l’Empire. (N. du T.).

[9] La vache ; 102

[10] La vache ; 103

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11 septembre 2019 3 11 /09 /septembre /2019 12:34

Ultime preuve 2/2

S’il est encore besoin d’en ramener

 

Au Nom d’Allah, le Très-Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux !

 

Salâm ‘aleïkom wa rahmat Allah wa barakâtuhû (que le salut d’Allah soit sur vous ainsi que Sa Miséricorde et Sa Bénédiction) ! Nous exprimons notre reconnaissance envers Dieu que Nous louons pour avoir déversé sur nous Sa Grâce à profusion ; Sa Grâce qu’Il nous gratifie jour après jour et à chaque fois avec une intensité plus grande. À travers celle-ci, Il met tous les moyens en œuvre pour assurer le triomphe de Sa religion. Ce bienfait, à lui tout seul, est sans limite : [Il est Celui qui envoya Son Messager porteur, à la lumière d’une voie éclatante, de la religion de vérité afin qu’Il la fasse triompher sur les fausses religions, et Lui-même suffit pour en témoigner].[1]  Satan employa ses suppôts à la corruption de la Révélation en vertu de laquelle les prophètes furent envoyés sur terre porteurs des Livres sacrés pour appuyer leur ministère.

 

C’est par une loi universelle que pour la défense de Sa Loi, Dieu met sur son chemin des opposants dans le but de mieux faire reluire Ses Paroles qui font éclater la vérité s’insurgeant contre le faux qu’elle fustige, car il était voué à disparaitre. Le parti de Satan ne s’évertue pas simplement à contrer la législation mohammadienne, mais il s’attaque impétueusement à la toute la prophétie ayant pour défenseurs des personnages illustres tels qu’Ibrahim, Moussa, le Messie, et Mohammed le sceau qui vient la clore, que Dieu prie sur eux tous !

 

Ces mystificateurs nourrissaient l’espoir d’endiguer toute production intellectuelle au service du Parti de Dieu et de Son Messager. La réponse à el Akhnâî leur resta en travers de la gorge. Ils se mirent alors à gigoter dans tous les sens pour la mettre en lumière. Le Très-Haut faisait d’eux des instruments au service de la vérité, malgré tous les stratagèmes inimaginables qu’ils mettaient en place pour l’éteindre. Ils se mirent à le scruter avec un soin méticuleux en vue d’y déceler une faille qui intercéderait en leur faveur, sauf que, penauds, ils ne trouvèrent rien d’autre que des éléments qui, en définitive, se retournaient contre eux. Leur tentative désespérée trahissait leur ignorance, leur malhonnêteté, mais surtout leur incompétence. Ils devinrent ainsi les meilleurs ambassadeurs de nos idées qui se répandirent à travers tout l’Empire à une vitesse prodigieuse. Ils montraient ainsi la Toute-puissance du Seigneur des cieux et de la terre, dont la ruse n’a pas d’équivalent, et sans l’aide de qui une telle opportunité ne se serait jamais présentée.

 

Ces affabulateurs ne réussirent à dégotter aucune entorse aux enseignements des textes scripturaires. La seule chose qu’ils se mirent sous la dent, c’est que nos idées contrevenaient à un décret rédigé par des êtres humains, qui, qui qu’ils soient et aussi honorables soient-ils, ne jouissent pas de la prérogative d’imposer, ou ne serait-ce que de suggérer à titre indicatif d’aller à l’encontre des lois divines, et cela, à l’unanimité des musulmans.

 

Aux yeux d’un de mes inquisiteurs, mon crime est de propager l’hérésie, mais tout homme sensé remarque facilement l’inconsistance d’une telle accusation. Nos contempteurs ne font qu’inverser les rôles, puisque, jusqu’à preuve du contraire, l’hérésie nait soit d’un manque de connaissance de la tradition prophétique soit d’une volonté de défendre ses passions, quitte à aller à son encontre. Là, il se moque de la charité, puisque c’est lui l’ignare et c’est lui qui est mue par les passions infondées : [Y a-t-il plus grand égarement que de laisser libre court à ses passions sans s’appuyer sur la moindre preuve venant de Dieu ?][2] Ce type d’individus est sans commune mesure avec quelqu’un d’expert en matière de tradition prophétique, et qui, intègre, ne cède pas à ses passions ni à ses intérêts personnels : [Puis, Nous t’avons prescrit une loi qui procède de Notre Ordre, alors applique-toi à la suivre, et tiens-toi éloigner des passions de ceux qui ne savent pas • Car ils ne te seront d’aucun secours contre Dieu, et si les injustes sont alliés les uns les autres, Dieu est l’allié des croyants craignant Dieu].[3]

 

Cette affaire gravissime revêt une importance capitale, et vous aurez bien le temps de l’apprendre. Fin de citation.

 

Malheureusement, certains passages de cette lettre, qui ont été effacés par la vicissitude du temps, sont illisibles. On y comprend en partie, malgré tout, que ses inquisiteurs réclamèrent de fournir au tribunal un exemplaire entier d’el akhnâya, alors qu’ils avaient sous la main des ouvrages de l’accusé bien plus édifiants, bien plus instructifs, bien plus à même de démolir leur credo, et de mettre à mal leurs intérêts tels qu’el zamalkaniya. Ce dernier écrit établit en cinquante points que le décret inique dont le Sheïkh fut l’objet va à l’encontre du consensus des musulmans. Si seulement ses inquisiteurs avaient conscience des implications de leurs discours, et qu’ils allaient en tout âme et conscience en contre-courant des enseignements divins, alors ils seraient jugés apostats. Néanmoins, de part leur ignorance, note le Sheïkh en substance, ils se sont aventurés dans un domaine qui les dépasse si tant est qu’ils imaginaient mal que le Sultan prenne une position différente de la-leur, et croyez-moi, les dessous de cette affaire sont bien plus obscurs que vous ne le pensez. Quand à nous, que Dieu soit loué, nous vouons un combat extraordinaire sur le sentier de la vérité.

 

Un peu plus loin, le Sheïkh conclut :

 

Notre djihad aujourd’hui est de même envergure que celui entreprit contre les armées turco-mongoles commandées par Kâzân, que l’expédition contre le repaire alaouite, et les réfutations à l’encontre des hérétiques en tout genre, comme les jahmites, les monistes-panthéistes, etc. Je suis comblé par Dieu qui répand sur moi et sur toutes Ses créatures Ses bienfaits incommensurables, sauf que la plupart des hommes ont un voile sur les yeux !

 

Voici un autre courrier émanant du Sheïkh :

 

Nous exprimons notre reconnaissance envers Dieu que Nous louons pour avoir déversé sur nous Sa Grâce à profusion ; Sa Grâce qu’Il nous gratifie jour après jour et à chaque fois davantage. Je le loue notamment pour la divulgation de mes ouvrages qui constitue un bienfait incommensurable. Cela me tenait vraiment à cœur qu’ils soient divulgués, ne serait-ce qu’en partie, afin que vous les ayez à votre disposition. Mes inquisiteurs furent très contrariés par la mise en circulation d’el akhnâya (écrit derrière les barreaux, ndt.). Allah les a utilisés comme instrument afin que tous mes livres soient accessibles, même chez mes détracteurs qui, devant le fait accompli, n’avaient d’autres choix que de les feuilleter, ne serait-ce que pour y trouver une faille. Ils eurent sous les yeux, les véritables enseignements prophétiques qui, à la lumière d’une voie éclatante, véhiculent la religion de vérité révélée par Dieu à Son Messager.

 

Nombreux sont les musulmans qui n’avaient pas accès à ces enseignements, et l’occasion inespérée se présenta pour les exposer au grand jour de manière à ce que l’homme sincère soit guidé vers la vérité. Quand à l’homme malintentionné, il n’aura plus aucune excuse devant Dieu puisque la vérité lui fut montrée sous les yeux, et dans ces conditions, il ne peut être que vouer à l’opprobre et à l’avilissement.

 

Mes écrits sur ce thème n’échappent à plus personne, pas même à mes ennemis, et les feuilles qui contenaient les réponses qui vous étaient adressées furent lavées (sic), tandis que moi, je restais optimiste. Mes yeux furent contentés comme ils ne l’avaient jamais été auparavant. Je remercie Dieu pour les bienfaits innombrables qu’Il me prodigue à chaque instant, et je le loue pour ces largesses immenses, si pures et si bénies !

 

Puis, le Sheïkh poursuit en disant, entre autres :

 

Tout destin qu’Allah prescrit revêt un grand bien et une grande miséricorde couplée d’une grande sagesse : [Allah étend Sa bienveillance sur les créatures de Son choix, car Il est un Dieu Sage et Omniscient].[4] Il est un Dieu Fort et Tout-Puissant. Tout individu ne doit le mal qui l’atteint qu’à ses péchés : [Le bien dont tu es comblé procède d’Allah, mais le mal qui te frappe procède de toi].[5]

Il ne reste à l’individu qu’à remercier Dieu et le louer quoi qu’il arrive, et surtout, il doit faire pénitence de ses péchés. La reconnaissance envers le Très-Haut est porteuse de la grâce, et la pénitence éloigne le malheur, en sachant que tout destin prescrit par Dieu au croyant est un bien : « La vie du croyant est vraiment étonnante ; quoi qu’il puisse lui arriver, c’est un bien pour lui, et personne d’autre que lui ne jouit de ce privilège. Dans la joie, il est reconnaissant, et c’est un bien pour lui, et dans la peine, il est patient, et c’est un bien pour lui. »[6] Fin de citation.

