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25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 14:30

La Mecque, la terre de la nouvelle alliance

(Partie 2)

Il est connu à l’unanimité des peuples et des textes sacrés qu’Ismaël a grandi dans le pays de La Mecque, lieu de pèlerinage depuis l’époque d’Abraham ; les Arabes notamment, mais aussi les prophètes, lui consacraient un voyage, à l’instar de Moïse fils d’Amrân et de Yûnas ibn Matta comme le formule le recueil e-sahîh, d’après la version rapportée par ibn ‘Abbâs et selon laquelle, en passant près de Wâdî el Azraq, le Messager d’Allah (r) s’écria : « Quel est ce Wâdî (vallée) ?

  • C’est le Wâdî d’el Azraq lui répondirent ses Compagnons.
  • J’ai l’impression de voir Moussa (u) en train de descendre le versant de la montagne les doigts dans les oreilles ; au cours de sa talbiya, il levait la voix pour implorer Allah (I) en traversant la vallée. »

 

Lorsque plus loin nous arrivâmes près du versant d’une montagne, il demanda : « comment s’appelle cet endroit ?

  • C’est Harsha.
  • J’ai l’impression de voir Yûnâs sur une chamelle blanche dont la bride était en fibre ; habillé d’un manteau en laine, il faisait la talbiya en traversant la vallée. »[1]

 

Dans une version, il est précisé : « Quant à Moussa, c’est un homme brin, trapu, il était monté d’un chameau roux dont la bride était en fibre. »[2]

 

Les annales nous apprennent que même Jésus devra s’y rendre à l’occasion de son retour sur terre : « par Celui qui détient mon âme entre Ses Mains, ibn Mariam va se sacraliser à partir du défilé de Rawha pour entreprendre le grand ou/et le petit pèlerinage. »[3]

 

Depuis l’avènement de Mohammed (r), le Hadj incombe à tout le monde ; les pèlerins s’y rendent de tous les coins de la terre. Le puits d’où Ismâ’îl et sa mère se sont désaltérés, c’est Zem-Zem. Son histoire est relatée dans le recueil d’el Bûkharî, disant, selon ibn ‘Abbâs : « la première fois que les ceintures ont été utilisées par les femmes, c’est de la part de la mère d’Ismâ’îl ; elle s’en est servie pour effacer ses traces aux yeux de Sara. »[4] Ensuite, Abraham l’emmena avec son fils, pendant sa période d’allaitement pour les installer auprès du temple sacré, vers un arbre au-dessus de Zem-Zem, dans les hauteurs de la mosquée.

 

À l’époque, il n’y avait ni eau ni personne. Il lui laissa un sac de dattes et une outre remplie d’eau. Puis, lorsqu’il tourna les talons, Hagar le suivit et s’écria : « Ibrahim ! Où vas-tu ? Nous laisses-tu dans cette vallée où il n’y a rien ni personne ? » Elle l’interrogea plusieurs fois de la sorte, mais sans qu’il ne se retourne. « Allah t’a-t-il ordonné de le faire, s’exclama-t-elle alors ?

  • Oui, confirma-t-il.
  • Hé bien, Il ne nous abandonnera pas. »

Après ces mots, elle revint sur ses pas. Ibrahim s’en alla et s’arrêta sur le versant de la montagne en veillant à ne pas se faire voir. Ce dernier se retourna en direction du futur Temple pour implorer en ces termes : (Seigneur ! J’ai laissé une partie de ma progéniture dans une vallée aride, auprès de Ta Maison Sacrée, etc.).[5]

 

Hagar allaita son bébé et épuisa l’eau de son outre. Ils furent pris par la soif. Comme elle le voyait se tordre de douleur, elle s’éloigna de lui pour ne pas souffrir ce spectacle. Elle se rendit à Safa qui était le monticule le plus proche ; elle grimpa dessus pour dominer la vallée du regard et chercher de l’aide, mais elle ne vit personne. Elle se déplaça. Une fois en bas de Safa, elle se retrouva dans l’oued. Elle leva un empan de son vêtement et se mit à courir à perdre haleine. De l’autre côté de l’oued, Marwa se dressait devant elle. Elle l’escalada pour scruter l’horizon, dans l’espoir de trouver quelqu’un, mais en vain. Sa détermination resta intacte, elle revint sur ses pas et réitéra le même parcourt à sept reprises.

