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19 juin 2020 5 19 /06 /juin /2020 15:48

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 6/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.  

 

Le Prophète illettré apporte une religion parfaite : (À ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré, dont ils connaissent la description à travers leurs écrits, la Thora et l’Évangile. Celui-là même qui leur ordonne le bien et qui leur interdit le mal ; lui qui leur déclare licite tout ce qui est pur et illicite tout ce qui est impure ; lui qui les délivre des fardeaux et des lourds carcans qui pesaient sur eux. Qui croit en lui, le soutient, et le défend, et qui a pour guide la lumière qui accompagne sa mission, gagnera le succès).[1] Cette religion vise à débarrasser le fidèle des carcans liés à l’exercice du culte : (Vous croyants, avant d’observer la prière, procédez à vos ablutions ; lavez-vous le visage et les mains jusqu’aux coudes, puis, passez-vous les mains mouillées sur la tête et enchainez sur les pieds en les lavant jusqu’aux talons ; mais, quand vous êtes en état d’impureté, procédez à un bain, sauf dans la situation où la maladie vous fait obstacle ou qu’en voyage, après avoir satisfait vos besoins naturels ou avoir eu commerce avec vos femmes, vous ne trouviez pas d’eau, alors ayez recours aux ablutions sèches en vous passant de la terre pure sur le visage et les mains ;  Allah n’entend vous causer aucune gêne, mais Il veut juste vous purifier et vous combler entièrement de Ses bienfaits, ainsi serez-vous reconnaissants).[2]

 

Allah prévient que la Législation du culte n’est censée causée « aucune gêne ». L’expression qui renforce cette idée n’est pas anodine. Celle-ci est composée d’un nom commun indéfini appuyé par une particule de négation pour exprimer la généralité. Autrement dit, n’importe quelle gêne (à condition qu’elle soit effective, ndt.) est englobée par cet ensemble. Le véritable but de ces dispositions est de purifier les âmes, ainsi que de les combler entièrement des bienfaits prodigués par le Compatissant. Un autre Verset entérine ce principe : (Lui qui vous a élu sans ne vous accablez de la moindre gêne dans l’exercice du culte hérité de votre père Abraham, lequel vous a donné dans les Écritures antérieures le nom de musulmans que vous gardez encore dans ce Livre, afin que le Prophète soit témoin que le message vous ait été transmis, et que vous-mêmes soyez témoins que les hommes l’aient bien reçu).[3]

 

La contrainte, l'embarras, la gêne et la difficulté sont étrangers au vocabulaire de la religion. Cet effet rhétorique est dû à la particule de négation indiquant un sens général. Imaginer le contraire revient à faire mentir le Législateur. Quoi que cette odieuse implication ne soit rien comparée à celle infirmant la présence de la Sagesse infinie du Tout-Puissant derrière l’établissement de la Loi amputée de sa prétention à optimiser le bien-être sur terre.

 

Or, cette affirmation catégorique sur l'absence de contrainte ne va nullement en opposition avec le phénomène constaté chez les âmes faibles portant un regard mitigé sur certaines Lois. Plus la foi est faible plus le poids des responsabilités religieuse pèse sur les épaules. Ce malaise confine parfois à l’hypocrisie, ou en tout cas, il en trahit les symptômes : (Non, jure Ton Seigneur par Lui-même ! Ils ne prétendront jamais à la foi sans te soumettre leurs litiges, avec pour volonté d’accueillir ton jugement à cœur ouvert, en s’y pliant sans réserve ni le moindre ressentiment)[4].

Les modalités du jeûne offre un exemple parfait de cette volonté de souplesse en faveur du fidèle : (Le mois du ramadhân fut marqué par la Révélation du Coran qui, armé de preuves éclatantes, guide les hommes sur une voie lumineuse en guise de discernement qui tranche et sépare le bien du mal ; qui d’entre vous assiste au début du mois doit entamer le jeûne, sauf s’il est malade, voire en voyage ; dans ce cas, il devra récupérer plus tard les jours manqués ; Allah désire seulement vous faciliter la tâche, et veille à vous soulager de la difficulté, alors veuillez achever le mois au terme duquel vous proclamerez la grandeur de Celui qui vous a guidé, ainsi serez-vous reconnaissants).[5]

 

Il est clair qu'Allah ne désire pas nous accabler de difficultés, et à fortiori, Il n’a pas la volonté de nous éreinter sous le poids des contraintes aussi nocives qu’impossible à supporter.

 

De plus, Dieu nous inculque par le biais de Son Livre que la foi est préférable à la rébellion, et cette préférence est valable aussi bien ici-bas que dans l’autre monde. Il est vrai que les pervers se figurent, du haut de leur ignorance, qu’ils profitent mieux de la vie que les dévots ascètes. Leur hypocrisie les aveugle si bien qu’ils ont une très mauvaise opinion des Commandements divins assimilés à des entraves plus contraignantes que bénéfiques.

Le Coran se charge de démentir ces misérables : (La guerre, que vous répugnez, vous a été prescrite. Or, vous pouvez détester une chose qui, en réalité, vous rapporte un intérêt, comme vous pouvez aimer une chose qui, en réalité, vous cause du tort, et Allah sait ce que vous ne savez point)[6] ; (Au lieu de cela, ils adoptèrent les pratiques des démons en usage sous l’ère de Sulaïmân qui ne fut coupable d’aucun blasphème à la différence des démons ayant transmis aux hommes l’art de la sorcellerie. Les hébreux furent tout autant enclins aux enseignements que Harout et Marout exerçaient en terre de Babel. Les deux anges prenaient soin de prévenir tout initié avant de l’instruire : prend garde de perdre la foi, car notre art n’a d’autre vocation que de tenter les hommes ! Ces initiés acquirent le pouvoir de séparer un homme de sa femme ; ce pouvoir maléfique, qui n’avait d’effet que par la Volonté de Dieu, causait leur ruine, malgré les maigres avantages qu’ils en tiraient. Ils savaient pertinemment qu’ils avaient troqué le bonheur éternel. Ils se rendaient ainsi coupable d’un piètre négoce s’ils en avaient vraiment conscience !).[7]

 

Le Livre saint met à nu le fond de leur pensée vis-à-vis de ce charlatanisme qui non seulement ne rapporte rien après la mort, mais pour lequel il va falloir rendre des comptes. Ces esprits superficiels sont mus par la seule ambition de profiter de la vie, sans se soucier du lendemain. On les baptise volontiers « d’esprits vivants » maitrisant l’art de mener une belle vie, pensent-ils. Les lendemains ne sont malheureusement pas aussi reluisants : (Ils auraient tiré un meilleur avantage de la part de leur Seigneur à se résigner à la foi et à la piété, mais en avaient-ils seulement conscience ?).[8]

La foi qui anime le cœur des élus de Dieu embellit leur quotidien et garantit un bien-être qu’on ne retrouve pas chez ces misérables qui courent après les honneurs avec une insatiable et aveuglante cupidité. Les pieux sont doublement récompensés puisqu’en fin de parcours, ils gagnent le Paradis éternel où ils ne connaitront plus jamais la moindre affliction. En voici un exemple avec le Prophète Joseph : (C’est ainsi que Nous avons installé Youcef dans les hautes sphères du pays qui lui ont conféré une large liberté d’action ; c’est ainsi que Nous étendons Notre Miséricorde sur qui bon Nous semble parmi les bienfaiteurs qui ne perdent jamais leur salaire auprès de Nous).[9] Voici pour la récompense terrestre, l’autre est annoncée tout de suite après : (Seulement la récompense prévue dans l'au-delà est bien plus fructueuse en l’honneur des croyants ayant vécu dans la crainte de leur Seigneur).[10]

 

Ce thème est récurrent dans les pages du saint Coran : (Combien de prophètes prirent-ils, aux côtés de leurs disciples en nombre, les armes pour défendre la cause d’Allah sans ne jamais se laisser abattre par les revers ni capituler ni même faillir, et Dieu aime cette endurance et cette persévérance • Ces patients n’avaient rien d’autres à la bouche que ces mots : Seigneur, pardonne nos péchés, et nos manquements à nos devoirs, alors raffermis nos pas et donne-nous la victoire sur le peuple infidèle • Dieu récompensa leur détermination ici-bas et Il leur réserve une part meilleure dans l'au-delà, car Il aime les bienfaiteurs)[11] ; (Ibrahim était un modèle de dévouement et de fidélité envers Dieu, car jamais il ne s’était compromis avec les idolâtres • Toujours prompt à la gratitude envers Celui qui le combla de Sa Grâce en l’ayant choisi au milieu des élus et guidé sur le chemin droit • Nous l’avons honoré ici-bas, et dans l'au-delà, il sera comblé davantage au milieu des vertueux).[12]

 

De toute façon, le choix de la soumission aussi contraignant soit-il est toujours plus avantageux que d’y renoncer, même à court terme : (Si l’ordre leur avait été donné de s’entretuer ou de prendre le chemin de l’exil, ils ne s’y seraient jamais pliés à part une infime minorité d’entre eux ; ils feraient bien mieux de prendre Nos exhortations au sérieux, car il en va de leur intérêt et de la vitalité de leur foi • Et ils auraient droit, en prime, à une récompense incommensurable de Notre part En plus d’être guidés sur le droit chemin).[13] Voici dans quel contexte furent proférées ces remontrances : (As-tu songé à ces hommes qui, en apparence, donnent foi à la Révélation qui te fut consacrée et aux Écritures anciennes, alors qu’ils recourent à l’arbitrage d’une loi maléfique à laquelle ils sont censés renoncer ; c’est bien là l’œuvre de Satan qui cherche à les enfoncer davantage dans les ténèbres de l’égarement).[14]

 

[La quête du bonheur]

 

Secundo : il y a deux façons d'accéder au bien-être ; soit par le biais d'éléments matériels soit par le biais d'éléments spirituels. Les éléments matériels se répartissent en biens physiques (nourriture, boisson, vie conjugale, vêtements, etc.), et en biens psychologiques qui se concrétisent par la domination et le pouvoir. 

Pour ce qui est du bien-être matériel : le croyant, l'hypocrite et le mécréant participent indistinctement à sa réalisation. De plus, le bien-être est loin d’être une notion virtuelle qui satisferait à l’identique tous les besoins de tous les hommes. En réalité, le bien-être varie énormément d’un individu à une autre en fonction des particularités de chacun et du milieu. Certaines cultures sont habituées à telle variété de nourritures et de boissons qui, sous d’autres climats, serait nocive à la santé. Les particularités physiologiques, psychologiques, culturelles, climatiques, etc. jouent un rôle important dans le choix des éléments appropriés assurant le « bien-être » individuel et collectif.

 

Le critère pour définir une « femme belle » ne sera pas le même partout ; dans les pays exotiques, on est plus attiré par les brunes, alors que dans les pays nordiques, on a un penchant prononcé pour les blondes. Les « modes » et le style d’habitat varie tout autant d’un endroit à l’autre ; le burd (qui est un manteau à rayure, ndt.), est prisé dans certaines régions du monde au moment où ailleurs, il n’a aucun succès. Le choix de l’architecture est également très subjectif.

 

Par ailleurs, la rotation des saisons influence les goûts. Par exemple, en hiver on a plutôt tendance à privilégier le chaud, et en été on recherche plutôt la fraîcheur. La notion de bien-être est donc subjective. Celui-ci s’adapte avant tout aux besoins qui se manifestent avec des intensités différentes en fonction de leur importance. Plus un élément est utile plus le besoin de se l’accaparer se fait ressentir et plus grande est la satisfaction lorsqu’il est comblé. Le Législateur autorise l’utilisation et la consommation des éléments sains. Cependant, une nourriture consommée avec modération est plus appréciable que celle dévorée avec excès. La boulimie est une drogue qui entame le plaisir de manger. On ne mange plus pour apaiser la faim, mais par addiction. Quand on perd le contrôle de soi on met sa santé en danger, si l’on sait que l’excès de nourriture provoque diverses maladies.

 

Pour ce qui est du bien-être spirituel : celui-ci réunit deux éléments indissociables et indispensables à l’émancipation spirituelle de l’individu : la foi et l’obéissance. La foi se nourrit d’informations dont l’utilité est proportionnelle à leur importance et à leur véracité. Le monothéiste est privilégié dans la mesure où il n’a pas à s’inquiéter sur l’authenticité des enseignements prodigués par la Révélation. Il est donc tranquille de ce côté-là, alors que les informations d’origine humaine n’offrent pas cette garantie.

 

L’efficacité de l’obéissance est tributaire de la pertinence des injonctions qui sont censées à la fois être justes et utiles, sinon l’obéissance n’aurait aucune saveur et perdrait tout son intérêt. Nous avons là les deux ingrédients du savoir à même de discerner le vrai du faux, à savoir qu’un savoir pertinent est à la fois profitable et empreint de justice. Le Coran tout entier tourne autour de ce pivot : (Dieu réduit à néant les œuvres des mécréants qui se détournent de la vérité et qui détournent les hommes À l’inverse des croyants qui accomplissent les bonnes œuvres et qui tiennent pour vrais les enseignements révélés à Mohammed et empreints de la vérité émanant du Seigneur ; Il va donc absoudre leurs fautes et améliorer leur sort • Cela parce que les mécréants se sont complu dans l’erreur, alors que les croyants sont restés fidèles à la vérité émanant du Seigneur. Dieu dresse ici les paraboles du bien et du mal)[15] ; (L’Illusion dans laquelle baignent les œuvres des mécréants est semblable à un mirage qui prend la forme d’une étendue d’eau aux yeux d’un homme assoiffé au milieu du désert, et qui, arrivé sur place, s’aperçoit qu’il n’y a rien. Et, dépité, il se retrouve confronté à Dieu qui lui dresse le bilan de ses comptes avec une promptitude imparable dans Ses calculs).[16]

 

Pour comprendre ce phénomène, il incombe de s’arrêter sur les deux versants qui se disputent la vérité : la vérité voulue et la vérité connue. Il existe entre elles un lien indélébile d’interaction et d’interdépendance. La vérité connue est, quant à elle, effective et indubitable. Le savoir qu’elle réfléchit est vrai, tout comme l’information qui la désigne. La vérité voulue, pour sa part, renvoie au savoir profitable à l’être qui en fait la quête et qui bénéficie de ses fruits.

 

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Les remparts ; 157

[2] Le repas céleste ; 6

[3] Le pèlerinage ; 78

[4] Les femmes ; 65

[5] La vache ; 185

[6] La vache ; 216

[7] La vache ; 102

[8] La vache ; 103

[9] Yûsaf ; 56

[10] Yûsaf ; 57

[11] La famille d'Imrân ; 146-148

[12] Les abeilles ; 120-122

[13] Les femmes ; 66-68

[14] Les femmes ; 60

[15] Mohammed ; 1-3

[16] La lumière ; 39

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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 17:50

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 5/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.  

 

[Est-il envisageable que Dieu châtie un innocent ?]

 

Le sujet du Destin suscite depuis toujours des interrogations et d’interminables débats sur la sagesse divine qui se cache derrière la création et la Loi ; sauf que sans l’appui de la Révélation pour mettre en lumière la vérité, ces polémiques stériles brise l’harmonie du groupe qui se scinde en factions rivales et hérétiques. Chaque hérésie défend ce qu’elle pense être la vérité et campe donc sur ses positions. Le sujet qui nous intéresse a fait naitre un dégradé d’opinions dont voici les principales.

