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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:32

 

 

 

 

Celui qi est souvent comparé à ibn taïmiya dit dans un autre passage concernant spécialement le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah : « … la sunna est venue pour expliquer que l’obéissance doit se faire dans les limites du convenable ; ces limites correspondent aux actes obligatoires et recommandés qu’Allah a imposé et agréé pour Ses serviteurs. Il est cependant interdit de se référer à des jugements qui puisent leur source dans une législation illégitime, et qui va à l’encontre du Coran et de la sunna, comme les lois grecques, franques, tatares ; tous ces codes qui proviennent de leur propre réflexion et penchants. Nous pouvons en dire autant des coutumes et des traditions bédouines en usage. Quiconque les autorise moralement (istahalla) dans les affaires de sang ou autre est un mécréant. Allah (I) révèle à ce sujet : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Certains exégètes expliquent au sujet de ce Verset qu’il s’agit ici du kufr dûn el kufr el akbar. Ils en comprennent en effet qu’il englobe également celui qui n’applique pas les lois d’Allah, sans toutefois l’autoriser moralement.

 

Néanmoins, ils ne contestent pas que son sens général concerne celui qui l’autorise moralement, et qu’il sort ainsi de la religion. »[1]

 

Ibn Taïmiya lui-même avait, des siècles plus tôt, un discours qui allait dans ce sens : « Nul doute que quiconque n’est pas convaincu qu’il incombe d’appliquer les Lois qu’Allah a révélées à Son Messager est un mécréant. Quiconque autorise moralement (istahalla) de régner sur les hommes selon ce qu’il croit être juste, sans se conformer aux Lois d’Allah est un mécréant.

Toute nation en effet aspire à faire régner la justice qui peut être appréciée, dans certaines éthiques, par l’élite. Bon nombre de communautés affiliées à l’Islam se permettent elles-mêmes de se référer à leurs coutumes qui n’ont aucun lien avec la Révélation, comme les coutumes bédouines ou celles qui sont sous l’autorité d’un chef ; celles-ci pensent qu’il convient de suivre ces conventions aux dépens du Coran et de la sunna. La mécréance correspond exactement à cela. Beaucoup de gens qui se convertissent à l’Islam ne se soumettent pourtant qu’à leurs traditions en usage.

 

Dans la mesure où ces derniers savent pertinemment qu’il n’est pas permis de mettre de côté les Lois d’Allah, s’ils n’y adhèrent pas (iltazama), ou si au contraire ils appliquent des lois contraires, ils sont de vulgaires mécréants, ou sinon, de simples ignorants. »[2]

 

Il explique ailleurs : « À partir du moment où quelqu’un autorise une loi qui est licite à l’unanimité des savants, ou bien une autre qui est illicite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) de ne pas appliquer les lois d’Allah. »[3]

 

Les trois grandes références contemporaines ont un discours qui va également dans ce sens. Prenons l’exemple de Sheïkh el ‘Uthaïmîn, qui commenta les paroles de Sheïkh el Albânî – que rapporte l’ancienne revue el Muslimûn – en ces termes : « … ainsi, selon l’interprétation que nous avons faites du Verset en question, nous estimons que le hukm bi ghaïr ma anzala Allah ne fait pas sortir de l’Islam, mais qu’il relève du kufr el ‘amalî. Un tel gouverneur sort en effet du droit chemin. Il n’y a pas de différence en cela, entre celui qui s’inspire des lois instaurées par d’autres et qu’il applique à son pays, et celui qui invente une législation. »

 

Ailleurs, il précise : « Il est possible que l’une des motivations qui poussent à appliquer des législations qui s’opposent à la religion, la menace de certains gens plus puissants font régner sur lui. Il cherche ainsi à se les concilier. C’est pourquoi, nous disons, qu’il n’est pas différent ainsi des autre pécheurs qui sont motivés par les mêmes raisons… »

 

Nous disions également dans un article précédent :

 

D’un point de vue terminologique, il faut savoir que le kufr correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (r) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains). notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).

 

Ainsi, les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr. C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah, dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz.[4] Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue.

 

Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq (perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.[5]

 

Remarque :

 

En fonction des membres avec lequel il se matérialise, le kufr se divise en trois catégories :

• El kufr el qalbî : qui concerne les éléments de la croyance qui touchent au kufr akbar (comme le reniement, le scepticisme, l’association dans les trois domaines du tawhîd : Rububiya, Ulûliya, el Asmâ wa e-Sifât).

• El kufr el qawlî : qui concerne les paroles et touche aussi bien le kufr akbar que le kufr asghar. Il faut savoir ici que les paroles traduisent la croyance. Celui qui apostasie avec la langue, apostasie immanquablement avec le cœur, contrairement aux jahmites pour qui les paroles extériorisent la croyance, sans relever du kufr en elles-mêmes ; c’est le dalîl zhâhir. Ainsi, peu importe que celui qui prononce le kufr soit convaincu par ses paroles ou non, étant donné qu’il les a dites en toute âme et conscience (tatâbuq e-zhâhir bi el bâtin). Seul le mukra (qui les prononce sous la contrainte) est excusable.

• El kufr ‘amalî : qui concerne les actes et qui se subdivise en

-                  en mukhrij min el milla qui correspond aux actes s’opposant littéralement à la foi (blasphémer, se prosterner devant une idole, uriner sur le Coran),

-                  et ghaïri mukhrij min el milla comme le hukm bi ghaïri mâ inzala Allah et târik e-sâlat comme le souligne ibn el Qaïyim.

 Ainsi, il est plus précis de classer le kufr de cette façon que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.[6]

 

Wa Allah a’lam !

 

Par : Karim Zentici

 

 



[1]Manhâj e-ta-sîs wa e-taqdîs (p. 70-71).

[2] Manhaj e-sunna e-nabawiya (5/130).

[3]Majmû’ el fatâwâ (3/267).

[4]Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991).

[5]Voir : e-Takfîr wa Dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî.

[6]Idem.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:31

 


 

Voir : wa jâdil hum bi e-lî hiya ahsan de Bandar ibn Nayif el ‘Utaïbî (p. 72-75), 6ème édition. Le livre est préfacé par Sheïkh el ‘Ubaïkân et Mohammed ibn Hasan Âl e-Sheïkh, qui est un membre du Comité des grands savants d’Arabie Saoudite.

 

Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,

et tous ses Compagnons !

 

Le terme tâghût n’est pas forcément synonyme de kufr akbar pour les raisons suivantes :

 

1- Le terme tâghût correspond étymologiquement à tout ce qui est une tête de file dans l’égarement. Il est dérivé du vocable tughiân, que l’on pourrait peut-être traduire en français par tyrannie, et qui signifie : dépasser les limites. Ce fameux tughiân peut certes atteindre le degré de kufr akbar, mais, il ne faut pas en faire une généralité.

 

En explication au Verset : [et éloignez-vous du tâghût],[1] el Qurtubî explique à ce sujet : « C’est-à-dire : délaissez toute adoration consacrée en dehors d’Allah, comme Satan, le sorcier, l’idole, et tout ceux qui appellent à l’égarement. »[2] Pour le linguiste el Faïrûz Âbâdî, le tâghût, c’est e-Lât, el ‘Uzza, le sorcier, Satan, toute tête de file dans l’égarement, les idoles, toute adoration vouée en dehors d’Allah, et les rebelles parmi les adeptes des Écritures.[3]

Ibn Bâz est encore plus clair : « Les limites que tu ne dois pas dépasser, c’est d’être un adorateur d’Allah obéissant. Si tu dépasses ces limites, tu deviens un tâghût en raison de ton acte qui peut ou non, en fonction de sa gravité, te faire atteindre le degré de mécréance. »[4]

 

2- Certains savants utilisent le terme tâghût pour simplement désigner le fait qu’une chose ou une personne dépasse les limites imposées par le Tout-Puissant, sans spécialement regarder les intentions, voir les actes, du coupable. Par exemple, les objets inertes qui font l’objet d’une adoration sont, par définition, des tawâghît. Il est pourtant élémentaire que ces objets en question ne sont pas concernés par les injonctions divines, avant que l’on puisse parler à leur sujet de musulmans/mécréants. Dans ce cas, il est possible d’utiliser le terme tâghût pour désigner l’idolâtre, non l’objet d’adoration.

 

Ibn el Jawzî explique à ce sujet : « Ibn Qutaïba a dit : Toute adoration (pierre, image, Satan) entre dans la définition du jibt wa tâghût.E-Zujâj, parmi les linguistes, rapporte la même définition. »[5] Le fameux ibn Taïmiya, donc le discours est parfois mal utilisé, ou tout simplement mal compris souligne pour sa part : « C’est un nom générique dans lequel entre Satan, les statuts, les sorciers, l’or, l’argent, etc. »[6]

Son élève ibn el Qaïyim en donne la définition suivante : « Un tâghût,c’est tout entité avec laquelle l’individu dépasse les limites : que ce soit un objet d’adoration, d’imitation, ou de soumission. »[7] En annotation à ces paroles, Sheïkh el ‘Uthaïmîn affirme : « L’auteur fait allusion à celui qui est consentant. Il possible de dire également qu’il est tâghût en regard de celui qui adore, imite ou se soumet à ses ordres, étant donné qu’il a dépassé les limites dans ces relations avec lui. Ainsi, son acte est un acte de tughiân pour avoir dépassé les limites. »[8]

 

3- Certains savants utilisent le terme tâghût pour désigner certains grands péchés. Si le tâghût était synonyme de kufr akbar, ils ne se seraient pas permis de le faire, sinon, force est de constater, qu’ils rejoindraient la tendance kharijite, ce qui est impensable !

 

Le linguiste e-Râghib el asfahânî donne l’explication suivante : « Le tâghût est une expression pour désigner toute ce qui dépasse les limites et toute adoration voué en dehors d’Allah… Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, le sorcier, le mage, et le rebelle parmi les démons, et celui qui détournent du droit chemin est un tâghût. »[9]

 

Dans les fameuses e-durar e-saniya, l’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb est encore plus éloquent sur la question : « Il existe de nombreux tawâghît ; ceux qui nous intéressent ici sont au nombre de cinq, avec à leur tête : Satan, le sultan tyran, celui qui mange la corruption, celui qui reçoit l’adoration sous son consentement, et celui qui fait des œuvres sans avoir de science. »[10]

 

Sheïkh el ‘Uthaïmîn donne plus de détails : « … Les mauvais savants qui appellent à l’égarement et à la mécréance, ceux qui appellent à l’innovation, qui appellent à autoriser ce qu’Allah a interdit et inversement, sont des tawâghît. »[11]

    

Pour être plus précis, nous disons que le terme tâghût désigne deux choses :

 

A-               Le sujet ou le participe présent/actif (ism el fâ’il) dans le sens où celui qui commet un acte de tughiân, ou en d’autres termes, que celui qui dépasse les limites est un tâghût par ses actes. En sachant que son acte peut ou non faire sortir de la religion, en fonction de sa gravité.

B-                Le complément ou le participe passé/passif (ism el maf’ûl) en parlant de l’objet ou de la personne qui subit l’action. C’est un tâghût, si on regarde l’auteur de cette action. Cette forme de tughiân peut également faire sortir ou non de la religion en fonction de la gravité de l’acte. Quant à l’objet ou la personne qui subit l’action, celui-ci n’a aucun grief à son passif.

 

En résumé : avant de taxer de mécréant, l’auteur d’un acte qui relève du tughiân, il incombe de vérifier deux paramètres indispensables :

-               Est-ce que ce tughiân atteint dans la gravité le degré de mécréance ? Ce paramètre concerne donc l’acte.

-               Est-ce que le terme tâghût s’applique à l’objet de cet acte ou à son sujet. ensuite, s’il concerne le sujet, il faut vérifier si ce dernier est consentant ou non.

 

Gloire à Toi Ô Allah ! Et à Toi les louanges ! J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu (digne d’être adoré) en dehors de Toi ! J’implore Ton pardon et me repens à Toi !

 

Traduit par :

Karim ZENTICI  



[1]Les abeilles ; 36

[2]Tafsîr (5/75).

