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12 décembre 2016 1 12 /12 /décembre /2016 16:30

 

 

Dialogue sur le ‘udhr bi el jahl dans le shirk akbar IV

(Partie 2)

 

La définition des usûl : bases ou questions fondamentales de la religion

 

Ibn Taïmiya explique : « Les bases fondamentales de la religion se présentent sous la façon suivante : soit, il s’agit de questions auxquelles il incombe de donner foi, de prononcer verbalement, ou de mettre en pratique. Ex. : les questions qui touchent à l’Unicité, aux Attributs, au destin, à la prophétie, à l’eschatologie (la vie après la mort ndt.), ou toutes les questions qui les démontrent… »[1]

 

Ailleurs, il précise : « Donner foi au caractère obligatoire des obligations apparentes et communément transmises et au caractère prohibé des interdictions apparentes et communément transmises est l’un des plus grands fondements de la foi et des fondements de la religion. »[2]

 

La distinction entre les usûl et les furû’ (questions subsidiaires de la religion)

 

Sheïkh Taqî e-Dîn établit qu’Allah pardonne au croyant qui qu’il soit, lorsqu’il commet une erreur malgré ses efforts à la recherche de la vérité. Il n’y a pas de différence en cela, entre les questions fondamentales (usûl ndt.) ou subsidiaires (furû’ ndt.) ; cette tendance est celle des Compagnons et de la plupart des grandes références de l’Islam. Ces derniers n’ont jamais fait la différence dans le domaine du takfîr entre les questions fondamentales qui, en les reniant, feraient sortir de la religion, et les questions subsidiaires qui ne feraient pas sortir de la religion celui qui les renie.

 

Puis, il poursuit : « Quant à séparer entre les éléments de la religion en deux ensembles en faisant entrer dans le premier d’entre eux les questions dites fondamentales et dans l’autre, les questions dites subsidiaires ; il faut savoir que cette distinction ne prend son origine ni chez les Compagnons ni chez leurs fidèles successeurs ni chez les grandes références de la religion. Elle provient plutôt des innovateurs, avec les mu’tazilites à leur tête.

 

C’est de ces derniers que s’inspirent les légistes qui en parlent dans leurs ouvrages. Sans compter que cette distinction se contredit elle-même. Nous demandons à ses théoriciens de nous indiquer la limite des questions fondamentales qui vouent toute erreur à la mécréance et la limite des questions subsidiaires !

Ils peuvent toujours répondre que les premières représentent les questions dogmatiques et les secondes, les questions pratiques.

Ce à quoi nous répondons : les musulmans se sont divisés sur le sujet de savoir si le Prophète (r) a vu ou non Son Seigneur, si ‘Uthmân est meilleur qu’Ali, sur de nombreuses exégèses du Coran, et sur l’authenticité de certains hadîth ; en sachant que ces divergences relèvent des questions dogmatiques et théoriques. Pourtant, celles-ci n’entrainent aucun takfîr à l’unanimité des savants.

D’un autre côté, le caractère obligatoire de la prière, de l’aumône légale, du jeûne et le caractère prohibé de la débauche, et du vin sont de l’ordre des questions pratiques. Pourtant, à l’unanimité des savants, elles vouent à la mécréance toute personne qui les renie.

 

Ils peuvent aussi vouloir dire que les usûl renferment les questions formelles.

Ce à quoi nous répondons que nombre de questions pratiques sont formelles ; comme il existe de nombreuses questions théoriques qui ne le sont pas. Tout en sachant que la notion de « formel » ou de « probabilité » est relative. Une question peut être formelle pour quelqu’un qui détient de son point de vue une preuve irréfutable ; il peut avoir entendu un texte prophétique et pénétrer parfaitement ses intentions ; au moment où pour un autre cette question n’atteint même pas le degré de probabilité, avant qu’on puisse parler de formelle, étant donné qu’il n’a jamais eu cette preuve entre les mains, ou que, bien qu’il l’en ait connaissance, il remet en question son sens ou son authenticité, ou encore qu’il ne soit pas en mesure d’y puiser le moindre argument. »[3]

 

Bien qu’aléatoires, les termes usûl et furû’ ne sont pas condamnables en eux-mêmes !

 

L’homme qui rendit l’âme dans les murs de sa prison est l’auteur des paroles : « Si tu sais que l’expression usûl e-dîn, dans le vocabulaire de ses instigateurs est une notion vague et floue, car renfermant une conception élastique qui varie en fonction des contextes et des spécialités dans lesquels elle est utilisée ; tu te rendras compte que le vrai usûl e-dîn pour Allah, Son Messager, et Ses serviteurs croyants fut hérité, en réalité, du Messager. »[4]

 

« De nombreux imams des différents groupes, comme les légistes, les traditionnistes, et les soufis (y), bien qu’au niveau des furû’, ils suivent différentes écoles, tous revendiquent être conformes au niveau des usûl ou de la sunna, la tendance d’Ahmed ibn Hanbal. »[5]

 