 

1°) La création et la Loi sont destinées à servir les intérêts des hommes sauf que ces derniers vont dans le sens contraire de leurs intérêts de leur propre initiative sans l’intervention du Créateur dans le sens où leurs actes ne sont plus en relation avec Sa création ni Sa Volonté. Pour évacuer l’idée que Dieu est injuste ou imparfait, ils attribuent à la création un pouvoir autonome d’action. Selon cette conception, le Seigneur est Sage, Juste et Bon, mais amputé du Savoir antérieur à la création qui inspire l’écriture du Destin dans la Table gardée, et des plans généraux de la création qui sont liés à Sa Volonté, et, de surcroit, à Son Pouvoir.

 

À partir de ce paradigme initial, deux tendances s’opposent sur la pertinence des quatre étapes du Destin avec d’un côté le crédo amputant à Dieu le Savoir antérieur et son écriture antérieure, et de l’autre côté le crédo soutenant l’inverse avec l’idée qu’Il savait que ces créatures allaient mal agir, sauf qu’avant cela, Il a tenu à les orienter, dans leur intérêt exclusif et perpétuel, vers les meilleurs moyens d’appréhender la création et la Loi, et donc d’œuvrer en conformité avec Sa Volonté préceptive.

 

Bien sûr, cette dernière opinion provoqua un tollé dans les milieux anti-prédestination. Vous décrivez là le plus imbécile des ignorants, s’indignent-ils, car vous prêtez à Dieu la Volonté de faire parvenir en vain le bien à Ses créatures en mettant à leur disposition tous les moyens possibles ; et, au bout du compte, non seulement Il n’arrive pas à concrétiser Ses ambitions, mais Il savait à l’avance que Son plan était voué à l’échec. Pour échapper à la problématique d’un Être suprême imbécile, ils optent, ce qui est bien pire, pour un Dieu incapable en Lui retirant tout pouvoir sur Ses créatures en dehors des ingrédients qu’Il place sur leur chemin en vue de guider leur choix.

 

En face, une faction pro-prédestination rend coup pour coup. Celle-ci réaffirme son adhésion à un Pouvoir et une Volonté d’ensemble, à la création et au Savoir antérieur. Tous ces points du crédo sont globalement en phase avec les Textes sur les étapes du Destin, bien que certains détails de leur raisonnement s’inscrivent en porte-à-faux avec la Tradition prophétique.

 

En effet, le corpus de la sunna établit que Dieu est libre de faire ce qu’Il veut sans ne rendre de compte à personne dans les Sentences qu’Il prononce. Ce sont plutôt les créatures qui Lui doivent des comptes, elles qui sont censés Lui obéir, bien que dans les faits, Il guide à Sa guise celles de Son choix au détriment de celles qu’Il décide d’égarer à Son gré : (Allah convie les hommes à gagner le salut, mais Il guide qui bon Lui semble sur le droit chemin).[1]

 

À partir de ce postulat qui est juste, cette faction pro-prédestination forge le concept que Dieu sort les êtres du néant sans but précis ni raison suprême. La création ne serait pas spécialement la manifestation de Sa Miséricorde, car Il pourrait tout aussi bien décider la ruine sans exception de tous ces êtres qu’Il a pourtant créés ; les deux hypothèses, la Miséricorde ou la ruine, n’ayant pas plus de poids l’une que l’autre. Il est tout à fait envisageable, selon cette vision, que Dieu soit l’auteur d’injustice, bien que cette éventualité soit, en réalité, complètement exclue, si l’on sait qu’Il se l’est interdite à lui-même. Les Textes sont formels sur la chose. Ceux-ci démontrent clairement que les hommes sont jugés sur la base des actes, et que nul ne supporte le fardeau d’un autre. Tous ceux qui œuvrent sur la base de la foi seront jugés sur la totalité de leurs actions sans ne subir la moindre lésion ni omission.

Cette tendance affirme noir sur blanc que tout élément qui entre dans le cadre de la création potentielle, et qui par conséquent relève du possible n’est pas assimilé à de l’injustice. Celle-ci imagine tout à fait que les prophètes soient châtiés et que les criminels soient honorés, soit autant de scénarios dont l’exécution est impossible dans les plans du Tout-Puissant, non pas en vertu de Son Pouvoir, mais en vertu de la justice qu’Il s’est auto-imposé comme ligne de conduite. À cause de cet amalgame, les tenants de cette faction proposent une définition biaisée de l’injustice. À leurs yeux, à partir du moment qu’une chose soit possible, hé bien sa réalisation sort du cadre de l’injustice. Ils en concluent que l’injustice est impossible à Dieu. C’est de cette façon qu’ils interprètent le Verset : (car, en aucun cas, Allah ne souhaite châtier Ses créatures avec injustice).[2] La Volonté dont il est question ici s’arrêterait aux limites du possible, dans le sens où Dieu ne souhaiterait pas ce qui est impossible. Ils en concluent que Dieu est seulement capable de la justice puisque le contraire n’entre pas dans Son champ d’action. En cela, Il ne renonce pas à l’injustice puisqu’il en est incapable.

 

Pour justifier l’absence de « cause suprême » dans les actions divines, ils suggèrent de façon tout à fait aléatoire que la Loi céleste revêt des Commandements qui ne sont pas adaptés aux besoins des hommes, et qui ne constituent aucun intérêt ni au niveau individuel ni au niveau collectif. Ils seraient même potentiellement préjudiciables, bien que, paradoxalement, toute défection est passible d’une punition. Le fidèle serait ainsi pris en étau entre deux solutions toute aussi nuisibles l’une que l’autre. Le respect de la Loi céleste ne serait pas plus avantageux sur terre que son infraction. Dans ces conditions, la Révélation ne rendrait pas spécialement service aux hommes.

 

Toujours pour justifier l’absence de « cause suprême », ces déterministes mettent en avant la devise que les Commandements de Dieu sont tributaires de Sa seule Volonté. Autrement dit, aucune cause ne serait sous-jacente aux dispositions légales qui n’auraient nullement pour vocation de défendre les intérêts supérieurs de ses administrés ni de parer aux embûches auxquelles ils sont confrontés ; la Loi perdant ainsi sa véritable substance, ne serait-ce qu’en partie, car les ultras occultent carrément toute relation entre la Loi céleste et une éventuelle cause suprême venant la justifier.

Une autre partie des déterministes émettent la nuance que la cause est effective dans la Loi, mais uniquement à titre d’indication pour signifier que telle cause convient à telle Loi, non que dans les faits elle ait véritablement cette vocation. Malgré cette précaution, ils maintiennent que la récompense aux bonnes actions n’est pas systématique, sauf qu’en vertu d’un grand principe de la religion mettant l’accent sur la promesse divine, ils soutiennent que la récompense est éventuellement le fruit de cette fameuse promesse, ne serait-ce que dans l’autre monde, selon un avis. Quant à ses répercussions sur terre, la Loi céleste n’aurait en aucun cas la fonction temporelle de gérer les affaires des individus ni, d’une manière ou d’une autre, de constituer une jouissance. Le contraire serait même plutôt vrai dans la mesure où la Loi ne rapporterait que des inconvénients.

 

Il va sans dire que cette conception de la Loi a des répercussions néfastes sur le mental des fidèles qui, loin de gagner en sérénité, auront tendance à fuir la religion qui n’œuvrerait pas dans leur intérêt et qui serait ô combien contraignante et lourde à supporter. Si on ajoute à cela une faible conviction vis-à-vis de l’eschatologie, ils sont en proie à l’apostasie. Seule une foi forte envers la promesse/menace divine dans l’au-delà sera à même de les maintenir dans le giron de l’Islam, mais ils resteront tiraillés entre leur besoin de défendre leurs intérêts profanes et le salut de leur âme dans l’autre vie. Et, cette Législation à laquelle ils adhèrent serait incapable d’assurer une harmonie parfaite entre les besoins temporels et spirituels de ses adeptes. Pour occulter cette criante lacune, les plus fervents se résignent à l’idée que le bonheur est réservé pour l’au-delà et que sur terre, ils sont condamnés à souffrir, contrairement aux impies et aux débauchés qui, libérés des carcans de la religion, sont matériellement épanouis.  

 

Il est clair que là aussi le fidèle est livré à un grave dilemme vis-à-vis de cette religion aussi pénible qu’une entrave. De deux choses l’une :

• Soit il penche du côté du droit chemin avec la conviction que tout au long de sa vie, cela ne va rien lui rapporter et qu'il va vivre au contraire un vrai calvaire. Il est évident qu'une telle situation est pratiquement impossible à supporter.

• Soit il se fait une raison en se livrant à la débauche de temps à autre, voire la plupart du temps, et dans le meilleur des cas, il ambitionne de se repentir à la fin de sa vie.

 

Il n’est pas difficile de deviner quelle est la situation la plus rentable à court terme. Autant se faire une raison et se libérer de ses chaines surtout que l’option repentir efface et rachète les mauvaises actions, et puisqu’on en emmagasine un grand stock, on risque de rapporter gros. Alors à quoi bon se priver ? Le seul inconvénient notable est qu’on aura une place moins élevée au Paradis par rapport au dévot austère. Le jeu en vaut, malgré tout, la chandelle !

 

La tentation est bien trop forte pour y résister. On a du mal à trouver une motivation dans ce troc qui propose un calvaire de soixante ou de soixante-dix ans tout au plus en échange de rien. L’instinct le plus élémentaire le refuse d’emblée. Seul un insensé y trouve un avantage.

 

Cette conception saugrenue met sur le même pied d’égalité les créatures de Dieu et les ouvriers qui fournissent un effort en échange d'un salaire. Autrement dit, le Seigneur loue leur service le temps de leur présence sur terre pour effectuer des travaux sans intérêts pour personne. Déjà, leur besogne ne sert à Dieu en rien, et eux devront attendre pour percevoir leur salaire que la mort les emporte ! Cette vulgaire analogie dépeint un dieu incapable, ignare et imbécile de surcroit.

 

Il est donc primordial de fustiger cette thèse blasphématoire en vue d’exalter le Tout-Puissant des vaines conjectures que ces iniques doctrinaires élaborent sur Son compte.

 

Pour rétablir la vérité, nous disons que le crédo orthodoxe repose sur ces articles de foi : dans toute Sa Gloire, Allah a dépêché à l’Humanité des envoyés porteurs d’un ministère consigné par les saintes Écritures, la manifestation de Sa Miséricorde et de Sa Grâce. Les bienfaits qu’elles dégagent sont plus prolifiques que la moisson alimentée par la pluie, et les dégâts qu’elles occasionnent sont comparativement insignifiants par rapport à leurs nombreux avantages. En outre, le Très-Haut, note Qatâda, n’a que faire de notre dévotion, et Ses interdictions ne sont pas le fruit de Sa cupidité, mais il en va de notre intérêt de L’adorer et de s’éloigner des péchés qui sont la source d’énormes préjudices.  

 

Dans le hadîth divin rapporté par Abû Dharr de la bouche du Prophète (r), le Seigneur a proclamé : « Mes créatures, Moi, qui Me suis interdit l'injustice, Je vous l’interdis entre vous, alors ne vous lésez pas les uns les autres ! Mes créatures, vous êtes tous aussi affamés les uns que les autres à l’exception de ceux que Je nourris, alors, quémandez-Moi votre subsistance, et Je vous la fournirais !

Mes créatures, vous êtes tous aussi égarés les uns que les autres à l’exception de ceux que Je guide, alors demandez-Moi de vous guider, et Je vous exaucerais ! Mes créatures, rien dans vos actions ne peut m’atteindre en mal ni même en bien ! Mes créatures, Si tous les djinns et les hommes, du premier au dernier, avaient le cœur aussi sain que le plus pieux d’entre vous, cela n’ajouterait rien à Mon Royaume ! Et si tous les djinns et les hommes, du premier au dernier, avaient le cœur aussi mauvais que le plus pervers d’entre vous, cela n’enlèverait rien à Mon Royaume ! 

Mes créatures, si le premier et le dernier d'entre vous parmi les djinns et les hommes étaient réunis dans un même endroit pour m'implorer et que J'exauçais à chacun ses souhaits, cela ne diminuerait en rien à Ma richesse, ou pas moins que ne le ferait une aiguille trempée dans la mer !

Mes créatures, Chacun ne récolte que le fruit de ses actes, alors louez le Seigneur quand la récolte est bonne, sinon, ne vous en prenez qu’à vous-mêmes ! »[3]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Yûnas ; 25

[2] L’Absoluteur ; 31

[3] Rapporté par Muslim, el Bukhârî dans el adab el mufrad, e-Tirmidhî, ibn Mâdja, 'Abd e-Razzâq, etc.   

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17 juin 2020 3 17 /06 /juin /2020 13:59

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 4/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.  

 

L'adversité plonge l’homme dans le désespoir et l’ingratitude, car il appréhende de ne plus retrouver les jours heureux que Dieu lui a gratifié par le passé ; mais dès que le malheur se dissipe, il renoue avec l’ingratitude et, armé de la vaine espérance qu’il sera désormais épargné, il reprend le cours de sa vie comme si de rien n’était. Au lieu d’accueillir ce nouveau départ avec humilité, il nargue ses semblables en se sentant à l’abri d’un nouveau déboire : (mon malheur est derrière moi), se targue-t-il en public.

 

Cette versatilité est récurrente chez lui : (l'homme est par nature habité par l’angoisse • Le moindre malheur l’effondre • Et la moindre acquisition le rend cupide).[1] Il ne supporte pas l'adversité qui le met dans tous ses états, mais aussitôt qu’une bonne nouvelle lui est annoncée, il retombe dans ses travers avec une débordante avidité. Il est trop souvent oublieux : (L’homme est naturellement enclin à l’injustice et à l’ingratitude)[2] ; (Sans cesse, l’homme fait preuve d’ingratitude envers Son Seigneur)[3] ; (Nous avons offert aux cieux, à la terre ainsi qu’aux montagnes la charge de la Loi qu’ils ont déclinée sous prétexte qu’elle était trop lourde, alors l’homme, cet être insensé empli d’injustice, l’a acceptée • Ce choix a décidé du sort de ces hommes et ces femmes hypocrites et idolâtres contre lesquels s’exerce la sentence implacable du Seigneur qui enveloppe de Son Pardon les croyants et les croyantes, car Il est Absoluteur et Tout-Miséricordieux)[4] ; (Dis-leur à ces païens : quand bien même vous aviez en votre possession les trésors intarissables qui émanent de la Miséricorde de Mon Seigneur, vous seriez tentés de les dépenser avec parcimonie tant l’idée de les épuiser vous hanterait l’esprit, car l’homme, par nature, est enclin à l’avarice)[5] ; (L’homme n’a de cesse de réclamer l’abondance, mais dès qu’un malheur le frappe le voilà accablé au bord du désespoir • Il suffit que Nous lui prodiguions quelque faveur mettant un terme à son malheur pour qu’il se pavane aussitôt : ceci est mon dû ! D’ailleurs, je n’ai pas l’impression que la fin du monde viendra, et de toute façon, si je devais retourner à Mon Seigneur, je suis convaincu qu’Il va me combler ; sauf que Nous allons bientôt confronté les impies à leurs crimes, et, ce jour-là, Nous leur ferons goûter un châtiment terrible • Nous comblons l’homme de tous les bienfaits, mais à chaque fois, plein de suffisance, il tourne le dos à la vérité, et au premier malheur, il Nous implore avec de chaudes prières)[6] ; (Quand sur la mer le danger vous menace, vous vous tournez uniquement vers Lui sans penser à vos idoles, mais une fois qu’Il vous ramène au bord sains et saufs, vous retournez à vos mauvaises habitudes, car, c’est dans sa nature, l’homme a toujours été ingrat).[7]

 

En parallèle, les croyants reçoivent les éloges en récompense à leur patience aussi bien dans l’aisance que dans l’adversité, et plus particulièrement au moment où bat son plein l’affrontement avec les infidèles. Leur patience s’exprime également dans le domaine religieux grâce à cette ferveur assidue qu’ils lui consacrent : (C’est seulement au prix de la patience et des bonnes œuvres qu’il gagnera le pardon et une grande récompense).[8] Cela dit, il est plus aisé de patienter dans la difficulté que dans l’aisance : « Par le passé, nous avions la force d’endurer l'adversité, raconte un dignitaire parmi les Compagnons, mais aujourd’hui, nous avons du mal à gérer la prospérité dont nous sommes comblés. »

 

La pauvreté et la richesse sont des épreuves tellement difficiles que le Prophète (r) consacrait des invocations pour s’en préserver.[9] Il avait aussi prévenu ses Compagnons que les portes de l’opulence allaient bientôt s’ouvrir à eux, et que cette épreuve qui les attend sera loin d’être de tout repos : « Je jure par Allah, s’exclama-t-il, que ce n'est pas la pauvreté qui m’inquiète le plus pour vous, mais plutôt la prospérité qui se profile et qui risque de produire le même effet sur vous que sur les peuples anciens ayant baigné dans l’opulence après avoir connu la misère. Ce sont bien les richesses pour lesquelles ils se sont querellés, qui ont précipité leur perte, et bientôt, vous y serez confrontées. »[10]

 

[Les deux facteurs qui parasitent la foi]

 

Or, une déficience au niveau de la foi est le résultat de deux scénarios possibles : la capacité et l’incapacité d’agir. Dans la première hypothèse, étant mu par la capacité d’agir, les intéressés se livrent aux pires exactions telles que l’adultère, l’association, le blasphème infondée, l’iniquité, le renoncement au rite collectif, et à l’invocation exclusive, etc. chacun a des degrés différents en fonction des tempéraments et des moyens d’action. En effet, selon une loi naturelle, l’action est la somme de la volonté et de la capacité. La capacité associée à une âme mauvaise génère des atrocités sans limites, à l’instar des grands tyrans de l’Histoire tels que Pharaon qui, en plus de posséder un pouvoir d’action despotique, sont animés par des pulsions malsaines qu’ils sont incapables de maitriser. Leur manque de scrupule religieux élargit considérablement leur capacité de nuisance. Soit tout l’inverse des croyants qui, autant que faire se peut, se plient à la Volonté de Dieu, loin de cette fougue rebelle impulsant la tyrannie. 