[3]El qâmûs el muhît (ta-ghâ).

[4]Sharh thalâtha el usûl (cassette n°2 ; 1ère face : de tasjîlât el bardaïn à Riadh).

[5]Nuzhat el a’yun e-nawâzhir (p. 410 bâb e-tâghût).

[6]Majmû’ el fatâwâ (16/565).

[7]I’lâm el muwaqqi‘în (1/50).

[8]El qawl el mufîd (1/30).

[9]Mufradât alfazh el qur-ân p. 108 (ta-ghâ).

[10] E-durar e-saniya (1/137).

[11] Sharh el usûl e-thalâtha (p. 151).

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:25

 

 

 

 

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Une lecture exhaustive (istiqrâ) des Textes du Coran et de la sunna ont permis à ibn Taïmiya de constater que le terme kufr introduit par la particule « el » fait automatiquement allusion à la grande mécréance.[1] C’est ce qui fait dire à certains contemporains que le v. 44 de la s. el mâida fait allusion au kufr akbar.

 

En réponse :

 

1- Cette interprétation va à l’encontre, comme le souligne ibn Bâz, de celle d’ibn ‘Abbâs, Tâwûs, ‘Atâ, de Mujâhid, et d’un certain nombre de savants des nouvelles et des anciennes générations, comme l’évoquent le Hâfizh ibn Kathîr, el Baghawî, el Qurtubî, etc. Ibn el Qaïyim a un discours qui va dans ce sens dans son kitâb e-salât, tout comme le Sheïkh ‘Abd e-Lâtif ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.[2] Un jour, on demanda à l’Imam Ahmed de quelle forme de mécréance s’agissait-il dans le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants] ? Ce dernier répondit exactement comme Tâwûs, l’élève d’ibn ‘Abbâs, soit en disant : « C’est la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. »[3]

 

Safar el Hawâlî, un détracteur acharné des grands traditionalistes contemporains, fait le même constat en disant : « … Cependant, si le terme « kufr » lui-même est utilisé dans les hadîth, sans vouloir parler du grand kufr, comme dans le hadîth : « Offenser un croyant relève de la perversion, et le tuer relève de la mécréance. »[4] ; Que dire alors des termes « fisq » et « dhalâl » qui représentent une moins grande menace que le terme « kufr » ? Pourquoi alors faire une différence entre les textes du Coran et de la sunna. Les anciens (y)ont pourtant expliqué le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[5] Il s’agit du kufr dûn kufr ou du kufr qui ne fait pas sortir de la religion.

 

Dans son livre, e-salât wa hukm târikuhâ, ibn el Qaïyim affirme : « Cette opinion est celle de tous les Compagnons sans exception. » Celle-ci est rapportée selon ibn ‘Abbâs parmi les Compagnons, ‘Atâ, Tâwûs parmi les tâbi’îns, Abû ‘Ubaïd, l’Imam Ahmed parmi les successeurs des tâbi’îns. Elle est également rapportée par el Bukhârî dans son sahîh, et d’autres grandes références et une multitude de grands savants que Seul Allah (I)peut dénombrer. »[6]

 

2- L’istiqrâ en question, comme le souligne Sheïkh el ‘Uthaïmîn, concerne le morphème el kufr, qui est à l’infinitif (masdar), alors qu’il prend la forme du participe présent (ism fâ’il) dans le v. 44 de la s. el mâida. Or, si le masdar exprime l’action, l’ism fâ’il renvoie à deux choses en même temps : l’action et le sujet de cette action, dans le sens où il est possible de désigner ceux qui commettent du kufr comme des mécréants. On peut indépendamment dire kâfirûn ou el kâfirûn. Dans les deux cas, il s’agit du kufr asghar.

 

3- La preuve, c’est qu’ibn Taïmiya estime lui-même que le fameux Verset parle de la mécréance mineure. Qu’on en juge : « Si, comme le disent les anciens, un individu peut déceler en même temps des signes de la foi et de l’hypocrisie, ou encore comme ils l’établissent également, des signes de la foi et de la mécréance ; il faut savoir qu’il ne s’agit pas de la mécréance qui fait sortir de la religion, comme le révèle ibn ‘Abbâs et ses élèves au sujet du Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Selon ces derniers en effet, ils commettent de la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. L’Imam Ahmed ibn Hanbal et d’autres grandes références les ont rejoints dans ce principe. »[7] Il rapporte même ailleurs qu’aucune divergence entre les anciens n’est à constater sur ce point.[8]

 

4- Il est impossible qu’ibn Taïmiya puisse non seulement s’opposer à un consensus établi comme nous avons le voir, mais qui plus est, assurer le contraire. Si cela avait été le cas, nous aurions dit sans détour, pour reprendre les fameuses paroles d’ibn el Qaïyim el Jawziya, si Sheïkh el Islam (en parlant d’el Harawî) nous est cher, la vérité nous est encore plus cher.

 

Ce même ibn el Qaïyim explique également : « Il n’incombe nullement à la nation de suivre ou de s’en remettre au jugement de quiconque inaugure un discours et établit des règles en fonction de sa propre compréhension et interprétation. Il importe avant tout d’exposer son discours aux enseignements du Messager. S’il correspond et est conforme à ceux-ci, on peut alors témoigner de sa véracité et l’approuver dans ces conditions uniquement. Sinon, il est impératif de le réfuter et de le rejeter. Dans le cas où l’on ne peut y distinguer ni la conformité ni la non-conformité aux enseignements prophétiques, il faut le laisser en suspens. Au pire des cas, il est tout juste légitimé de s’en servir comme loi ou comme fatwa ; il est possible encore de le délaisser. » Fin de citation.[9]

 

En commentaire à ce passage Sheïkh ‘Ubaïd el Jâbirî nous fait savoir : « Il est établi en effet chez les Imams parmi les pieux prédécesseurs que les paroles et les actes des hommes doivent être mesurés à la lumière des Textes et du consensus. Quiconque dont la pensée est conforme aux textes ou au consensus, se verra approuvé tandis que s’il contredit l’une ou l’autre de ces références, il se verra désapprouvé quel que soit le rang de ce dernier. Si l’on se penche sur la situation des Imams, et des prêcheurs bien guidés parmi les pieux prédécesseurs en commençant par les Compagnons, les grandes références des Tâbi’în, et leurs fidèles successeurs, on se rendra compte qu’ils ont emprunté cette voie. Ils se tiennent ainsi face aux innovateurs et aux gens des passions grâce à des arguments irréfutables qu’Allah leur a concédés et à des preuves percutantes du Coran et de la sunna»[10]

 

5- Le plus étonnant, c’est que certains adversaires nous reprochent d’aller à l’encontre d’un consensus, qui est pour le moins discutable, comme nous l’avons démontré dans le tashrî’, alors qu’eux ne se privent pas d’aller ouvertement contre un consensus, qui lui est établi de façon irréfutable. Cela nous fait penser étrangement aux paroles d’Abû Umâma que relate Shâtibî,[11] et disant que les kharijites sont notamment concernés par le Verset : [Quant à ceux qui ont les cœurs égarés, ils s’attachent aux Versets ambigus en vue de semer la discorde et de les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[12]

 

6- Certains textes qui utilisent el kufr avec un « el » font allusion au kufr asghar.

 

• Selon Masrûq, j’ai interrogé ibn Mas’ûd au sujet de la corruption dans le hukm. Ce dernier m’a répondu : « C’est  la mécréance (el kufr). Puis, il récita [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[13] »[14] Or, à l’unanimité des savants, selon certains auteurs, la corruption (rushwa) dans le hukm relève des grands péchés. Un autre consensus établit que l’injustice des gouverneurs relève également des grands péchés, comme l’établit ibn ‘Abd el Barr[15] et el Qurtubî.[16] Il existe d’ailleurs une annale de ce même ibn Mas’ûd au sujet de ce Verset parlant de l’istihlâl.[17] Et quand bien même cette annale ne serait pas authentique, nous avons vu précédemment, notamment avec les paroles de Safar el Hawâlî qu’il n’existe aucune divergence entre Compagnons sur cette interprétation.

 C’est ce qui nous oblige obligatoirement à orienter les paroles de l’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb disant : « Il existe de nombreux tawâghît ; ceux qui nous intéressent ici sont au nombre de cinq, avec à leur tête : Satan, le sultan tyran, celui qui mange la corruption, celui qui reçoit l’adoration sous son consentement, et celui qui fait des œuvres sans n’avoir de science. »[18]

 

Sulaïmân ibn Sahmân explique en effet : « C’est-à-dire : celui qui autorise moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah et qui préfèrent la loi du tâghût à celle d’Allah… celui qui a cette croyance est un mécréant. En revanche, celui qui ne l’autorise pas moralement, qui considère que la loi du tâghût est complètement fausse, et que la Loi d’Allah et de Son Messager incarne la vérité, n’est pas un mécréant et ne sort pas de l’Islam. »[19] Wa Allah a’lam !

 

• Selon ibn ‘Abbâs, la femme de Thâbit ibn Qaïs s’est rendu auprès du Prophète (r) pour lui dire : « Je ne reproche pas à Thâbit ibn Qaïs son comportement ni sa religion, mais je réprouve la mécréance (el kufr) dans l’Islam… »[20]

 

• Ibn ‘Abbâs affirme au sujet de l’homme qui prend sa femme par-derrière : « C’est  la mécréance (el kufr). »[21]

 

• D’après Mohammed ibn Ishâq, selon Abân ibn Sâlih, selon Tâwûs, selon Sa’îd, selon Mujâhid, selon ‘Atâ : « Les anciens réprouvaient qu’on prenne sa femme par-derrière et ils disaient que c’était la mécréance (el kufr). »[22]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 



[1]Voir : sharh el ‘umda (p. 82), et majmû’ el fatâwa (7/668).

[2]Majmû’ fatâwa wa maqâlât (2/326).

[3]Voir : marwiyat el imâm Ahmed fî e-tafsîr (2/45), masâil ibn Hânî (2/192), et masâil Abû Dâwûd (p. 209).

[4]Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

[5]Le repas céleste ; 44

[6]manhaj el ashâ’ira fî el ‘aqîda (p. 74-75).

[7]Majmû’ el fatâwa (7/312) ; ibn Rajab a également un discours qui va dans ce sens dans son fameux fath el Bârî (1/126).

[8]Voir : kitâb el imân avec la recension de Sheïkh el Albânî (p. 309-310).

[9]Zâd el Ma’âd (38/1).

[10]Kun Salafiyan ‘ala el Jadda de Sheïkh ‘Abd e-Salâm e-Sahaïmî.

[11]Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

[12]La famille d’Imrân ; 7

[13]Le repas céleste ; 44

[14]Hadîth authentique rapporté par Mussaddad dans son musnad, comme l’auteur d’el matâlib el ‘âliya le mentionne (10/197), et Abû Ya’lâ (9/173-174),  ibn Jarîr dans son tafsîr (6/240), e-Tabarânî dans mu’jam el kabîr (9/225-226), el Baïhaqî dans e-sunan el kubrâ (10/139). 

[15]E-tamhîd (5/74-75).

[16]El mufhim (5/117). D’autres savants rappellent que cette compréhension erronée du Verset est celle des kharijites, comme el Ajurrî dans e-sharî’a (p. 27), el Jassâs dans ahkâm el Qur-ân (2/534), et Abû Hayyân dans el bahr el muhît (3/493).

[17]Voir : jâmi’ li ahkâm el Qur-ân d’el Qurtubî (6/190).

[18]E-durar e-saniya (1/137).

[19]Voir : ‘uyûn  e-rasâil (2/603).

[20]Rapporté par el Bukhârî (5273).

[21]Rapporté par Ma’mar dans son recueil el jâmi’ (n° 20953), et e-Nasâî dans e-sunan el kubrâ (8955) avec une chaine narrative authentique.

[22]Rapporté par e-Dârimî dans e-sunan el kubrâ (1/277) avec une chaine narrative considérée bonne par certains spécialistes. Voir : mushkirat e-tasarru’ fî e-takfîr d’Usâma el ‘Utaïbî (407-408).