                           

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] La grande conquête ; 28

[2] Les récits ; 50

[3] La nation agenouillée ; 18-19

[4] Joseph ; 100

[5] Les femmes ; 79

[6] Hadîth rapporté par Muslim (n° 2999).

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9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 15:38

Ultime preuve 1/2

S’il est encore besoin d’en ramener

 

« Il ne convient à personne d’interpréter les paroles d’un auteur autrement qu’à l’aune de sa tendance notoire, sans n’y détecter seulement ce que celles-ci laissent entendre dans n’importe quel autre discours. »

Ibn Taïmiya, majmû’ el fatâwâ (7/36).

« … les grandes références traditionalistes n’ont jamais imposé à personne ni forcé à suivre leurs opinions qui relevaient de l’effort d’interprétation. »

Ibn Taïmiya, el fatâwâ el kubrâ (6/339).

 

Il est étonnant, s’il est encore besoin de s’étonner, que des chercheurs très sérieux, dont on peut suspecter le manque d’intelligence, arrive toujours à se demander si réellement Sheïkh el Islâm accorde des circonstances atténuantes à el Bakrî. Or, dans aucun passage de son fameux El istighâtha, qui fut consacré en réfutation à ce dernier, ibn Taïmiya ne le bannit de la religion bien qu’il y vante les vertus du culte des saints.[1]

 

Au cours des lignes où il étale sa démonstration, le doyen damascène procède à un diagnostic : « La voie empruntée par cet homme et ses émules, est celle des innovateurs qui sont imprégnés à la fois d’ignorance et d’injustice. Dans un premier temps, ils innovent une chose allant à l’encontre des Textes du Coran, de la sunna, et du consensus. Ensuite, ils traitent d’apostats tous ceux qui s’opposent à leur innovation. Quant aux traditionalistes, imprégnés par la foi et la connaissance, ils sont motivés par la science, la justice, et la compassion à l’égard des autres. Ils connaissent la vérité qui leur permet de se conformer au Coran et à la sunna et de les préserver de la bid’a, mais ils sont justes à l’encontre de leurs opposants et ils ne font nullement preuve d’injustice à leur égard. »[2] Plus loin, il conclut qu’il ne lui rend pas la pareille, alors qu’el Bakrî l’a kaffar ouvertement.[3]

 

Mieux, le sort qu’ibn Taïmiya réserve à el Akhnâî, un autre contempteur acharné qui fut également l’objet d’un écrit, est encore plus éloquent. Tout au long de celui-ci, notre polémiste hanbalite démontre que cet homme qui appelle au culte des saints marche sur les pas des païens et des chrétiens.[4] Et pourtant, ibn Taïmiya, avec une lucidité hors du commun, témoigne noir sur blanc qu’il ne jette pas l’anathème sur lui : « Malheureusement, constate-t-il, nombreux sont ceux qui, à l’image de notre détracteur assimile mal ce point. Il n’est donc pas le seul à nourrir des amalgames, et, pour notre part, nous faisons preuve de justice à son égard, et d’impartialité, en nous pliant ainsi aux injonctions du Très-Haut qui nous enjoint à l’équité envers nos ennemis non musulmans, à travers Sa Parole : [Vous croyants, faites régner la vérité par devoir envers Dieu, et soyez impartiaux dans vos témoignages ; et que la haine que vous éprouvez envers un groupe ne vous pousse pas à l’injustice, alors soyez justes, et vous serez plus prompts à la piété].[5] Alors, nous devons nous montrer justes, à fortiori, envers nos frères musulmans, car les croyants sont des frères. Qu’Allah lui pardonne, et qu’Il lui montre la voie, par un effet de Sa Grâce, qui mène au succès, ainsi qu’à tous nos frères musulmans. »[6] Il n’y a pas plus éloquent en matière de magnanimité !

 

L’historiographe Dhahabî illustre cet esprit magnanime qui caractérisait son maitre ibn Taïmiya en s’appuyant sur une citation empruntée au théologien fondateur éponyme de la secte ash’arite. D’après el Baïhaqî, j’ai entendu dire Abû Hâzim el ‘Abdawî, j’ai entendu dire Zâhir ibn Ahmed e-Sarkhasî : peu avant de rendre l’âme, Abû el Hasan el Ash’arî que j’avais hébergé sous mon toit, m’a appelé à son chevet pour me témoigner : «  Je témoigne que je ne kaffar aucun adepte de la qibla, car, bien qu’ils ont des mots différents pour le décrire, tous adhèrent au même Dieu. »

 

Dhahabî cautionne ses propos qu’il enregistre dans son encyclopédie avant de conclure : « Je partage la même conviction. À la fin de sa vie, ibn Taïmiya, notre maitre disait : « Je ne kaffar aucun membre de la communauté, conformément aux propos prophétiques : « Seul le croyant préserve les ablutions. » Ainsi, en étant assidu à la prière qu’on fait précéder des ablutions, on est un musulman. » »[7]

 

Jamais ibn Taïmiya ne se vengea de ses détracteurs, en sachant que le premier réflexe de la vengeance aurait été de les vouer à son anathème : « Je ne veux tirer vengeance de personne parmi ceux qui ont menti sur moi et qui m’ont fait subir une injustice. Je décharge devant Dieu tout musulman m’ayant fait du mal. Je souhaite le bien à tous mes frères, comme s’il s’agissait de ma propre personne. »[8] Il confessait également : « Moi, je n’ai aucun ressentiment envers ceux qui s’opposent à moi, et qui outrepassent les limites d’Allah en me taxant de mécréant ou de pervers ; qui calomnient à mon encontre, ou encore qui font preuve avec moi de chauvinisme païen. Je ne dépasse pas les limites d’Allah avec eux, mais je mesure mes paroles et mes gestes, et je les juge d’après la balance de la justice (incarnée par le Coran ndt.)… La raison, c’est que la meilleure réaction envers quelqu’un qui a désobéi à Allah avec toi, c’est d’obéir à Allah avec lui. »[9]

 

On pourrait toujours avancer, si on veut chercher loin l’argument déraisonné, que cette clémence dont fait preuve notre encyclopédiste, ne s’étend pas aux émules d’el Akhnâî qui l’ont fait croupir derrière les verrous de la grande citadelle de Damas. Cette-fois, il n’en ressortira pas, et, alors qu’on lui avait enlevé ses outils d’écriture, il se contenta de morceaux de charbon pour exprimer son ressenti dans les courriers qu’il adressait à ses partisans. En voici deux exemples qu’il composa quelques mois avant sa mort, et dans lesquels, enfin en conclusion du second, il accorde des circonstances atténuantes à ses ennemis qui ont, malgré tout, mis en œuvre tous les moyens dont ils avaient à disposition quitte à passer par des précédés malhonnêtes, pour le nuire, voire attenter à sa vie.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Voir : el istighâtha fî e-radd ‘alâ el Bakrî (1/362, 388).

[2] E-radd ‘alâ el Bakrî (2/487-490).

Ailleurs, il explique : « Les kharijites kaffar la jamâ’a (les traditionalistes ou les musulmans, ou peut-être les Compagnons ndt.), comme les mu’atazilites et les râfidhites kaffar leurs opposants : au meilleur des cas, ils les considèrent comme des pervers (tafsîq). Ainsi, les gens des passions innovent une tendance et vouent à l’apostasie tous ceux qui s’y opposent. Quant aux traditionalistes, ils suivent la vérité de leur Seigneur qui leur est venu du Messager (r). Ils ne kaffar par leurs opposants ; ils sont les plus savants des hommes, et les plus cléments envers les hommes. » Minhâj e-sunna (5/158).

[3] E-radd ‘alâ el Bakrî (2/494).

[4] Voir : el akhnâiya p. 111, 170, 206, 211-214, 242, 282-283, 287, 380, 385-389, 391-393, 399, 400, 402, 435-436, 454, 460, 462, 465-469, 471-480.

[5]  Le repas céleste ; 8

[6] Voir : el akhnâiya p. 242.

[7] Voir : siar a’lâm e-nubalâ (15/88).

L’élève d’ibn Taïmiya suggère donc que son maitre aurait revu à la baisse certaines positions intransigeantes qui touchent au takfîr, bien qu’en réalité, ce point mérite des recherches plus approfondies.

Ailleurs, Dhahabî nous dépeint la méthodologie d’ibn Taïmiya dans le domaine épineux de l’anathémisation des membres affiliés à l’Islam : « Il était enclin à trouver des circonstances atténuantes aux hommes, précise-t-il. Il ne taxait personne de mécréant sans n’avoir en mains les preuves légales justifiant sa position. Il se contentait de juger qu’une telle opinion relevait de la mécréance et de l’égarement, mais qu’elle provenait d’un individu coupable d’ignorance à la suite d’un effort d’interprétation. Son ignorance joue en sa faveur dans la mesure où la preuve céleste n’est pas établie contre lui. Il est possible que ce présumé coupable ait revu ses positions ou qu’il s’en soit tout simplement repenti. Il avait pour principe de dire qu’on ne retire pas une foi avérée avec certitude en se basant sur autre chose que la certitude. Bien sûr, son discours ne s’adresse pas à celui qui renie et qui se détourne de la vérité qu’il a assimilée. Ce dernier est un vulgaire mécréant à l’image de Satan le maudit. Sinon, en règle générale, personne n’est à l’abri de l’erreur aussi bien dans les fondements que les branches subsidiaires de la religion. »

Voir : takmila el jâmi’ li sîrat ibn Taïmiya de ‘Alî ‘Imrân (p. 49).