 

D’autre part, cette foi branlante ouvre la voie à tous les débordements et les vices flirtant avec l’apostasie et l’hypocrisie. Si pour une raison ou pour une autre, ces pervers n’ont pas suffisamment de pouvoir pour mener à bien leurs sinistres desseins, ils rampent devant les puissants en vue de les manipuler à leur guise. Ils sont si lâches qu’ils se laissent aller à la panique au moindre incident. Ils ne sont pas suffisamment armés spirituellement pour garder leur lucidité et relativiser les évènements. Ils sont terrorisés à l’idée de perdre leurs acquis, et ils risquent gros s’ils ne prennent pas le dessus sur leurs émotions, ce qui en général est le cas.

 

Ces traits de caractères s’imposent chez les peuples semi-nomades non familiarisés avec la prophétie et le savoir à l'exemple des turco-mongols, des tatares et des arabes de l'ère préislamique. Ils font preuve d’une fougue indomptable lorsqu’ils sont en situation de force, et ils courbent aussitôt l’échine face à un envahisseur plus puissant. Soit tout le contraire des croyants qui gardent leur dignité dans les moments difficiles : (Ne fléchissez pas et ne vous affligez pas, et vous sortirez vainqueur de cet affrontement, si vous êtes de véritables croyants).[11] Les musulmans ont toujours le dessus même lorsqu’ils perdent sur le champ de bataille. Deux vers de Ka'b ibn Zouhaïr vante les vertus des Compagnons :

 

Jamais, ils ne se targuent de leur victoire,

Et, jamais, ils ne s'accablent dans la défaite

 

Il est prescrit pour dompter une âme mauvaise soit une action de sa part en se réformant intérieurement soit une action extérieure en l’empêchant d’agir, car la synergie de la volonté et de la possibilité décuple le risque de dégâts.

 

L’action préventive se situe à deux niveaux ; au niveau de l’introspection, ce qui ne pose aucun problème avec une âme prédisposée à faire le bien, et au niveau de la prévention en la dissuadant d’agir par des moyens coercitifs quand c’est possible, sinon, on se contente de la sermonner pour la ramener à la raison. Le but de cette double opération est d’optimiser, dans la limite des moyens, le bon côté de l’être humain en sensibilisant sa conscience pour l’encourager à aller dans le bon sens ou en endiguant sa capacité de nuisance avec une action sur sa volonté et une autre sur sa capacité. Certes, nul changement ni aucune force n’a lieu sans l’aide d’Allah !

 

Finalement, nous voyons bien que sur cette terre le croyant s’épanouit davantage que l’infidèle, car il exploite au mieux, pour assurer son bien-être, les éléments qui l’entourent et avec lesquels il a suffisamment de distance pour éviter qu’ils absorbent son attention. Là où il se sent en prison grâce à sa modération, le mécréant s’imagine dans un paradis à cause de sa cupidité. La vie sur terre est une prison en comparaison au bonheur éternel, mais elle est aussi un paradis en comparaison à l’Enfer éternel.

 

Le mécréant est foncièrement mauvais même quand il a du mal à exprimer son mal. Le cas échéant, il n’est pas en phase avec lui-même, car il ne demande qu’une chose, c’est de laisser libre-court à ses désirs insatiables. À la moindre occasion, il s’en donne à cœur joie sans modération ni interruption. Les tyrans, les êtres plus immoraux, sont les exemples parfaits de cette osmose redoutable entre la volonté et la capacité. Ils sont toujours en quête d’évènements à même d’aiguiser leurs cinq sens. Cette boulimie prédatrice exacerbe leur paranoïa, et leur peur des intrigues confine à la démence. Cette angoisse infernale les rend poltrons, et jamais ils ne connaissent la paix intérieure ni le bien-être malgré la luxure débordante de leur somptueux palais. La moindre opportunité qui leur échappe donne l’occasion à d’interminables lamentations et à de longs remords aux accents de calvaire.

 

Le croyant, pour sa part, est en paix avec lui-même grâce à un cœur sain qui transpire la sérénité et le contentement. En pleine possession de ses moyens, il profite du savoir utile qu’il a emmagasiné et qu’il concrétise sous forme de bonnes actions le propulsant vers les sommets de la béatitude à la douceur indescriptible. Les barrières qui font obstacle à la réalisation de ses nobles ambitions ne l’importunent pas outre mesure, car le savoir religieux et les bonnes intentions qui agrémentent sa conscience compensent ce manque et ce handicap. En cela, il est un éternel satisfait.

Ces phénomènes anthropologiques sont à la fois très tangibles et validés par l’expérience. Là où il y a erreur chez la plupart des gens, c’est d’assimiler le bonheur à la vie licencieuse à laquelle se livrent les dépravés pour en avoir goûté quelques échantillons. Ils n’ont pas idée à quel point les pieux sont pénétrés de la saveur suave de la foi, car eux-mêmes ne l’ont jamais réellement goûtée. Malheureusement, la majorité des êtres humains sont ignorants, sourds, et insensés. Ils doivent cette carence à leur faible expérience de la foi et de ses véritables effets. Nombreux sont les penseurs qui accusent une connaissance superficielle des enjeux profonds et des intérêts incroyables qui se cachent derrière les Commandements divins. Ils accusent une double défaillance intellectuelle, une touchant au destin et à la Loi, et l’autre à la foi élevée que décèle le cœur des vertueux. Ils appréhendent mal, car ils en sont étrangers, les mécanismes de l’épanouissement du cœur, malgré les parasites intrinsèques à l’homme tels que l’injustice faisant obstruction à la pleine reconnaissance des bienfaits innombrables parfumés de la Grâce généreuse et de l’Agrément de Dieu dont il est comblé et lui faisant ainsi encourir le courroux du ciel.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Les échelons célestes ; 19-21

[2] Ibrâhîm ; 34

[3] Les coursiers ; 6

[4] Les coalisés ; 72-73

[5] Le voyage nocturne ; 100

[6] Les Versets détaillés ; 49

[7] Le voyage nocturne ; 67

[8] Hûd ; 11

[9] Selon un hadîth rapporté par el Bukhârî et Muslim.

[10] Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

[11] La famille d'Imrân ; 139

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15 juin 2020 1 15 /06 /juin /2020 17:57

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 3/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.  

 

Par rapport à cela, les événements paranormaux connus populairement sous le nom de « miracles », ne sont pas toujours, aux yeux des grands spécialistes, des « dons de Dieu ». La karâma, dans le vrai sens du terme, consiste à suivre le bon chemin avec attachement et fidélité à l’Être suprême. Les miracles qui résultent éventuellement de la stricte observance du culte sont, encore une fois, à mettre sur le compte des épreuves. Utilisés à bon escient, ils hissent l’heureux élus dans les hauteurs de la piété. Cependant, dès qu’il s’en sert à des fins malsaines, il sera déchu de son rang d’élu, alors qu’au départ, les prodiges qui parsèment son cheminement ne sont que la conséquence de ses bonnes actions : (Et s'ils se rangent sur le bon chemin, nous les abreuverons de la pluie en abondance • Afin d’éprouver leur reconnaissance, et de voir s’ils tournent le dos au rappel du Seigneur ; auquel cas, les supplices éternels qu’ils subiront seront de plus en plus sévères).[1]

 

Nous voyons bien que les bienfaits et les miracles sont à double tranchant. Il en est de même pour la Révélation qui, en vertu de la Volonté prescriptive de Dieu requiert fidélité et reconnaissance de la part de tous les hommes. Le revers de la médaille, c’est qu’en vertu de la Volonté décrétive, les méchants n’y ont pas droit, étant donné qu’ils ont échoué dans leur épreuve en tournant le dos à la prophétie ou en l’exploitant à des fins malsaines.

 

Or, avant ce dénouement funeste, l’individu a l’opportunité de s’épanouir et de gagner le bonheur éternel, à condition de faire le bon choix. C’est la raison pour laquelle les examens que nous passons sur terre sont à double tranchant en fonction des résultats et des réactions : (Toute âme est destinée à mourir, et sur terre, Nous vous confrontons au bien et au mal en guise d’épreuve, et, à la fin, vous retournerez vers Nous)[2] ; (Nous avons dispersés les enfants d’Israël à travers tous les endroits de la terre où ils ont formé des communautés hétéroclites allant du plus pieux au moins pieux, et Nous les avons confrontés à de heureux et à de malheureux évènements afin qu’ils se résignent à revenir sur le droit chemin).[3]

 

Ainsi, un malheureux évènement n’est pas synonyme d’avilissement ni d’abandon. Au contraire, on peut en tirer d’énormes avantages et en sortir vainqueur à condition de prendre son mal en patience, et de s’accrocher à sa religion. Il en va du salut des nations sous l’égide des prophètes et des croyants. Cette endurance est aussi le moyen d’éviter le sort réservé aux dépravés et aux mécréants. Le Seigneur révèle : (La vertu ne se résume pas à tourner vos visages en direction de l’Est ou de l’Ouest, mais celle-ci réclame avant tout de croire en Allah et au Jour Dernier, ainsi qu’aux anges, aux Écritures, et aux Prophètes ; la piété, c’est de consacrer une part de sa richesse, malgré l’attachement qu’on lui porte, aux proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs, et pour le rachat des captifs ; la vertu, c’est d’observer la prière, de verser l’Aumône légale, de respecter ses engagements, de s’armer de patience dans l'adversité et le malheur et en plein cœur du combat. Telles sont les vertus qui caractérisent les croyants pieux et sincères)[4] ; (Ou bien pensiez-vous réellement gagner le Paradis sans jamais n’avoir connu d’épreuves à l’instar de vos prédécesseurs qui furent tellement secoués par le malheur et l’adversité que les plus valeureux d’entre eux avec leur messager en tête en vinrent à se poser des questions : qu’en est-ce que Dieu va se manifester pour nous accorder la victoire ? Rassurez-vous, la victoire de Dieu vient toujours assez tôt)[5] ; (Il y a dans les alentours de Médine, des bédouins entachés d’hypocrisie, et même au sein de la ville, nombre d’habitants cachent leur duplicité ; tu ne connais pas leur identité, mais ils n’échappent pas à Notre connaissance ; ils seront doublement châtiés avant d’être trainés vers un terrible supplice)[6] ; (Avant de les précipiter dans les tourments éternels, nous allons leur faire goûter aux châtiments terrestres pour leur donner le temps de revenir à la raison)[7] ; (Nous les avons déjà par le passé, frappé d’un châtiment, mais ils ne se sont pas, pour autant, abaissés ni humiliés devant Leur Seigneur).[8]

 

Les bons évènements, qui sont éventuellement le fruit des bonnes actions, procurent la joie et le bien-être, de la même manière que les mauvais évènements, qui sont éventuellement le fruit des mauvaises actions, provoquent la peine et la détresse : (Le bien qui t’arrive procède d’Allah, mais le mal qui te frappe procède de toi) [9] ; (Et le jour où vous essuyâtes une cuisante défaite, après avoir triomphé à deux reprises, vous vous demandâtes alors : Comment en sommes-nous arrivés là ? Réponds-leur : ne vous en prenez qu’à vous-mêmes)[10] ; (Tout malheur qui vous frappe n’est que le fruit de vos actes bien que, pour beaucoup d’entre eux, Il n’en tienne pas rigueur)[11] ; (Qu’adviendra-t-il le jour où le malheur les frappera en punition de leurs actes, et qu’aussitôt ils viennent te trouver pour t’assurer, en prenant Dieu en sermon, que leur seule motivation à travers leur refus était de bien faire et d’apporter une solution conciliante)[12] ; (mais aussitôt qu’un malheur les touche en punition de leurs fautes, ils font preuve d’une grande ingratitude).[13]

 

Le bien-être qui est subséquent aux bonnes actions peut vite se transformer en malheur si on baisse sa vigilance et qu’on se laisse aller à la faute. En revanche, la souffrance résultant des péchés peut tout autant devenir un stimulant pour rectifier le tir et prendre les bonnes résolutions qui seront source de bonheur.

 

Tout bien réfléchi, seul le résultat compte, et le dernier acte qui achève un long parcours est décisif. Finalement, le dénouement résume toute une vie.

 

Les apparences sont bien souvent trompeuses ; une fin tragique se cache éventuellement derrière les allures de bonheur, comme une fin heureuse peut parachever ce qui est perçu de l’extérieur comme un véritable calvaire. Ne nous trompons pas, la vie sur terre est éphémère et la véritable destinée commence après la mort. En outre, la piété apparente ne garantit pas l’entrée au Paradis, car on ne sait jamais comment cela finit ; on peut aussi bien abandonner en cours de route ou échouer face aux épreuves de la vie. Il ne faut pas non plus juger trop hâtivement du sort d’un débauché qui a l’opportunité de se remettre en question et d’assumer avec courage les mauvaises conséquences de ses erreurs passées.

 

Nous envisageons donc cette problématique sous deux angles ; 1°) les devoirs et les obligations qui incombent à chacun et s’exprimant dans le renoncement au péché, l’obéissance à Dieu, et la reconnaissance de Sa Bonté infinie.

 

2°) La connaissance des quatre étapes de la prédestination : le Savoir préalable de Dieu, Son Décret préalable consigné dans les Écritures célestes, Sa Volonté qui précède la création, et Sa création proprement dite. Nous avons vu que, sous cet angle, seul le résultat compte, car il va décider du sort éternel de tous les hommes, et le véritable défi est de garder la foi jusqu’à son dernier souffle.