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:23

 

 

 

 

7- Un hadîth dont l’authenticité est indiscutable utilise le terme el kufr avec un « el » pour désigner lekufr asghar. Qu’on en juge : « Celui qui dit à son frère yâ kâfir, alors que ce n’est pas vrai, verra le kufr se retourner contre lui. »[1]

 

8- Ibn Taïmiya fait certes une différence entre le kufr avec ou sans « el », en parlant du hadîth de celui qui ne fait pas la prière.[2] Cependant, il explique tout de suite après qu’il existe également une différence entre le terme kâfir dans son sens absolu (el kufr el mutlaq) et son sens relatif (mutlaq el kufr ou bien el kufr el muqaïyid).[3]

 

9- Ibn el Qaïyim distingue entre le kufr el ‘amalî et le kufr i’tiqâdî pour nous dire que le premier kufr avec un « el » ne fait pas sortir de la religion, selon cette distinction.[4] même discours chez ibn Hajar,[5] Abû ‘Ubaïd el Qâsim ibn Sallâm,[6] ibn Rajab,[7] etc.

 

10- Ainsi, d’un point de vue terminologique, le kufr correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (r) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains). Notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).

 

Les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr. C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah, dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz.[8] Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue. Il va sans dire qu’on ne peut enlever le nom de kâfir à celui qu’Allah a nommé ainsi, mais il s’agit d’une appellation relative.

 

Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq (perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.[9]

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân explique notamment : « Il existe deux sortes de kufr : Kufr ‘amal et le kufr juhûd wa ‘inâd qui consiste à renier une chose en sachant pertinemment qu’elle vient du Messager (r) par obstination et dénégation. Cela concerne les Noms du Seigneur, Ses Attributs, Ses Actions, Ses Lois qui ont pour base, Son tawhîd et Son adoration unique sans Lui vouer le moindre associer.

Cette forme d’apostasie s’oppose à la foi à tous les niveaux. Concernant le Kufr ‘amal, il y a certains actes qui s’opposent à la foi à tous les niveaux, comme se prosterner devant une idole, dénigrer le Coran, tuer voire offenser un prophète. Quant au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah et l’abandon de la prière, ils relèvent du kufr ‘amal non du kufr i’tiqâd. »[10] Il ramène exactement le discours d’ibn el Qaïyim[11] qui donne plus d’indications sur ses intentions en ces termes : « Allah appelle mécréant celui qui n’applique pas Ses Lois et Il appelle mécréant celui qui renie (juhûd) Ses Lois, mais ces deux mécréances ne sont pas de la même sorte. »[12]

 

L’ancien grand Mufti d’Arabie Saoudite, Mohammed ibn Ibrahim donne la même explication dans son fameux tahkîm el qawânîn : « Allah appelle mécréant celui qui n’applique pas Ses Lois. C’est donc un mécréant dans l’absolu ; soit en faisant du kufr ‘amalî soit en faisant du kufr i’tiqâdî. L’annale d’ibn ‘Abbâs en exégèse à ce Verset et qui est rapporté par la voie de Tâwûs et d’autres exprime que celui qui n’applique pas les Lois d’Allah est un mécréant, soit en faisant du kufr i’tiqâdî qui fait sortir de la religion soit en faisant du kufr ‘amalî qui ne fait pas sortir de la religion. »[13]   

 

11- C’est du moins l’interprétation qu’en font les traditionalistes. Ibn Hazm explique au sujet des trois Versets de la s. el mâida : «  Si les mu’tazilites s’en tiennent à leur raisonnement, ils doivent nécessairement sortir de l’Islam tout désobéissant, tout homme injuste ou pervers, étant donné que l’auteur d’un péché lam yahkum bi mâ anzala Allah. »[14]

 

Ibn ‘Abd el Barr explique à ce sujet : « Certains innovateurs parmi les kharijites et les mu’atazilites se sont égarés dans ce domaine. Ils se sont inspirés de certains Versets du Livre d’Allah qu’il ne faut pas prendre au sens littéral. Des Versets comme : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. »[15]

 

Plus proche de nous, Mohammed Rashîd Ridhâ fait le constat suivant : « Beaucoup de musulmans ont innové des lois et des règlements, à la manière des générations anciennes. En se tournant vers ces législations, ils ont dû délaisser une partie des Lois qu’Allah leur a révélées. Ceux qui délaissent les Lois que le Coran renferme, sans n’être motivé par la moindre interprétation, mais en étant convaincu par la véracité de leur action, sont concernés par les trois Versets en question, ou ne serait-ce qu’en partie. Cela dépend des cas.

 

Se détourner (a’radha) de la Loi prévue pour le vol, la diffamation, ou l’adultère, car au lieu de s’y soumettre, on les trouve abjectes ; et dans la mesure où on donne la préférence aux réglementations humaines, cela relève de la mécréance (kâfir) sans le moindre doute.

 

En revanche, en délaissant les Lois d’Allah pour une autre raison, on devient un injuste (zhâlim), dans la situation où on lèse un ayant droit, ou en manquant de partialité et d’égalitarisme. Sinon, on est un simple pervers (fâsiq).

 

Nous voyons en parallèle que beaucoup de musulmans religieux considèrent les juges des tribunaux civils, qui s’inspirent du droit séculier, comme des mécréants. Ces derniers prennent au sens littéral le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela implique de vouer à la mécréance le juge qui se réfère au qânûn, les émirs et les sultans, qui eux, ont instauré (ou forgés) ces codes. Bien qu’ils n’aient pas été dictés sous leur connaissance, ils ont reçu leur aval pour être mis en vigueur au niveau du pays. En outre, ce sont eux qui nomment les juges dans le but de les faire appliquer.

 

Or, aucune grande référence notoire en figh n’a pris ce Verset au sens littéral. Je dirais même que personne ne l’a jamais fait. (sic) »[16]

 

Cette dernière phrase pose un problème. L’auteur veut certainement dire que même les kharijites ne peuvent pas prendre ce Verset au « premier degré ». Cela imposerait en effet que les petits péchés fassent tout autant sortir de la religion. Ce qu’ils ne disent pas, wa Allah a’lam !

 

Selon Abû Umâma, comme le relatent Shâtibî,[17] les kharijites sont notamment concernés par le Verset : [Quant à ceux qui ont les cœurs égarés, ils s’attachent aux Versets ambigus en vue de semer la discorde et de les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[18]

 

Ibn ‘Abbâs dépeint le profil des kharijites en ces termes : « Ils donnent foi aux Versets formels, mais les Versets ambigus les égarent. » Puis, il récita : [personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[19]

 

D’après ibn Wahb, selon Bukaïr, ce dernier demanda à Nâfi’ : « Quelle est l’opinion d’ibn ‘Omar sur les Harûrites ?

-          Pour lui, ils sont les pires des hommes, répondit-il, car ils utilisent contre les musulmans des Versets qui furent révélés sur les mécréants. »

 

Très content de cette réponse, Sa’îd ibn Jubaïr fit le commentaire suivant : « Parmi les Versets ambigus que les harûrites utilisent, nous avons : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants][20] ; un Verset auquel ils font joindre : [Après cela, les mécréants lui donnent des égaux].[21] Dès qu’ils voient que l’Imam ne gouverne pas avec justice, ils prétendent qu’il devient mécréant. Or, étant donné que la mécréance consiste à donner des égaux au Seigneur, cela revient à commettre l’association. Ainsi, à leurs yeux, les membres de cette communauté sont des païens.

 

C’est alors qu’ils – les harûrites – s’insurgent et répandent le meurtre, comme nous avons pu le voir, en raison de l’interprétation erronée qu’ils font de ce Verset. »[22]

 

Ibn Taïmiya souligne : « Allah jure par Lui-même que celui qui n’adhère pas (iltazama) au jugement d’Allah et de Son Messager pour les litiges qui opposent les musulmans, n’a pas la foi. Quant à celui qui adhère intérieurement et extérieurement au jugement d’Allah, mais qui, dans un élan de désobéissance, obéit à ses passions, est considéré comme les autres désobéissants musulmans. Concernant le Verset en question : [Non, par Allah ! Ils ne peuvent prétendre à la foi…],[23] c’est le genre d’arguments que les kharijites utilisent pour kaffarles gouverneurs qui n’appliquent pas les Lois d’Allah. Puis, ils prétendent que leur croyance est conforme à la Loi d’Allah… »[24] Sheïkh ibn Bâz a un discours qui va dans ce sens.[25]

 

Conclusion :

 

Les savants ont cherché à établir un critère pour distinguer entre le kufr akbar et le kufr asghar, en se basant sur le terme lui-même. e-Râghib el Asfahânî précise que le terme « el kufr » désigne plus souvent le kufr akbar ; le terme « el kufrân » désigne l’ingratitude et le terme « el kafûr » peut désigner les deux à la fois.[26]

 

Il explique également que le pluriel « el kuffâr », sert le plus souvent à désigner les non-musulmans. L’autre pluriel « el kafara » est plus utilisé pour le kufr e-ni’ma (l’ingratitude) qui ne fait pas sortir de la religion.[27]

 

Nous avons vu qu’ibn Taïmiya distingue entre el kufr avec ou sans « el » pour différencier entre le musulman et le mécréant. Notons que cette considération se fie uniquement au vocable, mais en regard de l’ensemble des textes, les savants établissent qu’il existe deux sortes de kufr ; akbar et asghar.[28] Il n’y a donc aucune contradiction entre ces deux notions, wa Allah a’lam !

 

 

Par : Karim Zentici



[1]Rapporté par el Bukhârî (6104) et Muslim (60).

[2]Hadîth rapporté par Muslim (134).

[3]Voir : iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (1/208-209).

[4]Kitâb e-salât wa hukm târikuha (p. 37).

[5]Fath el Bârî (1/406, 12/55, etc.).

[6]El îmân (p. 43).

[7]Jâmi’ el ‘ulûm wa el hikam (1/63).

[8]Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991).

[9]Pour plus d’explication, voir : Lettre à Mukhlif.

[10] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr de l’érudit ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.

[11]E-salât wa hukm târikuhâ (p. 37).

[12]Idem. (p. 33).

[13]tahkîm el qawânîn (p. 15).

[14]El fisal (3/234).

[15]E-tamhîd (17/16).

[16]Tafsîr el manâr (6/405-406).

[17]Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

[18]La famille d’Imrân ; 7

[19]La famille d’Imrân ; 7 voir : El musannif  d’ibn Abî Shaïba (15/313) et e-sharî’a d’el Ajûrrî (1/343).

[20]Le repas céleste ; 44

[21]Le bétail ; 1

[22]Voir : el i’tisâm de Shâtibî (2/692), e-sharî’a d’el Âjûrrî (1/341-342), et e-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (23/334-335). Il va sans dire que cette accusation ne vise pas les savants traditionalistes qui prennent ces Versets à leur compte pour kaffar celui qui forge des lois.

[23]Les femmes ; 65

[24]Manhâj e-sunna (5/131).

[25]El fatâwâ (6/249).

[26]Mufradât alfâzh el Qur-ân (p. 714).

[27]Idem. (p. 716).

[28]Voir e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî (p. 69).

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:22

 

 

 

 

Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mohammed, ainsi que sur ses proches,

et tous ses Compagnons !

 

L’une des pratiques les plus ignobles, c’est de voir les ignorants taxer les savants musulmans d’apostats. Une telle pratique vient à l’origine des kharijites et des rafidhitesqui condamnaient les responsables musulmans d’apostats. [Majmû’ el fatâwa (35/100).]

 

 

Voici un certain nombre de textes dans lesquels ibn Taïmiya établit que les traditionalistes certes, se donnent le droit de taxer d’apostasie un cas particulier.[1] Cependant, ils soumettent ce jugement à des conditions dont il faut tenir compte avant de se prononcer dans un domaine aussi grave et aussi glissant que le takfîr. Il insiste sur le fait que les compagnons ne faisaient pas la différence entre les usûl (dont le shirk akbar fait partie) et les furû’ pour les erreurs d’interprétation.

