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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 03:05

LE SACRIFICE DU FILS D’IBRAHIM (AS) 2/4

(Article de Nordine Bennecer)

  1. Le fa est un critère temporel de primauté. Il annonce un ordre dans le temps, une gradation et/ou un déroulement chronologique.

Un exemple enseigné à l’école primaire est le suivant :

Ja’a Mouhammed fa dakhala

Ja’a Mouhamed wa dakhala

Ja’a Mouhamed thoumma dakhala

Les 3 exemples signifient la même chose, à savoir que Mouhamed est venu (sous-entendu à la maison) et il s’est assis. La seule différence sont les mots fa, wa et thoumma qui indiquent une temporalité différente dans le déroulement chronologique de cet évènement ; en effet, la première phrase (avec fa) signifie que Mouhamed est venu et la première chose qu’il a faite, c’est de s’asseoir (immédiatement en rentrant à la maison). La deuxième phrase (avec wa) signifie qu’en rentrant à la maison, Mouhamed ne s’est pas assis immédiatement, il a attendu un temps bref, et il s’est assis. Enfin ; la troisième phrase signifie qu’en rentrant à la maison, Mouhamed ne s’est pas assis directement et qu’il a d’abord fait des choses, puis, il s’est assis, mais dans un temps plus long qu’avec le « wa ».

Autre exemple : « Ja a Zaydoune wa Oumar » ce qui signifie Zayd et Oumar sont venus. Il n’y a pas d’ordre dans la venue, ils sont peut-être même venus ensemble. On peut comprendre que Zayd est venu le premier et Oumar, le deuxième et le contraire est vrai.

Pour introduire un ordre d’arrivée ou de venue chronologique, il faut utiliser la particule « fa » à la place de « wa ». Il faut écrire « Ja a Zaydoune Fa Oumar » et nous comprenons alors que Zayd est venu en premier puis Oumar en deuxième. Le « fa » a aussi pour fonction d’être un marqueur temporel de primauté.

Par ailleurs, lorsque dans un récit le « fa » est utilisé avec le « wa », il signifie que nous avons affaire à deux choses différentes. C’est le cas dans le récit coranique où Ishaq (AS) est introduit par le « wa ».

Cela signifie que le « fa » de l’enfant halim est le premier enfant de l’invocation tandis que le « wa » indique qu’il s’agit d’un deuxième enfant qui vient plus tard dans le temps.

C’est pour cette raison que le Cheikh Ibn Taymiyya a dit que s’il s’était agi uniquement d’Ishaq (AS), nous aurions alors eu pour la première annonce la particule « wa » à la place de « fa » et cela tout au long du récit.

Compte tenu des 3 fonctions du « fa », la traduction approchée du récit de l’invocation est la suivante : « c’est parce que Ibrahim (AS) nous a invoqué que nous lui annonçâmes la bonne nouvelle de la naissance d’un premier enfant ».

Parallèle avec la sourate Houd, verset 71 : « Wa Imratouhou qa’imatoune, fadahakate, fabacharnaha bi Ishaq ».

Il s’agit de l’annonce faite à Sarah, la première épouse d’Ibrahim (AS).

Le « fa » nous renseigne sur ses 2 premières fonctions, le récapitulatif et le justificatif. C’est parce que sa femme Sarah (AS) qui était debout, a ri (à l’annonce des 2 envoyés de Dieu venus apporter une bonne nouvelle (récapitulatif), que nous lui annonçâmes la bonne nouvelle d’Ishaq (justificatif). Le « fa » nous indique que le prénom de l’enfant est lié au rire car Sarah (AS) a ri lorsqu’il lui a été annoncé.

Si Sarah avait eu un second enfant, il aurait été introduit par la particule « wa » et il signifierait le second et le « fa » induisant dans ce verset Ishaq (AS) aurait eu la caractéristique de la primauté temporelle. Mais, n’ayant eu qu’un seul enfant, il conserve la relation de cause à effet.

De la même manière, dans l’annonce faite à Ibrahim (AS), le « fa » nous renseigne par ses 3 fonctions sur l’identité de l’enfant.

Il est l’enfant de l’invocation exaucée, de la demande faite à Dieu pour avoir une descendance pieuse ; et tout comme la signification du nom « Ishaq » est liée à « l’activité » de sa mère (qui a ri), en conséquence le nom de l’enfant « halim » porte en lui « l’activité » d’Ibrahim (AS) qui était de demander à Dieu d’avoir une descendance pieuse.

Le mot utilisé est sama’a qui signifie entendre, écouter. Dans la théologie juive et islamique, ce verbe est utilisé pour qualifier l’audition spirituelle, la relation d’une invocation faite à Dieu pour être exaucé. On utilise comme nom d’invocation « Oh l’Audiant = ya Sami’ », c’est-à-dire celui qui écoute, celui qui entend, celui qui exauce. Les soufis utilisent dans leurs séances de dhikr le nom de sama’a pour qualifier les séances d’invocations adressées à Dieu.

