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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:37

 

 

 

Louange à Allah, nous Le louons, nous implorons Son aide et Son pardon. Nous cherchons refuge auprès de Lui contre les maux de nos âmes et les méfaits de nos actions. Celui qu’Allah guide, nul ne peut l’égarer et celui qu’Il égare nul ne peut le guider.  J’atteste qu’il n’y a d’autre divinité (digne d’être adoré) en dehors d’Allah, Seul et sans associé, et j’atteste que Mohammed est Son serviteur et Son Messager.

 

Amma ba’dh !

 

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

Introduction

 

Les kharijites ne font pas la distinction entre le statut d’un acte et le statut de son auteur, entre le statut absolu (kufr el mutlaq) et un cas particulier (kufr el mu’aïyin). Ils appliquent ainsi un jugement général sur tous les cas particuliers possible sans tenir compte des critères du takfîr (les conditions à remplir et les restrictions à exclure). La mouvance e-takfîr wa el hijra, l’un des portes-flambeaux du takfîr contemporain, s’inscrit à contre-courant du traditionalisme, qui ne verrait pas, à ses yeux, le takfîr el mu’aïyin.[1]

 

Il est très dangereux de sortir les musulmans de la religion sans respecter un certain nombre de critères. Selon ibn Taïmiya, il est plus grave d’appliquer les textes de la menace divine (comme la malédiction) à grande échelle que de kaffar les auteurs des grands péchés à la manière des kharijites et des mu’tazilites ;[2] en sachant que le takfîr entre dans le domaine de la menace divine.[3] 

 

Or, les savants de aimmat e-da’wa établissent qu’il ne faut pas confondre entre le takfîr à grande échelle et le takfîr ciblé. Le premier condamne indistinctement les savants et les ignorants, qu’ils aient reçu la hujja ou non. Quant au deuxième, il s’attaque uniquement à ceux contre qui la hujja est établie. Il est possible de kaffar une citée, un pays, une tendance dans l’ensemble, mais sans désigner chaque habitant ou chaque adepte en particulier. Le principe de précaution nous astreint à nous abstenir de le faire, étant donné que certains d’entre eux peuvent être excusables pour une raison ou pour une autre.[4] Les anciens et leurs fidèles successeurs font la différence entre le cas absolu et le cas particulier.

 

Les étapes du takfîr

 

Une première étape consiste à déterminer que telle pratique relève effectivement de la mécréance. La deuxième étape réclame d’appliquer ce statut absolu à un cas particulier, soit après que toutes les conditions du takfîr soient réunies et que toute restriction pouvant faire obstacle à ce jugement soit exclue.

 

Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb réfute dans ses ouvrages l’allégation de ses détracteurs selon laquelle il kaffar sans faire de détails à la manière des kharijites.[5] Ses élèves se sont également chargés de rectifier cette conception erronée.[6] Les néo-kharijites qui se revendiquent de l’héritage du premier homme de la da’wa najdite condamnent à la mécréance tous les États et les peuples musulmans sans tenir compte des critères du takfîr. Leur vindicte n’épargne même pas les savants et les pieux, accusés de complicité ou de passivité. Seuls ceux qui se rangent sous leur bannière gardent le privilège de rester musulmans.

 

Le takfîr à grande échelle consiste notamment à kaffar les citoyens qui vivent sous l’autorité d’un État jugé apostat. Sous l’impulsion de Saïd Qutb, certains mouvements contemporains considèrent qu’il n’y a plus sur la surface de la Terre un seul État musulman ni même une seule société musulmane digne de ce nom.[7]

 

Malheureusement, certains détracteurs stigmatisent les adeptes de la da’wa najdite et font semer la confusion dans les rangs des musulmans en les faisant passer pour des kharijites. ‘Abd e-Latîf souligne que la prédication « wahhabite » ne s’aventure pas à sortir les musulmans de la religion à grande échelle. Elle se contente de condamner l’adoration des tombes, qui, effectivement, est une annulation de l’Islam. Puis, après avoir transmis le message, et seulement à ce moment-là, elle voue à l’apostasie ceux qui refusent de se soumettre à la vraie religion.[8] Son élève, Sulaïmân ibn Sahmân reproche à certains de ses contemporains d’être imprégné par la croyance kharijite et de kaffar les musulmans de façon anarchique.[9]

 

Ibn ‘Abd el Wahhâb rappelle que les grandes références traditionalistes à l’exemple de l’Imam Ahmed faisaient la distinction entre le cas général et le cas particulier.[10] Juger qu’une pratique relève de la mécréance ne nécessite pas forcément de taxer de mécréants tous ceux qui la font. Il alla jusqu’à s’abstenir de kaffar les auteurs de certaines poésies contenant du kufr, car il n’était pas formel sur leur cas. Il ne se prononçait pas sur les morts ; il y avait toujours l’éventualité, aussi faible était-elle, que certaines excuses jouaient en leur faveur. Il se contentait de juge ceux qui refusaient sa prédication par orgueil et obstination. Contre ceux-là, oui, son jugement était imparable.[11]

