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24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 19:08

Est-il permis d’utiliser « Dieu » pour parler d’Allah ?

(Partie 2)

La définition de Dieu dans les dictionnaires français

L’Être suprême est la définition récurrente que l’on trouve dans les dictionnaires français. Pour Quillet, il est le créateur et conservateur de l’univers. En ce sens, le mot n’a pas de pluriel et s’écrit avec un D majuscule. Le même ouvrage distingue entre Dieu et dieu qui se met au pluriel et au féminin et qui désigne un être surhumain adoré dans les religions polythéistes. Le Larousse fait exactement la même distinction entre Dieu en tant que divinité absolue et dieu sans majuscule qui renvoie à une divinité du paganisme.

Le domaine de l’information (dont fait partie la traduction qui est également une forme d’exégèse) est plus vaste que celui des Noms et Attributs divins

Les trois domaines des Noms et Attributs divins

  1. Le domaine des Noms : chaque Nom renferme un Attribut et une action qui sont sur la même racine. Ex. : Allah est Entendant, Il est doté de l’ouïe, et Il entend, mais l’inverse n’est pas vrai. En cela, les domaines des Attributs et des actions sont plus vastes que celui des Noms. Il est donc permis d’attribuer à Allah le Nom et l’Attribut en question, et de l’utiliser pour parler de Lui (le domaine de l’information).
  2. Le domaine des Attributs : il existe des Actions sur la racine desquels il n’est pas possible de former un Nom. Ex. : Allah veut et Il est doté du Vouloir, mais il n’existe aucun Nom à base de cette racine. Néanmoins, il est possible de qualifier Allah avec l’Attribut qui en découle. Il est donc permis de l’utiliser pour parler de Lui dans deux domaines (Attribut et information). Notons qu’en eux-mêmes, ces Attributs n’ont aucune connotation laudative. C’est le contexte qui décidera s’ils le sont ou non. En l’occurrence, affiliés à Allah, ils ne peuvent être que laudatifs. Certaines actions interviennent dans un contexte de réaction aux mauvais agissements des mécréants et de punition (ex. : la ruse). Il n’est pas possible de former un Nom divin à partir d’eux. Nous devons les évoquer dans le même contexte qu’ils sont venus dans le Coran, non dans l’absolu. Nous n’avons pas le droit de dire qu’Allah ruse, mais qu’Il ruse avec ceux qui rusent ; les mécréants et les hypocrites en l’occurrence.
  3. Le domaine de l’information : certaines actions exprimées par le verbe « faire » ou autres ne relèvent ni du domaine des Noms ni du domaine des Attributs, mais uniquement dans celui de l’information. Nous nous tenons donc aux textes. En cela, le domaine des informations est le plus vaste des trois.[1]

Ainsi, en principe seuls les textes attribuent ou défendent d’attribuer à Allah des noms et attributs. Il est strictement interdit pour Le décrire d’utiliser n’importe quel nom ou attribut dont les textes ne font pas mention.[2] Concernant le domaine de l’information, nous pouvons recenser deux tendances au sein des traditionalistes. Pour les uns, notamment Na’îm ibn Hammad el Khuzâ’î, el Bukhârî, Abû Bakr ibn Khuzaïma, ibn ‘Abd el Barr il est tawqîfî dans le sens où ils interdisent de sortir des textes pour parler d’Allah.[3] Les autres ont autorisé à utiliser des termes comme shaï, mawjûd, el qâim bi nafsihi, el haraka, bi thâtihi, bâin ‘an khalqihi, etc. tout en interdisant de former des noms et attributs à partir d’eux. Ces fameux termes sont de deux types : des termes aux connotations purement laudatives et des termes, qui, en eux-mêmes, ne veulent rien dire. L’essentiel en les utilisant, c’est de connaitre les réelles intentions de leur auteur, et qu’ils conviennent en l’occurrence pour décrire Allah.[4]