« Là où nous voulons en venir ici, c’est que les procédés utilisés par le Coran pour éclairer les arguments et les questions dans les usûl et les furû’, sont d’une extrême perfection. »[6]

 

Ainsi, ces deux termes s’étant vulgarisés dans quasiment toutes les spécialités de la religion, et, de surcroit, pouvant revêtir une bonne connotation, il n’y a pas de raison à ne pas les utiliser. D’autant plus, qu’il est même possible, aux yeux d’ibn Taïmiya, d’utiliser des termes hérétiques par condescendance, et si l’intérêt le réclame. C’est le cas par exemple quand on s’adresse à des personnes qui ne connaissent que ce vocabulaire.[7] Que dire alors si l’on sait que ces deux vocables trouvent leur légitimité dans les textes ! Le tout est de bien les délimiter et de les orienter. Ibn Taïmiya s’en charge en offrant une distinction d’une extrême cohérence et d’une imparable précision entre les notions d’usûl et de furû’.

 

Qu’on en juge : « En réalité, toute question évidente entrant dans chacun de ces deux domaines (théorique et pratique) entre dans les usûl ; et toute question subtile entre dans les furû’. Connaitre le caractère obligatoire des cinq piliers de l’Islam, le caractère prohibé des interdictions évidentes et communément transmises ; comme savoir, parmi les questions dogmatiques évidentes et communément transmises, qu’Allah est capable de faire toute chose, qu’Il est Omniscient, qu’Il est Entendant, Voyant, que le Coran est Sa Parole, etc.

C’est pourquoi, en reniant les lois pratiques que nous avons citées, et sur lesquelles règne un consensus, on devient un mécréant, au même titre que celui qui renie l’une de ces questions dogmatiques… »[8]

 

La classification usûl/furû’ est tout simplement illégitime dans le domaine du takfîr[9]

 

Puis, il enchaine : « Il est même possible qu’il soit plus imposé de reconnaitre certaines lois pratiques que les lois dogmatiques. C’est même le cas pour la plupart des questions ! Il suffit, en effet, d’avoir une connaissance générale des questions dogmatiques qui touchent à la foi en Dieu, Ses anges, Ses Livres, Ses messagers, à la vie après la mort, et au destin qu’il soit bon au mauvais.

 

Quant aux obligations religieuses, il incombe d’en avoir une connaissance approfondie, car c’est le seul moyen de les mettre en pratique… » [10]

 

Ibn Taïmiya insiste sur le fait que les compagnons ne faisaient pas la différence entre les usûl (dont le shirk akbar fait partie) et les furû’ pour les erreurs d’interprétation.

 

Voici ses paroles : « Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’tazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[11]

 

Il explique ailleurs : « Quant à moi, - ceux qui s’assoient avec moi le savent très bien –, je compte parmi les gens qui défendent avec le plus d’acharnement de condamner une personne en particulier d’apostat, de pervers, ou de désobéissant sauf s’il devient certain que la preuve prophétique a été fournie contre elle (qâmat el hujja e-risâliya) de sorte que toute personne qui les contredit soit condamnable d’être soit apostat, soit pervers ou soit désobéissant. J’ai par ailleurs établi qu’Allah pardonne les erreurs commises par les membres de cette communauté : Cela concerne aussi bien les erreurs qui relèvent des masâil el khabariya el qawliya (el usûl pour certains ndt.) que les masâil el ‘ilmiya (el furû’ pour certains ndt.). Les anciens se divisent encore sur ces questions. Personne n’a condamné l’un d’entre eux au kufr, au fisq ou à la ma’siya (…) j’expliquais que les paroles des anciens et des grandes références qui parlent du takfir el mutlaq en disant : celui qui fait telle et telle choses est un kafir ; j’expliquais qu’elles étaient justes, mais qu’il incombait également de faire la différence entre le mutlaq (le cas général) et le mu’ayin (le cas particulier). »[12]

 

À suivre…

 

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

http://www.mizab.org/

 

[1] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/27).

[2] Majmû’ el fatâwâ (12/496).

[3] Majmû’ el fatâwa (23/346-347) ; voir également : (13/126)  et (19/207-212) ; mais aussi : manhâj e-sunna (5/84-95).

[4] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/41).

[5] Bayân talbîs el jahmiya (2/92).

[6] Majmû’ el fatâwa (2/8).

[7] Voir : Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/554-555).

[8] Majmû’ el fatâwa (6/56-57).

[9] En annotation à ‘âridh el jahl (p. 97) de Râshid e-Râshid, Sheïkh el Fawzân souligne qu’ibn Taïmiya condamne cette classification dans les questions du takfîr, non qu’elle n’ait aucune origine dans la religion. J’ai récemment entendu Sheïkh Shathrî revoir à la baisse la tendance qu’il attribuait à ibn Taïmiya sur le sujet, et s’aligne désormais à celle de Sheïkh el Fawzân. Une réfutation mettant l’accent sur son approximation lui avait été consacrée, qu’Allah le préserve !

[10] Majmû’ el fatâwa (6/57).

[11] Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[12] Majmû’ el fatâwâ (3/229).

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