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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 16:42

chute-magnifique

 

L’Albani et l’irja

(Partie 4)

 

‘Abd el ‘Azîz e-Râjihî a dit en parlant de l’Albânî : « … Je répondrais comme Sheïkhel ’Uthaïmîn, ce n’est pas auprès de quelqu’un comme moi qu’il faut se renseigner sur lui.» [Voir : mawqi’ Sheïkh ‘Abd el ‘Azîz e-Râjihî.]

  

 

Voir notamment : tabriya el imâm el muhaddith min qawl el murjiya el muhdath de Sheïkh Ibrâhim e-Ruhaïlî.

 

Reformulons le problème autrement : d'un côté, le discours d’ibn Bâz donne l’impression qu’en délaissant la prière, le premier acte extérieur, on reste musulman, et d’un autre côté, il impose un acte minimum pour prétendre à l’Islam.

 

Plusieurs hypothèses s’imposent pour résoudre ce mystère, en sachant que tout le monde s’accorde avec le principe d’interaction entre le cœur et les actes. Je me contenterais ici d’en soulever deux.

 

La première : sans parler des actes du cœur, sur lesquels il n’y a aucun problème entre traditionalistes, il faudrait peut-être distinguer pour définir les actes minimums entre les quatre piliers de l’Islam après l’attestation de foi, et sur lesquels règne une divergence, et le jisn el ‘amal sur lequel règne un consensus. Il est en fait inimaginable qu’un croyant digne de ce nom ne puisse fournir aucun acte de l’Islam. Selon un chercheur, il est possible d’abandonner les quatre piliers de l’Islam, tout en gardant certains autres actes.[1] Il s’inspire d’un texte d’ibn Taïmiya dans lequel il explique qu’un mécréant peut être loyal, juste, et honnête, sans pour autant devenir musulman, s’il ne se soumet pas à la Législation mohammadienne. On ne peut prétendre à l’Islam sans ne fournir aucune de ses obligations.[2] L’essentiel, ce n’est pas de faire des actes, mais c’est de les faire d’une part avec foi et d’autre part, dans le cercle de la législation musulmane. En adhérant (dans la conviction et les actes) à ces deux conditions, on obtient le jisn el ‘amal, qui n’est donc pas propre aux quatre piliers de l’Islam, wa Allah a’lam !

 

La deuxième : revient à la thèse de Safar el Hawâlî, selon laquelle, dans certains cas, certes rares, la foi décelée dans le cœur est tellement faible qu’elle ne peut s’exprimer dans les actes.[3] Dans de nombreux passages de son œuvre, ibn Taïmiya explique que l’association entre la volonté parfaite et la capacité parfaite se matérialise obligatoirement dans les actes. Ibn el Qaïyim explique pour sa part que seul un empêchement peut faire obstacle à cette concrétisation.[4]

 

La question qui se pose d’elle-même ici, c’est comment peut-on s’inspirer d’une opinion d’un opposant comme Safar el Hawâlî, qui a construit sa thèse zhâhirat el irja sur l’idée selon laquelle les savants contemporains, comme Sheïkh el Albânî sont des murjites ? Laissons à ibn Taïmiya le soin de répondre à cette question, l’auteur de ces paroles : Après s’être inspiré d’un passage d’el ‘Aqîda e-Nazhâmiya (p. 25) d’Abû el Ma’âlî el Juwaïnî, qui était un adepte du tafwîdh, il fait le commentaire suivant : « Les références auxquelles nous nous rapportons, parmi les adeptes du kalâm ou autres, ne nous rejoignent pas forcément dans tous les points que nous établissons dans ce domaine. Néanmoins, il faut recevoir la vérité de n’importe qui. Mu’âdh ibn Jabal disait cette fameuse parole : « Il faut accepter la vérité de n’importe qui, même d’un mécréant – ou bien a-t-il dit : même d’un pervers –. Et méfiez-vous des erreurs du sage.

-          Comment peut-on savoir qu’un mécréant dit la vérité, lui demanda-t-on ?

-          La vérité dégage une lumière a-t-il répondu, ou bien a-t-il dit une parole de ce genre. »[5] »[6]

 

Une autre hypothèse possible

 

Or, au pire des cas Sheïkh el Albânî veut nous dire qu’en règle générale, la foi implique les actes, mais pas dans tous les cas. Il est plus juste en effet de dire qu’une foi parfaite implique les actes, sans pour autant que tous les actes aient tous le même degré (en sachant que, comme nous l’avons vu, les actes se composent en deux catégories : les actes imposés et les actes recommandés). Ainsi, avec une foi faible, les actes peuvent diminuer. La foi est certes présente, mais elle n’implique pas forcément les actes. Il rejoint ainsi la tendance des anciens qui ne kaffar pas l’abandon de la prière et des autres piliers de l’Islam. L’essentiel, c’est de garder l’origine ou l’essence de la foi (asl el îmân) dans le cœur.