 

Selon ibn ‘Abbâs, le Prophète (r) a dit : « C’est la raison pour laquelle, les pèlerins font le parcourt entre Safa et Marwa aujourd’hui. » Arrivée enfin sur le mont Marwa, elle entendit un bruit. « Chut ! » se dit-elle a elle-même.  Après l’avoir entendu à nouveau, elle s’écria : « Tu t’es fait entendre, si tu as quelques secours à proposer. » Elle se retrouva face à l’ange qui se tenait à l’emplacement de Zem-Zem. Il tâta du talon – ou a-t-il dit de l’aile – le sol, et l’eau se mit à jaillir. Elle l’entoura de ses mains et remplit son outre jusqu’à la faire déborder.

 

Selon ibn ‘Abbâs, le Prophète (r) a commenté : « Qu’Allah fasse miséricorde à la mère d’Ismâ’îl, si elle n’avait pas de ses mains touché à la source pour y puiser l’eau, Zem-Zem coulerait aujourd’hui en surface. »[6] Elle en but, reprit-il, et allaita son bébé. « Ne craignez rien, vous ne serez pas laissés à l’abandon, dit l’ange, à cet endroit se trouve la Maison d’Allah que cet enfant et son père vont édifier. Allah ne laissera pas ses habitants à l’abandon. » La maison était surélevée au-dessus du sol comme une colline. Quand il y avait des torrents, ils la contournaient de part et d’autre, etc.

 

Avec le temps, le puits de Zem-Zem fut enseveli, mais ‘Abd el Muttalib le grand-père du Prophète (r) lui redonna vie. La distribution de l’eau (e-siqâya) revint à son fils el ‘Abbâs et à sa postérité. Il avait la charge de distribuer Zem-Zem et l’eau potable ; il fait partie de la tradition (sunna) d’en boire.

 

La vision d’Abd el Muttalib :

 

Sur le chemin du retour, une caravane de la tribu yéménite Jurhum avait fait halte non loin de l’endroit où se produisit le miracle. Un oiseau qui tournoyait dans le ciel leur indiquait, à leur grande surprise, qu’il y avait de l’eau juste en dessous de lui. Pourtant, aucune source n’était signalée dans la région. Pour étancher leur curiosité, ils envoyèrent deux hommes en reconnaissance. Ceux-ci découvrirent une source près de laquelle se tenait une femme. Ils se rapprochèrent et lui demandèrent l’autorisation de s’installer près d’elle. Elle accepta, elle qui avait besoin de compagnie, sans oublier de leur rappeler au passage que la source ne leur appartenait pas. Ils se plièrent à sa volonté et allèrent chercher le reste de la caravane.[7] Jurhum était une branche de la tribu Qahtân dont les membres sont les descendants des arabes primitifs.[8] Ismâ’il grandit au milieu d’eux, il apprit leur langue et prit une de leurs filles pour épouse. Ses descendants, dont ‘Adnân l’ancêtre de Mohammed (r) est issu, sont les arabes d’adoption.[9] Après la mort de sa mère, Ismâ’il aida son père Ibrahim à élever les fondations de la Ka’ba.

 

La Mecque commença à grandir, mais ses habitants respectaient de moins en moins son caractère sacré. Ils encourraient la punition divine et durent quitter les Lieux saints, car comme son nom l’indique, Mekka éteint l’ardeur des tyrans ou selon une autre hypothèse, elle chasse les pervers de son enceinte.[10] La tribu des Banû Bakr aidés des Ghabashân – tout deux issus des Khuzâ’a - décidèrent de se faire justice eux-mêmes et expulsèrent les Jurhum de l’enceinte sacrée. Après vingt et un siècles de règne des Jurhum, les Khuzâ’a prenaient le relais de l’entretien du Temple.[11] Conscient d’une défaite certaine, le roi Mudhâdh ibn ‘Amr el Jurhumî avait pris soin avant de se sauver au Yémen (qui était la terre de ses ancêtres), de dissimiler ses richesses dans le puits de Zam-zam. Puis, il l’ensevelit pour interdire à ses ennemis l’accès à la source principale en eau de la ville.[12] Trois cents ans plus tard, naquit Qusaï ibn Kilâb qui grandit aux frontières du Shâm. Armée d’une forte personnalité, il allait changer le destin de La Mecque. De la descendance de ‘Adnân puis d’Ismâ’îl, il se maria dans un premier temps à la fille du gouverneur de la ville Sainte qui, comme nous l’avons vu, revint aux mains des Khuzâ’a. C’est ainsi qu’il commença à se faire un nom auprès de ses concitoyens. Il devint riche et monta très vite les échelons dans la société.