[8]Majmû’ el fatâwâ (28/55) d’ibn Taïmiya.

[9]Majmû’ el fatâwâ (3/245). Ce dernier se base sur l’annale de Sa’îd ibn el Musaïyib, selon lequel ‘Omar (t) a dit : « La meilleure réaction envers quelqu’un qui a désobéi à Allah avec toi, c’est d’obéir à Allah avec lui. » Rapporté par el Baïhaqî dans el jâmi’ fîshu’ab el îmân (12/310-311).

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9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 11:10

Le culte des moines et des prêtres 3/3

 

L’orthodoxie interdit formellement d’ériger en divinité des « symboles » qu’il incombe pourtant d’encenser dans les limites de la Loi, tels que Jésus, les moines, les prêtres, les anges et les prophètes. Il proscrit également tout encensement à outrance à l’égard des prophètes et des pieux. À s’insurger contre l’orthodoxie et à crier au blasphème, on n’est pas différent des chrétiens, des païens et des hérétiques que condamnent sévèrement le Coran en ces termes : (Vous les gens du Livre, ne faites pas d’excès dans votre religion, et ne dites rien d’autre que la vérité sur Dieu ; le Messie Jésus fils de Marie n’est autre que l’Apôtre de Dieu, Sa Parole qu’Il a insufflée à Marie, un Esprit émanant de Lui ; alors donnez foi en Dieu et à Ses envoyés, et ne divisez pas la divinité en trois ; cessez ces insanités dans votre propre intérêt. En vérité, il n’y a qu’un seul Dieu, Allah qui est bien trop glorieux pour avoir un fils, Lui le Maitre suprême de tout ce qui peuple les cieux et la terre • Jamais le Messie n’a rechigné à Le servir pas plus que les anges rapprochés ; que ceux qui, par vanité, rechignent à l’adorer sachent qu’Il les réunira tous le Jour du jugement dernier • Les croyants vertueux, quant à eux, jouiront, en plus de l’intégrité de leur salaire, d’une grâce supplémentaire, tandis que les impies qui rechignent dans un élan d’orgueil à Le vénérer seront douloureusement châtiés là où aucun défenseur ni secoureur n’aura, de Son courroux implacable, le pouvoir de les délivrer).[1] 

 

[Il n’appartient pas à un simple humain à qui Allah a offert le Livre, la sagesse, et la prophétie, d’inviter ses semblables à le servir au lieu d’Allah, mais veillez plutôt à enseigner doctement la loi en vertu de l’érudition qui vous a été impartie des Écritures ayant fait l’objet de vos soins • Allah ne vous demande pas non plus d’ériger les anges et les prophètes au rang de seigneurs vénérés, car, pensez-vous qu’Il vous ramène à l’impiété une fois que vous ayez humblement goûté à la foi ?][2] ; [Les Juifs prétendent que ‘Uzaïr est le fils de Dieu, tout comme les chrétiens prétendent que Le Messie est le fils de Dieu ; ces énormités, qui sortent de leur bouche, sont en tout point semblables à celles des impies des siècles écoulés, qu’Allah les terrasses pour les mensonges qu’ils profèrent ! • Ils ont érigés leurs moines et leurs prêtres, au même titre que Jésus fils de Marie, au rang de seigneurs vénérés au lieu d’Allah. Pourtant, il ne leur avait été ordonné de n’adorer qu’un seul dieu en dehors de qui nul n’est digne d’être adoré. Exalté soit-Il au-dessus de leur idolâtrie !][3]

 

Les chrétiens digèrent mal cette injonction divine visant à éradiquer l’encensement à outrance dont font l’objet leurs références tels que le Christ et les représentants de l’institution religieuse. Ils se sont rebellés contre l’ordre de Dieu qu’ils assimilent à un affront proféré à l’encontre de leurs seigneurs vénérés, et ont rejoint ainsi le camp des impies. Nombreux sont les hérétiques musulmans aux relents païens qui sont logés à la même enseigne. Ceux-là même qui érigent des mausolées sur la dépouille d’un wali pour honorer sa mémoire. Ils s’adonnent au culte des tombeaux et des saints – soit sur place soit à distance – à qui ils transmettent pieusement leurs prières et leurs requêtes, et devant qui ils se prosternent dans l’espoir de gagner leur compassion et d’éloigner leur courroux, comme s’ils s’adressent à Dieu lui-même. 

On a beau les ramener à la raison, ils n’en démordent pas moins, et considèrent tout discours moralisateur comme une offense vis-à-vis de leurs idoles envers qui ils redoublent d’attachement, en s’enfonçant davantage dans l’obscurité des ténèbres.

 

Allah est pourtant le seul pour qui, en principe, le cœur vacille entre la crainte et l’espoir : [Qui obéit à Allah et à Son Messager, qui craint Allah à travers la piété sera couronné du succès][4] ; [Il aurait mieux valu pour eux qu’ils se contentent de la part qu’Allah et Son Messager leur ont accordée, et qu’ils l’accueillent à cœur ouvert en disant : Allah nous suffit ! Lui et Son Messager auront d’autres occasions de nous exprimer leur générosité par la grâce d’Allah en qui nous fondons tous nos espoirs !][5] Le Messager a sa part d’obéissance, tandis qu’Allah s’accapare sans partage la crainte, la piété, l’entière confiance, et les aspirations de ses serviteurs.

[Obéir au Messager revient à obéir à Allah][6] : l’Élu concède de nombreux droits envers le croyant ; il s’agit notamment de se soumettre allégrement à ses sentences, les obligations et les interdictions qu’il a décrétées et qui forment les Lois de la religion dont toute entrave est passible d’un péché. Il incombe également d’aimer l’Ami d’Allah plus que sa propre personne ou sa famille, etc.

 

Ainsi, Allah est le seul être digne de recevoir notre culte, notre confiance absolue, nos aspirations, nos craintes, et notre piété.

 

Les grandes références de la religion condamnent, à l’unanimité, à l’erreur et à l’égarement quiconque s’imagine qu’il vaut mieux consacrer une prière ou une invocation dans les mosquées érigées sur les tombes des prophètes et des vertueux que les édifices traditionnels qui rendent gloire à Dieu seul. Aux yeux de nombreux incultes, les mausolées ont pour vocation de rendre hommage à ces nobles personnages.

 

Il existe également un consensus, notamment des fondateurs éponymes des quatre écoles canoniques, qu’aucun endroit au monde n’est digne d’être embrassé ou touché, en dehors de la Pierre noire et du coin yéménite (pour ce qui est de le toucher ndt.). Il n’est pas fait exception aux tombeaux des apôtres de Dieu et des vertueux ni au Rocher du saint Temple de Jérusalem, pas plus qu’aux stations des hommes de la prophétie, à l’exemple de celle du Patriarche qui se trouve à La Mecque, etc.

Contrairement aux pratiques en vogue dans les rangs d’un grand nombre d’ignorants qui, à leur façon, rendent hommage à ces « symboles », à l’unanimité de la communauté, il n’existe aucun rite de ce genre que ce soit à caractère obligatoire ou simplement recommandé. Celui qui y voit un acte de piété n’est qu’un égaré hérétique marchant sur les pas des chrétiens.

 

Un autre consensus stipule que rien en regard de la Loi divine ne justifie d’invoquer un mort, voire un absent. Il n’est pas légiféré de lui soulever ses affaires, ses plaintes, de solliciter son aide contre un ennemi, d’accorder le triomphe de la religion, etc. à la manière des chrétiens qui façonnent les images de leurs saints en vue d’acquérir leur secours, de leur transmettre leurs requêtes, et de gagner leur intercession auprès de Dieu. À l’unanimité des musulmans, ces pratiques ne sont ni obligatoires ni recommandées, et quiconque croit le contraire n’est qu’un égaré hérétique.[7]

 

 

3- […] Le tawassul (intercession indirecte) et la shafâ’a (intercession directe) consistait à l’époque du Prophète (r) de solliciter ses invocations et son intercession. Après sa mort, les musulmans se tournèrent vers son oncle, dont les invocations et l’intercession étaient plus à même d’être reçues en raison de son lien de parenté avec le meilleur des hommes. Il ne vint à l’esprit de personne de solliciter directement l’aide du Messager d’Allah (r) ni ses prières. Personne ne se rendit auprès de sa tombe pour prier Dieu. afin de fermer la porte à toute tentation, il prescrivit : « Ne faites pas de ma tombe un lieu de cérémonie, mais, consacrez-moi plutôt des prières qui me parviennent d’où que vous soyez. »[8] ; « Ne faites pas de ma tombe une idole à qui on rend le culte. »[9] ; « Maudits soient les juifs et les chrétiens chrétiens qui érigèrent des lieux de culte sur les sépulcres de leurs prophètes. »[10] Le rapporteur[11] précise : « Il mettait en garde contre leurs pratiques. » ; « Les peuples avant vous érigeaient des lieux de prières sur les tombes de leurs prophètes, alors, ne vous avisez pas à faire de même, car je vous l’interdis. »[12]

 

Les savants (y) en ont déduit qu’il est interdit de construire des mosquées au-dessus des tombes. Si l’on sait que cette interdiction englobe les prophètes et les vertueux, et que le Messager d’Allah (r) interdit de consacrer des prières dans leur périmètres ; que dire alors dans la situation où les visiteurs sollicitent directement l’occupant de la tombe dans les invocations, jurent par lui, se prosternent devant lui, et passent la main dessus en vue de la baraka ? Ces pratiques relèvent clairement de l’association.