 

Il est vrai certes que certains savants, comme nous l’avons vu, ne concèdent pas cette opinion à l’Albânî, mais il faut savoir également qu’il  ne précise pas de quels actes parle-t-il exactement. Il peut parler aussi bien de la prière que des autres piliers de l’Islam. Autrement dit, avec une foi faible, on peut garder au minimum les quatre piliers de l’Islam. Or, à l’unanimité des savants, en ayant une foi faible, on peut délaisser tous les actes extérieurs, en dehors de ces quatre piliers, sans sortir de l’Islam.

Quant à l’expression de l’Albanî disant qu’une foi parfaite implique les actes, il n’y a aucun problème là-dessus entre les traditionalistes. Ainsi, une foi parfaite au niveau du cœur implique une foi parfaite au niveau des actes extérieurs, contrairement aux murjites, pour qui il est possible d’avoir une foi parfaite dans le cœur sans fournir le moindre acte extérieur. C’est ce qui les pousse à dire qu’aucun péché n’affecte la foi de la même façon qu’aucune bonne action n’est utile au mécréant.

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit que la foi intérieure implique les actes extérieurs en fonction de son intensité. Avec une foi forte, on fournit plus d’actes, tandis qu’avec une foi faible, on fournit moins d’actes. Cette analyse est extraordinaire. Elle permet de trancher entre les traditionalistes qui imposent une interaction entre la foi et les actes, et les murjites, qui ne l’imposent pas.

Quoi que cette règle générale mérite de plus amples explications, alors laissons le soin à ibn Taïmiya lui-même de les donner : « Il devient clair que les bonnes œuvres extérieures ne sont pas le fruit ni les effets de la foi intérieure, si ce n’est que dans la mesure où elle les impose ou les réclame. Dès lors, il y a une interdépendance entre les deux et une relation de cause à effet. Si on fournit moins d’actes extérieurs, c’est en raison d’une foi faible. Il est donc inimaginable qu’en ayant une foi parfaite imposée (kamâl el îmân el wâjib) dans le cœur, on ne fournisse aucun acte extérieur imposé. En fournissant l’un parfaitement (kâmilan) on fournit obligatoirement l’autre parfaitement. De la même façon qu’en fournissant l’un faiblement (naqs), on fournit l’autre faiblement.

Imaginer une fois parfaite (tamm),[7] dans le cœur sans fournir de parole ou d’acte extérieur, c’est comme imaginer une interdépendance parfaite avec l’un des deux éléments manquants, ou une cause parfaite sans effet. »[8]

 

Pour ceux qui ne seraient pas convaincus qu’ici kamâl est synonyme de tamm, bien que ce ne soit pas le problème ici, nous lui rappelons les paroles d’ibn Taïmiya précédemment citées : « Les termes kamâl et tamâm (parfait) peuvent renvoyer soit au parfait imposé soit au parfait recommandé. Par exemple, certains légistes disent que la grande ablution se divise en parfait (kamâl) et valable (mujzi). »[9] Ailleurs, il explique : « Le Législateur n’infirme (yanfî) pas la foi à un individu pour avoir délaissé un acte recommandé, mais pour un acte imposé ; étant donné qu’il a délaissé ce qu’on lui impose de faire de façon parfaite (kamâl et tamâm), non ce qu’on lui recommande. »[10] En parlant de l’interprétation du hadîth dans lequel Allah sortira de Sa Main de l’Enfer une poignée d’hommes qui n’auront fait aucun bien au cours de leur vie,[11] ibn Khuzaïma affirme qu’il s’agit de ceux qui n’ont pas fourni parfaitement (tamâm et kamâl) les actes.[12] Wa Allah a’lam ! 

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/



[1] Voir : nawâqidh el îmân el i’tiqâdiya qui est une thèse universitaire du D. Mohamed el Wuhaïbî (2/137-138).

[2] Majmû el fatâwa (7/621).

[3] Zhâhirat el irjâ (p. 529 et 657).

[4] Voir : el fawâid (p. 112).

[5] Rapporté par Abû Dâwûd (5/17-18).

[6] Voir : Majmû’ el fatâwa (5/101-104).

[7] Ici, c’est le contexte qui nous fait traduire tamm par « parfaite », même si ailleurs, voire dans ce même passage, il peut avoir également le sens de « valable », wa Allah a’lam !

[8] Sharh hadîth Jibrîl (p. 492).

[9] Majmû el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/648).

[10] Majmû el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/647).

[11] Rapporté par el Bukhârî (7439) et Muslim (183).

[12] E-tawhîd (2/732).

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