 

Un beau jour, la tribu de Khuzâ’a se retourna contre lui. Les historiens donnent plusieurs explications à cette rupture. Pour certains, Qusaï aurait voulu reprendre le règne de son ancêtre Ismâ’îl ; pour d’autres, son gendre lui aurait fait hériter de l’entretien du Temple et des Lieux saints ; d’autre enfin avancent qu’un des membres de Khuzâ’a lui aurait vendu la Ka’ba en échange d’une cruche de vin. Quoi qu’il en soit, furieux, les Khuzâ’a prirent les armes aux côtés des Banû Bakr. En face, Qusaï avait monté une armée de Quraïsh et obtint le soutien des Kinâna. De violents combats eurent lieu. Ils se soldèrent par la victoire de Qusaï. Après arbitrage, les antagonistes renoncèrent au prix du sang ; l’entretient du Temple revint aux descendants d’Ismâ’îl, les Quraïsh et l’administration de la ville aux Khuzâ’a. La renommée des Quraïsh, qui s’étaient emparés de la capitale économique et spirituelle des Arabes, prenait de l’ampleur à travers toute la péninsule.[13]

 

Or, à cette époque Zam-zam était toujours introuvable. Après la mort de Qusaï, ses enfants se partagèrent, non sans tension, l’administration des Lieux saints. Aux Banû ‘Abd Manâf revenait l’approvisionnement des pèlerins en eau (siqâya). Shaïba el Hamd ibn Hâshim ibn ‘Abd Manâf ibn Qusaï fut éduqué par son oncle el Muttalib. C'est pourquoi on lui donna le surnom d’Abd el Muttalib (le serviteur d’el Muttalib). Quand Abd el Muttalib, qui deviendra le grand-père de l’Envoyé (r), hérita de son oncle la fonction de siqâya, il ne savait pas qu’un grand destin l’attendait.

Cet évènement n’a pas échappé à l’historiographe ibn Ishâq qui l’a répertorié en intégralité. Il nous raconte qu’un jour, le grand-père de l’Ami d’Allah (r) entra dans le Hijr de la Ka’ba pour y faire un somme. Il vit en songe qu’on lui demandait de déterrer Taïba, mais il ne savait pas à quoi ce nom correspondait. Le lendemain, le même rêve se renouvela, mais cette fois il s’agissait de Barra. Il vécut la même chose les deux jours suivants, et à chaque fois l’endroit qu’il fallait déterrer changeait de nom ; il s’agissait pour la troisième nuit de Madhnûna, et pour la quatrième de… Zam-zam.[14]

 

Ce nom étrange demeurait pour lui une énigme que sa vision nocturne, désormais coutumière, allait résoudre. La nuit suivante, il vit le lieu où il fallait creuser. Le lendemain, il se rendit à l’endroit en question accompagné d’el Hârith, qui était alors son seul fils. Il se mit à creuser et dès qu’il découvrit le puits, il proclama la grandeur d’Allah. Les Quraïshites comprirent alors qu’il avait atteint son but. Ils vinrent à sa rencontre et lui rappelèrent que ce puits appartenait à leur ancêtre Ismâ’îl, et qu’ils avaient dessus autant de droits que celui qui l’avait retrouvé. Il y avait déniché notamment deux gazelles en or qui appartenaient à la tribu de Jurhum. Ils y avaient caché également leurs sabres et leurs armures…[15] Avant d’entamer les recherches, Hishâm avait fait le vœu à Dieu que s’il menait sa mission à bien et qu’il engendrait dix enfants mâles, d’en égorger un par reconnaissance envers Ses bienfaits immenses.