 

Allah (I) révèle : [Dis-leur : invoquez donc ceux que vous érigez au rang de divinités en dehors d’Allah, alors qu’ils ne détiennent pas la moindre part du royaume des cieux et de la terre à la création desquels ils n’ont jamais été associé, et nul d’entre eux ne peut se vanter de venir en soutien au Très-Haut Aucune intercession n’est recevable auprès de Lui sans n’avoir reçu Son accord préalable][13] ; [Dis-leur : invoquez ceux à qui vous adressez le culte en dehors d’Allah, ces faux dieux incapables de vous débarrasser du malheur ou de vous en écarter • Vous leur réservez des prières, alors qu’eux-mêmes rivalisent d’ardeurs par dévotion envers Leur Seigneur en quête de Sa Miséricorde, le plus loin possible de Son châtiment que vous feriez bien de redouter].[14]

 

Selon l’une des opinions des anciens, certains idolâtres invoquaient les anges et les prophètes à l’image du Messie et d‘Uzaïr. Le Très-Haut les réprimande en leur rappelant que ceux-là sont Mes créatures (ou serviteurs) tout comme vous ; ils espèrent en Ma Miséricorde, et redoutent Mon châtiment ; ils cherchent, au même titre que vous, à se rapprocher de Moi, et ils sont emprunts d’une crainte incommensurable à Mon égard. Un autre Verset nous apprend : [Il n’appartient pas à un simple humain à qui Allah a offert le Livre, la sagesse, et la prophétie, d’inviter ses semblables à le servir au lieu d’Allah, mais veillez plutôt à enseigner doctement la loi en vertu de l’érudition qui vous a été impartie des Écritures ayant fait l’objet de vos soins • Allah ne vous demande pas non plus d’ériger les anges et les prophètes au rang de seigneurs vénérés, car, pensez-vous qu’Il vous ramène à l’impiété une fois que vous ayez humblement goûté à la foi ?][15] Il nous enseigne que l’adoration des anges et des prophètes était une forme de mécréance ; en sachant que les fautifs en questions ne faisaient que les invoquer. Il ne venait à l’idée de personne qu’ils auraient participé à l’ordre des choses, et à la gestion de l’Univers.

 

C’est ce qui explique pourquoi le Coran condamne les chrétiens en ces termes : [Ils ont élevé leurs moines et leurs prêtres, ainsi que Jésus fils de Marie, au rang de divinité qu’ils partagent avec Allah. Pourtant, il ne leur avait été ordonné de n’adorer qu’un seul dieu. Nul dieu n’est digne d’être adoré en dehors de Lui. Exalté soit-Il au-dessus de leur idolâtrie !].[16] Aucun d’eux ne pensait que ces fameux moines et prêtres avaient prêté leur main à la création des cieux et de la terre. Leur crime fut d’en avoir fait des seigneurs et maitres (divinités ndt.).

 

Ainsi, si on devient païen en appelant au secours un prophète qui n’est plus de ce monde, que dire alors quand le mort en question n’a pas un rang aussi noble ?

 

C’est ce qui nous amène à répartir les visites funéraires en deux catégories : hérétiques et légales. Les visites légales ont pour but d’invoquer en faveur du défunt, au même titre que la prière mortuaire, à travers la formule : « Le salut à vous autres croyants parmi les occupants de cette demeure, et que nous rejoindrons bientôt par la volonté d’Allah ! Qu’Allah fasse miséricorde aux plus anciens d’entre vous et aux plus récents ! Nous implorons Allah de nous préserver vous et nous aussi bien ici-bas que dans l’au-delà ! Ô Allah ! Ne nous prive pas de la récompense de leur visite, et ne nous éprouve pas après les avoir repris ! Pardonne-nous et pardonne-leur ! »[17] Cette formule est une forme de prière mortuaire.

 

La visite hérétique, est, quant à elle, une forme d’association de même nature que celle des chrétiens (ex. : invoquer le mort, l’appeler au secours, jurer par lui devant Dieu, embrasser sa tombe et passer la main dessus, se prosterner devant, et se frotter les joues à l’occasion de sa visite, etc.). Ces pratiques, qui n’ont aucun lien avec la religion musulmane, impliquent soit de demander directement au mort de résoudre ses affaires, soit de les résoudre par son intermédiaire. Ni le Messager d’Allah (r) ne les a légiférées, ni les Compagnons ne les ont usitées, ni aucune grande référence ne les a recommandées. C’est même le contraire qui est vrai, car ils les ont purement interdites. Il règne même un consensus qui défend d’embrasser la tombe du sceau des prophètes (r), de passer sa main dessus, ou de se prosterner devant. Il est pourtant le meilleur des hommes, le plus honoré par Allah, et le « moyen » le plus proche de parvenir à Lui ; si l’on sait qu’il détient le meilleur rang auprès de Lui, alors à fortiori, il n’est pas permis de le faire pour un autre.[18]

                           

Par : Karim Zentici

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[1] Les femmes ; 171-173

[2] La famille d’Imrân ; 79-80

[3] Le repentir ; 30-31 En s’inspirant de ce Verset, ibn Taïmiya souligne : « Beaucoup d’adeptes mystiques se plient à la volonté de personnes encensées à leurs yeux dans tout ce qu’elles ordonnent, même si elles rendent licite un interdit ou illicite les bonnes choses. » Iqtidâ e-sirât el mustaqîm (1/90). Dans bughya el murtâd (p. 496-497), il renchérit : « Dans ce registre, l’égarement a gagné certaines tendances à la manière des chrétiens. »

[4] La lumière ; 52

[5] Le repentir ; 59

[6] Les femmes ; 80

[7] Voir : qâ’ida fî el wasîla d’ibn Taïmiya.

[8] Rapporté par Abû Dâwûd  (n° 2042) et Ahmed (2/367), selon Abû Huraïra (t).

[9] Rapporté par Ahmed (n° 7352), et Mâlik (n° 172).

[10] Hadîth rapporté par el Bukhârî (n° 435) et Muslim (n° 531).

[11] En l’occurrence  ‘Âisha – qu’Allah l’agrée – (N. du T.). 

[12] Hadîth rapporté par Muslim (n° 532), selon Jundub ibn ‘Abd Allah.

[13] Saba ; 22-23

[14] Le voyage nocturne ; 56-57

[15] La famille d’Imrân ; 79-80

[16] Le repentir ; 31

[17] Hadîth rapporté par Muslim (n° 975), selon Buraïda sans la dernière partie qui est consacrée à la prière mortuaire.

[18] Voir : Jâmi’ el masâil (3/145-151).

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8 septembre 2019 7 08 /09 /septembre /2019 11:19

Le culte des moines et des prêtres 2/3

 

Il est inadmissible de vérifier dans les textes du Livre saint tout ordre émanant de la tradition prophétique (sunna) qui ne contrevient jamais à la volonté du Seigneur. Nous ne pouvons pas en dire autant du commun des mortels qui, retrouvés à la tête du pouvoir spirituel ou temporel, ne sont nullement infaillibles. Il incombe donc de procéder à une vérification pour être sûr que leurs décisions sont en accord avec la volonté du législateur céleste.  Aussi honorables soient-ils, les grands érudits, qui font l’objet d’un suivisme légal, sont logés à la même enseigne que les chefs d’expédition, par exemple, dont les ordres sont soumis au filtre de la Sharî’a, dans le sens où on doit refuser leurs avis qui la transgressent. Le but étant de faire régner la religion d’Allah dans toute sa plénitude : [Combattez-les afin d’endiguer la tentation, et de faire triompher la religion d’Allah tout entière].[1]

 

Un jour, un Compagnon interpella le Prophète (r) pour scruter son avis : « Messager d’Allah, s’enquit-il, entre celui qui combat pour exercer son courage, pour soutenir son clan, ou pour s’exhiber ostensiblement devant les autres, lequel défend la cause d’Allah ?