 

Voici ses paroles : « Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[2]

 

Il explique ailleurs : « Quant à moi, - ceux qui s’assoient avec moi le savent très bien –, je compte parmi les gens qui défendent avec le plus d’acharnement de condamner une personne en particulier d’apostat, de pervers, ou de désobéissant sauf s’il devient certain que les arguments prophétiques ont été fournis contre elle (qâmat el hudja e-risâliya) de sorte que toute personne qui les contredit soit condamnable d’être soit apostat, soit pervers ou soit désobéissant. J’ai par ailleurs établi qu’Allah pardonne les erreurs commises par les membres de cette communauté : Cela concerne aussi bien les erreurs qui relèvent des masâil el khabariya el qawliya (el usûl pour certains ndt.) que les masâil el ‘ilmiya (el furû’ pour certains ndt.). les anciens se divisent encore sur ces questions. Personne n’a condamné l’un d’entre eux au kufr, au fisq ou à la ma’siya (…) j’expliquais que les paroles des anciens et des grandes références qui parlent du takfir el mutlaq en disant : celui qui fait telle et telle choses est un kafir ; j’expliquais qu’elles étaient justes, mais qu’il incombait également de faire la différence entre le mutlaq (le cas général) et le mu’ayin (le cas particulier). »[3]

 

Certes, ibn Taïmiya établit dans un passage : « Quiconque renie l’aspect obligatoire de certaines obligations notoires (ou pratiques) communément transmises (mutawâtir), comme les cinq prières, le jeûne du ramadhan, le pèlerinage à la Maison Sacrée ; ou l’interdiction de commettre certains péchés notoires et communément transmis, comme la perversité, l’injustice, le vin, les jeux de hasard, l’adultère, etc. ; ou qui conteste certaines choses licites dont la légitimité est notoire et communément transmise comme le pain, la viande, le mariage ; c’est un mécréant apostat qui doit être mis à mort s’il refuse de se repentir. »[4] Cependant, il explique ailleurs que ces choses sont relatives ; elles varient en fonction des époques, des lieux et des personnes.

Pour preuve, il soutient dans un autre passage : « On ne peut taxer d’apostasie (kaffar) un cas particulier avant l’iqama et hujja, comme celui qui renie l’aspect obligatoire de la prière, la zakat, et qui autorise moralement le vin, l’adultère en faisant une erreur d’interprétation (ta-awwal)… comme l’ont fait les Compagnons avec ceux qui s’étaient autorisés le vin. »[5]

 

Ibn Taïmiya dit également : « Le fait qu’une parole relève du kufr n’implique pas nécessairement de kaffar quiconque la prononce par ignorance, ou suite à une erreur d’interprétation.Établir la mécréance sur un cas particulier revient à établir qu’il est concerné par la menace divine, qui est pourtant soumise à des conditions et à des restrictions. »[6]

 

« C'est pourquoi je disais aux jahmites panthéistes et négateurs qui reniaient qu’Allah (U) fût sur Son Trône à l’époque où leur fitna commença ; que si j’avais été l’auteur de vos paroles, j’aurais été un kâfir. Moi, en effet, je sais pertinemment que vos paroles relèvent de la mécréance, mais, à mes yeux, vous n’êtes pas des kuffarétant donné que vous êtes des ignorants. Je m’adressais ainsi à leurs juges, leurs savants, leurs Sheïkh et leurs émirs. À l’origine, leur ignorance provient des arguments de la pensée, de la part de leurs leaders, qui étaient ambigus, car leur bagage dans le domaine des textes authentiques, qui sont conformes à la raison saine, était léger. »[7]

 

« Quiconque croit que son Sheïkh pourvoit à ses besoins, qu’il le soutient, le guide, lui apporte son secours et son aide ; ou qui parfois lui voue l’adoration, des invocations et des prosternations ; ou qui le préfère au Prophète (r) soit dans l’absolu soit en lui reconnaissant certaines distinctions qui le rapprocheraient davantage du Seigneur ; ou que lui ou son Sheïkh sont exempts de suivre le Prophète (r) ; tous ces types d’individus sont des mécréants s’ils affichent ces croyances ou des hypocrites s’ils les tiennent secrètes.

 

Si ces types d’individus sont nombreux à notre époque, c’est parce que ceux qui prêchent le savoir et la foi se font rares et que les traces de la Révélation se sont estompées dans la plupart des pays. La plupart de ces gens-là n’ont pas un héritage suffisant de la Révélation pour leur permettre de connaitre le bon chemin. Beaucoup d’entre eux n’y ont pas accès. Lors des périodes d’affaiblissement ou d’intervalle entre les révélations (fatarât) et les endroits qui accusent ce phénomène, l’individu est récompensé pour la foi infime qu’il détient. Allah pardonne plus facilement à celui qui n’a pas reçu la hujja qu’à celui qui l’a reçue, comme en témoigne le fameux hadîth : « Il viendra une époque où personne ne connaitra ni prière ni jeûne ni pèlerinage ni ‘umra en dehors du vieil homme et de la vieille femme qui diront : « À l’époque de nos parents, les gens disaient : la ilâh illa Allah ! » On demanda à Hudhaïfa ibn e-Nu’mân (t) : « Cela pourra-t-il leur servir ?

-          Cela va les sauver de l’Enfer, répondit-il. »[8]

 

En principe, toute parole qui relève de la mécréance, selon le Livre d’Allah, la sunna et le consensus des savants, est jugée ainsi dans l’absolu (qawl yutlaq), comme le prouvent les arguments textuels ; la foi fait partie des lois qui émanent d’Allah et de son Messager. Elle n’est pas laissée à l’initiative des hommes laissant libre court aux passions et aux suspicions. De plus, toute personne disant ces paroles n’est pas nécessairement un kâfir sans remplir les conditions ni écarter toute restriction possible pour le devenir. »[9]

 

Il souligne dans un autre passage : « Par ailleurs, certains savants de notre école des nouvelles générations ont divergé sur la question de savoir si la personne ayant commis un acte de kufr, est vouée à l’Enfer éternel. La plupart estime que oui, comme le stipule un certain nombre d’anciens spécialistes en hadîth, à l’exemple d’Abû Hâtim, Abû Zur’â et de bien d’autres. D’autres désapprouvent ce jugement.

 

La raison à l’origine de cette divergence, c’est que les textes se « contredisent » à leurs yeux. Ils sont confrontés à des textes qui réclament de kaffar les auteurs de certaines paroles, mais au même moment, ils voient que certains d’entre eux avaient une foi telle, qu’ils n’étaient pas concernés par ce statut. Ainsi, les textes s’opposaient.

En réalité, ils avaient raison de prononcer un jugement absolu, comme l’ont fait ces fameux Imams avec les textes scripturaires ; ils disaient en effet que celui qui dit telle chose est un kâfir. À les entendre, ils donnaient l’impression à ces savants que ce jugement englobait tous les cas possibles. Cependant, ils ne sont pas mis à l’esprit que le takfîr est soumis à des conditions à remplier et à des restrictions à exclure pour chaque cas particulier.

Ainsi, le takfîr el mutlaq (absolu) n’implique pas forcément le takfîr el mu’ayin (particulier), sauf dans la situation où toutes les conditions pour le faire soient remplies et où toute restriction obligeant à s’abstenir soit en même temps exclue. »[10]

 

À suivre…

Par : Karim ZENTICI



[1]Ibn Taïmiya lui-même taxe d’apostasie certaines adeptes du soufisme panthéiste et jahmiste comme el Hallâj, ibn Sab’în, ibn ‘Arabî, el Qunâwî, e-Tlemceni [voir majmû’ el fatawa (2/175), et majmu’ e-rasâil wa el masâil (4/82, 85)].

[2]Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[3]Dans majmû’ el fatâwa (3/229).

[4]Idem. (11/405).

[5]Idem. (7/619).

[6]Voir : minhâj e-sunna (4/458).

[7]E-rad ‘alâ el bakrî (2/494).

[8]Rapporté par ibn Mâja (4049) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (87).

[9]Majmû’ el fatâwa (1/113).

[10]Mujmû’ el fatâwâ (12/487-488).

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:21

 

 

 

 

Les kharijites kaffar la jamâ’a(les traditionalistes ou les musulmans, ou peut-être les Compagnons ndt.), comme les mu’atazilites et les rafidhites kaffar leurs opposants : au meilleur des cas, ils les considèrent comme des pervers (tafsîq). Ainsi, les gens des passions innovent une tendance et vouent à l’apostasie tous ceux qui s’y opposent. Quant aux traditionalistes, ils suivent la vérité de leur Seigneur qui leur est venu du Messager (r). Ils ne kaffar par leurs opposants ; ils connaissent mieux la vérité que tout le monde, et sont les plus cléments envers les hommes. [Manhâj e-sunna (5/158).]

 

Ibn Taïmiya dit : « Les philosophes et les ésotéristes (tiniya) sont des mécréants dont la mécréance est manifeste chez les musulmans[1]… toutefois, celui qui ne les connait pas vraiment ne pénètre pas leur tendance. Il est même possible de qu’il s’imprégner de certaines de leurs idées, pour celui qui ne sait pas que c’est de la mécréance. Il est donc excusable en raison de son ignorance (ma’dhûr li jahlihî). »[2]

 

« Quiconque attribue à un autre qu’Allah ce qui n’appartient qu’à Lui est également un mécréant si la preuve céleste considérant comme mécréant tous ceux qui la délaissent est établie contre lui. »[3]

 

« Les erreurs de ceux qui font un effort d’interprétation dans les deux domaines el khabariya (ou furû’ ndt.) et el ‘almiya (ou usûl ndt.) sont pardonnées. »[4]

 

« Il est interdit de taxer un musulman de mécréant pour un péché ou une erreur qu’il a commis… »[5]

 

« Si quelqu’un se voit établir la preuve contre lui pour avoir commis ce fameux shirk, et qu’ensuite il continue à le faire, il incombe de le mettre à mort et de lui réserver le même traitement que les païens ; il ne faut pas l’enterrer dans un cimetière musulman ni prier préalablement sur lui. Quant à l’ignorant qui n’a reçu aucun savoir (sur le sujet) et qui ne pénètre pas la substance du shirk pour lequel le Prophète (r) fit verser le sang des païens, on ne peut le taxer d’apostasie. »[6]

 

Ainsi, il est interdit de taxer un ignorant d’apostat sans auparavant avoir fourni contre lui les preuves prophétiques (el hujja e-risâliya) lui éclaircissant qu’il va à l’encontre de la loi divine. C’est valable pour n’importe quel auteur d’une parole qui, en elle-même, relève de la mécréance. En sachant que certaines hérésies (bid’a) sont plus graves que d’autres et que certains innovateurs ont une foi plus ancrée que d’autres. Personne n’est habilité à taxer de mécréant n’importe quel musulman qui a commis une erreur. Il ne convient pas de le faire avant de lui expliquer son erreur et d’établir toutes les preuves contre lui. Lorsque la foi est avérée chez un individu avec certitude, on ne peut la lui retirer sur une simple suspicion. La seule chose qui permet de le faire, c’est d’établir toutes les preuves contre lui et de dissiper de son esprit toute ambigüité (iqâmat el hujja wa izâlat e-shubha).[7]

 

Les Textes divins concernant le mauvais devenir de l’homme (wa’îd) et les paroles provenant des grandes références sur les questions du takfîr (taxer quelqu’un d’apostat), dutafsîq (taxer quelqu’un de pervers), et autres, n’impliquent pas qu’ils faillent les appliquer à une personne en particulier sauf si celle-ci répond aux conditions pour le faire et si toute restriction en est exclue.[8]