 

Après l’histoire du puits, ibn Hâshim avait gagné l’estime de ses concitoyens et le rang des Banû ‘Abd Manâf grandissait jour après jour. Il engendra dix enfants mâles et devait désormais remplir son vœu. Il tira au sort pour désigner lequel de ses fils devait mourir. À chaque fois, le sort désignait celui qui était le plus cher à ses yeux ; celui-là même qui, plus tard, mettra au monde le sceau des Prophètes : c’était ‘Abd Allah ! Les oncles de l’enfant et les notables de Quraïsh cherchèrent à l’en dissuader. Il décida alors de tirer au sort pour choisir lesquels entre ‘Abd Allah ou cent chameaux devait-il sacrifier. Le décret d’Allah porta sur les bêtes,[16] ‘Abd Allah fut sauvé, car l’humanité attendait l’avènement prochain de son fils, ce qui en soit est un signe précurseur à sa prophétie. La prière de ses ancêtres Ibrahim et Ismâ’il devait ainsi être exaucée : [Seigneur ! Envoie-leur un messager issu des leurs afin qu’il leur récite Tes Versets, qu’il leur enseigne le Livre et la sagesse et qu’il les purifie ; Tu es certes le Puissant et le Sage].[17]

 

Les noms de La Mecque

 

Voir : Fadhâil Makka du D. Mohammed Ghabbân (1/23-28).

 

Les savants se sont penchés très tôt sur les noms de la Mecque ; certains d’entre eux, surtout parmi les modernes, se sont étendus sur le sujet. Celle-ci est digne d’intérêt d’autant plus qu’un nombre important de qualificatifs pour désigner une seule et même chose exprime l’importance et la considération qu’elle concède dans le cœur des gens. E-Nawawî signale à cet effet : « Sache que la multitude de noms pour désigner une chose témoigne de son importance à l’exemple des Noms d’Allah (I) et de ceux de Son Messager (r). À notre connaissance, aucune ville ne possède plus de noms que la Mecque et Médine, étant donné qu’elles représentent les meilleurs endroits sur terre. »[18]

 

E-Zarkashî souligne également : « Celle-ci – la Mecque – a de nombreux noms. La sagesse qui se cache derrière ce constat, c’est que la multitude de noms pour désigner une chose témoigne de son importance. »[19] Le poète a dit pour sa part :

 

Nombre de noms traduit son importance

Allah la fait aimer d’eux pour la Ka’ba

 

À suivre…

                     

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

[1] Rapporté par el Bukhârî (n° 5913) et Muslim (n° 166).

[2] Cette version revient à el Bukhârî.

[3] Rapporté par Muslim (n° 1252).

[4] Voir Fath el Bârî (6/400-401).

[5] Ibrahim ; 37

[6] Voir Fath el Bârî (6/402).

[7] Rapporté par el Bukhârî (3364).

[8] Qahtân est mentionné dans l’Ancien Testament sous le nom de Yoqtân (voir : la Génèse ; 10.26).

[9] Voir : Fadhâil mâ Zam-zam (p. 24).

[10] Voir : Fadhâil Makka du D. Mohammed Ghabbân (1/23-28).

[11] Voir : Fadhâil mâ Zam-zam (p. 28).

[12] Voir : Târîkh el Ka’ba du D. Husnî el Kharbûtlî.

[13] Voir : Sîra ibn Hishâm (1/247-249).

[14] Voir : Akhbâr Makka d’el Azraqî (2/44-46), Dalâil e-Nubuwwa d’el Baïhaqî (1/93), Sîra ibn Hishâm (1/89-90), el bidâya wa e-nihâya d’ibn Kathîr (2/227).

[15] Cette version est rapportée dans Akhbâr Makka d’el Azraqî.

[16] Idem. (2/42-43).

[17] La vache ; 129

[18] Tahdhîb el asmâ wa el lughât (3/157).

[19] I’lâm el masâjid (p. 78).

 

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