 

­[Zoom sur le Destin]

Alors, procédons à une synthèse des tendances doctrinales qui opposent les sectes musulmanes dans le domaine du Destin et ayant une influence sur la problématique qui nous intéresse ici.

D’un côté, nous avons les pro-prédestination au sein notamment des adeptes de la théologie spéculative qui reconnaissent le Destin et ses quatre étapes (le Savoir préalable de Dieu, Sa Volonté, Son Pouvoir de création et Sa création effective), mais qui n’accorde pas dans leur grille d’analyse le soin suffisant à la Loi textuelle, à la Promesse eschatologique (Enfer/Paradis), et aux « causes » touchant au plan général de la création et au plan particulier à chaque être humain.

 

Dans l’autre camp, on trouve les pro-libre-arbitre et leurs émules dans cette question, qui polarisent leur attention sur la Loi textuelles en relation avec la Volonté préceptive (en opposition aux Lois universelles en relation avec la Volonté décrétive), les devoirs et obligations, et en matière d’eschatologie, la menace du châtiment aux dépens de la promesse du Paradis. Cette obstination les amène à renier d’un bloc les étapes du Destin, et spécialement l’attention particulière accordée aux croyants, comme il a été écrit dans la Table gardée, et le destin funeste réservé aux infidèles jugés en vertu de la Justice d’Allah, non de Sa Grâce.

 

Les pro-libre-arbitre assimilent mal l’idée que le Tout-Puissant ne lèse personne. Pour se convaincre de Sa Justice infaillible, il suffit de se pencher sur un extrait de cette invocation prophétique : « Ton Ordre prononcé à mon sujet est irrévocable, Ta Sentence à mon encontre est juste ! »[14]

 

Ensuite, les évènements heureux et malheureux qui parsèment la vie d’un homme ont vocation à le mettre à l’épreuve. C’est à lui de décider de les exploiter à son avantage et de bien réagir pour éviter les lourds préjudices issus d’un mauvais choix. Face au destin, quatre types d’individus se dégagent :

  • Il y a ceux qui s’épanouissent dans le bonheur ;
  • Ceux qui à l’inverse tirent mieux profit de leur malheur ;
  • Ceux qui supportent les deux ;
  • Et ceux qui sont incapables d’endurer ni l’un ni l’autre.

 

Un même individu est susceptible de passer par ces quatre états à différentes étapes de sa vie, voire au cours d’une seule période si on les considère comme des variétés d'épreuves auxquelles il est probablement confronté en même temps. Un hadîth divin décrit à merveille ce phénomène : « Il ne convient rien d’autre à certaines de Mes créatures que la richesse, si J’avais décrété la pauvreté pour celles-ci, ils ne l’auraient pas supportée. D’autres sont faites pour la misère, car la richesse ne ferait que les rendre mauvaises. D'autres s’épanouissent dans la maladie si bien que la bonne santé ne leur rendrait pas service. J’assure la gestion de Mes créatures en vertu de Ma Clairvoyance et de Ma grande Connaissance. »[15]

 

Or, les plaisirs immédiats ne sont pas tout le temps la manifestation d’un bienfait. Ils sont potentiellement de mauvais augure s’ils conduisent à la débauche. Rien n’est acquis, pas même les bonnes œuvres sur lesquelles plane constamment la menace d’être réduites à néant, de mener à l'apostasie et aux mauvaises épreuves.

 

Il ne faut pas non plus tirer de conclusions hâtives sur la souffrance qui se nourrit de la Grâce divine, ni sur les péchés qui sont le socle du repentir et qui forge la patience quand on en assume les conséquences. Du reste, la piété à ses hauts et ses bas, et, à partir de cette faiblesse, le fidèle sollicite en permanence l’assistance de Son Seigneur qui assure la stabilité et la sérénité à l’intérieur de son cœur.

 

Cependant, il s'avère que les bonnes et mauvaises actions s'alternent. Cela implique de la part de l'individu de se faire assister de son Seigneur à tout instant dans Son obéissance, afin qu'Il maintienne son cœur stable et sain. Certes, nul changement ni aucune force n’a lieu sans l’aide d’Allah ! L’homme change facilement d’humeur : (Il suffit qu’on le prive d’une seule jouissance que Nous lui avons fait goûté pour que l’homme, ingrat, sois consterné et désemparé • Mais dès que, à la suite d’un malheur, Nous l’alimentons à nouveaux des jouissances, il se vante, infatué et plein de suffisance : mon malheur est derrière moi).[16] Le remède est proposé dès le Verset suivant : (C’est seulement au prix de la patience et des bonnes œuvres qu’il gagnera le pardon et une grande récompense).[17]

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] Les djinns ; 16-17

[2] Les prophètes ; 35    

[3] Les remparts ; 168

[4] La vache ; 177

[5] La vache ; 214

[6] Le repentir ; 101

[7] La prosternation ; 21

[8] Les croyants ; 76

[9] Les femmes ; 79

[10] La famille d'Imrân ; 165

[11] La concertation ; 30

[12] Les femmes ; 62  

[13] La concertation ; 48

[14] Extrait d'un long hadîth rapporté par Ahmed, ibn Abî Shaïba, Abû Ya'lâ, el Bazzâr, ibn e-Sunnî, avec une chaîne narrative qui, en définitive, est potable en la recoupant avec d’autres textes.

[15] Extrait d'un hadîth rapporté par ibn Abî e-Duniyâ, Abû Nu'aïm, el Asbahânî avec chaîne narrative jugée faible par les spécialistes.

[16] Hûd ; 9-10

[17] Hûd ; 11

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14 juin 2020 7 14 /06 /juin /2020 16:03

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 2/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

L'homme est doté d’une force intérieure impulsant les sentiments d’amour et de haine. Le véritable bonheur et l’épanouissement personnel se résument à aimer ce qui plait à Dieu et à détester ce qui Lui déplait. S'il n'y avait pas dans le monde ce qui pourrait activer ce sentiment, l'animer et l’alimenter dans un perpétuel rapport de force entre le bien et le mal, personne ne pourrait parachever sa foi ni prouver son amour en Dieu : (Les véritables croyants sont ceux qui donnent foi à Allah et à Son Messager sans ne plus jamais être assailli par le doute ; le sacrifice de leurs biens et de leurs personnes qu’ils vouent à la cause d’Allah est le garant de leur sincérité).[1] Par rapport à ce postulat, les tenants de la première opinion dans ce débat intra-prédestination, soutiennent que les plaisirs sur terre ne sont pas des bienfaits dans l'absolu, sinon, les croyants n’auraient aucune particularité par rapport à leurs ennemis idéologiques qui seraient même mieux lotis.

 

Ils pensent que la Révélation est la seule véritable faveur que Dieu leur accorde malgré leur avide opulence et l’ingratitude qui en résulte. Et pourtant, ils renient la prophétie au lieu de s’y plier et de profiter de ses bienfaits. La lignée des Qoraïchites était à cette époque un bienfait du ciel si bien que le Prophète (r) devait préciser qu’il ne s’en vantait pas : « sans prétention aucune, je suis de Qoraïche. »[2]

 

La prophétie serait le véritable trésor ayant comblé les habitants de la Ville sainte : (Allah prend en exemple une cité paisible où, baignée dans la sécurité, coulait à flot les richesses en provenance de tous les horizons, mais, bientôt, elle renia les bienfaits de son Seigneur qui, en punition à son ingratitude, lui fit goûter aux affres de la faim et de la peur • Ses habitants ont bien reçu la présence d’un messager avec qui ils se sont comportés tels des injustes en reniant tout bonnement son message, alors un châtiment les a durement frappés).[3] Les païens de la Péninsule ont tourné le dos au plus beau des trésors qui leur a été donné, et qui émanait directement du ciel, la Révélation transmise à leur adresse par le biais de Mohammed : (Mohammed n’est qu’un Messager parmi tant d’autres qui l’ont précédé ; seriez-vous prêt à tourner les talons s’il venait à mourir ou à être tué ? Ceux qui oseraient le faire ne nuiraient en rien à Allah qui sait récompenser Ses serviteurs reconnaissants).[4]

 

Pour trancher dans ce débat, nous disons que les hommes ont, indéniablement, à leur disposition sur terre de quoi assurer leur bien-être, et ce bonheur à même de les rendre heureux, sauf que, utilisé à mauvais escient, il devient source de malheur : (Vous méritez votre sort, vous qui vous être vautrés sur terre dans l’arrogance et la suffisance sans que rien ne vous donne raison)[5] ; (Le jour où les impies seront conduits au feu, les remontrances siffleront à leurs oreilles : c’est pour en arriver là que vous avez dilapidé vos richesses, et croqué la vie à pleines dents ? Eh bien, désormais, goûtez à cet avilissant supplice, vous qui sans que rien ne vous donne raison vous êtes enflés d’orgueil sur terre, et livrés à tous les excès)[6] ; (Ne te préoccupe pas de ces impies qui, vautrés dans les richesses, traitent Mes Signes de mensonge, j’en fais mon affaire, mais pour l’instant, accorde-leur un sursis)[7] ; (Laisse-les faire bonne chère, et, bercés d’illusion, s’adonner aux plaisirs de la vie, ils déchanteront bien assez tôt)[8] ; (Sachez que la vie d’ici-bas n’est qu’un amas de futiles distractions, de vaines parures, d’avides rivalités, d’étalage de son opulence et de sa nombreuse descendance ; celle-ci est aussi éphémère qu’une floraison saisonnière qui, provoquée par la pluie, à la grande joie des cultivateurs, arrive en si peu de temps à se faner et à se dessécher ; alors que le sort des hommes vacille dans la vie future entre un terrible châtiment et le pardon accompagné de l’agrément d’Allah ; c’est dire à quel point les jouissances de ce monde sont aussi illusoires).[9]

 

Il est indéniable que le Coran parle de bienfaits, mais il est légitime de se demander 1°) si ce sont des bienfaits en tout point, 2°) s’il est pertinent de mettre sur le même pied d’égalité les jouissances distribuées indistinctement aux croyants et aux mécréants, avec cette différence notable que les croyants bénéficient de la foi et de tout l’univers qui gravite autour. En d’autres termes, sont-ils plus ou moins voire autant comblés les uns que les autres ? Ce second point nous ramène à la problématique de départ. Alors mettons un peu de clarté sur ces deux problématiques soulevées.

 

1°) Sachons que les plaisirs en eux-mêmes ne sont pas obligatoirement le fruit du labeur d’une personne quelconque, mais leur provenance est multifactorielle, et le labeur n’en est qu’un parmi tant d’autres ; à l’instar de n’importe quelle production que Dieu met à la disposition de l’homme grâce à des moyens multiples, notamment grâce à son travail. 

 

 Or, l’une des provenances des plaisirs est en désaccord avec la Volonté préceptive de Dieu par le biais soit des manquements aux devoirs religieux soit des péchés plus ou moins graves tels que l’adultère, les mauvais fréquentations, l'injustice, le polythéisme, les conjectures infondées à l’encontre du Seigneur. Le plaisir immédiat obtenu à la suite d’un péché est insignifiant comparativement à la douleur de la punition prévue pour celui-ci, et cela, quand bien même, elle serait retardée. Un plat empoisonné offre un plaisir immédiat qui débouche sur la maladie ou la mort. Il va sans dire que le repentir annule les effets des péchés tels que la punition ; il offre l’occasion de se racheter en multipliant les bonnes actions.

 

On pourrait objecter qu’il est plus facile d’obtenir satisfaction à la suite d’un péché que de se débarrasser du vice qui nait de son addiction ; et donc, la joie du repentir est relativement gâchée en regard des efforts considérables qu’il réclame afin de renoncer à cette transgression. Ces efforts sont d’autant plus pénibles qu’ils sont automatiquement accompagnés, en guise de nouveau départ, d’une série de bonnes actions qui n’est pas sans encombre. Selon l’adage, « Il est plus dur de renoncer à la faute que d’emprunter le chemin de la contrition. » Un autre dicton est tout aussi éloquent : « un plaisir éphémère est trop souvent source de longs regrets. »

 

Ce à quoi nous répondons que les œuvres expiatrices sur le chemin de la pénitence offrent des opportunités de récompense qui vont bien au-delà que le simple renoncement au péché. On peut facilement en déduire que le calvaire du repenti est sans commune mesure avec, dans les mêmes conditions, la situation qui précède le péché, bien que ce calvaire soit plus méritoire que l’innocence. On constate ce même rapport entre les malheurs expiateurs et les plaisirs interdits ; soit qu’il est plus pénible d’endurer les malheurs expiateurs comparativement à la jouissance procurée par les plaisirs interdits.

 

Il y a la situation où le bien-être est obtenu sans passer par les interdits. Il est donc possible de s’épanouir matériellement dans les limites du licite grâce à la richesse, le pouvoir, les plaisirs de la chaire, la gastronomie, etc. tout en respectant ses obligations religieuses. La religion n’interdit pas les jouissances à condition qu’elles ne soient ni illicites ni accueillies avec ingratitude : (Vous croyants, consommez à votre guise les éléments sains que Nous vous prodiguons, mais soyez reconnaissants envers Dieu si c'est vraiment Lui que vous servez).[10]

 

Aussi, d'après Muslim, le Prophète a dit (r) : « Le Seigneur est satisfait de Son serviteur qui le loue en guise de reconnaissance après avoir consommé quelque nourriture ou quelque boisson. »[11]

Une autre diction nous apprend : « Il est aussi louable de remercier Dieu pour son repas que d’endurer la faim à l’occasion du jeûne. » Ibn Mâdja fait remonter cette narration à l’Élu (r).

 

Le Très-Haut prévient : (Ce jour-là, vous devrez rendre compte des bienfaits dont vous avez été gratifiés).[12]

Un jour, tiraillé par la faim, l’Ami d’Allah (r) se rendit à la mosquée où il trouva ses deux amis Abû Bakr et ‘Omar qui furent arrachés à leur domicile pour le même motif. Les trois compagnons se rendirent alors chez Abû el Haïtham ibn e-Taïyihân qui les installa à l'ombre d’un palmier pour leur offrir des fruits, de la viande, et leur servir de l'eau fraîche. À la fin de ce fructueux repas, le Bien-aimé signala : « Voici un exemple des bienfaits dont vous devrez rendre compte dans l’au-delà. »[13]

 

L’interrogatoire futur portera sur leur réaction vis-à-vis de ce repas délicieux, non qu’il soit interdit d’en manger. La notion de reconnaissance est très importante dans le discours coranique. Celle-ci se manifeste par l’usage des bienfaits à bon escient. L’ingratitude consiste donc à s’en servir avec l’objectif inconscient ou assumé de désobéir à Dieu. Les largesses dont profitent les hommes ont pour vocation de les soutenir dans l’accomplissement de leurs devoirs envers le Créateur. À partir du moment où ils négligent ces devoirs bien qu’ils soient comblés, c’est la preuve qu’ils utilisent ces largesses à mauvais escient. Cette rébellion est doublement condamnable, primo pour avoir failli à ses obligations, et secundo pour avoir manifesté de l’ingratitude en échange des bienfaits dont ils sont comblés et qui étaient censés les aider dans leur cheminement spirituel et matériel. Cette double action, l’ingratitude qui mène à la faute, fut consignée dans le registre du Destin céleste qui respecte quatre étapes : le Savoir préalable qui relève de l’Omniscience divine, la Volonté, le Pouvoir de création qui relève de l’Omnipotence divine et la création effective.

 

En définitive, la générosité de Dieu engendre le malheur de l’individu gangréné par la cupidité et l’ingratitude. De ce fait, il vacille entre le délice et le supplice. Il doit son malheur à ses mauvaises actions, mais surtout à son manque de reconnaissance qui engage sa responsabilité devant le Seigneur Maitre de l’Univers et qui met en faillite sa crainte révérencielle lui servant de rempart. Tous ses plaisirs sont relativement des bienfaits, sauf que, en regard des conséquences, ils sont susceptibles de conduire l’individu à sa perte. Il n’est donc pas tout à fait vrai ni d’ailleurs tout à fait faut de les assimiler à des bienfaits dans l’absolu. C’est leur utilisation, bonne ou mauvaise, qui déterminera leur véritable statut.