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya souligne à ce sujet : « Après s’être imprégné des enseignements du Messager (r), il devient évident qu’il n’a jamais légiféré à sa communauté d’invoquer qui que ce soit parmi les morts : Prophètes, gens pieux, etc. ni à travers la formule d’el istighâtha (appel au secours) ou autre ni à travers la formule d’el isti’âna (appel au soutien) ou autre. Il n’a pas légiféré non plus à sa communauté de se prosterner devant un mort, un vivant, ou de faire toute autre chose de ce genre. Nous savons plutôt qu’il (r) a formellement interdit ce genre de choses comme il a jugé ces pratiques relevant de l’association interdite par Allah et Son Messager. Néanmoins, en raison de l’ignorance prépondérante, du nombre restreint de personnes initiées aux traces de la Prophétie parmi les dernières générations, nous ne pouvons pas condamner facilement les gens d’apostats pour ces raisons, avant de les avoir mis au courant des enseignements du Messager stipulant la non-pertinence de leurs pratiques. C’est pourquoi, je n’ai jamais démontré ce point à des personnes imprégnées du principe de l’Islam sans qu’elles se remettent en question en disant : c’est le principe même de la religion. Certains grands doyens expérimentés parmi nos amis disaient : c’est la plus grande chose que tu ais pu nous expliquer, car ils avaient pleine conscience que cela concernait le principe élémentaire de la religion. »[9]

 

Par ailleurs, il faut prendre dans leur sens général les paroles des anciens taxant certaines sectes d’apostasie, comme les jahmites, les qadarites, ou encore les rafidhites. Cela ne veut pas dire qu’il faille les appliquer sur des cas particuliers et que chaque membre de ces sectes est concernée par ce statut.[10] L’imam Ahmed n’a pas kaffar (taxer d’apostasie) chaque jahmite ni tous ceux qui se revendiquent jahmites ni tous ceux qui s’accordent avec certaines de leurs idées. Il a même prié derrière les khalifes jahmites, comme el Ma-mûn qui imposait à ces sujets de suivre sa tendance sous peine de leur faire subir des punitions très sévères. Ahmed ne remettait pas en question leur appartenance à l’islam et consacrait même des invocations en leur faveur.[11]

 

Ainsi, quelqu’un est susceptible de prononcer une parole qui relève de la mécréance, car il n’a pas en main les textes lui permettant de parvenir à la vérité ; ou bien même en sa possession, il remet en question leur sens ou leur authenticité ; ou il n’est pas en mesure de les comprendre correctement ; ou encore est-il accroché a des arguments ambigus qui font obstacle à la bonne compréhension et qui font qu’il est excusable. Allah pardonne au croyant qui qu’il soit, lorsqu’il commet une erreur malgré ses efforts à la recherche de la vérité. Il n’y a pas de différence en cela, entre les questions théoriques (usûl ndt.) ou pratiques (furû’ ndt.) ; cette tendance est celle des Compagnons et de la plupart des grandes références de l’Islam.[12]

 

Allah ne tient pas rigueur de l’erreur et de l’oubli et l’état de mécréance ne peut être constaté avant l’étape d’éclaircissement ou avant d’en fournir les preuves.[13]

 

Concernant les tatars, ibn Taïmiya établit : « Celui qui invoque un autre qu’Allah ou qui fait le pèlerinage pour un autre qu’Allah est un mushrik (païen) et son acte est du kufr (mécréance). Néanmoins, il est possible qu’il ne sache pas qu’il relève du shirk interdit. Comme c’est le cas de beaucoup de ceux qui ont embrassé l’Islam à l’exemple notamment des tatares. Ces derniers avaient des idoles qu’ils encensaient et vers lesquels ils se tournaient, mais ils ne savaient pas que cela était interdit dans la religion musulmane. Ils vouaient également le culte au feu, mais ils ne savaient pas que cela tout autant était interdit. La connaissance de nombreuses formes de shirk peut échapper à des nouveaux convertis, qui ne savent pas que c’est du shirk… »[14]

 

Par : Karim ZENTICI

 



[1]Ibn Taïmiya lui-même, comme nous l’avons souligné, taxe d’apostasie certaines adeptes du soufisme panthéiste et jahmiste comme el hallaj, ibn Sabrîn, ibn ‘Arabî, el Qunâwî, e-Tlemceni [voir majmû’ el fatawa (2/175), et majmu’ e-rasâil wa el masâil (4/82, 85)].

[2] Sharh el ‘aqida el asfahaniya (p. 211).

[3]Majmû’ el fatâwa (1/112) et e-rad ‘alâ el bakrî (p. 214).

[4]majmû’ el fatâwa (20/33).

[5]majmû’ el fatâwa (3/288). Ce passage mérite plus amples détails. Quoi qu’il en soit, Sheïkh el Islam précise ici que, dans la tendance hanbalite, il existe trois opinions concernant le statut de celui qui n’a pas reçu la révélation, et affirme que l’opinion la plus probable est celle disant qu’il est pardonnable !

[6] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[7] Majmû’ el fatâwa (12/393).

[8] Idem. (10/372).

[9] El istighâtha (2/731). Il a expliqué ailleurs : « Si nous citons sans restriction les textes concernant le sort de l’homme dans l'au-delà (el Wa’d wa el Wa’îd) et si nous employons les termes d’apostat (Takfîr) et de pervers (Tafsîq), nous ne pouvons pas faire entrer une personne en particulier dans leur sens général avant d’établir à son encontre ce qu’ils impliquent de façon irréfutable. » [Voir : majmû’ el fatâwâ (28/500-501)].

[10]Voir : el istiqâma (1/164) et Majmû’ el fatâwa (7/619) tout deux d’ibn Taïmiya. À ses yeux, lorsque les savants anciens considèrent apostat (kaffar) l’auteur de la parole : « le Coran est incréé », cela ne veut pas dire que tous ceux qui la prononcent sont des kuffars (mécréants).

[11]Majmû’ el fatâwa (7/507-508).

[12]Majmû’ el fatâwa (23/326).

[13]Idem. (12/523-524). Des textes de ce genre, il en existe beaucoup d’autres. Le D. ‘Abd el Majîd el Mish’abî est l’auteur d’une thèse ayant pour titre ; manhaj ibn Taïmiya fî mas-alat e-takfîr (1/251-261) où il démontre, avec de nombreux textes d’ibn Taïmiya à la clef, que ce dernier tient compte du ‘udhr bi el jahl dans iqâmat el hujja ; voir notamment en vrac : majmû’ el fatâwa (3/231), (5/538), (6/61), (11/406), (11/409-410) (11/412-413), (20/36), (35/165-166), e-rad ‘alâ el Akhnâî (p. 61-62), e-Safdiya (1/233), e-rad ‘alâ el bakrî (p. 259), bughiya el murtâd (p. 311), el istiqâma (1/30), dur e-ta’ârudh (8/238), et el Asfahâniya (p. 127-128).

[14]E-radd ‘alâ el Bakrî (p. 61-62) en ayant résumé légèrement ces paroles.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:20

 

 

 

 

Mohammed Rashîd Ridâ explique : « La preuve céleste n’est pas établie contre celui qui ne comprend pas la prédication… Cette question fut l’objet d’une divergence entre les grands savants contemporains du Najd lors d’une assemblée de l’Imam ‘Abd el ‘Azîz ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Faïsal Âl Sa’ûd à La Mecque. l’argument le plus fort fut en faveur du Sheïkh‘Abd Allah ibn Bulaïhid disant qu’il était essentiel de comprendre la preuve céleste afin qu’elle soit établie ; sa présence en elle-même ne suffisait pas si elle n’était pas comprise. Pour appuyer ses dires, ce dernier s’inspira d’un passage d’ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – qui était clair sur la question. Il parvint ainsi à convaincre les autres membres de l’assemblée. »[1]

 

Il fait certainement allusion au passage d’ibn el Qaïyim dans tarîq el hijrataïn et disant que l’iqâma el hujja varie en fonction des époques, des lieux et des personnes. La preuve d’Allah peut ainsi s’appliquer à certaines époques, à certains endroits et contre certaines personnes ; elle ne s’applique pas contre l’enfant, le fou, celui qui a du mal à comprendre le message et qui n’a personne sous la main pour lui expliquer (ou pour lui traduire) en termes compréhensibles. Le cas échéant, il est comme le malentendant qui, ne comprenant pas ce qu’on lui dit, compte parmi les quatre catégories qui, le Jour de la Résurrection, auront un prétexte devant Allah.[2]

 

Une citation d’Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân vient conforter cette hypothèse. Celle-ci concorde exactement avec la conclusion que nous avons apportée dans l’article Éclaircissement. Voici ce qu’elle dit en parlant du fameux passage de tarîq el hijrataïn : « … ibn el Qaïyim fait uniquement exception à ceux qui n’ont pas accès à la vérité, bien qu’ils la recherchent activement. C’est de ces derniers dont fait allusion les textes des grands spécialistes comme Sheïkh el Islam et son élève. »[3] Il s’attaque ainsi au cœur des revendications d’ibn Jarsîs prétendant, en s’appuyant sur des textes de ces deux Imams, que tous les ignorants sans détail sont excusables. Ainsi, comme nous l’expliquions, l’ignorance n’est pas une excuse en elle-même, mais l’incapacité d’avoir accès à la vérité, à condition, bien sûr, de la rechercher.

 

SheïkhSulaïman ibn Sahmân rapporte les paroles suivantes d’ibn Jarsîs :« Il n’est pas simple de kaffar le musulman. Les savants, comme Sheïkh ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim, sont unanimes à dire que l’ignorant et celui qui commet une erreur et appartenant à cette communauté, fait un acte qui, en principe doit le rendre mushrik ou kâfir, est excusable (ya’dhur bi el jahl wa el khata), jusqu’à ce qu’il ait connaissance de la preuve prophétique de façon claire et limpide et qu’il n’ait aucune confusion sur la question. » Puis, il explique : « Quant à taxer de kâfir un musulman, nous avons vu que les wahhabites ne kaffar pas les musulmans. Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait partie des gens qui prennent le plus de précautions avant de se prononcer sur le takfîr, à tel point qu’il n’est pas formel sur l’ignorant qui implore un autre qu’Allah parmi les occupants des tombes ou autres, s’il ne trouve personne pour le conseiller et pour lui faire parvenir la hujja par laquelle tous ceux qui s’y opposent deviennent mécréant. »[4]

 

Il rapporte également un long passage de tarîq el hijrataïn et qui pose la lumière sur les différentes formes de suivisme aveugle. Puis, il conclu avec une citation de son Sheïkh ‘Abd e-Lâtîf que voici : « … ibn el Qaïyim fait uniquement exception à ceux qui n’ont pas accès à la vérité, bien qu’ils la recherchent activement. C’est de ces derniers dont fait allusion les textes des grands spécialistes comme Sheïkh el Islam et son élève. »[5]

 

Sheïkh ‘Abd Allah Abû Batîn explique à ce sujet : « Prétendre que le Prophète (r) ou un autre peut sauver du châtiment d’Allah ou qu’il peut prendre Sa place est une forme de mécréance manifeste. Nous taxons tout fautif de mécréant après le lui avoir expliqué, s’il est ignorant. »[6] ‘Abd e-Latîf réfute l’accusation selon laquelle l’Imam sortait les gens de la religion sans faire de détails. Il explique qu’il ne se prononce même pas sur celui qui adore l’idole se trouvant sur la tombe d’Abd el Qâdir et celle d’el Badawî en raison de leur ignorance. Il ne diffère en rien de la voie du Prophète (r), sauf que son discours sera plus ou moins détaillé en fonction de la situation.[7]

 

Ailleurs, il met en lumière les véritables intentions d’ibn Taïmiya et d’ibn el Qaïyim sur la question : « Le discours des deux Sheïkh est suffisamment clair dans tous les passages en question. Ces derniers ne kaffar pas les auteurs de certaines paroles ou de certains actes, étant donné que la chose n’est pas facile à détecter pour ces gens-là, et qu’ils n’ont pas reçu la hujja. Ainsi, ils s’abstiennent de condamner certains fautifs au châtiment avant l’étape de l’iqâma el hujja. Ils parlent de questions bien précises et sur lesquelles il existe une divergence entre les savants de la communauté.