  • Seul celui qui combat pour faire triompher la parole d’Allah sur terre défend véritablement Sa cause. »[2]

 

Nombreux sont ceux qui admirent tellement leur chef (Khalife, émir, savant, maitre, etc.) qu’ils les érigent au rang de divinité, sous le couvert fallacieux qu’ils les aiment en Dieu. Ils le prennent en référence pour tout ce qu’ils sont en droit de faire ou de ne pas faire, sans se poser de question sur la légitimité de leur action en regard de la Sharî’a. Pires sont ceux qui éventuellement lui réservent leurs prières dans les moments de détresse, à la manière des chrétiens qui vouent le culte au Christ. Ils déterminent leurs alliances en fonction de sa personne en se faisant les amis de ses amis et les ennemis de ses ennemis. Ils envisagent la religion sous le prisme de ses « caprices » qu’ils n’oseront jamais contredire pour éviter tout blasphème. Ils prennent pour argent comptant toutes ses décisions quoi qu’il puisse autoriser ou interdire, et jamais ils ne prennent la peine de revenir aux textes du Coran et de la sunna pour jauger leur pertinence. C’est exactement ce souffle païen que le Livre saint stigmatise : [Certains hommes prennent en dehors d’Allah des idoles qu’ils aiment à l’égal d’Allah, mais les croyants aiment Allah davantage].[3]

 

Ainsi, le culte, que compose l’Unicité – ou son antagoniste l’association – est mu à la base par les enseignements auxquels le fidèle adhère (la parole du cœur) et les sentiments qui en résultent (les actes du cœur). El Junaïd ibn Mohammed nous dépeint très bien ce phénomène : « Le tawhîd incarne la parole du cœur, et le tawakkul (placer toute sa confiance en Allah ndt.) les actes du cœur. » Nous voyons bien qu’il lie le tawhîd, qui relève de la croyance, au sentiment de tawakkul pour faire passer le message que le premier est à l’origine du second. Or, lorsque le tawhîd n’est pas accompagné du tawakkul dans un même contexte, il englobe la parole et les actes du cœur, soit la croyance et les sentiments qui reposent dessus ; de ce point de vue, le tawakkul est l’aboutissement du tawhîd.[4]

 

 

2- […] en embrassant la Pierre noire, ‘Omar ibn el Khattâb (t) s’exclama : « Par Allah ! Je sais très bien que tu n’es qu’une pierre incapable de prodiguer le bien ou le mal. Si je n’avais pas vu le Messager t’embrasser, je ne l’aurais jamais fait. »[5]

 

Par ces propos, le deuxième Khalife démontra que le seul critère pour définir un acte d’adoration est qu’il soit en conformité avec les enseignements prophétiques. La religion musulmane repose sur deux fondements immuables :

  1. Rendre le culte exclusif à Allah sans le partager avec aucune idole ;
  2. Ce culte en question puise ses prescriptions dans la religion qu’Il a légiférée, sans se tourner vers les opinions humaines qui ne concèdent aucune autorité au regard de la Loi céleste : [Ou bien auraient-ils des idoles pour leur légiférer dans la religion d’Allah des lois non sanctionnées par Son aval ?].[6] 

 

Le père de Hafsa avertit donc qu’il n’est pas question d’embrasser la Pierre noir parce qu’on lui prête un pouvoir quelconque à la manière des païens, mais de se conformer aux injonctions de l’Ami d’Allah (r). Ceci, en soi, est un acte d’adoration, sinon, il n’y aurait aucun intérêt à le faire. Cette approche monothéiste prend le contre-pied aux chrétiens, aux polythéistes, et aux hérétiques musulmans qui contreviennent aux deux fondements cités ci-dessus. Ceux-ci pratiquent l’idolâtrie qui n’a aucune légitimité scripturaire. Pourtant, les textes sont clairs : [Toi Prophète, Nous t’avons confié le rôle de témoin, d’annonciateur de la bonne nouvelle et d’avertisseur du Courroux céleste • Afin que, en accord avec les prescriptions qu’Allah t’a dictées, tu convies les hommes à suivre Sa voie tel un flambeau étincelant].[7] L’Apôtre du Créateur Tout-Puissant ne fait que transmettre les commandements qu’il reçoit d’en-haut. Rien ne provient de sa propre initiative, contrairement aux impies et aux hérétiques qui légifèrent dans la religion d’Allah des lois non sanctionnées par Son aval.

 

En outre, ‘Omar s’était rendu compte que certaines lois légiférées aux premières heures de l’Islam ne semblaient plus convenir une fois que la foi ait conquis les cœurs de toute la Péninsule. Il faisait allusion à la pratique du tawâf qui réclamait, en vue d’impressionner les païens mecquois, de découvrir l’épaule droite et d’accélérer le pas malgré la fatigue que les pèlerins médinois avaient endurés après un long et pénible voyage. Malgré cela, ‘Omar ne voulait pour aucun prix renoncer à cette pratique, et il le justifia : « Jamais nous ne renoncerons à une coutume qui était en usage à l’époque du Messager d’Allah (r). »

 

En l’an sept de l’Hégire, accompagné d’un grand nombre de Compagnons, le Prophète (r) se rendit à la Mecque pour récupérer la ‘omra (petit pèlerinage ndt.) qu’il avait dû abandonnée l’année précédente à la suite d’un accord de paix conclu avec les notables de La Mecque. Une fois sur place, il ordonna aux pèlerins de se découvrir l’épaule droite et d’accélérer le pas en vue d’exhiber la force et la détermination des adeptes de la religion naissante aux spectateurs païens installés sur la colline Qu’aïqi’ân bordurant le flanc Nord du Sanctuaire sacré. D’ailleurs, tout le long de la partie de la Kaaba qui couvrait le champ de vision des mecquois, entre le coin yéménite et la Pierre noire, les musulmans se contentaient de marcher.

 

Par la suite, au cours du grand pèlerinage, l’Élu (r) resta au pas de course entre les deux coins Sud, Sud-est. Il instituait une coutume qu‘Omar n’allait pas abandonner sous prétexte que la raison l’ayant motivé n’était plus d’actualité sous l’ère Califale.

 

La Ville sainte est un lieu de pèlerinage où sont ancrés les sites sacrés qui s’inscrivent dans l’orbite de l’édifice en forme de cube servant de point de repère à la prière rituelle. Il est interdit d’y chasser et d’y couper la végétation ; le Législateur lui a décerné un certain nombre de vertus et de particularités qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Celle-ci occupe une place à part dans le cœur du meilleur des hommes (r) : « Par Allah, confia-t-il un jour, tu es l’endroit sur terre le plus digne et le plus aimé par le Seigneur – ou selon une version : tu es sur terre l’endroit préféré à mes yeux –, et jamais je ne t’aurais quitté si mon peuple ne m’avait pas expulsé de ton enceinte ! »[8]

 

Les deux seuls endroits de la planète sur lesquels il est légiféré de passer la main sont le coin yéménite et la Pierre noire faisant partie intégrante de l’édifice monté par Ibrâhîm ; et le seul endroit qu’il est légiféré d’embrasser est la Pierre noire considérée comme la Main droite d’Allah sur terre.[9] Ni les autres parties de la Maison sacrée ni même la station d’Abraham ne font l’objet d’une telle considération ; pas plus que l’endroit où priait le sceau des prophètes (r) et encore moins là où il fut mis en terre. Et à fortiori, les tombes des prophètes, des walis de la lignée hachémites et autres, des Compagnons et des pieux répandues un peu partout à travers l’Empire, notamment dans le Shâm (l’ancienne Syrie ndt.) ; il en est de même pour tous les sites dits historiques à l’image de la caverne ensanglantée où Caen aurait commis le premier crime de l’Humanité, l’oasis où Jésus et Marie auraient fait halte sur le chemin d’Égypte, le Mont Tor, la grotte Hirâ, le Dôme du rocher, etc.Uhh De la même manière, le circuit autour de la Kaaba (tawâf) est spécifique au sanctuaire de La Mecque. Il est donc interdit d’embrasser tout objet en dehors de la Pierre noire, ni de passer la main dessus avec une intention religieuse en dehors de deux coins du Cube. ‘Omar l’avait bien compris, lui qui n’attribuait aucun pouvoir magique à la Pierre noire, mais il ne faisait que se plier à la volonté du Législateur (r). Aucune autre pierre sur la surface du globe ne jouit de cette particularité.

 

Il ne faut pas se fier à ce texte obscure rendu apocryphe à l’unanimité des spécialistes, et qui est l’œuvre d’affabulateurs. Celui-ci nous dit en substance que la seule conviction est le moteur qui, grâce à Dieu, accorde à une simple pierre des vertus miraculeuses. Il suffit simplement, selon cette affabulation, de croire à ses effets bénéfiques, exactement à l’image des idolâtres que le Coran condamne explicitement : [Vous et toutes ces idoles qui font l’objet de votre culte, servirez d’aliment au feu crépitant de la Géhenne où vous serez jetés • Et si vos idoles étaient dignes de vénération, elles n’y auraient pas leur place là où, ensemble, vous gîterez à jamais][10] ; [Ô croyants ! Préservez vos personnes et vos familles d’un feu dont les hommes et les pierres seront le combustible, et dont la garde sera assuré par des anges durs et inflexibles][11] ; Le Livre saint relate le sermon qu’Abraham adressa à son géniteur : [Père, pourquoi adore-tu ce qui ni ne voit ni n’entend et qui est incapable de te défendre ?][12] ; Comme il vilipende les adorateurs du veau d’or : [Après le départ de Mûsâ, les membres de son peuple façonnèrent, à partir des parures récoltées ci et là, une idole sous la forme d’un veau qui émettait un mugissement ; ne voyaient-ils pas que cette statue était incapable de leur parler, et encore moins de leur montrer une voie quelconque ; et pourtant, coupables d’injustice, ils l’érigèrent, malgré tout, au rang d’idole][13] 

 

