Le mythe de la race supérieure
Nous sommes habitués aujourd'hui à juger les Arabes d'après les tristes échantillons que nous offrent les habitants de la Syrie, de l'Égypte et de l'Algérie, avilis par tous les mélanges et toutes les servitudes ; mais c'est évidemment au berceau même du peuple arabe qu'il faut aller les étudier pour en avoir une idée bien nette. L'auteur que je citais à l'instant (Palgrave), et qui a vécu longtemps parmi eux, les considère comme une des plus nobles races de la terre, et ajoute :
« J'ai dit « une des plus nobles races de la terre » ; les Arabes des villes méritent en effet cet éloge. J'ai beaucoup voyagé, j'ai eu des relations fréquentes avec des peuples bien divers, Africains, Asiatiques, Européens, et très peu me semblent dignes d'être placés au-dessus des habitants de l'Arabie centrale. Ces derniers pourtant parlent la même langue que les nomades du désert, le même sang coule dans leurs veines ; mais quelle distance les sépare ! »
Gustave Le Bon
La hiérarchie des races est devenue un sujet épineux depuis la mauvaise expérience du nazisme qui tire son origine dans la philosophie matérialiste post-Révolution française sur fond de darwinisme. Sa formulation extrême est exprimée dans l’eugénisme qui n’est qu’un avatar du darwinisme. Ainsi, les Occidentaux incarneraient la race supérieure à même de mener les peuples du monde vers la plénitude et l’excellence humaine. Depuis Nuremberg, la chose est présentée autrement. L’ère du mondialisme change de fusil d’épaule. On ne purge plus les faibles de leurs richesses au nom de la suprématie de la race blanche, mais, plus romantique et sans cynisme, au nom des valeurs communes et universelles que partagent les hommes, ou quand l’Humanisme part en croisade !
- Grand-mère, que vous avez de grandes dents ?
- C’est pour mieux te couver ma fille.
Bien sûr, pour se dédouaner de son incartade, l’Occident matérialiste ne se contente pas de jeter la pierre sur le nazisme allemand ou le fascisme italien, voire espagnol, ces dernier bastions résistants à la vague briseuse des verrous des Nations. Non, tout en gardant un œil sur ces dangers qui le guettent, il jette désormais son dévolu sur les religions résiduelles, avec en tête, l’Islam et son corollaire arabe, le panarabisme, cet outil de dé-islamisation du pourtour méditerranéen. Les exactions hitlériennes furent le prétexte approprié pour restituer au peuple Élu la terre où coulent le lait et le miel, grâce à cette Alliance éternelle qui fut garantie par la générosité des scribes ayant rajouté à leur sombre carquois l’adjectif « éternelle », n’en déplaise à Karim Hanifi.
En Islam, contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de notion de race supérieure ni d’Alliance éternelle qui serait liée à la promesse d’une terre offerte à une race favorite, mais d’une alliance, tout comme le précise d’ailleurs la Bible, qui est conditionnée à la fidélité à la Loi de l’Éternel. Une menace terrible pèse, comme un leitmotiv, sur tous les contrevenants trahissant ce pacte scellé entre Dieu et les croyants. Le privilège que reçurent les Arabes fut d’incarner la culture référentielle de la Révélation universelle en gestation. Ils eurent le mérite de véhiculer l’ultime alliance au reste du monde. En outre, les éléments de la race arabe originelle furent les porteurs de la religion naissante pendant deux cents ans tout au plus, période qui correspond à l’âge d’or musulman. Par la suite, pour des raisons naturelles d’expansion, la notion même « d’arabe » a évoluée. Au contact des autres civilisations, elle ne se basait plus désormais sur le seul critère du sang, mais sur celui de la Langue et de la culture. Après avoir mené leur mission à bien, les Arabes, sortis de la scène, ne jouissent plus d’aucun privilège en particulier, en dehors de ceux que leur a concédé les textes scripturaires de l’Islam, tel que l’entretien de l’Enceinte sacrée, le Khalifat suprême qui est actuellement absent, et le cinquième du butin aux hachémites, ce qui, actuellement, n’est pas en vigueur.
Ainsi, en Islam, il n’est pas question de race supérieure aux privilèges illimités, aux dépens et sur le dos des autres nations, mais de mérites qui sont ponctuels et circonscrits à leurs dignes auteurs. L’hégémonie musulmane fut motivée par des raisons religieuses, non raciales, bien que ses représentants fussent majoritairement, du moins pour un temps, des Arabes. Si ces deux choses indissociables qui les lient forment un privilège, il demeure circonstanciel et conditionné à la fidélité de la Loi de l’Éternel, non dans l’absolu. Nous sommes loin du mythe de l’Alliance éternelle et inconditionnelle basée sur des critères raciaux et territoriaux, bien que l’amalgame soit de taille !
Par : Karim Zentici
Annexe
De même que les autres Arabes dont nous avons parlé jusqu'ici, ceux de l'Afrique se divisent en nomades et en sédentaires ; mais les nomades et surtout les sédentaires représentent aujourd'hui le produit des mélanges bien complexes. Dans les villes du littoral, les populations que nous qualifions d'arabes sont le produit du mélange de tous les peuples : Carthaginois, Romains, Vandales, Grecs, Berbères, Arabes, Turcs, Européens, Nègres, qui depuis des siècles se sont rencontrés sur ce littoral et dans ces régions. J'ai trouvé sur le littoral de l'Afrique septentrionale tous les types qu'on pourrait imaginer entre le Nègre du Soudan et l'Apollon du Belvédère. Aussi faut-il renoncer à rattacher les Arabes de l'Algérie à un seul type ou même à une demi-douzaine de types comme l'a fait récemment une anthropologiste qui les avait examinés d'une manière fort superficielle.
L'Arabe de l'Algérie n'est en réalité qu'un véritable métis[1], et nous devons nous attendre à trouver en lui toutes les qualités inférieures des métis. Les habitants sédentaires des villes sont les produits du mélange de tous les peuples cités plus haut, produits dégénérés par toutes les dominations qui ont pesé sur eux. Moins mélangés, et partant bien moins dégénérés, les nomades se rapprochent des véritables Arabes nomades des autres contrées et comme eux sont réfractaires à toute civilisation.
Sédentaires ou nomades, toutes ces populations ont un sentiment commun : une haine profonde, pas toujours sans fondement, des Européens qui les dominent. L'indigène, que nous décrivons comme indolent, contemplatif, peu industrieux, vivant au jour le jour, humble ou arrogant suivant les circonstances, sacrifiera tout ce qu'il possède et compromettra sa vie dans chaque insurrection pour tâcher de se débarrasser de ses envahisseurs. On arrivera peut-être à détruire méthodiquement l'Arabe de l'Algérie par des moyens analogues à ceux employés par les Américains pour exterminer les Peaux-Rouges ; mais, ce qui me semble absolument certain, c'est que l'Européen ne réussira jamais à se l'assimiler. Deux races aussi dissemblables ne pourront jamais vivre en paix sur le même sol. C'est là une opinion que l'on évite habituellement de consigner dans les livres, mais que j'ai entendu professer en Algérie par tous les observateurs consciencieux. Je la partage moi-même entièrement.
Gustave Le Bon
[1] Suivant MM. Carthez, sur les deux millions cinq cent mille musulmans d'Algérie (Arabes, Turcs, Berbères), il n'y aurait que deux cent mille Arabes purs. La race la plus nombreuse est constituée par les Berbères ou Kabyles, qui sont au nombre de un million quatre cent mille environ.