 

Quant à l’invocation et l’appel au secours des morts, en s’orientant vers eux lors des moments difficiles, tout le monde s’accorde à dire que c’est interdit et que cela relève de la grande association. Nous avons vu précédemment que le Sheïkh condamne à la peine de mort quiconque refuse de s’en repentir… »[8]

 

Le problème, c’est que Dâwûd ibn Jarsîs ne pénètre pas ces nuances. Il attribue à ibn Taïmiya et à son élève un discours erroné. Il s’imagine qu’ils ne condamnent pas ces pratiques païennes. Pire, il s’imagine que l’erreur dans ces domaines rapporte une récompense dans l’absolu à celui qui n’en a pas connaissance. Or, il incombe de distinguer entre l’acte auquel le Législateur donne le statut d’« association », de « mécréance » ou de « perversité »  et la personne. Le fait qu’une personne peut être excusable, cela ne rend en aucun cas son acte louable. Il y a une différence entre le statut d’un acte et le statut de son auteur.[9]

 

Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn se chargea de réfuter la tendance erronée et véhiculée par Dâwûd ibn Jarsîs et ibn ‘Ajlân. Ces deux hommes l’imputaient à ibn Taïmiya et son élève ibn el Qaïyim. Ils prétendaient que l’erreur d’interprétation rapportait systématiquement une récompense en plus du fait qu’elle était excusable. Ils voulaient faire passer l’idée que seul un obstiné pouvait sortir de l’Islam. Le suivisme aveugle et l’ignorance seraient, à leurs yeux, dans tous les cas excusables.

 

Voici un passage de la réfutation qu’il leur consacra : « Ceux qui polémiquent en faveur des païens s’inspirent de l’histoire de l’homme ayant demandé à sa famille de brûler son corps après sa mort. Ils en concluent que l’ignorant ayant commis un acte de mécréance (kufr) est excusable. Seul un obstiné, à leurs yeux (mu’ânid), peut devenir mécréant…

 

Dans les ouvrages de figh, les légistes – qu’Allah leur fasse miséricorde – définissent l’apostat comme suit : un musulman qui renie sa religion dans les paroles, les actes, la croyance, ou par scepticisme. Or, c’est l’ignorance qui est la cause du scepticisme. Cela impliquerait de ne pas kaffar les Juifs, les chrétiens, ceux qui se prosternent pour le soleil, la lune, et les idoles en raison de leur ignorance ! On devrait dire la même chose pour ceux qu’Ali ibn Abî Tâlib a condamnés au bûché, alors que nul ne doute qu’ils fussent des ignorants. Les savants – qu’Allah leur fasse miséricorde – sont unanimes à sortir de la religion celui qui ne kaffar pas les Juifs et les chrétiens ou qui tout simplement douterait de leur mécréance. Pourtant, nous sommes convaincus que la plupart d’entre eux sont des ignorants…

 

Donner une excuse à celui qui commet du kufr par une erreur d’interprétation (ta-wîl), un effort d’interprétation (ijtihâd), une erreur involontaire (khata), par suivisme ou par ignorance, c’est aller à l’encontre du Coran de la sunna et du consensus. Il n’y a aucun doute là-dessus ! Sans compter que les partisans de cette tendance sont obligés d’aller à l’encontre de leur propre principe. Sinon, nul doute qu’ils deviennent eux-mêmes des mécréants. C’est du même ordre que de s’abstenir de kaffar celui qui doute de la mission de Mohammed (r).

Quant à l’homme qui demanda à sa famille de brûler son corps après sa mort, Allah lui pardonna certes, bien qu’il doutait d’un Attribut divin. La raison, c’est que la preuve céleste ne lui était pas parvenue sur le sujet, comme le prétend plus d’un savant.

 SheïkhTaq-ï e-Dîn [ibn Taïmiya] – qu’Allah lui fasse miséricorde – explique qu’en doutant d’un des Attributs du Seigneur on devient mécréant ; dans le cas d’un individu qui n’est pas censé ignorer ce point. Ce statut n’englobe pas celui qui n’est pas censé le savoir. C’est la raison pour laquelle le Prophète (r) n’a pas kaffar l’homme ayant douté pourtant du Pouvoir d’Allah, étant donné que la preuve céleste ne lui était pas parvenue. »[10]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 



[1]majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/514-519).

[2]Tarîq el hijrataïn (p. 414).

[3]‘aqîda el muwahhidîn wa e-radd ‘alâ e-dhullâl el mubtadi’în (p. 164).

[4]Dhiyâ e-Shâriq (p. 371-372).

[5]Idem. (p. 85-90).

[6]Majmû’ e-rasâil wa el masâil (2/3/130).

[7]Voir : mish e-zhalâm (p. 43).

[8]Voir : minhâj e-ta-sîs (p. 265).

[9]Idem.

[10]El intisâr li hisb Allah el muwahhidîn (p. 16-18) ; voir également : e-durar e-saniya (12/72-73) et (12/85). Je reviendrais plus tard in shâ Allah sur ce discours Abâ Btîn qui peut poser problème pour un lecteur non averti.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:19

 

 

 

 

L’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb reproche à Dawûd ibn Jarsîs d’adhérer à la tendance selon laquelle toute erreur est excusable ou toute interprétation des textes est tolérable, comme s’il n’existait aucune interprétation condamnable (ta-wîl bâtil ou fâsid). Il souligne que les textes d’ibn Taïmiya qu’il utilise ne vont absolument pas dans le sens qu’il lui donne.[1]

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân dit pour sa part : « En commettant une erreur par une mauvaise interprétation (ta-wîl)ou par ignorance, on n’est pas excusable, sauf celui qui est incapable d’avoir accès à la vérité. C’est la raison pour laquelle ibn el Qaïyim précise : « une interprétation qui est excusable ». Il ne parle pas de n’importe quelle interprétation et de n’importe quelle ignorance. Les péchés ne sont pas tous à mettre au compte de l’interprétation et n’offrent pas forcément l’excuse de l’ignorance.

Nous avons vu plus haut que, depuis l’époque de Nûh, la plupart des mécréants (kuffâr) et des païens (mushrikîn) étaient motivés par l’ignorance et une mauvaise interprétation. Nous pouvons dire la même chose pour les adeptes du panthéisme et du monisme et les autres sectes soufies. Les adorateurs des tombes et les mushrikîn, sur lesquels porte la divergence, sont également animés par le ta-wîl… et les chrétiens également. »[2]

 

Ailleurs, Sheïkh ‘Abd e-Lâtîf signe : « … ibn el Qaïyim fait uniquement exception à ceux qui n’ont pas accès à la vérité, bien qu’ils la recherchent activement. C’est de ces derniers dont fait allusion les textes des grands spécialistes comme Sheïkh el Islam et son élève. »[3]

 

Or, nous avons expliqué à maintes reprises que ces choses sont relatives. Comme le souligne ibn el Qaïyim lui-même, l’iqâma el hujja varie en fonction des époques, des lieux et des personnes.[4]

 

Malheureusement, le fameux passage de Tarîq el hijrataïnest parfois mal interprété. Ibn el Qaïyim, pourtant, dévoile ses intentions. Son texte parle d’ahl el fatra, non des musulmans. Texte que je remets ici : « L’Islam, c’est l’unicité d’Allah et Son adoration unique sans lui vouer d’associé ; il consiste également à croire en Allah et à Son Messager (r) et à suivre ses enseignements. Quiconque ne fournit pas cela n’est pas un musulman. Si, certes, il n’est pas un mécréant renieur (kâfir jâhîd), c’est un mécréant ignorant (kâfir jâhil). »[5] Qu’entend ibn el Qaïyim par kâfir jâhil ? La réponse se trouve deux pages plus loin où l’auteur nous y dévoile ses intentions en ces termes : « Allah (U) ne châtie personne avant l’iqâma el hujja, comme le formule les Versets : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager],[6] [Des messagers avertisseurs et annonciateurs afin que les hommes ne puissent opposer à Allah aucun argument après leur venue].[7] Nombreux sont les exemples de ce genre dans le Coran qui nous informe que seul celui qui a reçu le message d’un prophète mérite le châtiment dans la mesure où la preuve divine est appliquée contre lui, et qui correspond au pécheur qui reconnait sa faute. »[8]

La page suivante, il explique encore plus en détail : « Deux individus méritent le châtiment : le premier consiste à se détourner de la preuve d’Allah par négligence et à ne pas la vouloir ni la mettre en pratique ni mettre en pratique ce qu’elle implique. Le deuxième consiste à s’en détourner par orgueil après l’avoir reçue et à délaisser ses implications.

Le premier c’est du kufr i’râdh,

Et le deuxième, c’est du kufr ‘inâd.

Quant au kufr el jahl sans que la preuve d’Allah ne soit venue et sans n’avoir la possibilité d’y avoir accès, c’est ce genre de kufr au sujet duquel Allah n’applique pas le châtiment, pas avant que la preuve prophétique ne soit établie. »[9]

 

Il n’est donc pas question du kufr juhûd, mais du kufr jahl. Dans ce même raisonnement, l’adversaire se sert de certaines paroles de ce même ibn el Qaïyim pour dire que le muqallid (suiveur) ignorant n’est pas excusé par son ignorance. Mais, en réalité, ce même ibn el Qaïyim relativise son discours. Il précise ailleurs en effet, en parlant des adeptes des sectes (khawârij, mu’tazila, murjiya, etc.) qu’ils sont plusieurs catégories d’individus. L’un d’entre eux est un muqallid ignorant qui n’a aucune clairvoyance ; dans son cas, il ne devient ni kâfir, ni fâsiq (pervers), et on ne doit pas refuser son témoignage, étant donné qu’il n’est pas en mesure d’étudier la vérité.[10] Il n’est donc pas question d’une manzila baïna el manzilataïn !

 

Il distingue donc entre le muqallid ignorant de l’époque de la fatra qui est un kâfir jâhil et le muqallid ignorant parmi les musulmans. Et quand bien même son discours engloberait également les muqallid musulmans, il fait allusion à une catégorie bien déterminée, qui est soit de se détourner de la vérité par négligence comme nous l’avons vu avec le kufr i’râdh et tafrît soit de s’en détourner par orgueil, comme nous l’avons vu avec le kufr ‘inâd. L’élève d’ibn Taïmiya nous met en garde de confondre entre les deux formes de muqallid ; entre celui qui a la possibilité d’apprendre et celui qui n’en a pas la possibilité, ce qui rejoint notre raisonnement.

 

Il explique que ces deux catégories d’individus existent bel et bien et que le premier n’est en aucun cas excusable.[11] Il explique ailleurs que la deuxième catégorie d’individu a un autre statut.[12] Si c’est un muqallid jâhil, il est effectivement un mécréant qui est excusable dans le sens où le Jour de la résurrection il sera éprouvé pour rejoindre ensuite soit le Paradis soit l’Enfer. Et si c’est un muqallid musulman, il est excusable dans le sens où il ne perd pas son affiliation à la religion (ism) et son statut d’adepte de l’Islam (hukm), wa Allah a’lam !

 

Les différentes catégories d’individus

 

Pour mieux cerner la divergence sur la question qui règne entre savants, il incombe de mettre en lumière un certain nombre de points.

 

Premièrement : selon l’opinion la plus répandue des traditionalistes, celui qui n’a jamais entendu parler de la législation mohammadienne, et qui en d’autres termes n’a pas reçu la preuve céleste est excusable indépendamment de savoir dans quelle époque et à quel endroit il se trouve. Dès lors, la religion à laquelle il adhère sur terre (juive, chrétienne, païenne) aura une influence sur la relation que nous aurons avec lui.

 

Quant à son statut dans l’au-delà, il est le même qu’ahl el fatra (l’intervalle entre deux périodes prophétiques). Selon la tendance la plus vraisemblable, cette catégorie d’individus sera éprouvée le Jour de la résurrection ; celui qui passera cette épreuve gagnera le Paradis et celui qui échouera sera jeté en Enfer. Allah (I) révèle à ce sujet : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[13]

 

Deuxièmement : il existe plusieurs catégories de mécréants et païens ayant reçu le message prophétique et la preuve céleste, mais qui ensuite n’ont pas embrassé l’Islam :

 

1-      Ceux qui ont renié le message par orgueil.

2-      Ceux qui ne portent pas attention à cette religion et qui s’en détournent.

3-      Ceux qui suivent aveuglément (taqlid) leurs ancêtres, et qui, pour préserver leur rang et leur richesse, ont renoncé à la foi.