Il y a également ce dialogue qui opposa le Patriarche à son peuple : [Le jour où il interpella son peuple au milieu duquel se trouvait son père : pourquoi accordez-vous à ces statues un si grand attachement ? • Nous les avons hérités de nos ancêtres, rétorquèrent-ils spontanément, qui leur rendaient le culte • Et bien, vous et vos ancêtres, fustigea-t-il, vous êtes manifestement égarés • Es-tu sérieux, s’étonnèrent-ils, ou bien t’essaie-tu à l’humour ? • Je suis très sérieux, dit-il, Votre Dieu qui est le Seigneur des cieux et de la terre est Celui qui les a créé, et moi, je m’en porte témoin • Et je jure par Dieu que je jouerais un mauvais tour à vos idoles une fois que vous aurez le dos tourné • Et, effectivement, il brisa les idoles en morceau à part la plus grande d’entre elles qu’il épargna dans l’espoir que son peuple se tourne vers elle • Qui donc, s’est rendu coupable de ce sacrilège, s’écrièrent-ils ? Cela ne peut venir que d’un odieux criminel ! • Une voix s’éleva de la foule en liesse : c’est sûrement ce garçon qui se fait appeler Ibrâhîm, rappelez-vous qu’il avait osé blasphémer nos dieux • Qu’on l’amène sur le champ devant la foule qui se fera témoin de ses aveux • Un peu plus tard, le garçon fut interrogé : est-ce toi, Ibrâhîm, qui est l’auteur de cette profanation à l’égard de nos dieux ? • Le garçon répondit : Le coupable que voici est le plus grand d’entre eux, vous n’avez qu’à le leur demander, si toutefois, ils sont en mesure de vous parler • Là, ils restèrent confondus, et, dans un sursaut de raison, ils se dirent : après tout, nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes • Mais, ils firent aussitôt volteface : voyons, lancèrent-ils, tu sais très bien qu’ils sont incapables de répondre • Il répondit : rendez-vous compte que vous servez des idoles qui sont incapables de prodiguer ni le bien ni le mal • Soyez honnis, vous et vos vulgaires divinités, vous reste-t-il un brin de raison ?][14] ; Ailleurs, le père d’Ismâ’îl fustige : [Prenez-vous pour divinité, leur dit-il, ce que vous sculptez de vos mains ? Alors qu’Allah vous a créés vous et le fruit de vos mains].[15] 

 

Donc, les idolâtres encensaient des pierres qui les menèrent à l’Enfer éternel, alors que le monothéiste se fait une bonne opinion de Son Seigneur, non des objets inertes. D’après un hadîth divin authentique rapporté par les deux recueils e-sahîh, Allah proclame : « Je suis à l’image de l’opinion que mon serviteur se fait de Moi au moment de M’invoquer. S’il pense à Moi en privé, J’en ferais de même, et s’il parle de Moi en public, je parlerais de Lui devant une meilleure assemblée. »[16]  D’après Muslim, qui est le seul à mentionné cette narration cette fois-ci, selon Jâbîr, le Prophète (r) a dit : « Que chacun d’entre vous se fasse une bonne opinion du Très-Haut au moment de rendre l’âme. »[17]

 

Bref, nous tirons de ces enseignements une règle extraordinaire, ayant reçu l’aval, à l’unanimité, des grandes références de la religion, et qui préconise en substance d’établir tout acte rituel à partir d’une seule et même source venant des créatures humaines, le Prophète. Celui-ci jouit du statut de Législateur qu’il incombe de prendre en exemple. C’est donc lui qui va définir les actes d’adoration qu’ils soient à caractère obligatoire ou recommandé. Et, tout ce qui n’entre pas dans ces deux ensembles (obligatoire ou recommandé) n’est pas considéré comme tel (un acte d’adoration) à l’unanimité des musulmans. Seul un ignorant peut aller à l’encontre de ce principe, quand bien même il serait mu par les meilleures intentions sous prétexte de rendre hommage aux grands symboles de l’Islam. Or, même ici, les choses ne sont pas laissées à l’initiative des uns et des autres, car tout hommage marqué par le sceau de la légitimité ne sort pas des deux ensembles cités précédemment : il est soit obligatoire soit recommandé.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[1] Le butin ; 39

[2] Rapporté par Bukhârî (n° 123), et Muslim (n° 1904), selon Abû Mûsâ el Ash’arî (t).

[3] L’ascension nocturne ; 56

[4] Voir : majmû’ el fatâwâ (10/236-336).

[5] Rapporté par el Bukhârî (n° 7280) et Muslim (n° 1270),  selon Abd ‘Allah ibn ‘Omar.

[6] La concertation ; 21

[7] Les coalisés ; 45-46

[8] Rapporté par Tirmidhî (n° 3925, 3108) qui a fait le commentaire suivant : « Hadîth authentique. »

[9] Le hadîth sur le sujet qui remonte au Prophète est faible. En revanche, cette parole est imputée à ibn ‘Abbâs. Voir : majmû’ el fatâwâ (6/397).

[10] Les prophètes ; 98-99

[11] L’épouse interdite ; 6

[12] Mariam ; 42

[13] Les remparts ; 148

[14] Les prophètes ; 52-67

[15] Les rangées d’anges ; 96-97

[16] Rapporté par el Bukhârî (n° 6970) et Muslim (n° 2675),  selon Abû Huraïra.

[17] Rapporté par Muslim (n° 2877).

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7 septembre 2019 6 07 /09 /septembre /2019 12:59

Le culte des moines et des prêtres 1/3

 

 

« Dans les lieux et les époques où règne l’ignorance, nombre de gens sont éprouvés, sans le savoir, par des pratiques qui relèvent de la grande association. »

Ibn Taïmiya, majmû’ el fatâwâ (22/387).

« Qui s’en tient dans ses jugements aux actes et aux apparences sans se tourner vers les motivations et les intentions de leurs auteurs, est un ignorant qui cause de religion sans la moindre connaissance. »

Ibn Taïmiya, majmû’ el fatâwâ (11/633).

 

Le Verset qui condamne le culte des moines et des prêtres s’adresse en premier lieu aux hérétiques des diverses confessions qu’elles soient monothéistes ou idolâtres. C’est une vision purement moderne et, paradoxalement, laïque, qui l’a confiné dans les lois positives de la part des activistes islamistes jouant sur la corde émotionnelle des musulmans en vue de les insurger contre les gouverneurs corrompus, et force est de constater que ça marche ! Malheureusement, on fait fi des implications terribles qu’une telle vision engendre au nom du zèle religieux. Cela reviendrait, qu’on le veuille ou non, à taxer d’anathème le père qui donne à son enfant des ordres allant à l’encontre de la Volonté divine. Seule une pirouette sémantique de la part de nos acrobates en herbe permet d’échapper à ce guêpier. Il faut donc chercher ailleurs le critère imparable qui permet de sortir un individu de l’islam sans sombrer dans le même imbroglio qui a fait chuter les kharijites vers une vision biaisée et manichéenne de l’Islam.  

 

Ce critère a une dimension intérieure, le cœur que Seul Dieu est à même de sonder, et une dimension extérieure, les actes. Pour ce qui est de l’hérésie, il incombe que l’acte en question relève de la grande apostasie, mais, nous allons le voir, cela n’est pas suffisant pour sortir une personne de la religion. Il faut, en plus de cela, que les conditions du takfir soient réunies et que les restrictions interdisant de le faire soient exclues. Il est trop aléatoire de se fier uniquement aux apparences. Ainsi, constater que la source à l’origine de la désobéissance à Dieu soit un taghût (le terme « tyran » que les activistes modernes donne une dimension purement révolutionnaire) ne suffit pas pour se prononcer sur un cas particulier. Nous sommes tous d’accord que les lois positives sont un taghût, mais le kalam, cet outil de la théologie spéculative, l’est tout autant.

 

Il ne s’agit donc pas de contester que la démocratie est un taghût, je suis le premier à le penser, mais d’appliquer les mêmes démarches à un coupable présumé que celles s’adressant à un théologien du kalam, voire, et c’est là que le bas blesse, à un adorateur des tombes. La seule parade mis en avant par nos autruches de service est le fameux « ce n’est pas pareil ! »

 

Voici trois passages dans lesquels ibn Taïmiya applique le Verset sur le culte des moines et des prêtres à l’hérésie, même s’il n’exclue pas qu’il vise également les lois humaines. Mieux, l’hérésie en question relève de la grande association, et pourtant, nous le verrons dans le prochain article, si tant est qu’il faille encore le démontrer, il accorde des circonstances atténuantes à des coupables issus de l’élite religieuse de son temps, et, qui plus est, l’ont fait croupir en prison. Et quand bien même, ibn Taïmiya appliquerait ce Verset uniquement pour condamner l’obéissance aveugle aux différents émirs, et bien, ce même ibn Taïmiya considère l’istihlâl comme critère imparable dans le chapitre du hukm bi ghaïr mâ anzala Allah, si on s’en tient à son sens strict du terme. Donc, une démarche saine incombe de comprendre sa pensée à l’aune de tout son discours, non à des bribes piochées ici et là et qui laisse à penser qu’il a une approche purement moderne et donc révolutionnaire du légalisme orthodoxe.[1]

 

Il n’y a pas de place pour les seuls sentiments dans le sujet épineux du takfîr, aussi bien intentionné soit-on, car, si la jalousie pour la religion est louable, elle ne justifie en rien l’anarchie ni le takfir à tout va, car l’Enfer est pavé de bonnes intentions. Alors, ne nous laissons pas envahir par les sentiments, et gardons entre les yeux la vérité qui est bien au-dessus de toutes nos revendications personnelles, wa Allah a’lam !

 

 

1- L’attestation de foi est le point commun à tous les musulmans qui sont obligés de la fournir et d’y adhérer. Néanmoins, il existe une différence infinie entre les uns et les autres sur la façon de la concrétiser, partant du moins pieux au plus pieux. Nombre d’entre eux s’imagine que le tawhîd consiste à reconnaitre la souveraineté divine qui attribue à Allah l’exclusivité de la création et de la gestion de l’Univers. Ils font l’amalgame entre cette particularité et l’Unicité de la divinité qui fut la pierre angulaire du prosélytisme prophétique ayant reçu une opposition farouche des païens préislamiques. Ces derniers n’avaient aucun problème avec l’Unicité de la seigneurie, mais cela ne les empêcha pas de renier le dernier des messages adressés aux hommes. En cela, cette catégorie de musulmans dont nous parlons ne sont pas si différente des mécréants mecquois qui n’ont jamais voulu faire suivre les actes (Unicité de la divinité) à la connaissance (Unicité de la seigneurie).

