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29 juillet 2017 6 29 /07 /juillet /2017 12:07

Le takfîr à la hâte

(Partie 2)

Certains élèves des grandes références de la première époque appréhendaient mal les questions du takfîr ; ces derniers confondaient entre le takfîr el mutlaq (absolu) et le takfîr el mu’ayin (particulier), et attribuait cette tendance à l’imâm Ahmed.[1] Cette conception biaisée fut adoptée dans les rangs hanbalites,[2] à travers les siècles avec son lot d’anathèmes à l’emporte-pièce contre leurs coreligionnaires coupables d’hérésie, et son lot de troubles qu’ils engendrèrent. Les autres écoles canoniques ne furent pas épargnées par ce rigorisme. Sous l’influence du mu’tazilisme, voire du kharijisme, nombreux sont les légistes modernes qui distinguent entre les éléments fondamentales et subsidiaires de la religion avant de se prononcer sur un cas particulier ; ceux-ci n’accorde aucune circonstance atténuante à tout fautif éventuel dont l’erreur relève du premier domaine, en faisant preuve d’une plus grande tolérance pour le second. Ibn Taïmiya corrige cette approximation historique qui impute à tort cette tendance aux anciens, comme nous l’avons vu à maintes reprises.[3]

 

Cette conception biaisée fut tellement ancrée dans les milieux hanbalites que des modernes, à l’image de certains érudits de la da’wâ nadjite, vacillent entre deux réactions vis-à-vis de la position d’ibn Taïmiya : les uns lui imputent de les rejoindre dans leur approche, et les autres, à l’instar d’Abâ Btîn, lui donne tort, ou, tout au moins, font preuve d’approximation dans l’avis qu’ils lui attribuent. D’ailleurs, ils commettent ce même genre d’approximation avec son élève, ibn el Qaïyim, un peu à la manière d’ibn Bâz – qu’Allah ait son âme – qui utilise le fameux passage de tarîq el hijrataïn où il parle des païens de la période d’intervalle entre deux prophéties, pour l’étendre aux musulmans coupables de shirk, et qu’il assimile aux païens d’origine. Il ne fait certes qu’une analogie, mais, aussi honorable soit-il, nous ne lui concédons nullement de comparer l’incomparable, comme l’établit Sheïkh Sa’dî ![4]

 

Ibn Taïmiya distingue entre les païens d’origine et les musulmans coupables de shirk dans des propos dont voici la teneur : « … Ce genre de pratiques est beaucoup répandu chez les païens purs et durs et chez les adeptes de cette communauté coupable d’association. »[5]

 

Ailleurs, il signe : « C’est la raison pour laquelle, tout fautif auteur d’une mauvaise interprétation (ta-wîl) ou d’un acte pervers (fisq), bien que, contrairement au premier, il jouisse d’une croyance saine, soit, d’un côté, louable, et blâmable, d’un autre côté, mais dans les deux cas, il se distingue des mécréants (païens et gens du Livre). »[6]

 

El islâm jâa li e-tafrîq baïna el mukhtalifaïn wa e-taqrîb baïna el mutamâthilaïn !

 

Quand à nous, simples observateurs, nous devons mettre en lumière les points de convergence et de divergences (el qadr el muftaraq wa el aqadr el mushtarak) qui se trouvent entre les différentes questions de la religion. Il ne s’agit pas d’uniquement empiler des connaissances sous leur forme la plus brute, mais faire preuve de dirâya (esprit d’analyse), wa Allah el musta’ân !

 

L’imam Ahmed disait : « Il incombe à toute personne qui s’initie à parler de figh d’éviter ces deux principes : les notions vagues et l’analogie. » Il soulignait également : « La plupart des erreurs des gens proviennent de la mauvaise interprétation et de l’analogie. »[7]

 

Le takfîr illégitime

 

L’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb utilise plusieurs hadîth qui condamnent le takfîr illégitime.[8] Selon Abû Dharr notamment, le Prophète (r) prévient : « Quand l’accusation de pervers ou de mécréant est infondée, elle se retourne contre son auteur. »[9] Toujours selon Abû Dharr, un autre hadîth nous apprend : « L’accusation à tort de mécréant ou d’ennemi d’Allah se retourne contre son auteur. »[10]   Sheïkh Sulaïmân ibn ‘Abd Allah Âl e-Sheïkh met vivement en garde de traiter son frère musulman d’hypocrite pour un intérêt matériel ou par esprit de clan, etc.[11]

 

D’autres hadîth dénoncent de telles accusations infondées. Nous avons notamment :

  • « Taxer un croyant de mécréant revient à le tuer. »[12]
  • « L’accusation de mécréant contre son frère s’applique obligatoirement sur l’un des deux individus en présence. »[13]
  • « L’accusation de mécréant à l’encontre de son frère s’applique obligatoirement sur l’un des deux individus en présence ; si elle s’avère exacte, c’est tant mieux, sinon, elle se retourne contre son auteur. »[14]
  • « Si l’accusation de pervers ou de mécréant est infondée, elle se retourne contre son auteur. »[15]

 

L’Ami d’Allah (r) a donc mis sa communauté en garde de prendre le takfîr des musulmans à la légère, et de les condamner ainsi sans scrupule, à travers des paroles qui nous interpellent profondément.[16] Le takfîr téméraire des musulmans est extrêmement dangereux, et engendre des répercussions terribles.[17] L’une des plus grandes manifestations de l’excès, est de sortir impunément les musulmans de la religion en se basant sur de simples suspicions ou sur l’interprétation aléatoire des textes.[18]

Ibn ‘Abd el Barr – qu’Allah ait son âme – souligne : « Les textes du Coran et de la sunna démontrent formellement qu’il est interdit de taxer impunément un musulman de pervers ou de mécréant. »

 

 

[1]Mujmû’ el fatâwâ (12/487-488).

[3] Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[5] Voir : minhâj e-sunna (2/396).

[6] Voir : jâmi’ e-rasâil (1/244-245).

[7] El qawâ’id e-nurâniya de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (2/437).

[8] Voir : kitâb el kabâir inclus dans majmû’ mu-allafât e-Sheïkh (6/293).

[9] Rapporté par el Bukhârî (6045).

[10] Rapporté par Muslim (112).

[11] E-durar e-saniya (8/165-166).

[12] Rapporté par el Bukhârî (n° 6652).

[13] Rapporté par Muslim (n° 111).

[14] Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

[15] Rapporté par el Bukhârî.

[16] Sheïkh Husaïn Âl e-Sheïkh au cours d’un sermon du vendredi.

[17] Sheïkh D. ‘Abd e-Rahmân e-Sudaïs au cours d’un sermon du vendredi.

[18] Sheïkh Husaïn Âl e-Sheïkh au cours d’un sermon du vendredi.

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