 

Ceux-ci représentent un délice en regard des devoirs et de la promesse/menace divine qui se profilent en fonction des réactions, et ils constituent un supplice en regard du pécheur qui enfreint la Loi. Le cas échéant, le supplice l’emporte sur le délice, et le préjudice qui s’ensuit sera à hauteur de la désobéissance, et pleinement mérité. Dès lors, il sera trop tard pour se lamenter. Dans son cas, on ne parle pas de « bienfaits » prédestinés, bien qu’ils rentrent dans le domaine plus vaste des plaisirs terrestres englobant aussi bien le croyant que le mécréant. Après coup, on se rend compte que ces fameux bienfaits avaient plus la fonction d’appât et de leurre que Dieu tend au méchant. Celui-ci ressemble à un sursis qui, au terme d’un stratagème bien ficelé, plonge le coupable dans l’insouciance pour mieux le subjuguer. Ainsi maintenu en haleine, sa déception sera plus violente.

 

Donc, on ne juge pas de la bienveillance de Dieu en fonction de la présence ou de l’absence d’un quelconque bienfait, nous enseigne ce passage en substance : (L’homme est constamment éprouvé ; quand Son Seigneur l’honore et le comble sans compter, il exulte : « Allah m’honore ! » Mais, quand pour l’éprouver, Il lui prodigue Ses largesse avec parcimonie, il crie : « Allah m’avilie ! » Hé pourtant !).[14]

 

Dans la même phrase, le terme « honoré » est utilisé pour désigner deux réalités différentes : 1°) Dieu honore l’individu éprouvé en lui prodiguant des largesses, 2°) sauf que ce dernier, à tort, assimile cela à un « honneur ». C’est la preuve que ce terme n’a pas la même fonction que cet éprouvé lui prête. En effet, l’honneur en question est censé lui apporter bonheur et épanouissement, alors qu’il ne récolte que malheur et désolation, soit tout le contraire de ses aspirations. La déception provoque une sensation de douleur plus intense que l’espoir ayant, au départ, nourrit sa joie. Il ne se doutait pas qu’il était tout simplement confronté à une épreuve afin qu’Allah reconnaisse les siens. S’Il connaissait à l’avance les réactions de chacun, Il leur montre le déroulement des évènements pour couper court à toute excuse éventuelle.

 

Le premier segment de phrase : (quand Son Seigneur l’honore et le comble sans compter) se décompose en deux temps : il y a d’abord « l’honore » qui correspond à un acte de générosité à l’égard de l’éprouvé qui en récolte les bienfaits. Il y a donc ensuite « le comble » pour montrer le lien de cause à effet entre les deux.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Les appartements ; 15

[2] Rapporté par e-Tabarânî dans el Mu'jam el awsat ; l’auteur de la récension de notre ouvrage déplore que certains de ses rapporteurs lui soient complètement inconnus. D’ailleurs, l’auteur de majma' e-zawâid fait le même constat, quoi qu'il existe d'autres versions avec un énoncé plus ou moins identique, venant corroborer cette narration. D'autre part, dans la même note en bas de page, l’auteur reconnaît aussi qu'il n’arrive pas à faire le lien entre ce hadîth et le passage dans lequel il s’intègre. La traduction semble avoir démêlée cette énigme. (N. du T.)

[3] Les abeilles ; 112-113

[4] La famille d'Imrân ; 144

[5] L’Absoluteur ; 75

[6] El Ahqâf ; 20

[7] L’homme enveloppé dans son manteau ; 11

[8] El Hijr ; 3

[9] Le fer ; 20

[10] La vache ; 172

[11] Rapporté par Muslim, Ahmed et Abû Ya'lâ.

[12] L’accumulation des richesses ; 8

[13] Extrait d'un long hadîth rapporté par Abû Dâwûd, e-Tirmidhî, e-Nasâî, Ibn Mâdja, etc.

[14] L’aube ; 15-17

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13 juin 2020 6 13 /06 /juin /2020 16:03

La foi est-elle synonyme de calvaire sur terre ? 1/6

 

 

Extraits du traité de l’amour révérenciel d’ibn Taïmiya.

 

… ce sont les épreuves qu’Allah fait subir à Ses créatures sur terre en mettant sur leur parcours un bon ou un mauvais destin.

Le Seigneur révèle : (L’homme est constamment éprouvé ; quand Son Seigneur l’honore et le comble sans compter, il exulte : « Allah m’honore ! » Mais, quand pour l’éprouver, Il lui prodigue Ses largesse avec parcimonie, il crie : « Allah m’avilie ! » Hé pourtant !).[1]

 

Le Très-Haut corrige cette impression erronée qui place le curseur Satisfaction/Colère divine au gré des évènements heureux et malheureux qui parsèment le cheminement d’un homme. La richesse n’est pas forcément un signe d’agrément, mais plus que la pauvreté qui n’est pas non plus, dans l’absolu, un signe de désapprobation ni d’humiliation. Dans les deux cas, il s’agit ni plus ni moins d’un test pour voir lesquelles de Ses créatures sont reconnaissantes dans la joie et endurantes dans la peine. Il en va de leur intérêt de passer correctement l’examen auquel elles sont confrontées.

 

Le Prophète (r) remet le curseur au bon endroit : « La vie du croyant est vraiment étonnante ; quoi qu’il puisse lui arriver, c’est un bien pour lui, et personne d’autre que lui ne jouit de ce privilège. Dans la joie, il est reconnaissant, et c’est un bien pour lui, et dans la peine, il est patient, et c’est un bien pour lui. »[2]

 

Le croyant modèle vacille donc entre la gratitude et la patience, et il aurait tout à perdre à mal réagir face aux situations qu’il rencontre. Or, on peut toujours s’interroger, d’un point de vue purement formelle, sur la signification que prennent les richesses prodiguées à un mécréant. Sont-elles assimilées à des bienfaits dont il serait comblé ? Il y a débat sur la chose avec pour arrière-fond un enjeu doctrinal en relation avec la prédestination et l'Omnipotence divine.

 

D’un côté, nous avons les partisans du libre-arbitre (qadariya) qui accorde à Dieu une volonté de bienfaisance à l’égard de Ses créatures par l’intermédiaire des bienfaits qu’Il leur prodigue et de la Loi qu’Il leur révèle. Le mal serait, à leurs yeux, la conséquence du choix délibéré de désobéir à Dieu et de renoncer à Son obéissance. L’individu serait ainsi le propre acteur de son malheur. Sa responsabilité serait entière dans le sens où il n’y aurait aucune intervention de la part du Créateur qui n’aurait aucun pouvoir sur ses actions. Selon cette vision, les plaisirs dont jouit l’infidèle sur terre sont absolus et parfaits, ce qui, de ce point de vue, le place au même niveau que le croyant. Ce dernier ne jouirait d’aucun privilège particulier de la part de Son Seigneur et Maitre, pas même sur le plan spirituel. Les preuves intellectuelles issues de la Révélation et de la Raison sont exposées indistinctement à ces deux êtres qui furent traités avec le même soin et qui dispose à part égale des bienfaits de la création (en commençant par leur capacité intellectuelle et physique), à la différence notable où l’un des deux se plie à la religion alors que l’autre choisit de se rebeller contre Dieu qui n’avait pas particulièrement décidé de l’abandonner. Il n’y a pas de discrimination non plus sur le plan matériel. Les deux jouissent sur le même pied d’égalité des plaisirs terrestres à leur disposition. De l’autre côté dans ce débat, nous trouvons les déterministes adeptes de la prédestination qui se fendent d’arguments bancals pour réfuter les qadarites ultra, bien que relativement ils défendent mieux la vérité, car plus en phase avec celle-ci.

 

Il y a une récurrence dans les polémiques qui opposent des hérétiques ; il y aura toujours une partie avec un argumentaire plus pertinent bien que lui-même soit biaisé sur bien des points. Si celle-ci est plus proche de la vérité, cela ne justifie pas de rendre un mal par un mal ni de réfuter une grave hérésie par une autre hérésie quand bien même elle serait plus aseptisée. C’est la raison pour laquelle, les grandes références traditionnalistes bannissent toute polémique contreproductive, et préconisent un strict conformisme à la tradition prophétique originelle, et un juste milieu entre les extrêmes, loin des controverses faisant intervenir deux thèses aussi fausses l’une que l’autre.

 

Le cas échéant, il y a une grande partie des déterministes qui remettent en question la possibilité que les mécréants jouissent des plaisirs terrestres ou qu’ils soient concernés d’une manière ou d’une autre par les bienfaits d’ordre spirituel. Seule la finalité compte à leurs yeux. En regard de la finalité, en effet, une jouissance qui précède une grande souffrance perd sa qualité de jouissance, à l’exemple d’une nourriture empoisonnée ou d’un don d’argent qui servirait pour appâter quelqu’un qu’on projette d’assassiner ou de torturer.

 

D’après ce raisonnement, les plaisirs prodigués à l’impie ne font que l’éloigner de la vérité, et, par voie de conséquence, ils sont la cause de son malheur et du châtiment par le feu qu’il subira en Enfer : (Que les impies n’aillent pas s’imaginer que Nous leur accordons un sursis dans leur intérêt, mais Nous ne faisons que leur donner l’occasion d’aggraver leur cas pour finalement subir les pires châtiments avilissants)[3] ; (Pensent-ils vraiment que nous leur prodiguions richesses et enfants • Pour leur exprimer dès à présent Notre agrément, quel inconscience !)[4] ; (Ils se sont alors complu dans l’oubli de la bonne parole qui leur avait été prodiguée, et là Nous leur avons ouvert les vannes de tous les plaisirs, et c’est au moment où ils se sont sentis le plus infatués que Nous les avons brusquement frappés pour les jeter dans l’accablement • Avant d’exterminer jusqu’au dernier tous les éléments de ce peuple inique, qu’Allah le Souverain Maitre de l’Univers soit loué)[5] ; (Ne te préoccupe pas de ces impies qui jettent le discrédit sur la bonne parole, J’en fais Mon affaire ; Je les laisse profiter pour un temps pour mieux les subjuguer au moment où ils s’y attendent le moins • Le répit que Je leur tend les berce d’illusions en vertu de Ma ruse implacable).[6]

 

Une autre tendance qui partage avec la précédente la foi à la prédestination, ne remet pas en question, toutefois, le crédo qu’Allah concède au mécréant des plaisirs terrestres. La plupart des écoles partisanes de la prédestination parmi les disciples de l’Imam Ahmed et autres se reconnaissent dans l’une des deux opinions ci-dessus. Celles-ci fondent leur raisonnement sur les textes coraniques qui rappellent aux mécréants que le Tout-Puissant les a comblés de Sa Grâce, et qu’ils devaient en retour Lui exprimer Leur reconnaissance. Cet argument, qui a lui seul est déterminant, est corroboré par maints passages du Livre sacré, dont : (As-tu songé à ces hommes qui ont accueilli les bienfaits d’Allah avec ingratitude et qui ont mené leur peuple à leur perte • Jetés dans la Géhenne, cet horrible lieu de séjour)[7] ; Ils furent pourtant comblés : (Allah, Votre Dieu a créé l’immensité des cieux et la terre sur laquelle Il vous apporte par le biais des nuages la pluie afin de faire pousser, à votre attention, des fruits de toute sorte assurant votre subsistance ; Il a aussi mis à votre disposition des vaisseaux sur lesquels vous traversez les mers, et des rivières d’où vous tirez un énorme profit • Il vous a également assujetti le soleil et la lune, qui, dans une perpétuelle rotation assurent, pour votre intérêt, l’alternance du jour et de la nuit • Et Il accède à toutes vos demandes et davantage encore avec une telle prodigalité qu’il vous serait impossible de dénombrer tous les bienfaits dont vous bénéficiez de Sa part, sauf que l’homme est profondément enclin à l’ingratitude et à l’injustice)[8] ; (Nous lui avons montré la voix, à lui de choisir s’il est reconnaissant ou ingrat).[9]

 

En toute logique, l’ingratitude va de pair avec les bienfaits divins, alors que, poussés dans leurs derniers retranchements, les tenants de la première thèse sont obligés d’admettre que les mécréants n’ont pas à être reconnaissants puisqu’à la base, aucun bienfait ne leur est prodigué. Il va sans dire que cette implication à laquelle ils ne peuvent échapper d’une manière ou d’une autre prend le contre-pied aux principes élémentaires de la religion. Le Coran, en effet, se polarise, tout au long de son discours, sur l’ingratitude, un penchant intrinsèque à l’Homme. En voici la démonstration : (Sans cesse, l’homme fait preuve d’ingratitude envers Son Seigneur • Il en fait l’aveu lui-même • C’est qu’il éprouve une exubérante cupidité pour les richesses de ce bas monde)[10] ; (Il suffit qu’on le prive d’une seule jouissance que Nous lui avons fait goûté pour que l’homme, ingrat, sois consterné et désemparé • Mais dès que, à la suite d’un malheur, Nous l’alimentons à nouveaux des jouissances, il se vante, infatué et plein de suffisance : mon malheur est derrière moi).[11]

 

Sâlih exhorta son peuple en se focalisant sur ce point : (Souvenez-vous que Dieu a fait de vous les successeurs de 'Âd sur terre où vous avez installé votre pouvoir, et que vous vous serviez des plaines pour y construire vos palais et des montagnes pour y sculpter vos demeures secondaires, alors faites preuve de reconnaissance sans vous rendre coupables des pires corruptions sur terre)[12] ; (As-tu songé à ces hommes qui ont accueilli les bienfaits d’Allah avec ingratitude et qui ont mené leur peuple à leur perte • Jetés dans la Géhenne, cet horrible lieu de séjour)[13] ; (Allah prend en exemple une cité paisible où, baignée dans la sécurité, coulait à flot les richesses en provenance de tous les horizons, mais, bientôt, elle renia les bienfaits de son Seigneur qui, en punition à son ingratitude, lui fit goûter aux affres de la faim et de la peur • Ses habitants ont bien reçu la présence d’un messager avec qui ils se sont comportés tels des injustes en reniant tout bonnement son message, alors un châtiment les a durement frappés).[14]

 

L’autre partie dans ce débat interne n’en démord pas moins, et elle le montre avec cet argument : (Là où cheminent les justes que Tu as comblé de Ta Grâce, loin des égarés et des damnées qui ont encourus Ta colère) ; ses tenants en concluent que les mécréants sont exclus de la Grâce divine, et ils n’ont donc pas droit à ce privilège conféré aux croyants, et que le Coran tient à rappeler : (Profitez pleinement des aliments sains que Nous vous prodiguons, mais sans vous livrer à l’iniquité déclenchant ainsi Ma Colère qui est terrible lorsqu’elle s’abat sur des iniques)[15] ; (Accrochez-vous tous ensemble à la corde d’Allah sans jamais vous livrer à la division, et souvenez-vous des bienfaits qu’Il vous a comblés lorsque les ennemis que vous étiez sont devenus des frères, par un effet de Sa Grâce, après avoir installé l’harmonie dans vos cœurs. De même qu’Il vous a empêché in extrémis de trébucher dans le gouffre de l’Enfer. C’est ainsi qu’Allah vous montre Ses Signes, ainsi serez-vous guidés sur le droit chemine)[16] ; (Et souvenez-vous des bienfaits qu’Allah vous a comblés, et du pacte que vous avez noué avec Lui, alors craignez Allah qui connait parfaitement le fond des cœurs).[17]

 

Les mécréants ne jouissent pas de la même attention de la part du Coran qui leur réserve un autre discours dont le ton n’est pas aussi bienveillant. S’il est question de « bienfaits » avec eux, c’est uniquement pour leur rappeler leur côté éphémère ; et de toute façon, ils ne sont pas les seuls à en profiter puisque les croyants leur partagent ce privilège, à la différence où ces derniers bénéficieront en plus des plaisirs éternels.