 

Les idolâtres de l’ère préislamique n’ont jamais attribué la création à deux divinités, comme ils n’ont jamais affirmé qu’une divinité mineure ait le pouvoir autonome de créer quoi que ce soit. Bien au contraire : [Si tu leur demandais qui avait créé les cieux et la terre, ils répondraient indubitablement que c’est Allah][2] ; [La plupart ont une croyance en Dieu empreinte d’idolâtrie].[3] [Répond-leur : à qui appartient la terre et ses habitants, si vous pensez vraiment savoir ? • C’est Allah, répondront-ils. Dis-leur : alors pourquoi l’oubliez-vous ? • Interroge-les à nouveau : qui donc est le Seigneur des sept cieux, le Seigneur du Trône immense ? • Ils diront : c’est Allah. Dis-leur : alors, craignez-Le ! • Demande-leur enfin : qui détient entre Ses Mains la royauté sur toute chose, lui qui offre Sa protection, au moment où personne ne peut rien contre Lui, si vous pensez vraiment savoir ? • C’est Allah, répondront-ils. Dis-leur : alors pourquoi vous laissez abuser par de vaines chimères ?].[4]

 

Cette conception saine qu’ils avaient de leur Créateur ne les empêcha nullement de Lui partager la divinité avec leurs idoles : [qu’ils aiment à l’égal d’Allah] ; et auxquelles ils conféraient le statut d’intercesseurs faisant accéder au Roi les requêtes de leurs pauvres personnes : [nous les servons uniquement pour qu’ils nous rapprochent d’Allah davantage].[5]

 

Cette forme d’idolâtrie qui se situe au niveau de l’amour, du culte, de l’invocation, et des demandes se distingue par essence de celle qui a lieu au niveau du crédo et de l’adhésion : [Certains hommes prennent en dehors d’Allah des idoles qu’ils aiment à l’égal d’Allah, mais les croyants aiment Allah davantage].[6]

 

Ce sentiment polythéiste n’est pas matériellement incompatible avec la croyance monothéiste selon laquelle Dieu est le Créateur unique. Cette croyance saine n’intercède nullement en faveur de son auteur qui n’en demeure pas moins un idolâtre. Les textes scripturaires de l’Islam émettent une distinction entre l’amour en Dieu et l’amour partagé entre Dieu et une simple créature. Le premier est motivé par l’amour extrême que le fidèle voue à Son Créateur, et que, non seulement il ne partage à personne, mais qu’il concrétise à travers les actes d’adoration. De cette amour exclusif émane ses sentiments affectifs envers tous ceux qui sont aimés du Tout-Puissant, à l’instar des prophètes et des vertueux qu’il aime pour Dieu, non avec Lui. C’est de cet amour également qu’il va puiser cette attirance envers tous les actes légiféré par l’Être aimé ; il va donc se plier avec empressement aux obligations et s’éloigner vivement des interdictions. Ainsi, son amour pour les personnes et les actions aimées d’Allah est tributaire de l’amour suprême qu’il éprouve pour Lui ; il ne les aime pas d’un amour autonome.

 

L’autre amour est partagé avec une créature qu’on élève au rang d’idole, celle à qui on voue ses sentiments de crainte et d’espoir, à qui on obéit sans savoir si oui ou non on est en accord avec la Loi céleste, ou qu’on prend pour intercesseur sans savoir si oui ou non Allah lui a accordé ce pouvoir : [Ils adorent en dehors d’Allah des idoles incapables de les nuire ou de leur être utile ; ils disent : voilà nos intercesseurs auprès d’Allah][7] ; [Ils ont élevé leurs moines et leurs prêtres, ainsi que Jésus fils de Marie, au rang de divinité qu’ils partagent avec Allah. Pourtant, il ne leur avait été ordonné de n’adorer qu’un seul dieu. Nul dieu n’est digne d’être adoré en dehors de Lui. Exalté soit-Il au-dessus de leur idolâtrie !].[8] Le Messager d’Allah (r) nous donne des détails sur la façon dont se traduisait cette adoration, en réponse à ’Adî ibn Hâtim, le chef de la délégation chrétienne à qui le dernier Verset cité fut adressé : « Nous ne leur vouons nullement l’adoration, contesta-t-il ! » Devenu musulman à la suite de cette rencontre, il savait de quoi il parlait. Les chrétiens, en effet, ne se prosternaient pas et ne s’inclinaient pas devant leurs prêtres et leurs moines, en guise d’adoration. La réponse ne se fit pas attendre : « Ne rendez-vous pas licite ce qu’ils rendent licite ?

  • Si !
  • Et ne rendez-vous pas illicite, ce qu’ils rendent illicite ?
  • Si !
  • Hé bien, voici la façon dont vous les adorez. »[9]

 

Le saint Coran confirme : [Ou bien auraient-ils des idoles pour leur légiférer dans la religion d’Allah des lois non sanctionnées par Son aval ?][10] ; [Ce jour-là, l’injuste s’en mordra les doigts avec ce cri aux lèvres : malheur à moi qui n’ai pas emprunté la voie du Messager • Malheur à moi qui ai mal choisi mes amis, en prêtant l’oreille à celui qui m’a détourné du rappel que j’avais entre les mains ; sauf que Satan leurre les hommes à coups de vains espoirs].[11]

 

Il incombe de faire obéissance à l’homme envoyé par Miséricorde à l’Humanité (r) pour être en adéquation avec la volonté d’Allah. Ce législateur terrestre détermine les limites du licite et de l’illicite qui forment la loi canonique. Il est donc la référence en matière d’obéissance, contrairement aux autorités religieuses et politiques parmi les savants, les doyens, les rois et les émirs dont le champ d’action est limité au cadre des commandements divins. D’ailleurs, ils doivent leur légitimité aux textes qui enjoignent de se soumettre à leur autorité : [Ô croyants ! Obéissez à Allah, obéissez au Messager et aux détenteurs de l’autorité parmi vous].[12]

 

Notons qu’il ne nous est pas demandé d’obéir aux autorités de façon autonome, mais leur obéissance est tributaire de celle du Messager (r). Elle-même est soumise à l’autorité d’Allah. C’est ce qui explique pourquoi le verbe « obéissez » est répété pour appuyer l’idée que le Législateur terrestre a le même statut que le Législateur céleste en matière de loi ; ce n’est pas le cas des autorités humaines qui n’ont pas droit à la répétition du verbe « obéissez » pour signaler que leur obéissance est limitée.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

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[2] Luqmân ; 25

[3] Yûsaf ; 24

[4] Les croyants ; 84-89

[5] Les groupes ; 3

[6] La vache ; 165

[7] Yûnas ; 18

[8] Le repentir ; 31

[9] Rapporté par e-Tirmidhî (3090), et jugé bon par el Albânî dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (n° 3293).

[10] La concertation ; 21

[11] Le discernement ; 27-29

[12] Les femmes ; 59

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13 mars 2019 3 13 /03 /mars /2019 09:47

Quelques règles élémentaires

du takfîr

 

Voir : e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî.

 

D’un point de vue terminologique, il faut savoir que le kufr correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (r) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains). Notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).

 

Ainsi, les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr. C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah, dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz.[1] Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue.

 

Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq (perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.

 

Pour certains savants, le kufr est synonyme du shirk, pour d’autres, le kufr a un sens plus général.[2] En fait, le shirk comme nous allons le voir, est l’un des facteurs du kufr parmi tant d’autres. C’est pourquoi, les savants disent que tout shirk est du kufr, mais que le contraire n’est pas vrai, bien que les textes puissent utiliser le shirk dans le sens du kufr, conformément à la règle (itlâq el juz ‘ala el kull). Le contraire est aussi valable, on parle alors d’itlâq e-shaï bi ba’dh shu’abihi.

 

Le kufr se subdivise selon plusieurs critères :

1- En fonction de son statut, il se divise en kufr akbar et kufr asghar :

Le kufr akbar s’oppose radicalement à la foi et touche à l’essence même de la foi (asl el îmân) et son auteur est voué à l’enfer éternel. On parle de kufr mukhrij min el milla.

Le kufr asghar s’oppose pour sa part à une foi parfaite réclamée (kamâl el iman el wâjib), mais ne fait pas sortir son auteur de la religion. On parle de kufr ghaïr mukhrij min el milla. Tous les petits et les grands péchés entrent dans cette catégorie.

 

2- En fonction des motivations de son auteur et de ses facteurs, le kufr se subdivise en six grandes catégories :

 

Premièrement el inkâr : (renier : quand on parle de sa provenance, autrement dit le cœur), e-takdhîb (démentir : quand on parle de l’organe par lequel il se matérialise), et du kufr el jahl (ignorance : quand on parle de sa motivation). Il est à noter que cette catégorie est peu courante en raison de la venue des prophètes par lesquels la preuve d’Allah est établie contre les hommes.[3]

Deuxièmement el juhûd : qui consiste à reconnaitre Allah avec le cœur, sans le traduire dans les paroles, comme c’est le cas pour Pharaon.