Cette tendance est celle de la plupart des anciens qui ont recours à ce procédé. En sachant que la signification du terme choisi doit avoir reçu l’aval de tous dans ce qu’il est permis d’attribuer à Allah.[5]

Les termes ambigus

Il existe deux sortes de termes :

  1. Ceux qui sont utilisés dans le Coran et la sunna, et que nous devons reconnaitre que ce soit pour affirmer ou infirmer quelque chose.
  2. Ceux qui ne sont pas utilisés dans les textes, et qui n’ont pas reçu l’aval des anciens.[6]

Il est possible de classer cette dernière catégorie en quatre sortes :

  • Ceux que certains anciens ont utilisés d’emblée (dhât, et bâin) soit pour les approuver soit pour les rejeter. Ceux-ci ont une bonne connotation, et la plupart des anciens les ont approuvés, car conformes aux textes et au crédo authentique. Nous avons vu plus haut que certains érudits s’opposent à leur utilisation sous le prétexte que ce domaine, au même titre que les autres, est tawqîfî. Nous avons vu dans un article précédent qu’il était permis d’y avoir recours en vue de clarifier le crédo traditionaliste et de réfuter les sectateurs de tout bord.
  • Des termes utilisés par certains anciens parfois en vue de les approuver et d’autres fois en vue de les réfuter. Ex. : el hadd et el mumâssa.
  • Des termes utilisés par certains anciens, mais aussi par leurs adversaires. Ex. : el jiha.
  • Des termes utilisés uniquement par les adversaires des anciens. Ex. : el jism, el haïz, wâjib el wujûd, el jawhar, el ‘ardh.[7]

Les pieux prédécesseurs taxent d’innovateurs les partisans de ces termes ambigus (D), et s’attachent fidèlement à ceux qui sont légitimés par les textes. Cependant, ils ne rejettent pas pour autant ces termes ambigus d’un seul bloc. Sur la forme, ils sont certes intraitables, car on ne rend pas un mal par un mal, dans le sens où on ne combat pas les réfractaires à la révélation avec des moyens qui sont contraires à la religion.[8] Cependant, sur le fond, leur approche est d’interroger leurs partisans sur le sens qu’ils leur donnent.[9] Ils les acceptent sur le fond à condition qu’ils soient conformes aux textes, sinon, ils les refusent catégoriquement.[10] Ainsi, une enquête minutieuse s’impose, car, comme nous l’avons vu, ces termes ont un double sens, et il ne serait pas pertinent d’en bannir un (le vrai) sous prétexte de bannir l’autre (le faux), pour ensuite sombrer dans l’extrême opposé et devenir soi-même un innovateur.[11]

La Bible fait mention du vrai Dieu

Jésus lui-même réfute la Trinité, comme le démontrent plusieurs passages des Écritures (saintes) :

1- L’évangile de Jean mentionne que Jésus s’adressa à Dieu en ces termes : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus Christ. »[12] Jésus nous apprend ici que la vie éternelle s’obtient grâce à la foi en l’unicité d’Allah et à la mission de Son messager Jésus. Il n’est pas question dans ce verset de la Trinité ni des trois hypostases ou encore que le dieu Jésus serait le fils de Dieu. Il n’est pas possible de dire ici qu’il cacha la vérité, car il avait peur des juifs, étant donné qu’il s’adressait à Dieu. Si croire en la Trinité et à la divinité du Christ, avait pour vocation de sauver l’humanité, il n’aurait pas manqué d’en parler ici. La vie éternelle et le salut s’obtiennent cependant en étant convaincu de la vraie unicité de Dieu et que Jésus est Son envoyé. Le malheur éternel et la perdition réclament de croire le contraire étant donné que l’unicité s’oppose par essence à la Trinité et que la prophétie s’oppose à la divinité. Jésus ne peut à la fois être Dieu et le porteur de Son message aux hommes.