 

En outre, la présence des infidèles, et même des débauchés, rapporte des avantages considérables aux croyants. C’est en effet grâce à leur rébellion que la Guerre sainte fut instituée et que la morale publique (prescription du bien et proscription du mal) est en vigueur. Les démons parmi les djinns et les humains donnent l’occasion au fidèle, par le biais de cet antagonisme, de renforcer son zèle religieux, mais aussi sa vigilance afin de ne pas sombrer dans la tentation. L’animosité qui l’oppose aux forces du mal constitue un véritable stimulant le propulsant dans les hautes sphères de la piété, là où il cumulera les meilleures récompenses.

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] L'aube ; 15-17

[2] Rapporté par Muslim.

[3] La famille d'Imrân ; 178

[4] Les croyants ; 55-56

[5] Le bétail ; 44

[6] La plume ; 44-45

[7] Ibrâhîm ; 28-29

[8] Ibrâhîm ; 32-34

[9] L’homme ; 3

[10] Les coursiers ; 6-8

[11] Hûd ; 9-10

[12] Les remparts ; 74

[13] Ibrâhîm ; 28-29

[14] Les abeilles ; 112-113

[15] Tâ-Hâ ; 81

[16] La famille d'Imrân ; 103

[17] Le repas céleste ; 7

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 16:58

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Au nom d’Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux 

 

Les ouvrages malikites

Écrits à la manière des traditionalistes

Nouvelle version

 

Voici certaines grandes références malikites qui composèrent leurs ouvrages, selon le crédo des traditionalistes, ou pour reprendre un terme cher à el Maqrîzî, des salafis : si certains sont imprimés d’autres sont restés à l’état manuscrit. Néanmoins, ils restent intéressants dans la mesure où qu’il est faut dans l’absolu d’associer les malikites aux ash’arites ou aux soufis

 

1-                     L’Imam Mâlik lui-même (m. 179 h.) ; l’auteur d’el qadr wa e-radd ‘alâ el qadariya.

2-                    Son ami ibn Farrûkh (m. 175 h.) ; e-radd ‘alâ ahl el bida’.

3-                    ‘Abd e-Rahmân ibn el Qâsîm (m. 191 h.) ; risâla fî e-sunna.

4-                    ‘Abd Allah ibn Wahb (m. 197 h.) ; el qadar.

5-                    Asbagh ibn el Faraj el Masrî (m. 225 h.) ; e-radd ‘alâ ahl ahwâ.

6-                    ‘Abd el Mâlik ibn Habîb el Andalûsî (m. 238 h.) ; fadhâil e-sahâba.

7-                    Mohammed ibn Sahnûn (m. 256 h.) ; e-sunna, el hujja ‘alâ el qadariya,  et 6 autres ouvrages.

8-                    Ibn ‘Abd el Hakam (m. 268 h.) ; e-radd ‘alâ Bishr el Mirrîsî.

9-                    Abû Bakr el waffâr (m. 269 h.) ; e-sunna et e-risâla fî e-sunna.

10-                Yahyâ ibn ‘Omar el Kindî (m. 289 h.) ; e-ru-ya, el mîzân, e-radd ‘alâ e-shukûkiya, et e-radd ‘alâ el murjiya.

11-                Yahyâ ibn ‘Awn (m. 298 h.) ; e-radd ‘alâ ahl el bida’.

12-                Abû Zaïd el Qaîrawânî (m. 386 h.) ; usûl e-tawhîd, e-risâla, et 8 autres livres.

13-                Le grand Abû ‘Omar e-Talamankî (m. 429 h.) ; el usûl ilâ ma’rifa el usûl et 3 autres ouvrages.

14-                El Qahtânî et sa fameuse nûniya el Qahtânîya.[1]

 

Les facteurs à l’origine de la corruption de la croyance malikite au Maghreb

 

Le Mahdî ibn Tûmart (m. 524 h.)

 

À la tête de l’Empire des Muwahhidûn, il fut le premier homme à avoir corrompu la croyance malikite. De son vrai nom, Abû ‘Abd Allah Mohammed ibn ‘Abd Allah ibn Tûmart, il s’autoproclama le Mahdî. il avait des vues sur le pouvoir qu’il arracha à l’aube du cinquième siècle de l’hégire dans les terres du Maghreb. Avant cette période, il s’était rendu en Iraq pour enrichir sa culture religieuse. Il avait un ascendant pour l’ascétisme et la piété.

 

De retour au bercail, il conquit les cœurs de certains montagnards et incultes peu versés en l’Islam. Il leur donna quelques enseignements et s’autorisa même à leur montrer de faux miracles afin de les faire adhérer à sa conception de la religion. Il revendiqua notamment être le Mahdî annoncé par le Prophète (r) et ses adeptes lui vouaient une énorme considération. En raison des principes Ash’arites et philosophiques qu’il leur avait inculqués, ils firent impunément verser le sang des musulmans en attentant à la vie de milliers d’habitants de la région qui étaient fidèles au traditionalisme. Accusés à tort d’être des Mushabbaha (Assimilateurs) et des Mujassama (anthropomorphistes), ils en pâtirent de leur vie.[2] Ainsi, ibn Tûmart fut à l’origine de l’extension de la croyance Ash’arite en terre du Maghreb, qui baignait auparavant dans un climat Salafî.[3]

 

Abû el Qâsim el Qushaïrî et Abû Hâmid el Ghâzâlî

 

L’une des raisons indirectes, qui ont contribué à la corruption de la croyance malikite au Maghreb, est, à partir du cinquième siècle de l’hégire, la pénétration du soufisme dans les rangs de ses adeptes par l’intermédiaire de deux hommes : Abû el Qâsim el Qushaïrî et Abû Hâmid el Ghâzâlî.[4]

 

Abû Dharr el Harawî

 

Nous pouvons ajouter une raison à l’origine de l’expansion de l’ash’arisme jusqu’au détroit de Gibraltar, et qui a peut-être échappé à certains spécialistes. Dans siar a’lâm e-nubalâ, Dhahabî nous relate la biographie d’Abû Dharr el Harawî, qui, au dire d’Abû el Walîd el Bâjî, fut marqué par sa rencontre avec le dhî Abû Bakr el Baqallânî. Pourtant, aux dires d’ibn Taïmiya, celui-ci considéré comme le second fondateur de l’Ash’arisme.[5]

 

Voici en détail l’anecdote d’el Bâjî : « Le Sheïkh Abû Dharr [el Harawî] m’a informé qu’il penchait vers sa tendance. Je lui demandai alors : « D’où te vient ce penchant ?

-           Un jour, à Bagdâd, je me promenais avec le Hâfizh Dâraqutnî, et nous avons croisé Abû Bakr ibn e-Taïyib [el Baqallânî]. Le Sheïkh Abû el Hasan le serra alors dans ses bras et lui embrassa le visage et les yeux. Une fois que nous l’avons quitté, je me tournais vers lui pour lui demander : « Qui est-il pour que tu fasses en son honneur ce qui ne me serait jamais passé à l’esprit venant de toi, l’Imâm de notre époque ? » – C’est l’Imâm des musulmans, justifia-t-il, le défenseur de la religion, Abû Bakr ibn e-Taïyib el Qâdhî. »

 

Depuis ce jour, poursuivit Abû Dharr, je le visitais régulièrement avec mon père, et dans tous les pays du Khurasân et ailleurs que j’ai visités ; les traditionalistes les plus notoires suivaient tous, sans exception, sa tendance et sa voie. »[6]

 

Ainsi, d’obédience malikite dans le fiqh, el Harawî épousa le crédo ash’arite. Compté parmi les narrateurs du sahîh el Bukhârî, Il importa le kalâm à La Mecque où il prit résidence, et en devint le porte-parole à tous les pèlerins en provenance du Maghreb et de l’Andalousie venus pourtant étudiés le hadîth. Ces derniers dérogèrent ainsi à l’usage en vigueur chez les grands traditionalistes malikites avant eux, à l’instar d’Asîlî, Abû el Walîd ibn el Faradhî, Abû ‘Omar e-Talamankî, Makkî el Qaïsî, Abû ‘Amr e-Dânî, et enfin Abû ‘Omar ibn ‘Abd el Barr qui n’avaient jamais trempé dans le kalâm.[7]

 

Ainsi, ce flux migrateur (circuit initiatique) de l’Occident vers l’Orient eut, malheureusement, des contrecoups défavorables. Ibn Taïmiya fait remarquer que de grandes sommités maghrébines furent affectées par ce fléau. Abû el Walîd el Bâjî lui-même prit contact avec Abû Ja’far e-Samnânî. Partisan hanafite, il fut l’élève de… Abû Bakr el Baqallânî. Le grand dhî Abû Bakr ibn el ‘Arabî, fut influencé dans son voyage en Orient par el irshâd d’el Juwaïnî.[8] Rappelons qu’il était l’élève d’Abû Hâmid el Ghâzâlî, l’un des deux instigateurs à l’origine de l’essor du soufisme sur les côtes ouest de la Méditerranée. Il disait au sujet de son Sheïkh : « Si nous ne sommes qu’une goûte au milieu de son océan, nous ne faisons que le réfuter avec ses propres paroles. »[9] Aristote, l’un des pères fondateurs de la Logique formelle disait dans ce registre : « Ami de Platon, mais encore plus de la vérité. » Ibn el Qaïyim aura des paroles de ce genre envers Sheïkh el Islâm… Abû Ismâ’îl el Harawî, ne pas confondre avec Abû Dharr dont nous avons parlé plus haut.

 

Wa Allah a’lam !

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 



[1] Voir : takhîr tadwîn el ‘aqîda e-salafiya de ‘Abd e-Salâm ibn Barjas – qu’Allah lui fasse miséricorde –.

[2] Voir : Majmû’ el Fatâwâ (11/475).

[3] Voir : introduction de la recension de Kitâb el ‘Arsh (1/57-62) de l’Imâm e-Dhahabî (m. 746 h.) par le Docteur Mohammed ibn Khalîfa e-Tamîmî.

[4]Voir l’introduction à e-Risâla el Wâdhiha fî e-Rad ‘alâ el Ashâ’ira (1/38) d’ibn el Hanbalî, recension du Docteur ‘Alî e-Shibl. 

[5] Voir : Nash-a el Ashâ’ira wa Tatawwaruha (p. 320).

[6] Siar a’lâm e-nubalâ de Dhahabî (17/558).

[7] Siar a’lâm e-nubalâ de Dhahabî (17/557).

[8] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (2/101).

[9] Siar a’lâm e-nubalâ (10/8-9).

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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 08:31

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Le destin

(Partie 4)

 

Les lois universelles et les lois textuelles

 

[Les décrets d’Allah étaient inéluctables][1] : les décrets d’Allah en question sont les décrets universels, en sachant qu’il existe deux sortes de lois divines :

1-       Les Lois universelles : comme dans le Verset : [S’Il décide d’un ordre, il Lui suffit de dire : sois, et il est].[2]

2-       Les Lois textuelles : elle correspond aux obligations de la religion (l’adoration, la prière, l’aumône légale, l’obéissance aux parents, etc.). 

 

Les premières (qui relèvent de la Volonté décrétive d’Allah ndt.) s’accomplissent toujours, alors que les secondes (qui relèvent de la Volonté préceptive d’Allah ndt.) peuvent être contrecarrées dans le sens où les serviteurs peuvent désobéir à Dieu. C’est la différence qui existe entre ces deux sortes, et le Verset en question fait référence à la première. Autrement dit, tout ce qui existe dans l’univers fut décrété au préalable par Dieu.

 

[Alors qu’Allah vous a créés, vous et vous actes][3] : Il crée tout ce que vous faites. Ce constat va à l’encontre des qadarites mu’tazilites qui attribuent à l’homme une liberté absolue échappant à la Volonté décrétive d’Allah. Le problème, c’est qu’ils ne distinguent pas entre deux réalités, qu’il est pourtant facile de concilier ; soit, les créatures, en effet, sont les vrais auteurs de leurs actes, mais ceux-ci sont soumis à la création d’Allah.

 

[Nous avons créé toute chose selon une mesure][4] : ce Verset confirme ce crédo, étant donné que le Très-Haut a déterminé tout le bien et le mal qui se produit dans la création. Nous pouvons en dégager deux enseignements :

1-      Allah (I) est le Créateur de toute chose.

2-      Toute chose est soumise à Son décret antérieur.

 

La patience et la paix intérieure sont l’un des fruits de la croyance au destin

 

Il existe trois sortes de patience :

 

1-      Patienter face aux obligations.

2-      Patienter face aux interdictions.

3-      Patienter face au destin.

 

 La première sorte : patienter face aux obligations. L’âme est encline à la paresse et au repos. Il faut l’obliger à se soumettre à Allah à travers la prière, le jeûne, le djihad : des rituels qui peuvent sembler lourds pour elle.

 

La deuxième sorte de patience : patienter face aux interdictions. L’âme est prédisposée à transgresser les interdits et à s’abandonner aux plaisirs. Il incombe donc de la retenir par la force et de l’empêcher d’assouvir ses ambitions. C’est un effort qui n’est pas facile et qui réclame de la patience. Sans être armé de patience, on laisse le champ libre aux mauvais penchants qui vont prendre le dessus sur la raison.

 

La troisième sorte de patience : patienter face au mauvais destin et aux malheurs qui touchent l’individu (décès d’un proche, perte d’argent, maladie, etc.). Il faut prendre son mal en patience, et se résoudre à son sort qui fut décidé par Allah. Rien ne sert de crier, pleurer contre le sort, de s’arracher les joues et les vêtements pour exprimer son mécontentement.

 

En revanche, la patience n’est pas le remède des péchés, mais plutôt le repentir et la ferme résolution de ne plus récidiver. Or, contrairement aux péchés, l’homme n’a pas le pouvoir de repousser les malheurs qui lui surviennent. Allah les a écrits soit pour éprouver l’individu soit en punition à ses péchés, comme l’exprime le Verset : [Tout malheur qui vous survient est le fruit de vos actes bien que, pour beaucoup d’entre eux, Il n’en tienne pas rigueur].[5] Le musulman doit se montrer fort lorsqu’un drame touche sa personne, ses biens, ses enfants, ses proches ou l’une de ses connaissances. Allah (I) révèle : [Ceux qui, lorsqu’ils sont atteints par un malheur disent : nous sommes à Allah et c’est vers Lui que nous retournons • Ceux-là reçoivent les Prières de leur Seigneur et la Miséricorde ; ceux-là sont guidés sur le droit chemin].[6]

 

C’est de cette façon que le croyant accueille les événements difficiles. Il doit avoir la même réaction face aux obstacles qu’ils rencontrent dans la prédication, et sur lesquels il n’a aucun pouvoir. Le droit chemin est pavé d’embûches, il ne doit pas baisser les bras. Contrairement à certains qui, à la première épreuve, sont abattus. Ils abandonnent leur activité (enseignements, prédication, chaire du vendredi, imamat d’une mosquée, et même la propagation de la morale). Ils avancent l’excuse qu’ils ne sont pas obligés de s’investir dans ce genre d’actions pour en payer le prix lourd.