 

Sheïkh‘Abd Allah Abâ Btîn explique à ce sujet : « Quant aux paroles d’ibn Taïmiya : « Cependant, en raison de la propagation de l’ignorance dans les rangs de nombreux adeptes de l’Islam parmi les générations récentes, il n’est pas permis de les kaffar avant de leur avoir exposé les enseignements du Prophète (r) » Il parle apparemment du cas particulier, étant donné qu’ailleurs il annonce formellement que l’association relève de la mécréance. Il ne s’abstient nullement de le kaffar après que les enseignements lui soient exposés… 

Puis, il résout le problème que peut soulever le discours d’ibn Taïmiya : « Pour concorder entre ses paroles, nous devons comprendre ses intentions. Il veut nous dire que nous pouvons entendre certaines paroles, ou certains écrits en prose ou en vers ayant du kufr. Cependant, nous ne pouvons kaffar leur auteur au premier abord. Il faut attendre avant cela de lui exposer la preuve céleste. »[12]

 

Un autre passage d’Abâ Btîn va dans ce sens : « Quant aux paroles d’ibn Taïmiya : « il n’est pas permis de les kaffar avant de leur avoir exposé les enseignements du Prophète (r) » ; Il veut dire qu’il n’est pas permis de les kaffar en personne et en particulier, en disant par exemple qu’un tel est un kâfir. Nous devons dire plutôt que tel acte relève de la mécréance et que son auteur dans l’absolu est un mécréant… »

Puis, après une longue explication, il conclut : « Ce discours est basé sur le principe suivant : nous jugeons mécréante dans l’absolu une parole jugée ainsi par les textes du Coran, de la sunna, et du consensus, comme en témoignent les preuves textuelles… mais cela ne veut pas dire qu’il faille juger mécréante toute personne l’ayant prononcé. Il incombe avant cela de réunir les conditions nous permettant de le faire et d’évacuer les restrictions faisant obstacle à notre jugement. »[13]

 

La distinction entre trois notions : le takfîr à grande échelle, le takfîr particulier, et le takfîr d’un acte ou d’une caractéristique

 

Dans le chapitre de l’apostasie, les spécialistes en figh utilisent, pour donner des exemples du takfîr d’une caractéristique, des expressions du genre : celui qui fait telle chose est un kâfîr. Ils font allusion à l’acte, non à la personne, et quand bien même ils le feraient, il s’agit d’un statut dans l’absolu, non d’un cas particulier. Cela ne signifie nullement qu’ils ne voient pas le takfîr mu’aïyin. Cependant, ils l’établissent une fois que les conditions pour le faire sont réunies, en tenant compte notamment d’iqâma el hujja.

 

Par ailleurs, ils n’utiliseront pas les mêmes expressions pour parler d’un cas particulier. Le cas échéant, ils disent par exemple : un tel est un kâfir ou un tel est un mushrik. Pour le takfîr à grande échelle, il s’agit de dire que les habitants de telle région ou de telle époque sont des kuffâr. Ce cas est encore différent du takfîr d’une caractéristique. Ibn Taïmiya explique dans plusieurs passages de ses ouvrages que les kharijites ne font pas la différence entre le cas absolu et le cas particulier dans les questions du takfîr. Malheureusement, bon nombre de traditionalistes des quatre écoles, et notamment les hanbalites, font la même confusion.[14]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 



[1]Voir : el jawâb el mufîd fî hukm jâhil e-tawhîd (p. 109) ; voir également : shubuhât e-takfîr du D. ‘Omar Quraïshî (p. 358).

[2]Voir : majmû’ el fatâwa (20/386-388).

[3]Idem. (3/231).

[4]Voir : majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/44).

[5]Voir : e-rasâil e-shakhsiya comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (3/3/29, 33, et 58) ; voir également : e-dhiyâ e-shâriq (p. 88, 93-94), et e-durar e-saniya (1/63).

[6]Voir : e-durar e-saniya (1/131-132), e-dhiyâ e-shâriq (p. 72),

[7]Voir : zhilâl el Qur-ân (4/4122).

[8]Voir : e-durar e-saniya (10/131)

[9]Voir : minhâj ahl el haqq wa el ittibâ’ (p. 74).

[10]Mukhtasar e-sharh el kabîr wa el insâf comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (4/511).

[11]Ta-yîd el Malik el Manân fî naqdh dhalâlât Dahlân (p. 124).

[12]E-durar e-saniya (10/403).

[13]E-durar e-saniya (12/88).

[14]Mujmû’ el fatâwâ (12/487-488).

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