2- « Un scribe s’avança. Il les avait entendus discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus répondit : « Le premier, c’est : Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe lui dit : Très bien, maître, tu as dis vrai : il est l’unique et il n’y en pas d’autre que lui, et l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait répondu avec sagesse, lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. »[13] Dans l’évangile de Mathieu, il est précisé : « De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes. »[14]

Ainsi, ce passage nous dévoile le premier commandement auquel s’attachent la Thora et les Livres des prophètes. Ce commandement, à l’origine du salut, consiste à croire qu’Allah est unique et qu’il n’y a d’autre dieu que Lui. Dans l’hypothèse où la Trinité et la divinité de Jésus avaient une origine, la Thora et les Livres des prophètes l’auraient évoquée. Jésus aurait certainement donné la réponse suivante au légiste : « Le premier commandement, c’est de croire que Dieu est unique et qu’il est composé de trois hypostases. Moi, je suis la deuxième hypostase et le fils de Dieu. » Étant donné que ni Jésus ni la Thora ni les Livres des prophètes ne font allusion à ce principe, il devient évident que le salut consiste à se soumettre à la vraie unicité de Dieu qui s’oppose par essence à la Trinité, au polythéisme, et à l’idée selon laquelle Il aurait enfanté. Les livres de l’Ancien Testament regorgent de passages qui établissent l’unicité du Très-Haut.[15]

3- « Mais ce jour ou cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le fils, personne sinon le Père. »[16] Cette parole réfute catégoriquement la Trinité et la divinité du Christ qui remet l’Heure de la fin du monde à la seule connaissance d’Allah. Elle réfute l’idée qu’il puisse en percer le mystère, lui ou n’importe quelle autre créature. Il s’est ainsi mis au même niveau que le reste de la création dans ce domaine. S’il était vraiment un dieu, le moment où l’Heure sonnera ne pourrait échapper à son savoir, et il n’aurait jamais infirmé qu’il puisse en avoir connaissance.

4- « Vers trois heures, Jésus s’écria d’une voix forte : « Eli, Eli, lema sabaqthani », c’est-à-dire : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Certains de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Le voila qu’il appelle Elie ! » Aussitôt l’un deux courut prendre une éponge qu’il imbiba de vinaigre ; et, la fixant au bout du roseau, il lui présenta à boire. Les autres dirent : « Attends ! Voyons si Elie va venir le sauver. » Mais Jésus criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’âme. »[17] Dans l’évangile de Luc, il est précisé : « Jésus poussa un grand cri ; il dit : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Et, sur ces mots, il expira. »[18] Voici les dernières paroles supposées du Messie relatées dans la Bible. Celles-ci remettent en question la divinité de Jésus. Un dieu ne peut en tout état de cause implorer le secours d’un autre dieu. On ne peut attribuer au vrai Dieu des caractères déficients propres à l’humain, tels que la faiblesse, la peine, la fatigue, le cri de détresse et de douleur, l’impuissance et la mort. Allah est le Vivant et le Saint. Le livre d’Esaïe nous apprend notamment : « Ne sais-tu pas, n’as-tu pas entendu ? Le SEIGNEUR est le Dieu de toujours, il crée les extrémités de la terre. Il ne faiblit pas, il ne se fatigue pas ».[19] Les passages du Nouveau et de l’Ancien Testament abondent dans ce sens.[20] Tous ces textes démontrent que le vrai Dieu est Eternel, Vivant, Saint ; Il ne peut mourir comme il ne peut y avoir d’autre dieu en dehors de Lui. Il ne peut être atteint par la faiblesse, la fatigue, l’impuissance. Une créature faible et mortelle peut-elle être une divinité ? Nul doute que le vrai Dieu est celui auquel Jésus se serait adressé –si l’on s’en tient à leur version des événements – à travers son cri de détresse.