 

Il va sans dire que ces trois catégories d’individus ne sont pas musulmans (Juifs, chrétiens, idolâtres, etc.), mais des mécréants d’origine (kuffar asliyun). Ce constat est l’un des principes élémentaires de la religion musulmane.

 

Troisièmement : un adepte de l’Islam qui commet de la grande association délibérément et en tout âme et conscience. Ce cas est le même que les précédents.

 

Quatrièmement : ici se situe la divergence. Autrement dit, est-ce qu’un adepte de l’Islam qui commet une annulation de la religion par erreur (khata), interprétation (ta-wil) ou par ignorance est un mécréant ou devient un apostat ? Ou bien faut-il attendre avant de le condamner qu’il comprenne la preuve céleste ?

 

Les anciens et les grandes références traditionalistes établissent que l’iqâma el hujja est une condition requise avant de se prononcer sur un cas particulier. Il n’existe pas de divergences sur le principe en lui-même, comme nous l’avons vu dans Éclaircissement. Cependant, certains textes des savants de aimmat e-da’wa (les imams de la da’wa najidte) laissent à penser le contraire. Le problème, c’est qu’il faut distinguer dans leur discours entre le statut absolu (hukm el mutlaq) d’un acte et son application sur un cas particulier (hukm el mu’ayin) qui varie en fonction des contextes. Par exemple, Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhab et ses élèves condamnent certains de leurs opposants à la mécréance ou à l’association, étant donné qu’ils se sont chargés eux-mêmes d’établir la preuve céleste contre eux.

 

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 



[1]kashf e-shubhataïn (p. 80-81).

[2]Minhâj e-ta-sîs (p. 45).

[3] Idem. (p. 85-90).

[4] Tarîq el hijrataïn (p. 414).

[5] Tarîq el hijrataïn (p. 411). Mithat ibn el Hasan Âl el farrâj est l’auteur de la recension du livre kitâb mufîd el mustafîd fî kufr târik e-tawhîd de Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb. Mu par un certain zèle, ce qui peut être compréhensible, il reproduit les paroles d’ibn el Qaïyim que nous venons de citer, mais il ne fait pas l’effort de tourner les deux pages suivantes, où il aurait découvert pourtant les vraies intentions de l’auteur.

[6]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

[7]Les femmes ; 165 voir les tafsîr d’el Baghawî et de Shanqîtî.

[8]Tarîq el hijrataïn (p. 413).

[9]Tarîq el hijrataïn (p. 414).

[10]El Qâsimî a rapporté ses paroles dans son tafsîr (5/1309).

[11]Tarîq el hijrataïn (p. 412).

[12]E-tafsîr el qaïyim (p. 359-360).

[13]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:16

 

 

 

 

 

Sheïkhe-Sa’dî, qui était un spécialiste des ouvrages d’ibn el Qaïyim, nous enseigne que notre relation sera différente avec les deux sortes d’individus suivants : les mécréants d’origine qui ne sont pas affiliés à l’Islam et les musulmans qui commettent une annulation de l’Islam. Concernant la première catégorie, aucune distinction n’est faite entre le savant et l’ignorant, dans le sens où tous les deux sont voués à l’Enfer éternel. Pour la deuxième catégorie, les textes du Coran et de la sunna expriment que les erreurs non intentionnelles commises tant dans les usûls que les furû’ constituent une circonstance atténuante avant de se prononcer sur un cas particulier.[1] Le shirk akbar ne fait pas exception à la règle.

 

Ailleurs, il explique : « En un mot, en démentant (takdhîb) Allah ou en démentant Son Messager dans les enseignements qu’il rapporte, on devient mécréant ; ou bien, en n’adhérant pas (lam yaltazim) aux commandements d’Allah et de Son Messager. Toutes ces choses s’opposent à la foi conformément au Coran et à la sunna. Tous les discours des légistes expliquant en détail les formes d’annulations reconnues de l’Islam reviennent à cette cause. »[2] La cause en question, c’est le takdhîb ou ‘adam el iltizâm. Il veut dire que l’origine du kufr a lieu soit au niveau du qawl el qalb, comme chez les chrétiens et certains païens arabes soit au niveau de ‘amal el qalb comme pour Pharaon et les Juifs et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination.

 

L’érudit e-Sa’dî a dit également dans son débat sur le takfîr d’un cas particulier ayant commis un « acte » de mécréance : « Vous avez évoqué, en vous appuyant sur les textes du Coran et de la sunna et du consensus que l’invocation et l’appel au secours des idoles relèvent de la mécréance et de l’association menant à l’Enfer éternel. Point sur lequel il n’y a aucun doute. En revanche, vous mettez sur le même pied d’égalité toutes les formes d’ignorance. D’un coté, nous avons les différentes confessions mécréantes (juive, chrétienne, etc.) qui ne donnent pas foi à la prophétie de Mohammed (r). D’un autre coté, nous avons les ignorants qui donnent foi à tous ses enseignements et qui adhèrent pleinement à son obéissance. Cependant, ces derniers commettent l’association sans s’en rendre compte, en invoquant une créature. Ils pensent ainsi rendre hommage à la personne qu’ils invoquent. À leurs yeux, c’est la religion elle-même qui le leur réclame.

 

Or, faire une telle comparaison est une erreur grossière. Elle va à l’encontre des textes scripturaires (Coran et sunna), du consensus des Compagnons et de leurs fidèles successeurs (tâbi’în). Il est en effet connu de façon élémentaire par tous les musulmans que tous les ignorants mécréants, dont les juifs et les chrétiens, sont voués à l’Enfer éternel. Personne ne peut le contester. L’autre catégorie concerne ceux qui donnent foi à tous les enseignements du Prophète (r) et qui adhèrent totalement à sa religion, mais qui font une erreur dans la croyance, les paroles et les actes soit par ignorance, une mauvaise interprétation ou par suivisme. Allah révèle à leur sujet : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis].[3]

 

La communauté mohammadienne est soulagée des fautes commises par erreur, oubli, ou sous la contrainte. Ainsi, en règle générale, nous taxons de mécréant celui qui commet une faute relevant de la mécréance dans les paroles et la croyance. Cependant, nous pouvons nous abstenir de nous prononcer dans certains cas si une restriction comme l’ignorance vient changer la donne. Il échappe à certains fautifs que leurs actes relèvent de la mécréance ou de l’association. C’est ce qui nous pousse à nous abstenir de les kaffar en personne, bien qu’au même moment nous soyons convaincus qu’ils ont commis du kufr.

 

C’est de cette façon que les Compagnons et leurs successeurs directs (tâbi’în)se comportèrent envers l’innovation (la bid’a). Dès leur époque, plusieurs mouvements hérétiques (kharijisme, mu’atazilisme, qadarisme, etc.) virent le jour. Tous s’accordaient à aller à l’encontre des textes scripturaires de l’Islam. Ils les démentaient et les falsifiaient pour les faire aller dans leur sens, ce qui en soi est un acte de mécréance. Cependant, les anciens s’abstinrent de les sortir un à un de la religion. Ils étaient en effet motivés par une mauvaise interprétation des textes. Les kharijitesdémentaient les textes sur l’intercession et ceux démontrant que les auteurs des grands péchés étaient affiliés à la foi. C’est ce qui les poussa à autoriser moralement (istihlâl) le sang des Compagnons et des musulmans en général. Les mu’tazilites également démentaient les textes sur l’intercession en faveur des auteurs des grands péchés, ils démentaient la prédestinée, les Attributs divins, etc.

 

Il n’y a aucune différence entre ces formes d’apostasie et celle préconisant d’invoquer et de demander secours aux morts. Le ta-wîl est leur dénominateur commun. Dans de nombreux ouvrages (e-radd ‘alâ el bakrî, e-radd ‘alâ el Akhnâî, etc.) Sheïkh el Islâm affirme explicitement que certains de ses contemporains, qui étaient des savants, adhéraient à certaines de ces pratiques païennes. Il explique qu’il est impossible de les kaffar,compte tenue de la propagation de l’ignorance à son époque et de l’atténuation du savoir prophétique. Il faut donc attendre avant de se prononcer de leur démontrer la preuve céleste qui s’applique contre tous ceux qui la renient après l’avoir eu entre les mains. Son discours sur le sujet est connu par tout le monde.

 

Il devient clair que l’ignorance, le suivisme aveugle, et la mauvaise interprétation des textes – non basée sur l’obstination – sont des facteurs atténuants. Ils nous empêchent de condamner ces cas particuliers à l’apostasie…

 

dire que le Verset en question, et bien d’autres arguments textuels, font allusion aux erreurs commises dans les questions subsidiaires de la religion, non sur les questions élémentaires est une allégation dénouée de tout fondement. Ni le Coran ni le Prophète (r) ne font cette distinction.[4]Nous avons souligné plus haut que les anciens n’ont pas kaffar les premiers innovateurs dont les erreurs d’interprétation touchaient aux questions élémentaires de la religion, comme les Attributs parfaits d’Allah. Le tawhîd tourne autour de deux principes : la reconnaissance de ces fameux Attributs et l’unicité du culte.

 

Si nous donnons des circonstances atténuantes à un cas particulier qui fait des erreurs (ignorance, mauvaises interprétations des textes, et suivisme aveugle) dans le premier domaine, nous devons le faire pour celles qui touchent au second ; et cela, pour les mêmes raisons. La restriction qui est valable pour l’un est aussi valable pour l’autre. La mission du Messager (r) portait indistinctement sur ces deux domaines. Les hérétiques de sa communauté se sont égarés dans l’un ou l’autre domaine, voire dans les deux à la fois. Ils vont à l’encontre des enseignements connus de façon élémentaire par tous les musulmans. Le Prophète (r) avait pourtant mis en garde contre l’hérésie. C'est pourquoi s’obstiner à renier ses enseignements qui touchent à ces deux domaines, après en avoir eu connaissance, relève de la mécréance incontestable.

Un musulman qui adhère à l’Islam au niveau du cœur et des actes peut s’égarer dans certains points, car il n’a pas les éléments en mains pour le faire parvenir à la vérité. Dans ce cas, nous ne sommes pas formels sur son apostasie, étant donné qu’il existe une restriction faisant obstacle à cette condamnation. D’où l’importance d’établir contre lui la preuve céleste ; une preuve céleste qui s’applique contre tout obstiné (mu’ânid).[5]

 

C’est pour cette raison, et vous êtes d’accords avec nous, que nous nous sommes abstenus dekaffar certains cas comme e-Sarsarî, qui appellent à invoquer, à rechercher le secours du Prophète (r), et lui demander de répondre aux besoins. Ces derniers sont directement concernés par les paroles de Sheïkh el Islamauxquelles nous avons fait allusion précédemment.

 

Par ailleurs, vous dites qu’il n’y a pas la moindre hésitation à kaffar celui qui renie la Résurrection, comme le révèlent les textes du Coran et de la sunna. Ils ne font pas la différence, selon vos dires, entre le fait d’être motivé ou non par l’obstination.

Ce à quoi nous pouvons répondre que cette question est du même registre. Les erreurs d’interprétation offrent des circonstances atténuantes. Ces erreurs sont courantes dans le domaine des Attributs divins et de l’Unicité chez beaucoup de ceux qui donnent foi à tous les enseignements du Prophète (r). Cependant, il est rare de trouver quelqu’un qui renie la Résurrection [tant elle coule de source]. Malgré cela, en supposant qu’un bédouin ou un nouveau converti n’en ait pas connaissance, nous devons le mettre au courant. C’est seulement après cette démarche que nous pourrons le sortir de l’Islam.

 

Quiconque croit en Allah et à Son Messager, et qui adhère totalement à leur obéissance, mais qui renie un enseignement de la religion par ignorance (il peut ignorer que le Messager l’ait apporté), nous devons nous abstenir de nous prononcer sur son cas. Nous reconnaissons que son acte fait sortir de la religion, mais il bénéficie d’une circonstance atténuante, qui est l’ignorance. Il n’y a pas de différence en cela entre les questions élémentaires et les questions subsidiaires de la religion. La mécréance consiste à renier tout au partie les enseignements du Prophète (r) et en toute âme et conscience. Ainsi, nous pouvons mieux distinguer entre un suiveur mécréant[6]et un croyant qui renie un enseignement de la religion, soit par égarement et ignorance, soit par obstination et en toute connaissance de cause. » [7]

 

Wa Allah a’lam !