Le kufr juhûd : se divise en deux catégories :

  • en kufr mutlaq qui concerne le tahwîd e-rububiya, les lois d’Allah ou la mission des messagers ;
  •  et en kufr muqaïyid qui consiste à renier une obligation, un interdit, ou n’importe quel enseignement de la religion.[4]

Troisièmement el ‘inâd : qui consiste à reconnaitre Allah avec son cœur et dans les paroles, mais sans pour autant se soumettre à sa religion comme Abû Tâlib. Dans ce sens, nous avons le fameux kufr el îbâ (par refus) et el istikbâr (par orgueil) d’ibn Qaïyim qui concerne notamment Shaïtan et la plupart des Juifs.

Quatrièmement e-nifâq : qui consiste à reconnaitre la religion avec la langue sans n’y adhérer avec le cœur. C’est le cas des hypocrites. Il est certes différent du kufr au niveau des apparences, mais en regard du devenir de son auteur dans l’au-delà, c’est une forme de kufr. Là aussi, il est question de nifâq akbar et  nifâq asghar.

Cinquièmement el i’râdh : qui consiste à se détourner du message et à ne pas vouloir l’entendre sans forcément le démentir ou le renier.

Sixièmement e-shakk : qui consiste à ne pas totalement être convaincu du message prophétique.

 

3- En fonction des membres avec lequel il se matérialise, il se divise en trois catégories :

El kufr el qalbî : qui concerne les éléments de la croyance qui touchent au kufr akbar (comme le reniement, le scepticisme, l’association dans les trois domaines du tawhîd : Rububiya, Ulûliya, el Asmâ wa e-Sifât).

El kufr el qawlî : qui concerne les paroles et touche aussi bien le kufr akbar que le kufr asghar. Il faut savoir ici que les paroles traduisent la croyance. Celui qui apostasie avec la langue, apostasie immanquablement avec le cœur, contrairement aux jahmites pour qui les paroles extériorisent la croyance, sans relever du kufr en elles-mêmes ; c’est le dalîl zhâhir. Ainsi, peu importe que celui qui prononce le kufr soit convaincu par ses paroles ou non, étant donné qu’il les a dites en toute âme et conscience (tatâbuq e-zhâhir bi el bâtin). Seul le mukra (qui les prononce sous la contrainte) est excusable.

El kufr ‘amalî : qui concerne les actes et qui se subdivise en

  • en mukhrij min el milla qui correspond aux actes s’opposant littéralement à la foi (blasphémer, se prosterner devant une idole, uriner sur le Coran) ;
  • et ghaïri mukhrij min el milla comme le hukm bi ghaïri mâ inzala Allah et târik e-sâlat comme le souligne ibn el Qaïyim.[5]

 Ainsi, il est plus précis de classer le kufr de cette façon que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.

 

4- En fonction de savoir s’il provient d’un non-musulman ou d’un musulman, il se divise en deux catégories pour lesquelles la loi prévoit des statuts différents :

Kufr as : qui sont les non-musulmans (qui se divisent en « adeptes du Livre » et païens)

Kufr târî : c’est l’apostasie (ridda) qui se vérifie également au niveau du cœur, des paroles et des actes.

 

5- En fonction de son statut dans l’absolu (mutlaq) et appliqué sur un cas particulier (mu’aïyin) :

Le kufr el mutlaq a deux degrés : il peut concerner une croyance, une parole ou un acte (trinité, blasphème, manichéisme, etc.) comme il peut concerner une communauté particulière (Juifs, chrétiens, shiites duodécimains, et jahmites). Pour le cas particulier, le kufr el mu’aïyin n’est effectif qu’après avoir rempli certaines conditions pour le prononcer et avoir palier à toute restriction possible.

Il est à noter trois choses ici :

  1. les branches du kufr n’ont pas toutes la même gravité et le même statut en regard de la loi, comme nous l’avons déjà vu.
  2. Une seule personne peut avoir en même temps en elle des branches du kufr et des branches de l’islam, des branches de l’hypocrisie et de la foi, des branches du shirk (riyâ) et du tawhîd. La balance penche d’un côté ou de l’autre en fonction de l’intensité de chacune.
  3. Celui qui commet du kufr asghar perd le statut de croyant véritable (mu-min), bien qu’il reste musulman.

 

Il revient uniquement aux textes scripturaires de définir les éléments qui font ou qui ne font pas sortir de la religion. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que le takfîr est le droit exclusif d’Allah. Cela ne signifie nullement qu’on n’a pas le droit de taxer un musulman d’apostat dans l’absolu, comme on pourrait le comprendre des paroles de certains savants comme Sheikh el ‘Uthaïmin.

                                             

Parfois le kufr consiste à ne pas se soumettre à la Loi divine : cela se traduit au niveau des croyances qui vont à l’encontre des enseignements de la religion, des paroles (pour celui qui ne prononce pas le premier pilier de la foi, ce qui relève du kufr akbar) et des actes (qui touchent aux quatre autres piliers de l’islam).

 

Parfois, il consiste à enfreindre un interdit : il est de deux sortes :

Primo: les actes qui relèvent du kufr akbar à l’unanimité des savants ; ils s’opposent radicalement à la foi et vont à l’encontre des fondements mêmes de l’islam. Ils se vérifient également au niveau de la croyance, des paroles et des actes (comme la prosternation devant une idole, le blasphème, le shirk dans les trois domaines du tawhîd, le panthéisme, la réincarnation, la Trinité).

Secundo : les actes qui ne relèvent pas du kufr akbar à l’unanimité des savants et qui ne s’opposent pas à la foi même (l’adultère, l’alcool, le meurtre, l’usure, le vol, le mensonge, la désobéissance aux parents, etc.). C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre les paroles des traditionalistes disant qu’ils ne vouent aucun musulman à l’anathème en raison d’un péché commis. Il faut le comprendre dans la mesure où ce péché n’est pas en relation avec l’essence même de la foi. Cela concerne donc autant les grands que les petits péchés, contrairement à la croyance des kharijites et des mu’tazilites, qui condamnent à l’Enfer éternel l’auteur d’un grand péché.

 

Enfin, les détails que nous avons cités précédemment sur les questions du kufr (au niveau de la croyance, des paroles et des actes) concernent le domaine de l’absolu ou du cas général (du kufr el mutlaq). Quant au cas particulier (kufr el mu’aîyin), il faut attendre d’établir les preuves prophétiques contre son auteur (iqâmat el hujja) avant de statuer sur lui…

 

Ainsi, le takfîr est un sujet complexe, qu’il ne faut pas prendre à la légère. On ne peut s’y aventurer sans tenir compte de nombreux paramètres et facteurs. C’est dans ce sens que les traditionalistes disent qu’il appartient aux textes[6] et aux savants,[7] non qu’il soit interdit dans l’absolu d’exclure un cas particulier du giron de la religion. Le musulman scrupuleux est sur ses gardes ; il ne fait pas preuve d’un zèle injustifié, et ne il joue pas sur un terrain glissant. Surtout si l’on sait qu’un tel jugement est lourd de conséquences.

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991).

[2] Sheïkh el fawzân dit à ce sujet : « Il y a entre eux des points communs et des différences. Tout mushrik est un kâfir, mais le contraire n’est pas forcément vrai étant donné qu’il existe plusieurs catégories de kufr : juhûd, takdhîb, ta’tîl. Dans ces cas, on parle uniquement de kâfir non de mushrik, étant donné que leur auteur ne croit pas en Dieu. Quant au mushrik, ce dernier croit en Allah, bien qu’il adore un autre avec Lui. Telle est la différence entre le mushrik et le kâfir. » [Voir durûs min el Qur-ân el Karîm (p. 181)]

[3] Ibn el Qaïyim explique : « Deux individus méritent le châtiment : le premier se détourne de la preuve d’Allah par négligence et ne veut ni la mettre en pratique ni mettre en pratique ce qu’elle implique. Le second s’en détourne par orgueil après l’avoir reçue et il délaisse ses implications.

Le premier touche au kufr i’râdh,

Et le second au kufr ‘inâd.

Quant au kufr el jahl sans que la preuve d’Allah ne soit venue et sans avoir la possibilité d’y avoir accès, c’est ce genre de kufr au sujet duquel Allah n’applique pas le châtiment, pas avant que la preuve prophétique ne soit appliquée. » [Voir : tarîq el hijrataïn (p. 414)]

[4] Voir : Madârij e-sâlikîn (1/335-337) dans lequel ibn el Qaïyim souligne que le juhûd se concrétise de deux façons : soit le juhûd el mutlaq (intégral) en reniant toute la Législation musulmane soit le juhûd muqaïyid (partiel) en reniant une ou plusieurs lois.

En outre, la nuance entre le takdhîb et le juhûd se résume en deux points :

  1. Le kufr juhûd consiste à démentir avec la langue, tout en ayant connaissance de la chose au fond de soi.
  2. Le kufr juhûd est alimenté par l’obstination.

Voir : madârij e-sâlikîn d’ibn el Qaïyim (1/367).

[5] E-salât wa hukm târikihâ (p. 37).

[6] Voir : majmû’ el fatâwa (12/252) et manhâj e-sunna (5/92) d’ibn Taïmiya.

[7] Voir : i’lâm el mawqi’în (1/10) d’ibn el Qaïyim, el istiqâma (1/165) d’ibn Taïmiya et sharh el ‘aqîda e-tahâwiya (p. 436), majmû’ el fatâwa (12/487-488) et manhâj e-sunna (5/158) d’ibn Taïmiya.

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