Il convient ici d’attirer l’attention du lecteur concernant le verset suivant : « N’est-ce pas toi qui, dès l’origine, es le SEIGNEUR, mon Dieu, mon Saint ? Tu ne meurs (ou ne mourras) pas ? »[21] Quand les chrétiens se sont rendus compte qu’il n’était pas compatible avec leur dogme, ils l’ont transformé dans les nouvelles versions de la Bible, en disant : « N’est-ce pas toi qui, dès l’origine, es le SEIGNEUR, mon Dieu, mon Saint ? Nous ne mourrons pas ? »[22]

5- Dans l’évangile de Jean, Jésus déclare à Marie de Magdala : « Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. »[23] À travers cette parole, Jésus se met sur le même pied d’égalité que tous les autres membres de son espèce. Il précise en effet qu’Allah est Son Père et Leur Père, Son Dieu et Leur Dieu. Ils ne pourront pas ensuite mentir à son sujet en avançant qu’il serait le fils de Dieu. De la même façon que ses disciples ne sont pas réellement des enfants de Dieu, il en va de même pour lui, qui comme eux, est un simple serviteur. Le terme fils a ici un sens métaphorique (majâzî), il n’offre aucunement à Jésus le statut de divinité. Sinon, il faudrait le donner également à ses disciples. Jésus aurait dit cette parole après avoir ressuscité du royaume des morts. Autrement dit, peu avant de monter au ciel. Cela signifie bien qu’il ne revendiquait pas la divinité jusqu’à ses derniers instants passés au milieu des hommes. On retrouve le même discours dans le Coran, lorsqu’il dit en s’adressant aux siens : [Allah est Mon Seigneur et Le vôtre, alors adorez-Le).[24] Il déclara dans un autre passage : (Adorez Allah Mon Seigneur et Le vôtre).[25] Ainsi, le dogme de la Trinité et la divinité de Jésus vont à l’encontre des dernières paroles prononcées par la personne concernée, comme pour dire adieu à ses apôtres, avant de monter au ciel. Il prêcha jusqu’à ses derniers instants sur terre, l’unicité d’Allah et l’obligation de lui vouer le culte. Il inculqua en outre qu’il n’est qu’un humble serviteur soumis à Son Seigneur.

À suivre…

Traduit par : Karim Zentici

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[1] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/297-298).

[2] Jâmi’ e-rasâil (2/239).

[3] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).

[4] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).

[5] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/8).

[6] Majmû’ el fatâwâ (12/113-114).

[7] Ibn Taïmiya ne rechignait pas, pour les réfuter, à avoir recours à des termes comme wâjib el wujûd (l’Être nécessaire), la jiha (la direction), le makân (l’endroit), le haïyiz (la localité), le hadd (la limite), le jism (le corps), etc. Voir : http://www.mizab.org/#!ibn-tamiya-et-le-tarkb/c1nbs

http://www.mizab.org/#!ibn-tamiya-et-le-tarkb-ii/c1e6f

http://www.mizab.org/#!le-jism/c22h9

http://www.mizab.org/#!quatre-termes-ambigus/c1qrz

[8] Or, il est possible d’utiliser ces termes hérétiques par condescendance, et si l’intérêt le réclame. C’est le cas par exemple quand on s’adresse à des personnes qui ne connaissent que ce vocabulaire ; voir : Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/554-555).

[9] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/254).

[10] Idem. (2/104).

[11] Idem.

[12] Voir : Jean ; 17.3

[13] Marc ; 12.28-34

[14] Mathieu ; 22.34-40 Ce passage souligne que la question du légiste fut posée pour tendre un piège à Jésus. (N. du T.).

[15] Voir à titre d’exemple : Deutéronome ; 4.35-39, 6.4-5, et Esaïe ; 45.5-6, 46.9.

[16] Marc ; 13.32

[17] Mathieu ; 27.46-50

[18] Luc ; 23.46

[19] Esaïe ; 40.28

[20] Voir notamment : Esaïe ; 44.6, Jérémie ; 10.10, première épître de Paul à Timothée 1.17.

[21] Habaquq ; 1.12

[22] Habaquq ; 1.12

[23] Jean ; 20.17

[24] La famille de ‘Imrân ; 51 voir également : Mariam ; 37, et les ornements ; 64

[25] Le repas céleste ; 117

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