 

Par : Karim Zentici

 



[1]El irshâd ilâ ma’rifat el ahkâm (p. 556-558).

[2]El irshâd ilâ ma’rifa el ahkâm (p. 210).

[3]La vache ; 286

[4]Voir pour une explication détaillée de ce principe : majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (23/346-347).

[5]Voir : majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (12/180).

[6]Voir : tarîq el hijrataïn d’ibn el Qaïyim (411-412).

[7]fatâwâ e-sa’diya (578-584) ; voir : El irshâd ilâ ma’rifat el ahkâm (p. 558-559).

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 05:11

L’amour et la haine en Dieu

(Partie 1)

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

La hanîfiya millat ibrâhîm

 

Le musulman doit connaitre la religion fidèle (el hanîfiya) et la confession d’Ibrahim (millat ibrâhîm).[1] Étymologiquement, le hanaf est un penchant [soit positif (attirance) soit négatif (répulsion)]. La hanîfiya est donc la religion qui se détourne du shirk pour s’orienter vers le tawhîd. Ibrahim (u) était fidèle (hanîf) et soumis (muslim) à Allah. Il se détournait complètement de l’association pour s’orienter de tout son être vers l’unicité et le culte exclusif (ikhlâs). [Ibrahim était un exemple, dévoué et fidèle à Allah, et il ne comptait pas parmi les païens • Reconnaissant envers Ses bienfaits ; Il l’a choisi et l’a guidé sur le chemin droit].[2] Hanîf est l’une des particularités extraordinaires par lesquelles se distinguait le « Patriarche ». Il en avait d’autre : [Puis, Nous t’avons révélé : suis la religion d’Ibrahim, fidèle à Allah][3] ; [Ô gens du Livre, pourquoi polémiquez-vous sur Ibrahim, alors que la Thora et l’Évangile ne furent révélés qu’après sa mort ? N’êtes-vous pas sensés ?][4] ; [Ibrahim n’était ni Juif ni chrétien, mais il était fidèle et soumis à Allah, et il ne comptait pas parmi les païens • Les gens les plus proches d’Ibrahim sont ceux qui l’ont suivi, ainsi que ce Prophète et les croyants ; Allah est certes l’Allié des croyants].[5]

 

 Ainsi, le serviteur fidèle avait pour confession la hanîfiya qui est fondée sur l’adoration exclusive du Seigneur de l’Univers. C’est pourquoi, Allah (U) a ordonné à Son Prophète (r) de suivre la religion d’Ibrahim dans le Verset suivant : [Puis, Nous t’avons révélé : suis la religion d’Ibrahim, fidèle à Allah, il ne comptait pas parmi les païens].[6] Il a imposé à ses adeptes de faire la même chose : [Il vous a élu, et n’a mis aucune contrainte en religion, la confession de votre père Ibrahim ; lui, qui vous avait appelés musulmans auparavant et dans ce Livre, afin que le Messager soit témoin contre vous et que vous-mêmes soyez témoins contre les hommes].[7] La religion à laquelle appelait le père d’Ismâ’îl est celle de tous les prophètes sans exception. [Nous avons mis dans sa descendance, la prophétie et le Livre].[8] Ils sont tous de la lignée d’Isrâîl, le petit-fils du Patriarche (u), à l’exception de Mohammed qui est issu de la branche d’Ismâ’îl. Ainsi, tous les prophètes remontent à la même lignée. C’est un hommage qu’Allah rend à son Ami (r). Ce dernier est un Imâm pour les hommes, dans le sens d’exemple à suivre : [Il dit : Je ferai de toi un exemple pour les hommes][9] ; exemple (Imâm) dans le sens de modèle à suivre. [Ibrahim était une umma][10] : dans le sens d’imâm qui mérite d’être imité.

 

[Seul un esprit insensé peut se détourner de la religion d’Ibrahim ; Nous l’avons élu sur terre et il compte dans l’au-delà parmi les pieux • Lorsque Son Seigneur lui ordonna de se soumettre, il répondit : je me soumets au Seigneur de l’univers][11] ; (Ibrahim la recommanda à ses enfants, ainsi que Ya’qûb : Mes enfants ! Allah a désigné pour vous Sa religion, alors restez-y soumis jusqu’à la mort)[12] ; [Et lorsque nous indiquâmes à Ibrahim l’endroit de la Maison… Ne M’associe rien, et purifie Ma Maison pour les fidèles qui font le tawâf et qui se tiennent au cours de la prière debout, inclinés et prosternés].[13] 

 

Allah ordonne à toute la création de suivre cet exemple comme le révèle le Verset : [Je n’ai créé les hommes et les djinns que pour qu’ils M’adorent Je n’attends d’eux ni subsistance ni nourriture • C’est Allah qui pourvoit aux besoins et qui détient la force inébranlable].[14] Ibrahim invita les hommes à vouer le culte à Allah (U), de la même manière que tous les autres prophètes. Ces derniers avaient la même mission d’adorer le Seigneur et de délaisser les idoles, comme dans le Verset : [Nous avons envoyé à chaque communauté un messager [disant] : adorez Allah et éloignez-vous du tâghût],[15] [Il leur fut simplement ordonné d’être fidèles à Allah en lui vouant le culte exclusif].[16]

 

En revanche, les différentes Législations prophétiques, qui s’incarnent dans les obligations/interdictions, et licites/illicites, varient d’une nation à une autre en fonction des besoins du moment. Allah établissait une Législation qu’Il abrogeait ensuite par une autre, et cela, jusqu’à l’avènement de l’Islam. La dernière révélation est venue abroger toutes les anciennes lois célestes sans exception. Celle-ci restera en vigueur jusqu’à la fin du monde.

 

La religion des prophètes est fondée sur le principe immuable de l’unicité (tawhîd). Elle ne peut donc subir d’abrogation. Il existe une seule religion qui est l’Islam, incarnant le tawhîd, et qui consiste à vouer le culte exclusif à Allah. Si les lois sont sujettes à l’abrogation, ce n’est pas le cas pour le principe du tawhîd sur lequel repose la religion des prophètes depuis Adam jusqu’au dernier d’entre eux. La croyance est toujours la même, tous appellent au tawhîd et à l’adoration d’Allah. Cette adoration consiste à obéir au Seigneur conformément à la Loi céleste en vigueur à l’époque où on vit. Puis, à l’avènement d’une nouvelle Loi, il incombe d’abandonner l’ancienne. Dès lors, l’adoration consiste à suivre la Législation la plus récente.

 

Allah a ordonné à tous les hommes de l’adorer uniquement en Lui vouant le culte exclusif. Cet ordre, qui s’adresse à toute l’humanité, porte sur deux choses : l’adoration et l’ikhlâs. Allah (I) révèle : [Ô vous les hommes ! Adorez Votre Seigneur qui vous a créés, vous et les peuples avant vous ; ainsi le craindrez-vous • Lui, qui a fait pour vous de la terre un tapis et du ciel un édifice. Il fait descendre du ciel une eau par laquelle Il fait sortir toute sorte de fruits assurant votre subsistance. Ne donnez pas des rivaux à Allah, alors que vous savez].[17] Allah n’a pas d’égal, de rival, de pareil ni d’équivalent. Ce passage vient interdire les deux formes d’association (grande et petite). Il s’adresse à tout le genre humain. [Et Il vous a soumis tout ce qu’il y a dans les cieux et la terre ; tout venant de Lui].[18] La création est mise à disposition des êtres doués de raison en vue de les aider à accomplir la tâche qui leur fut imposée, et pour laquelle ils furent créés.

 

La hanîfiya est donc la confession de tous les hommes qui reçurent la Révélation. Elle appelle au tawhîd et combat le shirk. La milla d’Ibrahim associe deux éléments : l’adoration et la sincérité exclusive (iklhâs). L’un ne va pas sans l’autre. Les rites (prière, jeûne, aumône, grand et petit pèlerinage, etc.) n’ont aucune valeur sans l’iklhâs. L’iklhâs a deux antonymes : l’ostentation (riyâ, sum’a) et l’association (ex. : l’immolation, l’invocation, l’appel au secours des idoles).

 

En faisant du shirk, on ne peut prétendre à la milla d’Ibrahim (r). Malheureusement aujourd’hui, bon nombre de gens qui se revendiquent musulmans sont éprouvés par la grande association (shirk akbar). Ex. : l’invocation des saints, l’adoration des mausolées et des tombes, l’appel au secours des morts, etc. Ils se prétendent pourtant musulmans, mais ils n’ont aucune idée de la confession d’Ibrahim (r) que Mohammed (r) nous a véhiculée. Il est possible également qu’ils l’aient transformée en toute connaissance de cause, ce qui, en soi, est bien plus grave.

 

La religion d’Ibrahim s’oppose catégoriquement au shirk. On ne peut à la fois être musulman et faire de l’association. D’où l’importance d’être éclairé sur la religion, de la mettre en pratique, et d’y adhérer pleinement. Toute forme de shirk (mineur ou majeur) doit complètement être absente de nos rites. La hanîfiya réclame de se détacher totalement de l’association et de se tourner de tout son être vers le tawhîd qui consiste à vouer le culte exclusif à Allah.

 

Le walâ wa el barâ

 

Il s’agit de la notion d’alliance (muwâlâ) en Islam qui est liée au tawhîd.[19] Autrement dit, l’unicité réclame de faire alliance avec les alliés d’Allah et de se désolidariser de Ses ennemis. Muwâlâ et walâ sont synonymes. Le walâ fait particulièrement à allusion aux sentiments émanant du cœur, mais aussi à l’appui et au soutien concret que l’on apporte à ceux avec lesquels on est uni par ce lien. On parle aussi de walâ dans les questions d’héritage et de prix de sang que l’entourage du meurtrier verse à la famille de la victime.

 

Le musulman se joint aux alliés d’Allah, dans le sens où il leur consacre tout son amour et où il fait front commun avec eux ; en sachant que les liens seront plus ou moins forts entre les membres de la communauté, en fonction des liens qu’ils ont les uns envers les autres. Allah (I) révèle : [Cependant, ceux qui sont liés par la parenté sont encore plus proches les uns des autres].[20] Dans les affaires d’homicide involontaire, le prix du sang revient à tous les musulmans. C’est ce qu’on appelle la solidarité collective (takâful). Toutes ces questions entrent dans la notion d’alliance entre les membres de la communauté. Ainsi, il ne peut y avoir de walâ envers un non-musulman. Le sentiment d’amour, l’héritage, le versement du prix du sang, la tutelle pour le mariage, la fonction de magistrat sont réservés aux adeptes de l’Islam : [Allah ne donnera pas aux infidèles de l’emporter sur les croyants].[21] Cette distinction entre les rangs est nécessaire. Il n’est pas permis aux monothéistes fidèles aux commandements du Messager (r) de faire alliance avec les adversaires d’Allah.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 



[1] Voir : Sharh el usûl e-thalâtha, Sharh nawâqidh el Islam, et Sharh majmû’ el rasâil fi el ‘aqîda de Sheïkh el Fawzân.

[2]Les abeilles ; 120-121

[3]Les abeilles ; 123

[4]La famille d’Imrân ; 65

[5]La famille d’Imrân ; 67-68

[6]Les abeilles ; 123

[7]Le pèlerinage ; 78

[8]L’araignée ; 27

[9]La vache ; 124

[10]Les abeilles ; 120

[11]La vache ; 130-131

[12]La vache ; 132

[13]Le pèlerinage ; 26

[14]Les vents qui éparpillent ; 56-58

[15]Les abeilles ; 36

[16]La preuve évidente ; 5

[17]La vache ; 21-22

[18]La nation agenouillée ; 13

[19]Voir : Sharh el usûl e-thalâtha, Sharh nawâqidh el Islam, et Sharh majmû’ el rasâil fi el ‘aqîda de Sheïkh el Fawzân.

[20]Le butin ; 75

[21]Les femmes ; 141

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