Chez les juifs, rêver « d’Ismaïl (AS) fils d’Ibrahim » est le signe que la prière, la demande, la requête du rêveur est exaucée. En effet, il est le fils de l’invocation d’Ibrahim (AS) qui a été exaucée, d’où la signification de son nom.

 

QUESTION :

Qui remplit les fonctions du « fa » ?

Qui est le premier enfant d’Ibrahim d’un point de vue chronologique ?

Qui porte en son nom la demande exaucée d’Ibrahim (AS) : la demande faite à Dieu d’avoir une descendance ?

Ismaïl est le premier enfant d’Ibrahim (AS) et il porte en lui un nom divin que nul autre n’avait porté auparavant, celui de la demande faite à Dieu. Il s’agit d’un nom anthroponyme théophore, c’est-à-dire qu’il porte le nom de Dieu en lui et cela est la conséquence d’une invocation exaucée. Personne d’autre parmi la descendance d’Ibrahim (AS) ne possède cette caractéristique.

N’oublions pas que d’après les juifs, Hajer est la femme par qui se réalise la promesse d’une descendance d’Ibrahim (AS).

Le rabbin Rachi explique dans l’exégèse du verset 3 du chapitre 16 de la genèse, « au bout de 10 ans sans enfant, l’homme est tenu d’épouser une autre femme ». Sarah ne lui a pas donné d’enfant et donc il doit épouser une seconde femme pour avoir une descendance. Hajer est celle qui doit lui assurer une descendance et Ismaïl est l’enfant tant attendu d’Ibrahim (AS).

La Bouchra, attachée à la naissance miraculeuse ? mais pas que…

Certains voudraient rattacher malgré tout l’enfant de la première annonce à Ishaq (AS) en arguant du fait que le mot employé pour l’annoncer est la Bouchra, ce qui signifie la bonne nouvelle.

C’est le cas de Karim El Hanifi qui utilise cet argument à dessein. Il « explique » que l’emploi de la Bouchra dans le Coran est lié à la naissance miraculeuse et Ishaq (AS) est né d’une mère stérile et âgée. Donc Ishaq (AS) est l’enfant de l’annonce. Beau syllogisme, mais totalement inapplicable car le premier écueil est l’emploi du « fa » et du « wa » qui interdisent de voir un seul et même enfant.

Ensuite, le problème posé avec ces jeunes fraîchement arrivés dans la sphère islamique est qu’il pense embrasser de « leur savoir » toute chose. En théologie islamique, pour se dire Talib el ‘ilm (étudiant en sciences), il faut un niveau minimal, qui est la connaissance du Coran entièrement et sur le bout des doigts, ce que n’a certainement pas ce dernier.

Dans la sourate Youssouf, il est écrit au verset 19, « ya Bouchra hadha ghoulam », c’est-à-dire, « quelle bonne nouvelle, voici un enfant ». Nous avons la présence de la Bouchra et du mot « ghoulam », et il n’y a pas de naissance miraculeuse.

C’est aussi le cas dans la sourate An-nahl (les abeilles), au verset 57 à 59 où il est dit « wa idha bouchira ahadouhoum bil ountha dhalla wajhouhou… (lorsqu’on annonce à l’un d’eux la naissance d’une fille, son visage s’assombrit…).

La Bouchra n’a rien à voir avec la naissance miraculeuse, mais simplement l’annonce d’un évènement important, et ces deux exemples démontent l’argument de Karim el Hanifi.

Enfin, le verset de l’annonce du premier enfant est caractérisé par le mot « Halim » qui signifie longanime. Il signifie la propension de la personne concernée par cette qualité à faire preuve de patience, à endurer, à supporter patiemment.

La première chose à dire est que ce mot a une place bien particulière dans la phrase. « Nous lui annonçâmes la naissance d’un enfant longanime ».

Longanime est un adjectif qualificatif, c’est-à-dire que la longanimité est une caractéristique de l’enfant. Il est aussi épithète ce qui signifie que cette caractéristique est une spécificité propre à l’enfant et elle est attachée à sa personne, essentielle.

On parle d’antonomase pour énoncer une qualité essentielle, celle d’être longanime et cette caractéristique s’est lexicalisée chez les grammairiens du Coran qui comprennent que l’enfant longanime est la caractéristique, sinon le synonyme d’Ismaïl (AS). Elle est donc utilisée comme nom commun (halim) pour signifier un nom propre (Ismaïl)

 

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commentaires

R
I thoroughly enjoyed this. It was so clear and succinct. Big thanks!
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S
Ceci est un article génial.Merci! Vraiment cool.
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