 

En cas d’erreur, il suffit de revenir à la vérité, mais quand on a raison, il faut rester sur ses positions en dépit des conséquences. Il faut garder entre les yeux qu’on agit pour Allah et qu’on sera récompensé pour ses efforts. Notre exemple est celui des prophètes qui endurèrent les pires difficultés, mais qui tendirent haut l’étendard du Tout-Puissant. Ils tinrent le coup jusqu’à ce que leur vint la délivrance.

 

En se soumettant au destin, on se libère des chaines du chagrin et du défaitisme

 

Le Prophète (r) cherchait refuge auprès d’Allah contre le chagrin (huzn) qui est un déplaisir dû à une cause passée et qui est irréversible. Ses invocations portaient également sur la peur de l’avenir (hamm).[7] On doit uniquement se concentrer sur le présent en mettant tout en œuvre pour arranger sa situation du moment. Vivre au jour le jour est la meilleure façon de s’appliquer dans son travail, et de fermer la porte aux soucis.

 

Le Prophète (r) nous oriente vers une invocation qui réclame de faire des efforts, soit pour concrétiser une ambition soit pour repousser un mal, tout en comptant sur la générosité du Seigneur. Les choses ne se font pas toutes seules. Il faut mettre la main à la pâte, mais cela n’empêche pas de se tourner vers Allah. Il faut associer l’action aux invocations. C’est valable aussi bien pour les choses de la vie courante que celles touchant à la religion. Le croyant demande au Seigneur de lui accorder la réussite dans son entreprise et de lui venir en aide. Le Prophète (r) préconise à ce sujet : « Veille à ce qui t’est utile, tout en comptant sur l’aide du Seigneur, mais sans baisser les bras. S’il t’arrive quoi que ce soit, ne dis pas : « j’aurais dû faire telle et telle chose », mais dis : « c’est le destin qu’Allah m’a écrit ». Car, avec des « si », on ouvre la porte à Satan. »[8]

 

D'un côté, le croyant prend soin de ses affaires et, d’un autre côté, il s’en remet à Dieu dans toutes les situations. Il ne s’avoue jamais vaincu, car il compte sur Son soutien. Le défaitisme en effet est une forme de fainéantise, qui est très néfaste pour l’individu. D’un autre côté, résigné, il tourne la page au passé et il se soumet au décret divin. Il arrive à conjuguer entre ces deux sentiments.

 

Ainsi, le destin se partage en deux : une partie qui est entre les mains de l’individu et sur laquelle il peut influer soit en recherchant un bien soit en évitant un mal, ou dans le pire des cas, en l’atténuant. Il a besoin de l’aide du Seigneur pour réaliser ses ambitions. L’autre partie ne dépend pas de sa volonté. C’est la raison pour laquelle il l’accueille avec résignation et apaisement. Il va sans dire qu’en tenant compte de ce principe, on fait un grand pas vers le bonheur.[9]

 

L’invocation est un doux remède pour affronter l’avenir

 

Une invocation (du’a) qui tient compte de l’avenir du musulman a été prescrite par le Prophète (r). Celle-ci constitue l’un des moyens les plus efficaces dans ce domaine. Voici son énoncé : « Ô Allah ! Arrange ma religion qui me sert de protection ! Arrange ma situation matérielle qui me permet de vivre ! Et arrange mon au-delà où se fera mon retour ! Que la vie me rapporte le plus de bien possible et que la mort me soulage de tout le mal possible ! »[10] Une autre invocation formule : « Ô Allah ! J’espère en Ta Miséricorde, alors ne me livre pas à mon propre sort ne serait-ce que le temps d’un clin d’œil ! Arrange toutes mes affaires, il n’y a d’autre dieu en dehors de Toi ! »[11] Le croyant se tourne vers cette du’a qui tient compte de son futur sur terre et dans l’au-delà. Il pèse chaque mot qu’il prononce avec une intention sincère. Puis, il lève les manches en comptant sur l’aide du Seigneur qui lui réalisera ses ambitions et qui changera son chagrin en joie.[12]

 

Conclusion

 

Le musulman est actif et il ne s’en remet nullement au destin qui peut dépendre de sa volonté ou non. Il se donne les moyens d’arriver à ses buts pour ses affaires qui touchent à la vie de tous les jours, mais aussi à celles qui touchent à la religion, et qui ne sont pas moins importantes. Selon une Loi universelle d’Allah, chaque entreprise qu’elle soit matérielle ou religieuse passe par des moyens. Par instinct, l’homme sait que les résultats sont le fruit de l’effort. Il n’est donc pas pertinent de négliger les œuvres pieuses sous prétexte que tout est écrit par avance. Le Paradis n’est pas gratuit, il est la consécration des efforts fournis sur terre pour plaire au Seigneur. En ne faisant pas ces efforts, non seulement on se prive tout seul du Paradis, mais, pire, on signe ainsi sa propre condamnation à l’Enfer éternel.

 

Il devient clair que notre sort dans la vie future ne dépend pas seulement de la prédestination, mais, avant tout, de nos efforts. Ce n’est pas parce que tout est écrit à l’avance qu’il ne faut rien faire. Le destin ne fait que prévoir les événements, mais chacun est responsable de ses actes. Le Paradis est prévu pour les bons et l’Enfer est pour les mauvais ; chacun choisit son camp !

 

Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

Par : Karim Zentici

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[1] Les coalisés ; 38

[2] Yâsîn ; 82

[3] Les rangées d’anges ; 96

[4] La lune ; 49

[5] La concertation ; 30

[6] La vache ; 156-157

[7] Le hadîth en question est rapporté par el Bukhârî et Muslim.

[8] Rapporté par Muslim (2664), ibn Qudâma (79), et Ahmed (2/370).

[9] Voir : les moyens utiles d’avoir une vie heureuse de Sheïkh e-Sa’dî.

[10] Rapporté par Muslim (2720).

[11] Rapporté par Abû Dâwûd (5090) et Ahmed (5/42).

[12] Voir : les moyens utiles d’avoir une vie heureuse de Sheïkh e-Sa’dî.

 

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 07:51

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Le destin

(Partie 3)

 

Les traditionalistes empruntent la voie du milieu

 

Les traditionalistes, pour le part, et pour ne pas changer à leurs habitudes, ont une tendance médiane en concédant à l’homme, en accord avec les qadarites, une liberté d’action, mais dans les limites de la Volonté divine, en accord avec les jabarites. Sheïkh el Islam ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Ils se trouvent au milieu entre les différentes tendances comme l’Islam est au milieu entre les autres croyances. »[1]

 

Il a dit également : « Leur tendance est médiane dans le domaine des Noms d’Allah (I) entre les mu’attila (les négateurs ndt.) jahmites et les mushabbiha (assimilateurs ndt.).[2]Leur tendance est médiane dans le domaine des Actions d’Allah (I)entre les qadarites (partisans du libre libre ndt.),[3] et les jabarites(déterministes ndt.).[4] Dans le domaine du mauvais devenir de l’homme (el wa’îd : la menace ndt.), ils sont entre les murjites[5] et les wa’îdiya[6] parmi les qadarites[7] et autres. Concernant les diverses catégories d’individus dans le domaine de la foi et de l’appartenance à la religion, ils sont entre les harûrites[8] et les mu’tazilites d’un côté et les murjites et les jahmites de l’autre. Concernant les Compagnons du Prophète (r), ils sont entre les râfidhiteset les kharijites. »[9]

 

En s’opposant ainsi aux deux tendances extrêmes, ils ne font que se conformer aux textes scripturaires des musulmans, le Coran et la sunna en l’occurrence. Ils disent, en un mot que l’homme choisit lui-même le mauvais chemin ; il en a le pouvoir et la volonté. Sinon, pour répondre aux jabarites, pourquoi mériterait-il d’aller en Enfer ?

 

Les textes ne s’accordent avec aucune des deux tendances opposées

 

Voici les preuves textuelles allant à leur encontre. Pour le Coran, nous avons le passage : [Pour celui d’entre vous qui veut suivre le droit chemin Mais vous ne le voudrez que si Allah le Seigneur de l’Univers le veut].[10] L’homme jouit de l’alternative de prendre le bon chemin ; il n’est soumis à aucun déterminisme. Il a le choix d’être croyant ou non ; une seule et même personne peut sombrer ou non dans la débauche, le vol, l’adultère, etc.

 

Le premier Verset répond aux jabarites qui contestent le libre arbitre, et le second prend à partie les qadarites qui contestent le destin.

 

Concernant la seconde référence, nous avons le hadîth de Jibrîl dans lequel ce dernier interrogea le Prophète (r) en ces termes : « Parle-moi de la foi.

-     C’est de croire en Allah, répondit-il, à Ses anges, à Ses Livres, à Ses prophètes, et au Jour dernier. Tu dois également croire au destin qu’il soit bon au mauvais. »[11]

 

Le destin comprend quatre étapes indispensables au crédo

 

Voici les quatre étapes du destin qui s’insèrent dans le crédo du musulman. Sans n’y donner foi, on n’a plus aucun lien avec l’Islam, car cela revient à renier l’un des piliers de la foi, le destin. Voici la preuve textuelle du sixième pilier de la foi : [Nous avons créé toute chose selon une mesure][12] ; Toute création d’Allah (I) est prédestinée et précédée par les étapes du destin que sont : le Savoir antérieur, l’écriture dans la Table gardée, et la Volonté divine. Elle n’est pas le fruit du hasard.

 

Ces quatre étapes du destin sont comme suit :

-     Le savoir antérieur.

-     L’écriture.

-     La Volonté.

-     La création.

 

La première étape : le savoir : Allah (I) sait toute chose que ce soit dans le passé infini (prééternel) ou dans le futur infini (postéternel). C’est cette étape que les qadarites ultras remettent en question. Rien n’échappe à Son Savoir ancien et prééternel (azalî) et postéternel (abadî). Il connait les événements avant qu’ils ne se produisent. En reniant cette étape du destin, on devient un apostat. 

 

La deuxième étape : l’écriture dans la Table gardée : Allah a écrit toute chose dans la Table gardée (lawh el mahzh), comme l’indique le hadîth : « La première chose qu’Allah (I) créa est la plume a qui Il ordonna : « Écris !

-     Que dois-je écrire, demanda-t-elle ?

-     Écris tout ce qui se passera jusqu’au jour de la résurrection. »[13]

 

Rien n’est négligé comme le souligne le Verset : [Tous les malheurs qui surviennent sur terre ou qui touchent vos personnes sont consignés dans un livre avant que Nous les ayons créés ; cela est, pour Allah, très facile].[14] Le livre en question est le lawh el mahzh. Il consigne toute chose avant son existence. Un autre hadîth va dans ce sens : « Allah décréta le destin des hommes cinquante mille ans avant la création de la terre et des cieux ; Son Trône était sur l’eau. »[15] Tout fut scellé cinquante mille ans avant la création de notre univers. En disant qu’Allah connait toute chose, mais qu’Il n’a rien écrit dans la Table gardée, on devient apostat, car cela revient à renier cette étape.

 

La troisième étape : la Volonté d’Allah : toute chose est soumise à la Volonté d’Allah (mashî-a). Rien dans Son Royaume ne se produit sans qu’Il ne le veuille, contrairement aux allégations des qadarites. En voici la preuve : [Si Allah l’avait voulu, ils ne se seraient pas entretués, mais Allah fait se qu’Il entend][16] ; [Allah fait ce qu’Il veut].[17] Tout ce qu’Allah souhaite est enregistré dans le lawh el mahzh avant de se réaliser. Rien ne se produit sans Sa Volonté. L’étape de la mashî-a vient juste avant celle de la création. Quand Allah (I) veut une chose, elle sort immédiatement du néant. En disant que les événements se produisent sans qu’intervienne la Volonté d’Allah ou contre Sa Volonté, on devient mécréant. 

 

La quatrième étape : la création  qui est l’aboutissement des trois étapes précédentes (le savoir, l’écriture, et la Volonté). Allah (I) est le Créateur de toute chose. Il suffit qu’Il en émette la volonté pour la faire exister. Toute chose est donc soumise à Sa création. Les actes des hommes et ce qui en découle sont de ce registre. Autrement dit, ils entrent dans la création d’Allah. Chaque chose vient à son moment conformément au décret préalable d’Allah (Y).

 

Comment conjuguer entre la prédestination et le libre arbitre ?

 

Personne n’est à même de passer outre le destin qui lui fut prescrit. Les mu’tazilites accordent à la créature une volonté débordante et sur laquelle le Créateur n’aurait aucun pouvoir. En réalité, l’individu est mis à l’épreuve. C'est pourquoi il jouit d’une liberté d’action dans des limites déterminées, et devra rendre des comptes sur tous ses faits et gestes.

 

Or, il n’a rien d’autre en mains que de faire les « causes », et les résultats et les fruits reviennent au Tout-Puissant. Parfois, ses péchés le rattrapent. C’est ce qui explique certains malheurs auxquels il est confronté. En règle générale, qui sème le bien récolte le bien et qui sème le mal récolte le mal. C’est le Coran qui nous l’apprend : [Quant à l’homme qui donne aux autres qui craint Dieu et qui donne foi à la promesse  Nous lui faciliterons le bon chemin   Quant à l’avare qui est plein de suffisance Et qui dément la promesse  Nous lui faciliterons le mauvais chemin].[18] En se donnant les moyens de prendre le bon chemin, on reçoit le soutien d’Allah en plus de la récompense. Il est possible également que le Tout-Puissant laisse faire les mauvaises actions en vue de punir leurs auteurs. Les mauvaises intentions ne rapportent rien de bon : [Quant à l’avare qui est plein de suffisance Et qui dément la promesse Nous lui faciliterons le mauvais chemin].[19]

Les faux prétextes n’ont pas leur place. Selon certains, à quoi bon faire des œuvres si nos places sont déjà écrites à l’avance. Ce genre de réaction est inadmissible, sinon, il faudrait avoir le même raisonnement avec tout le reste. Ils n’ont qu’à s’assoir tranquillement jusqu’à ce que leur vienne leur nourriture. Mais, ils ne peuvent le faire, car c’est contraire à la nature humaine. L’instant de survie se déclenche également lorsqu’on subit une agression. Personne ne dit qu’il faut rester passif sans se défendre ou se venger de son agresseur ! Selon une loi universelle, il n’y a pas d’effet sans cause. Le monde animal nous montre la voie. L’oiseau n’attend pas que sa nourriture lui vienne dans son nid. Il est programmé pour bouger et faire des efforts pour échapper à la faim : [Tiens ton visage sur la religion fidèle à Allah ; la nature qu’Allah a insufflée à l’homme, rien ne peut changer la création d’Allah].[20] [Il est Celui qui a donné à toute création la forme qui lui convient, et qui l’a guidé ensuite].[21]

 

Cet argument infondé a montré ses limites. Non seulement il s’oppose aux textes du Coran et de la sunna, mais également à la nature humaine. Il incombe au musulman de suivre le bon chemin, et, dès qu’il glisse, de revenir à Dieu. Il en a la faculté et l’alternative. Dans l’éventualité où pour une raison ou une autre, il est retenu par l’incapacité d’agir, Allah ne lui en tiendra pas rigueur. En revanche, la fainéantise, qui est une forme de négligence, n’est pas une excuse en soi. Il y a donc une différence entre l’incapacité, qui est une forme d’impuissance, et la fainéantise.

 

Personne ne peut échapper à son destin, mais cela ne veut pas dire qu’il faut rester les bras croisés. Nous avons le devoir de mettre en avant les causes, tandis que les résultats sont entre les Mains du Très-Haut. Il est possible de ne pas voir les fruits de ses efforts ; l’essentiel est d’œuvrer. Le Messager d’Allah (r) nous dit bien : « Le croyant fort est meilleur et plus aimé par Allah que le croyant faible, mais il y a du bien chez tous les deux. Veille à ce qui t’est utile, tout en comptant sur l’aide d’Allah, mais sans baisser les bras. S’il t’arrive quoi que ce soit, ne dis pas : « j’aurais dû faire telle et telle chose », mais dis : « c’est le destin qu’Allah m’a écrit. »[22]

 

Les résultats ne nous appartiennent pas. Rien ne sert de pleurer sur son sort en cas d’échec. Nous devons nous dire qu’Allah nous réserve mieux, que, finalement, ce n’était pas la meilleure affaire, et qu’heureusement, Il nous a épargnés d’un malheur.

 

Cinquante mille ans avant la création de notre Univers, Allah ordonna à la Plume d’écrire dans la Table gardée tous les événements qui se produiront jusqu’à la fin du monde.[23] À cette époque, Son Trône était sur l’eau. Tout ce qui a été prédit a obligatoirement lieu, mais cela n’empêche pas de mettre en œuvre les causes, sans se reposer sur le destin. Il n’est pas raisonnable de rester à rien faire ! L’Islam l’interdit absolument. La Plume n’a fait que retranscrire ce que chacun d’entre nous allait faire, mais, au même moment, nous devons nous donner les moyens d’arriver à nos objectifs. S’il est écrit que j’aurai un enfant, c’est que je devais me marier. Il n’y a pas d’effet sans cause. Si mes projets avortent, je n’aurai aucun regret, car je sais que j’ai mis tous les moyens en œuvre pour les mettre à terme. C’est sûrement un mal pour un bien !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 



[1] El fatâwâ (4/140).

[2] Ils reconnaissent les Noms et les Attributs divins à outrance au point de faire ressembler Allah à Ses créateurs. (N. du T.)

[3] Ils dénient qu’Allah puisse avoir une action quelconque sur le libre arbitre des êtres humains. En d’autres termes, ils prétendent qu’Allah ne crée pas les actions de l’homme (N. du T.)

[4] Ils reconnaissent l’action d’Allah sur l’homme à outrance à tel point de dire que ce dernier n’a aucun libre arbitre, et qu’Il est entre les Mains d’Allah comme un automate. (N. du T.)

[5] Ils assument que l’auteur des grands péchés va directement au Paradis sans passer éventuellement par un séjour en Enfer. (N. du T.)

[6] Ce sont les kharijites et les mu’tazilites. Ils disent que l’auteur des grands péchés séjourne éternellement en Enfer. (N. du T.)

[7] Ces derniers n’admettent pas qu’Allah puisse à la fois être le créateur des actes de l’homme et à la fois le châtier en Enfer. Comme ils pensent que cela est une forme d’injustice, ils ont tous simplement renié le Pouvoir d’Allah sur les actions de l’homme en disant que l’homme crée ses propres actions. Ils sont comparables ainsi aux manichéens, ceux qui croient au Dieu du bien et au Dieu du mal. (N. du T.)

[8] Une secte des kharijites ayant pris pour repaire sous le Khalifat d‘Alî, la montagne de Harûra en Iraq. (N. du T.)

[9] Majmû’ el fatâwâ (3/141).

[10] Quand le ciel sera ployé ; 28-29

[11] Rapporté par Muslim (8), selon ‘Abd Allah ibn ‘Omar – qu’Allah les agrée son père et lui –.

[12] La lune ; 49

[13] Rapporté par Abû Dâwûd (4700), e-Tirmidhî (2155), et Ahmed dans el musnad (22707), selon ‘Ubâda ibn e-Sâmit (t).

[14] Le fer ; 22

[15] Rapporté par Muslim (2653).

[16] La vache ; 253

[17] Le pèlerinage ; 18

[18] La nuit ; 5-10

[19] La nuit ; 8-10

[20] Les Romains ; 30

[21] Tâ-hâ ; 50

[22] Rapporté par Muslim (2664), selon Abû Huraïra (t).

[23] La Table gardée est le registre dans lequel est enregistré le destin général, mais il existe également des destins particuliers extraits de l’écriture antérieure. Ex. : le quatrième mois, l’âme est insufflée à l’embryon avec la venue de l’ange qui reçoit l’ordre d’écrire quatre choses : ses œuvres, sa durée de vie, sa richesse, et son devenir (heureux ou malheureux).

 

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 14:56

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Le destin

(Partie 2)

 

La chronologie de la prédestination

 

Dans son ouvrage shifâ el ‘alîl fî el qadhâ wa el qadar wa el hikma wa e-ta’lîl, ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – recense à un certain nombre de textes en relation avec ce sujet (notamment ceux ci-dessus) et il en fait une synthèse en disant : « Il s’agit du destin journalier qui vient après le destin annuel, qui, lui, vient après le destin personnel ».

 

-           Le premier est déduit du Verset : [Chaque jour, Il est à l’ouvrage].

-           Le deuxième est déduit du Verset : [Cette nuit-là, tout ordre sage est tranché].[1]

-          Le troisième est déduit des hadîth qui parlent de la conception de l’enfant dans le ventre de sa mère.

 

Voici le passage en question en entier : « Il s’agit du destin journalier qui vient après le destin annuel, qui, lui, vient après le destin personnel ayant lieu le jour où l’âme entre en contact avec le corps ; celui-ci vient également après la première étape de sa formation à l’état d’embryon ; celui-ci vient après le destin antérieur à son existence, mais pas avant la création des cieux et de la terre ; c’est celui venant après qui est antérieur à leur création de cinquante mille ans. Chacun d’eux est la version détaillée du destin antérieur. Tous mettent en lumière la perfection du Savoir, de la Puissance, et de la Sagesse du Seigneur, et ils familiarisent un peu plus les anges et les pieux serviteurs avec Lui et Ses Noms. »

 

Puis, il enchaine : « Tous ces hadîth et ceux qui vont dans leur sens s’accordent à dire que le destin antérieur n’empêche nullement d’agir ni ne pousse à se reposer dessus. Il encourage plutôt à redoubler d’efforts. C’est pourquoi, lorsqu’un Compagnon en eut connaissance, il s’exclama : « Je n’ai jamais été autant motivé qu’aujourd’hui ! »

 

Abû ‘Uthmân e-Nahdî s’adressa à Salmân en ces termes : « Moi, je suis encore plus heureux de savoir qu’il y a une écriture antérieure que d’assister à sa concrétisation. »

 

Autrement dit, Allah décréta dans Sa prescience qu’il aura tel destin ; Il le lui facilita et Il le prépara pour y arriver. Il fut donc plus heureux de savoir qu’Il lui avait prédestiné tel destin que de connaitre les causes à l’origine de sa concrétisation. »[2]

 

« celui-ci vient également après la première étape de sa formation à l’état d’embryon » : il fait allusion au passage de Hudhaïda ibn Usaïd disant : « Une fois que la nutfa (goutte de sperme ndt.) est fixée dans l’utérus après quarante ou quarante-cinq nuits, l’ange lui rend visite. » En revanche, dans le hadîth d’Abd Allah ibn Mas’ûd, cette visite a lieu au moment de lui insuffler l’âme. Nous sommes donc confrontés à une divergence chronologique entre les deux textes.

 

 « celui-ci vient après le destin antérieur à son existence, mais pas avant la création des cieux et de la terre » : il parle du destin général qui est antérieur à la création des hommes et qui est extrait de la Table gardée, comme le confirme l’anecdote d’Adam précédemment citée, et dans laquelle Allah prédit pour sa descendance : « Ceux-là sont pour le Paradis, et ceux-là sont pour l’Enfer » Ce destin vient après la création des cieux et de la terre, car c’est à cette période qu’Adam fut sorti du néant, comme en témoigne le hadîth selon lequel Allah passa Sa Main droite sur le dos d’Adam (u), et d’où Il sortit sa descendance. 

 

« c’est celui venant après qui est antérieur à leur création de cinquante mille ans » : c’est la première écriture qui correspond au destin général.

 

Ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – a eu le génie de nous reconstituer toutes les étapes du destin en regroupant et en recoupant tous les hadîth sur le sujet avec une précision incroyable. Il nous apprend que tous les destins ultérieurs au premier registre qui se trouve dans la Table gardée en sont les écritures détaillées. Celles-ci sont d’une précision impeccable et elles ne se trompent jamais. Elles mettent en lumière la perfection du Savoir, de la Puissance, et de la Sagesse du Seigneur (I). Ce dernier les mit à la connaissance de Ses créatures afin qu’ils se familiarisent avec Lui et qu’ils s’attachent à Lui davantage. Ils pourront ainsi reposer leurs espoirs en Lui, redouter Son courroux et L’adorer de la plus belle façon.

 

Il en va de leur intérêt qu’ils sachent dans les moindres détails comment se décompose le destin afin qu’ils apprennent à connaitre le Seigneur qu’ils adorent. Qu’ils aient accès à une partie de Sa Sagesse infuse, de Ses lois cachées et des raisons de la création. Toutes ces réponses sont dans les textes du Coran et de la sunna traitant du sujet. Ceux qui les veulent se distingueront ainsi des animaux qui ignorent la raison pour laquelle ils sont sur terre. C’est ce qui explique le passage : « Tous mettent en lumière la perfection du Savoir, de la Puissance, et de la Sagesse du Seigneur, et ils familiarisent un peu plus les anges et les pieux serviteurs avec Lui et Ses Noms. »

 

« Tous ces hadîth et ceux qui vont dans leur sens s’accordent à dire que le destin antérieur n’empêche nullement d’agir ni ne pousse à se reposer dessus » :Tous ces hadîth, en effet, font mention des actes, ce qui veut dire qu’ils ne vont pas en contradiction avec le destin. Allah (Y) dota à l’homme la volonté et la capacité. Puis, dans Son infinie Bonté, Il lui montra le bon et le mauvais chemin et le laissa choisir entre les deux. Il ne lui est pas demandé d’être un simple spectateur, mais plutôt d’agir. La connaissance de toutes ces choses incite à redoubler d’efforts dans le bon sens et à se détourner du mauvais chemin.

 

« C’est pourquoi, lorsqu’un Compagnon en eut connaissance, il s’exclama : « Je n’ai jamais été autant motivé qu’aujourd’hui ! » : Les Compagnons (y) étaient perspicaces. Quand ils apprirent que le destin était préécrit, ils devinrent plus entrain à faire le bien, sans jamais, par défaitisme, se reposer sur leurs lauriers.

 

Le sixième pilier de la foi

 

Le destin relève des mystères divins. Allah a prédestiné toute chose qui soit déjà dans l’existence ou non. Tous les événements et créations jusqu’à la fin du monde ont été écrits par avance dans la Table gardée (lawh el mahzh) : [Nous avons créé toute chose selon une mesure].[3] Notre sort n’est pas le fruit du hasard : [Tous les malheurs qui surviennent sur terre ou qui touchent vos personnes sont consignés dans un livre avant que Nous les ayons créés ; cela est, pour Allah, très facile].[4] En d’autres termes, Nous avons consigné toute chose dans le lawh el mahzh avant de la sortir du néant.

 

Aux deux extrêmes opposés, nous avons les qadarites et les jabarites

 

Cette question, comme tant d’autres, créa des dissensions au sein des musulmans et engendra deux extrêmes : les qadarites et les jabarites.

 

Les qadarites, qui sont les mu’tazilites, renient le destin. Les adeptes de Wâsil ibn ‘Atâ doivent leur nom à l’anecdote selon laquelle ils s’isolèrent de l’assise d’el Hasan el Basrî – qu’Allah lui fasse miséricorde –. Il s’était constitué en groupe et adoptèrent une nouvelle conception du tawhîd qui prenait ses distances avec le traditionalisme. Même dans le domaine de la foi, ils innovèrent leurs propres fondements qui sont connus sous le nom des usûl el khamsa, et que voici :

 

1- L’unicité : ils entendent par là, la négation des Attributs, car les reconnaitre, selon eux, cela revient à avoir plusieurs divinités. C’est ce qui les pousse à taxer de polythéistes tous ceux qui adhèrent aux Noms et Attributs divins.

 

2- La justice : par laquelle ils renient la prédestination qui serait, à leurs yeux, une forme d’injustice. Comment le Très-Haut pourrait-ils, à leurs yeux, châtier un homme dont le destin aurait déjà été scellé à l’avance ?

 

3- La morale : ordonner le bien et interdire le mal qu’ils confinent dans la révolte contre les autorités en place qui font régner la débauche, mais sans sortir des limites de l’Islam. La morale se concrétise donc dans les coups d’État.

 

4- Le statut intermédiaire : (manzila baïna el manzilataïn) c’est à cause de cette question qu’ils rompirent avec Hasan el Basrî – qu’Allah lui fasse miséricorde –. Ce dernier avait été questionné sur le statut de l’auteur d’un grand péché. « C’est un croyant ayant une foi faible » établit-il. Sa réponse ne dérogea pas au crédo traditionaliste qui s’oppose à deux tendances extrêmes : les kharijites pour qui il est mécréant, et les murjites qui voient en lui un croyant ayant une foi pleine. Nous disons donc qu’il est croyant en raison de sa foi et pervers en raison de son péché. Ces sectateurs se firent connaitre par cette tendance qu’ils innovèrent.

 

5- L’exécution de la menace divine : à leurs yeux, quand on entre en Enfer, c’est pour y rester à jamais. Les auteurs des grands péchés n’auraient pas le droit d’en sortir, car on ne peut à la fois mériter le châtiment et la récompense divine.

 

 

 

Le principe de justice chez les mu’tazilites

 

Ici, nous nous attelons au second principe, la justice.

 

Nous disions donc que la justice, selon le concept mu’tazilite, revenait à renier la prédestination. Notons tout d’abord que tant les qadarites et les jabarites sont dans l’erreur ; l’un étant à l’extrême opposé de l’autre.

 

Les qadarites reconnaissent le libre arbitre à outrance, mais cela leur demande de renier le Décret divin qui fut inscrit au préalable dans la Table gardée (lawh el mahzh). Ainsi, l’homme aurait une totale liberté sur ses faits et gestes, et le hasard tiendrait une grande place dans son devenir. Les ultras vont jusqu’à remettre en question qu’Allah (I) puisse connaitre une chose avant qu’elle ne se produise. Ils s’attaquent ainsi à Son Savoir antérieur ; il va sans dire qu’ils n’ont plus aucun lien avec l’Islam. La majorité d’entre eux, cependant, ne vont pas aussi loin. Ils disent simplement qu’Il n’a rien prédestiné, et qu’une chose peut se produire sans Sa Volonté, bien qu’Il soit au courant de tout ce qui va se passer. Dans el wâsitiya, Sheïkh el Islam ibn Taïmiya souligne que les ultras avaient, à son époque, disparu ou presque. La tendance de la majorité est encore en vogue aujourd’hui.

 

S’ils furent baptisés de qadarites, c’est qu’ils renient le destin (qadar) qui pourtant est le sixième pilier de la foi. Ils accordent une importance excessive au pouvoir de l’homme, et s’opposent rigoureusement à toute ingérence divine.

 

La conception du destin chez les jabarites

 

Pour les jabarites (déterministes), qui comptent notamment les jahmites et leurs disciples, c’est le contraire. Ils mettent trop l’accent sur le destin et la Volonté divine, et ils oublient d’attribuer à l’homme la moindre prérogative. Selon eux, l’homme n’aurait aucun rôle dans tous ses faits et gestes. Il serait comme une feuille qui irait là où le vent l’entrainerait ou comme un mort entre les mains de celui qui ferait son lavage. L’excès dont ils font preuve dans leur adhésion au destin les a fait sombrer dans un déterminisme outrancier, et à qui ils doivent leur nom de jabarites.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/



[1] La fumée ; 4

[2] shifâ el ‘alîl fî el qadhâ wa el qadar wa el hikma wa e-ta’lîl.

[3] La lune ; 49

[4] Le fer ; 22

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